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islam - Page 35

  • Le Qatar et la banlieue...

    Vous pouvez regarder ci-dessous une très bonne chronique d'Éric Zemmour sur RTL, datée du 25 septembre 2012 et consacrée à la question du fond d'investissement du Qatar pour les banlieues...

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  • Nos ancêtres les Germains ?...

    Les éditions Tallandier publient cette semaine une étude historique de Laurent Olivier, intitulée Nos ancêtres les Germains - Les archéologues au service des nazis. Archéologue lui-même et conservateur au musée de Saint-Germain-en-Laye, l'auteur, au travers de ce livre souligne le caractère éminement politique de cette science qui fait parler les ruines et les traces... Pour d'autres exemple, plus contemporains, d'Israël aux Etats-Unis en passant par l'Inde, de cette politisation de l'archéologie, nous ne pouvons que renvoyer les lecteurs intéressés vers l'essai de Jean-Pierre Payet,  La guerre des ruines (Choiseul, 2010). 

     

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    "« Le métier d’archéologue n’est pas une pratique innocente. Il interroge les origines à partir desquelles nous envisageons notre identité collective.

    De quelles cultures du passé nous pensons-nous les héritiers, de quels peuples anciens nous considérons-nous les plus proches ? […]

    Depuis la Seconde Guerre mondiale, cette profession cache le rôle qu’a joué la recherche allemande au service du nazisme. Plus que toute autre organisation professionnelle, les archéologues allemands ont soutenu massivement l’idéologie du régime. Après la conquête des territoires à l’Ouest du Reich, ils se sont engagés dans une entreprise dirigée par les plus hautes instances du parti nazi ou de la SS. Ce projet visait à démontrer que, depuis la Préhistoire, les pays conquis étaient des terres de colonisation germanique. En France occupée, les chercheurs envoyés par les autorités nazies ont bénéficié de la coopération des archéologues français. Pour la plupart, ceux-ci leur ont apporté leur aide. Certains sont allés très loin, appelant, au nom de ces prétendues racines germaniques préhistoriques, à l’annexion d’une partie de la France au territoire de l’Allemagne nazie. »

    Des recherches sur le mégalithisme breton, en particulier à Carnac, à l’effacement des pertes territoriales dues au Traité de Versailles (démontrer que le mur d’enceinte du Mont Sainte-Odile avait été édifié par les germains vers 200 av. JC pour protéger l’Alsace contre les incursions des Gaulois), la « science historique » nazie tentait de montrer que, depuis les origines de l’humanité, les grandes civilisations étaient d’origine biologique « aryenne ».

    Wilhelm Reusch, directeur du Landesamt de Metz dira, à propos du programme de fouille de la nécropole mérovingienne d’Ennery (rebaptisé Hochschloss), que l’objectif est de « lever le voile d’ombre qui recouvre l’ancienne histoire germanique de notre pays ».

    En 1941, la tapisserie de Bayeux est même présentée comme un « élément inestimable pour la connaissance de la Préhistoire germanique » !

    Cette « nouvelle archéologie » allemande fut servie avec enthousiasme par une génération de jeunes chercheurs qui poursuivirent brillamment leur carrière après 1945. Cette continuité a directement contribué à entretenir une véritable omerta sur le passé nazi de la discipline archéologique.

    Ces dernières années, l’étude des archives européennes révèle l’étendue de cette entreprise d’instrumentalisation au profit de l’idéologie nazie et souligne l’importance de cet encombrant héritage dans l’archéologie européenne actuelle."

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  • Alain de Benoist répond aux "Fils de France"...

    Nous reproduisons ci-dessous les réponses données par Alain de Benoist aux questions de l'association "Fils de France". Cette association regroupe des Français de confession musulmane qui se réclame d'un islam français, « lequel est parfaitement à même de respecter les ancestrales valeurs françaises tout en prônant, non pas une “intégration”, concept aux contours flous, mais une “acculturation” à ce substrat national, façonné par deux mille ans d’histoire, quarante rois, deux empires et cinq républiques.»

    La charte de cette association est consultable ici.

     

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    À en croire la lecture de vos mémoires, vous êtes en meilleure compagnie avec Homère plutôt qu’avec celle de saint Thomas d’Aquin. Qu’en est-il de celle de Mohammed ?

    Disons que je n’ai pas fréquenté le troisième aussi assidûment que les deux premiers ! Mais on ne peut comparer que ce qui est comparable. Mohammed a été le fondateur d’une religion, ce qui n’a pas été le cas d’Homère ni de Thomas d’Aquin. Homère est l’auteur d’une œuvre poétique et littéraire immense, qui est à coup sûr l’un des fondements spirituels majeurs de la culture européenne dans ce qu’elle a de plus authentique. Rien à voir, là non plus, avec Mohammed, dont le Coran (29,48) nous dit qu’il était « illettré » (ummî) avant la révélation qu’il dit avoir connue.


    De même, vous émettez des réserves philosophiques quant à la religion catholique en tant qu’objet social public et donc, par là même, légitimement susceptible d’être sujet à la critique. Vos éventuelles réserves vis-à-vis de l’islam sont-elles de même nature ?

    Philosophiquement parlant, je n’appartiens pas à la tradition monothéiste. Dans de nombreux écrits, j’ai expliqué la nature de ce que vous appelez mes “réserves” à son endroit. Elles valent nécessairement pour toutes les religions qui se réclament d’un Dieu unique. Cela ne m’empêche pas d’être bien conscient, en même temps, des différences ou des spécificités qui existent entre elles. Ma critique, encore une fois, n’est pas dogmatique. C’est une critique intellectuelle et philosophique, que je fais en conscience, et qui représente l’aboutissement d’un itinéraire de pensée sur lequel je me suis également expliqué.

    Certains catholiques de tradition estiment que l’islam s’est bâti contre le catholicisme. Ne serait-ce pas plutôt le cas du messianisme des protestants américains, ayant donné naissance aux USA, seule nation au monde à ne pas entretenir de relations diplomatiques avec le Vatican ?

    L’islam en tant que religion ne s’est évidemment pas bâti contre le catholicisme (ni d’ailleurs contre le christianisme, les deux termes étant alors synonymes). Il prétend seulement parachever la révélation monothéiste. Le cas du protestantisme est tout à fait différent. Il représente une scission au sein du christianisme occidental, né d’une « protestation » contre Rome. C’est en quelque sorte une hérésie qui a réussi.

    Toujours à propos de certains catholiques de tradition, que vous inspire ceux qui estiment que ce qui se passe à Jérusalem « ne les regarde pas », comme si de tous les chrétiens persécutés dans le monde, ceux de Palestine étaient les seuls à ne pas mériter leur commisération ?

    Ceux qui pensent que ce qui se passe à Jérusalem « ne les regarde pas » sont tout simplement des imbéciles, qu’on pourrait comparer aux plus obtus des know-nothing américains. Dans un monde globalisé, où tout retentit sur tout, il est évident que nous sommes tous concernés par ce qui passe en Palestine, et que nous le sommes d’autant plus que c’est aujourd’hui l’une des régions du monde où l’actualité est la plus fondamentalement décisive : l’avenir du monde dépend pour une large part de ce qui va se passer dans les années et les décennies qui viennent au Proche-Orient.

    Dans le cas des “catholiques de tradition”, leur attitude est d’autant plus surprenante qu’ils devraient être encore plus sensibles que les autres à ce qui se passe sur la terre où Jésus a vécu et a été crucifié. Ce sont par ailleurs des milieux qui prétendent défendre les « chrétiens menacés » partout dans le monde, mais que l’on n’entend guère lorsqu’il s’agit du sort des chrétiens de Palestine. Ignorent-ils qu’il y a des chrétiens arabes en Palestine ? Je crois plutôt qu’ils ne l’ignorent nullement, et qu’ils savent très bien que ces chrétiens-là sont parfaitement solidaires de la résistance palestinienne à l’occupation israélienne.

    Mais c’est là que le bât blesse. Leur sympathie de principe pour Israël, avouée ou inavouée, mais toujours paradoxale (quand on se souvient des prétentions historiques de l’Église à incarner le verus Israel), les rend indifférents aux souffrances des chrétiens de Palestine. Cela donne, si j’ose dire, la mesure de leur bonne foi.

    Dans vos mémoires, vous dénoncez ces gens, de gauche comme de droite, qui estiment qu’il y a des hommes en trop sur Terre. Les Français musulmans seraient-ils des Français de trop en France ?

    Il n’y a pas pour moi d’« hommes en trop sur la Terre ». Il n’y en aurait que si la croissance démographique excédait les ressources de la planète ! Mais ce n’est pas dans ce sens que le politologue Claude Lefort employait cette expression. Il faisait seulement allusion à cette idée, effectivement répandue à gauche comme à droite, selon laquelle tous les problèmes auxquels nous sommes confrontés résultent purement et simplement de l’existence de certaines catégories d’êtres humains. Il suffirait d’éliminer ces « hommes en trop » pour que la vie redevienne simple. C’est le phénomène classique du bouc émissaire.

    Pour moi, il n’y a pas de boucs émissaires. Les Français musulmans ne sont pas des « Français de trop en France », pour la simple raison qu’à mon sens, même si beaucoup affirment bruyamment le contraire, on peut très bien être musulman et français. On peut en revanche très bien considérer qu’il y a « trop d’immigrés » en France, en ce sens que l’immigration massive à laquelle nous avons assisté depuis trente ans excède désormais largement nos possibilités d’accueil, et qu’il en résulte toute une série de pathologies sociales dont les premières victimes sont les classes populaires.

    Quand l’immigration dépasse un certain seuil, elle devient inévitablement une colonisation, au sens premier du terme. J’ai toujours condamné le colonialisme, ce n’est pas pour accepter aujourd’hui une colonisation en sens inverse. Je ne condamne pas cette immigration trop massive par chauvinisme ou par xénophobie, mais parce que j’y vois un déracinement forcé dont le seul bénéficiaire est le patronat. L’immigration, c’est l’armée de réserve du capital.

    À en croire Emmanuel Todd, l’actuel système politico-médiatique, fondé sur une économie de marché devenue société de marché, a eu la peau de deux autres contre-systèmes fondés sur la transcendance, l’Église catholique et le Parti communiste. Et le seul qui résiste encore, c’est l’archaïsme musulman, le vocable d’archaïsme étant à prendre en son sens noble. D’où l’actuelle islamophobie de nos “élites”. Votre avis ?

    L’islamophobie qui submerge aujourd’hui l’Europe occidentale a des causes diverses. Elle résulte principalement d’une confusion, plus ou moins entretenue par certains, entre l’immigration, la religion musulmane, le monde musulman, l’islamisme, le “terrorisme islamique”, etc., alors que ce sont là des problèmes différents. Les réactions hostiles à l’immigration ont évidemment servi de détonateur, puisque la majorité des immigrés sont musulmans. Il n’en est pas moins évident qu’on peut être musulman sans être immigré, ou immigré sans être musulman.

    Si l’immigration se composait uniquement de bons catholiques originaires de l’Afrique subsaharienne, les problèmes seraient en outre exactement les mêmes. Quoi qu’il en soit, des représentations plus ou moins fantasmées de l’islam se sont dans ce contexte répandues un peu partout, souvent sous l’influence “d’islamologues” autoproclamés ou d’adeptes de la très américano-centrée théorie du Choc des civilisations. La façon dont, en France, la critique de l’immigration s’est progressivement muée en critique de « l’islamisation » est à cet égard significative. Dans les franges les plus convulsives de l’opinion, « l’islamisation » désigne tout simplement le fait que les musulmans puissent normalement pratiquer leur religion dans notre pays, alors que personne n’interprète comme « judaïsation » le fait que les juifs puissent pratiquer la leur.

    Cette islamophobie, qui ne touche malheureusement pas que les “élites”, traverse les différentes familles politiques, ce qui va me permettre de répondre plus précisément à votre question. L’une des critiques les plus constamment adressées à l’islam est en effet son “archaïsme” (ses pratiques “d’un autre âge”, ses valeurs “dépassées”, le rôle qu’il attribue au respect, à l’honneur, au chef de famille, au sacré, sa propension à l’endogamie, etc.). Ces critiques sont tout à fait naturelles de la part des adeptes de la théorie du progrès et des défenseurs d’une “modernité” qui a fait de la consommation et du marché, c’est-à-dire du matérialisme pratique, l’alpha et l’oméga de la vie sociale.

    Ce sont d’ailleurs exactement les mêmes critiques qu’ils adressaient autrefois aux communautés enracinées de “l’Ancien Régime”, aux valeurs prémodernes fondées sur l’éthique de l’honneur. Ce qui est plus surprenant, c’est de voir une certaine “droite de tradition” se rallier aujourd’hui bruyamment à cette critique dont son propre héritage a été la victime dans le passé. Ceux qui combattaient la laïcité à l’époque des lois sur la séparation de l’Église et de l’État se joignent au chœur des défenseurs du laïcisme “républicain”.

    Ceux qui exaltaient des valeurs traditionnelles déjà dénoncées comme “archaïques” (c’est-à-dire comme tenant leur autorité de l’ancienneté de la tradition) à l’époque des Lumières, se transforment en champions d’une modernité qui se félicite de s’être édifiée sur les ruines des sociétés traditionnelles et la liquidation méthodique des valeurs du passé. Spectacle sidérant. Ajoutons, sans entrer dans le détail (le sujet est immense), qu’il y aurait aussi beaucoup à dire sur la façon dont le “virilisme” des sociétés musulmanes heurte de plein fouet une société occidentale de plus en plus dominée par les valeurs féminines…

    Dans le même ordre d’idées, dès que l’islam est évoqué en France, c’est encore en termes de marché : viande hallal, lignes de vêtements islamiques pour femmes, voire horaires de piscine réservés à tels ou telles : comme si l’islam était devenu un marché comme les autres. Votre avis ?

    Je ne vois rien de choquant à ce que les musulmans souhaitent manger halal, exactement comme les juifs veulent manger kasher. Bien entendu, je trouve également normal que ceux qui ne veulent manger ni halal ni kasher aient la liberté de le faire. Ce n’est pas le cas aujourd’hui, non parce que les musulmans veulent « islamiser » la France, mais parce que de bons Français propriétaires d’abattoirs trouvent plus économique de supprimer l’étourdissement des animaux en alléguant une demande de viande halal qui excède largement la réalité. Le haut niveau d’exigence des lois sur la cacherout a aussi pour résultat que les parties du corps des animaux tués selon le rite juif qui sont jugées impropres à la consommation pour des raisons religieuses, sont recyclées dans le circuit “classique”.

    D’une façon plus générale, je ne suis pas hostile à ce que les différentes communautés aient la capacité légale de pratiquer des rites ou des coutumes qui leur sont propres aussi longtemps que cette pratique ne porte pas atteinte à l’ordre public (c’est le cas par exemple de la circoncision, qui ne contrevient pas à l’ordre public, bien qu’en toute rigueur elle contredise les dispositions légales interdisant les mutilations corporelles sur autrui).

    Lorsque l’ordre public est en jeu, c’est la loi commune qui doit s’appliquer – ce qui implique évidemment que celle-ci soit acceptée et reconnue par tous. C’est ainsi que j’ai pris position contre l’interdiction du voile islamique pour les élèves des établissements scolaires, car j’estime que le port du voile ne porte pas atteinte à l’ordre public. Il n’en va pas de même de la burqah.

    Être pleinement français tout en vivant sa religion musulmane, cela apparaît impossible à nombre de gens de droite, mais aussi de gauche, qui sont les premiers à défendre le défunt empire colonial français qui, paradoxe, a fait alors de la France la première puissance musulmane au monde. Schizophrénie ?

    La France tolérait très bien l’islam lorsqu’il était pratiqué dans des pays qu’elle avait conquis, et dont les habitants étaient privés de tout droits politiques. Dans certains cas, elle voyait même dans la religion musulmane un facteur de “modération”. N’oubliez pas néanmoins les activités des congrégations missionnaires.

    À droite, l’idéal a longtemps été la « conversion des indigènes ». À gauche, la colonisation était exaltée comme un moyen pour les « races supérieures » d’aider des peuples « primitifs » à combler leur « retard » dans la marche en avant vers le « progrès ». C’est encore aujourd’hui le schéma de base de l’idéologie du « développement ».

    Dans tous les cas, ce qui était ou continue d’être nié, c’est l’altérité des cultures et la capacité d’autonomie des peuples. Si schizophrénie il y a, elle est dans l’esprit de ceux qui nous disent qu’il faut aimer les autres au motif qu’ils sont en fait les mêmes, c’est-à-dire que leur altérité n’est que contingente, transitoire, illusoire ou secondaire.

    D’ailleurs, si l’Algérie était demeurée française, ce n’est pas six, mais quarante millions de citoyens français de confession musulmane qui camperaient sur le territoire…

    On l’oublie en effet trop souvent. Mais on ne parlait guère de l’islam à l’époque de la guerre d’Algérie, ce qui est un paradoxe parmi d’autres.

    Lors des premières polémiques sur le voile, Bernard-Henri Lévy avait dit que tout cela deviendrait « soluble dans les jeans »… Chez les fils et filles de France, nous préférerions que cela le soit dans les terroirs, les vieilles pierres, les fromages et les chansons de Georges Brassens. Peut-être nous trouvez-vous trop optimistes ?

    Un peu trop, en effet. Pour l’excellente raison, déjà, que les Français dits “de souche” ne sont pas les derniers, aujourd’hui, à ne pas ou à ne plus se reconnaître dans ce qui a fait leur identité. On peut difficilement reprocher aux plus récents arrivés de ne pas être plus patriotes que des autochtones qui devraient l’être tout naturellement.

    Mais ce problème doit évidemment être replacé dans une perspective plus vaste. Quel sens peut avoir aujourd’hui la notion même “d’identité” ? Comment doit-elle être posée ? De quelles façons peut-elle être reconnue ? Pourquoi n’avons-nous plus la capacité de transmettre ? Ce sont quelques unes des questions auxquelles j’ai essayé de répondre dans mon livre intitulé Nous et les autres.

    Quant on parle des racines chrétiennes de la France, ne commet-on pas une erreur sémantique ? Car pour filer la métaphore horticole, les racines de la France sont historiquement païennes, le tronc chrétien et les branches juives et musulmanes…

    Tout à fait d’accord.

    De fait, le vocable de « judéo-chrétien » ne vous semble-t-il pas être un peu utilisé à tort et à travers ? Et n’est-il pas finalement une sorte d’oxymore, sachant qu’il y a bien plus de points communs entre chrétienté et islam qu’entre chrétienté et judaïsme ?

    Jésus, dans l’islam, est honoré comme un prophète de vérité. Dans le judaïsme orthodoxe, il est dénoncé comme un imposteur. Les passages qui le concernent dans le Talmud, que l’on a regroupés sous le nom de Toledot Yeshu, sont à cet égard tout à fait parlants.

    Durant les premiers siècles, les partisans de Jésus (nosrim, Nazoréens) étaient même les principaux destinataires d’une malédiction rituelle, la birkat ha-minim, qui était récitée régulièrement dans les synagogues et qui s’est perpétuée durant des siècles. Les chrétiens, bizarrement, ne semblent guère sensibles à ce contraste.

    Quant au vocable « judéo-chrétien », dont on fait en effet un usage très excessif aujourd’hui, son emploi ne se justifie que dans deux contextes bien précis. Un contexte théologique, lorsqu’il s’agit de qualifier des thématiques communes au christianisme et au judaïsme – qui sont aussi, bien souvent, des thématiques communes à l’islam. Et un contexte historique, qui renvoie au tout début du christianisme : les judéo-chrétiens sont ces disciples du Jésus d’origine pétrinienne ou jacobienne, dont j’ai déjà parlé, qui se refusent à suivre Paul lorsque celui-ci prétend que l’ancienne Loi est devenue caduque et que la religion nouvelle doit s’ouvrir à tous les hommes.

    Deux traditions sont importantes pour apprécier les développements du judéo-christianisme avant comme après 135. La première est la tradition relative à la mort de Jacques le Juste, lapidé à Jérusalem par des opposants à la branche chrétienne du judaïsme, dans les années 62-64. La seconde est la tradition relative à la migration à Pella de la communauté chrétienne de Jérusalem lors de la première révolte juive, dans les années 66-68.

    Dans une récente livraison de votre revue, Éléments, vous avez longuement interrogé un médiéviste italien, catholique de tradition qui, sur de longues pages, explique comment Orient et Occident, tout en se confrontant, se sont enrichis l’un l’autre. Sans tomber dans la nostalgie du passé, de telles alliances seraient-elles susceptible de renaître un jour, surtout lorsque l’on sait, à vous lire, que nous arrivons, non point à la fin du monde, mais à la fin d’un monde ?

    Mon ami Franco Cardini, médiéviste généralement considéré comme l’un des principaux historiens italiens contemporains, présente la particularité d’être à la fois un catholique de tradition et d’avoir constamment critiqué l’hostilité systématique à l’islam entretenue dans son milieu d’origine. Cardini, dans ses ouvrages, a multiplié les mises au point, rappelant notamment que les relations entre l’islam et la chrétienté ont été loin, dans l’histoire, de se ramener à une suite d’affrontements sans merci. Il a ainsi pris position contre les tenants d’une conception manichéenne de l’histoire, qui se font l’idée d’un « islam éternel », qui serait toujours et partout le même, et d’une « chrétienté » pareillement imaginaire, une idée sans rapport avec la réalité.

    Dernière question. Que vous inspire la Charte des Fils de France ?

    Beaucoup de sympathie, bien entendu. L’association Fils de France cherche à développer l’amour de la France chez nos concitoyens musulmans sans leur demander de renier leurs croyances, ni faire payer leur nécessaire adhésion à la « maison » commune de l’oubli de leurs racines particulières. C’est un vaste programme, aurait dit le Général ! Il ne sera pas facile à réaliser. Qui ne voit aujourd’hui les obstacles de toutes sortes qui peuvent empêcher d’y parvenir ? Camel Bechikh, le président de l’Association, ne manque pas en tout cas de courage, puisqu’il n’hésite pas à prôner l’arrêt des « vagues migratoires », tout en affirmant que « connaître la France, c’est l’aimer ». Je vois déjà les critiques dont il ne manquera pas d’être l’objet, tant de la part de certains chrétiens que de la part de certains musulmans. Je lui apporte, quant à moi, mon fraternel salut.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Daoud Ertegun (12 juillet 2012)

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  • Tour d'horizon... (30)

     

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    Au sommaire cette semaine :

    - sur Marianne, l'économiste Jacques Sapir revient sur le dernier sommet européen et ses pseudo-résultats... 

    Un sommet en trompe-l'oeil

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    - sur Atlantico, Bernard Lugan donne son avis sur la déstabilisation du Sahel par les bandes islamistes

     Peut-on empêcher la talibanisation du Nord Mali

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  • Politiquement correct, occidentalisme et fondamentalisme sunnite...

    Nous reproduisons ci-dessous une réponse percutante du philosophe italien Costanzo Preve aux critiques formulées par ses amis de gauche à la suite de la publication de son texte Si j'étais Français, dans lequel il expliquait le choix politique qu'il aurait fait aux élections présidentielles. Ce texte , daté de la fin d'avril 2012 a été traduit et annoté par Yves Branca.

    Marxiste critique et atypique, Costanzo Preve a noué un dialogue fécond avec Alain de Benoist depuis plusieurs années et est maintenant bien connu des lecteurs d'Éléments et de Krisis. Un de ses ouvrages, Histoire critique du marxisme, a été publié en 2011 aux éditions Armand Colin. 

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    Politiquement correct, occidentalisme impérialiste et fondamentalisme sunnite.

    Par Costanzo Preve.

    Turin, fin d’avril 2012

    1. Ma déclaration écrite que, si j’avais été français, j’aurais voté pour Marine Le Pen au premier tour, et Hollande contre Sarkozy au second tour ne pouvait m’attirer que des critiques. Je ne prendrai ici en considération que celles qui m’ont été adressées par des amis : Andrea Bulgarelli, Lorenzo Dorato, Alessandro Monchietto, Maria Serban.
       Ces critiques sont de trois sortes.
       La première  porte sur la brutalité avec laquelle j’ai violé le Politiquement Correct. Cette violence serait une attitude inconsciente et même provocatrice, puisque le Politiquement Correct demeure un code d’accès au seul domaine qui aujourd’hui m’importe vraiment, qui est celui de la philosophie. Du calme ! - me dit-on. C’est une chose que d’être une voix qui chante en solo, comme tu le fais depuis vingt ans, c’en est une autre que de vouloir épater le gauchiste (1), ce que je traduis ici par « scandaliser la gauche ». Par là, je fournirais trop facilement un prétexte à ceux qui prétendent faussement que je serais passé de gauche à droite.
       La seconde concerne la pensée même de Marine Le Pen. Celle-ci aurait tout au plus une conception « de droite sociale traditionnelle », se rapportant à une prépondérance « impériale » française rénovée (2), mais sans considérer le moins du monde les rapports sociaux de production entre les classes. 
       La troisième sorte de critiques vise l’anti-islamisme (3) radical de Marine Le Pen; si radical, qu’il confinerait à la théorie du « choc des civilisations », et aux invectives d’Oriana Fallaci. 
       Ce troisième type de critiques est fondamental. Je répondrai d’abord brièvement à celles des deux premiers, mais seules celles du troisième type sont importantes. 

    2. J’ai des amis personnels de droite, du centre, de gauche, apolitiques, laïcs, religieux. Le bon usage de l’amitié ne suppose pas de considérations doctrinales. Mais je n’ai plus d’« amis politiques » de gauche (ni évidemment « de droite ») depuis une bonne quinzaine d’années. Internet donne d’étonnantes possibilités de diffamation, et je tiens pour sottise d’en avoir peur. Dire que l’on peut voter Le Pen représente une violation extrême du politiquement correct du monde des intellectuels, qui depuis une vingtaine d’années a pris pour ennemi d’élection le « populisme raciste », substitué au vieux capitalisme archaïque. Je considère, quant à moi, qu’accepter par introjection les valeurs du Politiquement Correct, c’est offrir la victoire à l’adversaire, qui n’est ni de droite ni de gauche, mais qui est celui qui ne peut en aucune façon supporter les nouveautés « inquiétantes » qui poussent à réviser des synthèses acquises et assimilées. Depuis une quinzaine d’années, je me soucie peu de cet adversaire. Quand bien même il y aurait là l’influence d’un subconscient infantile et provocateur, on m’accordera que je n’ai pas besoin de faire les frais d’une psychanalyse pour savoir quelle est la vérité.

    3 : L’objection de Lorenzo Dorato est plus importante. A ses yeux, Marine Le Pen « n’a pas un programme de correction politique structurelle et forte, dans un sens solidariste », car « la contradiction économique essentielle du capitalisme n’y est traitée en aucune façon ».
      Très juste. Soit. Je suis tout à fait d’accord. Mais Dorato affirme aussi que « cela vaut mieux que n’importe quelle perspective globaliste et européiste des néo-libéraux de droite comme de gauche ». Parfait, Dorato a répondu lui-même à sa propre question ! Que le programme de Marine Le Pen ne puisse « être partagé » par un communiste communautaire (4) et anticapitaliste, cela est absolument évident.
       Le fait qui importe est que Marine Le Pen est moins « dans le système » qu’un Mélenchon. Tout ce que le système médiatique unifié diabolise en le qualifiant de populiste et de raciste doit être considéré non pas comme bon a priori, mais du moins comme intéressant. Si Marine Le Pen était victorieuse (ce qui, malheureusement, est improbable), elle ferait un trou dans le mur, et de là il naîtrait peut-être quelque chose. Dorato écrit lui-même que « toute proposition politique qui mette en question les dogmes du néolibéralisme et du capitalisme globalisé est meilleur que la direction politique monstrueuse prise par les classes dominantes depuis une vingtaine d’années ». Par ces lignes, Dorato n’a-t-il pas trouvé tout seul la bonne réponse ?

    4. Venons-en à « l’anti-islamisme ». Sur ce point, mes remarques seront nécessairement pauvres et boiteuses, vu mon ignorance fondamentale de la question. Sur le monde arabe et musulman, mes principales lectures ont été les œuvres de Maxime Rodinson, sur la question du rapport entre l’Islam et le capitalisme, et Giancarlo Paciello sur la question palestinienne. Récemment, un gros livre d’Eugène Rogan, Les arabes, traduit en italien en 2012, m’a beaucoup appris. Les remarques que je vais faire sont d’un dilettante, et politiquement incorrectes. Si j’écris des sottises, ce n’est pas grave. Que celui qui les trouvera me corrige. La seule chose qui soit insensée est de s’autocensurer par peur de violer le politiquement correct. Par là, on est perdant sans même avoir joué.

    5. Commençons par une évidence historique, qu’il n’est cependant jamais mauvais de rappeler: avant que les musulmans n’«envahis-sent » l’Europe, par émigration massive, c’est l’Europe qui a « envahi » le monde arabe et musulman, du Maroc à L’Irak et jusqu’à l’Afghanistan, et c’est l’entreprise politique sioniste qui a chassé de la Palestine ses habitants arabes, tant musulmans que chrétiens. Le monde arabe a dû s’engager dans des guerres de libération particulièrement difficiles et sanglantes. Mais il serait insensé de prétendre culpabiliser les peuples français, anglais, et italien. Si on le veut, on peut fort bien utiliser encore la catégorie, toujours nouvelle,  d’«impérialisme ». Cette catégorie est le seul antidote contre le racisme ethnique ou le fondamentalisme religieux; et l’abandon qui s’est fait en Europe de ce concept, depuis une trentaine d’années, a entraîné bien des conséquences regrettables.

    6. L’assimilation de Nasser à un « chef fasciste » a été opérée par la propagande sioniste, et puis ç’a été la même chose avec Saddam Hussein, Kadhafi, et Assad. On sait que, depuis 1967, l’Etat sioniste d’Israël a politiquement, et militairement décidé d’annexer toute la ville de Jérusalem et des tranches de la Cisjordanie rebaptisée Judée et Samarie. Mais à mon avis (et qu’un expert, me corrige, s’il le veut) le véritable « anti-islamisme » a été postérieur à l’effondrement endogène de la vieille bicoque communiste ; il est une suite de 1989 et de la théorie impérialiste du « choc des civilisations », qui, selon la version de Bush, oppose l’Occident et deux cultures (5) qui lui sont « incompatibles »: l’Islam et la Chine.
      Vous rappelez-vous Oriana Fallaci ? Si elle avait osé écrire sur les juifs un quart de ce qu’elle a écrit sur les arabes, elle aurait été arrêtée pour « incitation à la haine raciale », au lieu d’avoir l’honneur des colonnes du « Corriere della Sera » (6). Et puis tout à coup, à partir environ de 2005, les musulmans sont redevenus « bons » ; comme déjà un peu auparavant, sporadiquement, dans les affaires du Kosovo et de Sarajevo. Qu’est-il donc arrivé qui a soudain produit cette volte-face déconcertante ? Elle est à mon avis la clef de la question, et je vais me permettre de faire à ce sujet une hypothèse un peu artisanale. 

    7. Dans son roman Kim, Rudyard Kipling parle du « grand jeu », en Afghanistan, entre l’empire britannique victorien et la Russie des tsars. Puisqu’il faut entreprendre un rapide examen de la connexion entre le fondamentalisme sunnite armé (appelé improprement Islam politique), l’occidentalisme impérialiste américain, et la stratégie sioniste, commençons donc par le « grand jeu » en Afghanistan dans la décennie 1980-1990. Après l’intervention soviétique en Afghanistan, l’alliance stratégique entre les services secrets des USA, les monarchies des pétrodollars, et l’armée pakistanaise entra en action. Dans le cadre de cette alliance, les musulmans devinrent « bons » : voir Ken Follet, Les lions du Panshir, dédié à Massoud en 1986, ou le film de Stallone Rambo III.
        Mais ils ne furent « bons » que pendant un temps limité. Il y eut ensuite l’incident de parcours d’Al-Qaïda avec Ben Laden, jusqu’au  11 septembre 2001. Les musulmans devinrent « mauvais » à partir de l’invasion de l’Afghanistan des Talibans, jusqu’à l’attaque de l’Irak en 2003. Cette agression fut si contraire au droit international, si injuste et si éhontée, qu’elle a nécessité toute une couverture symbolique-médiatique « humanitaire » ( les peuples contre un féroce dictateur moustachu, puis pendu), associée cependant à un radical « anti-islamisme » ( ici encore, à la manière de Fallaci). Il y a même eu des sots d’«extrême gauche» qui dans leur quête tourmentée d’un sujet révolutionnaire de substitution à la décevante classe ouvrière salariée et prolétaire (ou aux invisibles « multitudes »), se sont figurés qu’ils l’avaient trouvé chez les barbus de l’Islam politique armé.
       Brève saison d’erreur. Al-Qaida s’est avéré un sanguinaire mais provisoire « incident de parcours » : si l’on eût bien analysé le rapport entre l’Islam et le capitalisme étudié par Rodinson, et quelques autres, on eût compris que l’islamisme fondamentaliste est tout aussi homogène au capitalisme globalisé que l’a été le protestantisme étudié par Weber, avec un élément plus important et plus institutionnel d’assistance sociale obligatoire organisée, mais sur une base purement privée et « tribale ». Au lieu que le nationalisme panarabe anti-impérialiste lui est au contraire incompatible : il suffit de considérer la férocité avec laquelle l’impérialisme américain, européen et sioniste l’a détruit, comme en Irak, en 2003, en Libye, en 2011, et s’évertue en ce moment à continuer en Syrie. Le cas de l’Iran, nation perse et chiite, doit être considéré séparément. 

    8. C’est pourquoi nous nous trouvons devant un paradoxe, qui, comme tous les paradoxes, paraîtra moins « kafkaïen » dès qu’on l’aura interprété selon sa rationalité secrète, apparemment irrationnelle. D’une part, le fondamentalisme sunnite, avec sa violence et son intolérance, paraît être le milieu culturel le plus insupportable à notre société dont la matrice est occidentale (européenne) et  chrétienne avec la modulation des Lumières (et ses nuances de gauche, du centre ou de droite n’importent pas ici). D’autre part, le fondamentalisme sunnite, après l’incident de parcours limité Al-Qaida Ben Laden, paraît l’instrument idéal pour normaliser politiquement et militairement les vestiges d’indépendance dans le monde arabe et musulman, entre les mains d’une alliance où l’Arabie saoudite, le Qatar et l’Europe sont subordonnés aux USA.

    9. Dans un pays comme la France, ce paradoxe provoque une espèce de schizophrénie et de paranoïa tout à fait particulière, étant donné la présence de millions de musulmans sur son territoire, dont une part de fondamentalistes sunnites et salafistes, qui n’est pas majoritaire, mais visible et tapageuse. Avec tous ses défauts, la France a été dans l’histoire un pays capable d’assimiler des vagues de millions d’immigrés portugais, espagnols, polonais, italiens, arméniens, et même de l’Afrique noire. Cela avait donné cette civilisation populaire que l’on peut trouver par exemple dans des romans comme ceux de Simenon sur le commissaire Maigret. La seule composante ethnique qui se révèle inassimilable, et qui proclame qu’elle refuse l’assimilation, est celle qui se réfère au fondamentalisme sunnite.
       En ce qui me concerne, cela ne me rend pas anti-musulman. Au contraire, et je serais favorable à bien des idées de Tariq Ramadan, si la nouvelle de son recrutement par l’Université du Qatar et la « Qatar Foundation » ne m’inspirait quelque prudence … . Mais si je ne peux partager un certain « anti-islamisme » (7) français, j’en suis  d’autant moins scandalisé que je tiens compte de ce caractère inassimilable.
       Au moment même où j’écris, je ne sais pas encore qui sortira  vainqueur des élections présidentielles en France ; mais je vois un grand paradoxe dans la manière sont Sarkozy, d’un côté, cajole électoralement l’« anti-islamisme » (8), tandis que, de l’autre côté, (en Libye, en Syrie, etc.), il est le principal allié de l’Islam politique,  lequel s’est désormais complètement aligné sur l’émir du Qatar, les USA, l’Arabie saoudite : voyez la propagande cynique de la publicité faite par les médias occidentaux au prétendu « printemps arabe ». L’Occident arme politiquement les mêmes forces qui ont atrocement lynché Kadhafi, font exploser des voitures piégées au milieu de la population civile de Damas, et massacrent des enfants juifs français à Toulouse. Recadrer ainsi le problème, ce n’est pas justifier certaines pointes « anti-islamiques » de Madame Le Pen (9) ; mais c’est comprendre pour le moins, que ces pointes sont un problème mineur.
       Le problème majeur, c’est que l’Occident impérialiste a décidé, pour de sordides intérêts néo-colonialistes, de soutenir l’Islam politique « modéré » : si modéré, que marchent derrière lui les assassins salafistes qui sont au service de l’Arabie saoudite, du Qatar, et des USA.

    Traduit de l’italien par Yves Branca*.

     


    Notes du traducteur

    * Avertissement : Le texte de cet article comporte des différences de détail avec le texte italien envoyé par l’auteur à quelques correspondants français qui lisent sa langue. Les notes qui suivent rendent compte de la plupart de ces modifications.
       Pour le reste, Costanzo Preve m’a honoré de sa confiance pour adapter encore mieux cet article à la conjoncture française, et à la sensibilité française dans cette conjoncture; rien n’a été modifié sans lui en référer.

    1. En français dans le texte.

    2. Il n’y a ici aucune allusion ni à l’empire colonial français, ni à l’idéologie impériale européenne moderne, mais au souverainisme du Front National, qui est aujourd’hui l’héritier de l’ancienne politique naturelle capétienne rénovée par de Gaulle: le mot « imperiale » reste  plus proche en italien de son étymologie latine : l’imperium est le commandement, le pouvoir, l’autorité, et donc la souveraineté.
       Sur l’idée « impériale » française, Rodolphe Badinand est lumineux dans son chapitre « Quand la France prétendait à l’Empire » de son essai Requiem pour la Contre-Révolution, Alexipharmaque, 2008.

    3. « Islamisme », chez les italiens qui comme Preve écrivent le mieux leur langue, est seulement un doublet du mot « Islam », comme on le trouve encore en français dans le Littré ou chez Ernest Renan : « Le religion de Mahomet », et «  l’ensemble des pays qui suivent cette religion ». Le mot « islamiste » (islamista) n’existe pas encore en bon italien. 
       L’Italien distingue plus rigoureusement « Islam », « Islam politique » (moderne), et intégrisme ou fondamentalisme islamique. Il n’emploie pas « islamisme » dans ces dernières significations.
       On doit donc bien entendre que le terme d’« anti-islamisme » désigne seulement ici une hostilité à l’Islam (une « islamophobie », dans l’actuel jargon de la manie « polémique »), prêtée à Marine Le Pen par les interlocuteurs italiens de Preve, auxquels il répond ici. C’est pourquoi j’ai mis ce terme entre guillemets.
     
       4. Le communisme critiqué et redéfini par Preve est désigné par le terme italien de « comunitarismo », qui, littéralement, devrait se traduire par « communautarisme », et que j’ai provisoirement traduit ainsi, avec note explicative, et quelquefois guillemets, ou italiques ; car on connaît la connotation de ce terme en Français, qui dépend de la situation même de la France, à laquelle Preve fait allusion à la fin du présent article.
       Preve a bien précisé, au début d’une Autoprésentation de 2007, que « Monsieur Costanzo Preve a été longtemps un ‘intellectuel’ [qui se voulut engagé, puis organique] (…), mais aujourd’hui il ne l’est plus. Et de plus, il demande à être jugé, non plus sur la base d’illusoires appartenances à un groupe, mais sur celle, exclusivement, de ses acquis théoriques ».
        Entre ces « acquis théoriques », le concept (au sens hégelien du terme) de communauté est absolument central; et ce que Preve appelle communautarisme est non seulement la théorie de la communauté sociale et nationale, mais encore la communauté comme concept. Mais disons d’abord ce que n’est pas le communautarisme, dans cette perspective.
        Bien que Preve fasse très clairement raison des formes de communautarisme à rejeter, et des acceptions du terme à réfuter, il importe tout particulièrement de préciser en France, nation formée autour d’un Etat que les rois appelaient déjà, à la romaine, République (respublica), qu’il ne s’agit pas le moins du monde de « l’utilisation du communautarisme ethnique (ou religieux, ou tribal postmoderne, ou tout cela ensemble) , pour ruiner aujourd’hui la souveraineté des états nationaux » (écrit Preve dans son Elogio del comunitarismo Eloge du « communautarisme »). Preve y comprend le fameux multiculturalisme « emballage pittoresque de la totale américanisation du monde ». La crise de l’Etat-nation selon le modèle français, qui paraît aujourd’hui m’être plus « producteur de socialité », comme l’écrit Alain de Benoist, a fait en France de communautarisme un terme  effrayant, mais il n’y a pas de fumée sans feu, et la réalité qui lui correspond est en effet « effrayante ».
       En Italie, c’est une autre acception du terme qui produit des « réactions pavloviennes », comme le dit Preve, qui affectent le mot « communautarisme » d’une connotation « d’extrême droite » se rapportant  principalement au fascisme, au nazisme, aux prétendues « métaphysiques » contre-révolutionnaires et traditionalistes (Chamberlain, Guénon, Evola) qui assez confusément s’y sont mêlées. Pour élégantes qu’elles puissent être, comme chez Evola, ces « métaphysiques » ont en commun d’être des reconstructions qui mythifient d’anciennes formes d’autorité par nostalgie d’une communauté hiérarchique « naturelle », en remontant toujours plus « haut », de l’ « Idée impériale gibeline » jusqu’à l’âge d’or de la «Tradition primordiale », en passant par les Hyperboréens, ou les Mages d’Orient, ou le Chakravartin… . Les formes d’autorité politique qui en sont issues dans l’Europe du XXe siècle n’ont vu le jour que par la vertu d’un organicisme plus ou moins teinté de naturalisme romantique, mais qui ne pouvait échapper au modèle rigoureusement matérialiste et individualiste du Leviathan de Hobbes, et a produit des régimes à Parti unique « interprète des secrets de l’histoire », comme l’écrit Preve, sous un Conducteur suprême. Le collectivisme issu du marxisme a pris une forme analogue (du « petit père des peuples » au « conducator »), moins par la séculari-sation d’idéaux religieux, que par un déjettement théorique scientiste et positiviste, qui est en soi d’essence religieuse : « Le communisme historique du XXe siècle (1917-1991) et en particulier sa première période stalinienne furent en tout point et intégralement des phénomènes religieux » (C.Preve, Histoire critique du marxisme, IV,10); et Preve a merveilleusement cerné la parenté secrète de l’organicisme social réactionnaire et du collectivisme stalinien : « Le matérialisme dialectique est une variante positiviste tardive d’un code conceptuel primitif, fondé sur l’indistinction et la fusion du macrocosme naturel et du microcosme social ».
       Mercantilisme ultra-libéral « multiculturel » d’aujourd’hui, organicisme social ou collectivisme d’hier: Preve en traite comme de « pathologies du communautarisme », dont le diagnostic conduit négativement à la définition même de ce dernier, puisque toutes nient en pratique, ou en théorie, « la constitution irréversible, et historiquement positive, de l’individu moderne responsable de choix éthiques, esthétiques, et politiques ».
       Pour Costanzo Preve, la « communauté » est la société même, et le «communautarisme », la communauté pour-soi, et/ou sa théorie, laquelle est une correction des idées marxiennes et marxistes de communisme. Cette correction s’opère par une critique  du « matérialisme dialectique », auquel il tente de substituer un idéalisme méthodologique qui implique un retour, qui est un recours, à la philosophie grecque antique et à Aristote : « Comme on le voit, il n’est pas possible même en grec moderne de différencier sémantiquement la ‘société’ de la ‘communauté’ (respectivement: koinotita, koinonia). Cela ne doit pas nous surprendre, puisque la vie sociale des Grecs était la vie communautaire de la polis, et le mot qu’utilise Aristote pour définir l’homme, politikon zoon (animal politique) pourrait être traduit sans forcer par ‘animal social’ ou ‘animal communautaire’(…). Il est bon d’avoir clairement à l’esprit cette origine sémantique et de ne pas penser que le débat commença avec la distinction de Tönnies entre ‘société’ (Gesellschaft) et ‘communauté’ (Gemeinschaft) – a écrit Preve» dans un article que j’ai traduit pour la revue Krisis (C. Preve, Communautarisme et communisme, in Krisis, Gauche/droite ?, n° 32, 2009.

     5 : Le mot italien Civilta traduit indifféremment « culture » au sens allemand ou spenglerien de Kultur (intériorité spirituelle d’une grande nation à son apogée), et « civilisation » (les formes plus extérieures de la vie civile).

    6 : Quotidien milanais qui est l’équivalent italien du journal Le Monde, et autrefois du Temps. 

    7, 8, 9. Voir la note 3.

     

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  • L'arbre et la forêt...

    Nous reproduisons ci-dessous la chronique d'Eric Zemmour, publiée dans le numéro d'avril de la revue Le Spectacle du Monde  et consacrée à l'affaire Merah et à ce qu'elle révèle...

     

     

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    L'arbre et la forêt

    Un monstre. Un fou. Un malade mental. Un dégénéré. Un loup solitaire. Il y a, dans les mots choisis par les principaux candidats à la présidentielle, de Sarkozy à Hollande, de Mélenchon à Bayrou (et par les médias ainsi que la horde de psys en tout genre convoqués par eux), une volonté commune de sortir Mohamed Merah du commun, de la norme, même des criminels les plus terrifiants. De le psychiatriser. Le déshumaniser, même. Le dépolitiser. Le désislamiser, surtout.

    On remarquera que le processus inverse fut à l’oeuvre pour le Norvégien fou qui devint, son massacre accompli, le porte-parole malgré lui du retour du nazisme.

    On comprend bien les multiples objectifs poursuivis par cette (touchante ?) unanimité (dont même Marine Le Pen a du mal à s’extraire). D’abord, rassurer les populations. Si le meurtrier est un monstre, mis au ban de l’humanité, son périple criminel n’est pas près d’être imité. La parenthèse monstrueuse se refermera aussitôt après sa mort.

    Mais c’est la psychiatrisation du « forcené », sa sortie de l’humanité raisonnable – sa déshumanisation – qui permettra – permet déjà – sa victimisation. C’est le grand legs de la psychiatrie depuis les années 1970. Le fou n’est pas un monstre, mais un homme. Un homme fait de tous les hommes qui les vaut tous, pour paraphraser Sartre. Nous sommes tous des fous, ou aurions pu le devenir, c’est le message que nous a inculqué le politiquement correct psychiatrique. Il suffit d’une étincelle, d’une frustration, d’une persécution. Le fou même meurtrier n’est qu’une victime de la société. Tariq Ramadan n’a pas tardé à allumer cette flamme victimaire. Mohamed Merah ne serait, selon lui, qu’un produit excusable d’une intégration ratée. Du racisme profond de la société française, qui l’a rejeté en tant qu’immigré, en tant que musulman. Ses échecs professionnels sont le fruit d’une hostilité d’une société française malade de ses discriminations. Sa tentative vaine d’entrer dans la Légion étrangère prouve son désir d’intégration. Mohamed Merah, le Lacombe Lucien du terrorisme. Ses innombrables « bêtises » de multirécidiviste sont autant d’appels au secours. Le coupable devient une victime : on connaît le discours bien rôdé, le retournement sémantique de tous les psys, de tous les avocats. Déjà, sur Facebook, des sites – aussitôt supprimés, aussitôt rétablis – chantent la geste tragique du nouveau héros. Dans certaines classes, des profs n’ont pas osé imposer la minute de silence instituée par le président de la République en mémoire des enfants de Toulouse assassinés, car certains jeunes Maghrébins refusaient de « se lever pour des juifs ! » Ces réflexes d’identification spontanée n’ont que faire de la rhétorique savante des élites françaises – politiques, médiatiques et religieuses – pour désislamiser et dépolitiser la sarabande meurtrière du jeune homme.

    « Pas d’amalgame », tel est le cri poussé unanimement. Pourtant, alors que l’identité du tueur n’était pas connue, les grands prêtres de l’antiracisme s’étaient empressés d’amalgamer l’assassin aux « idées racistes », c’est-à-dire, en vrac, au Front national, mais aussi à Nicolas Sarkozy et à tous ceux qui refusent de se coucher devant les injonctions de nos maîtres-censeurs. « Pas d’amalgame entre l’islam et l’islamisme. » L’antienne nous fut inlassablement répétée. Avec les meilleures intentions du monde. Il ne s’agit pas, bien sûr, de prêter une quelconque responsabilité collective à des musulmans français, nos compatriotes, qui n’en peuvent mais. Il s’agit seulement de ne pas accepter des distinctions fallacieuses et des rhétoriques d’évitement. Dans le journal le Monde daté du 24 mars, un professeur de philosophie à Sophia Antipolis, Abdennour Bidar, écrit : « On dit d’un fanatisme de quelques-uns que c’est l’arbre qui cache la forêt d’un islam pacifique. Mais quel est l’état réel de la forêt dans laquelle un tel arbre peut prendre racine ? Une culture saine et une véritable éducation spirituelle auraient-elles pu accoucher d’un tel monstre ? » Mohamed Merah était un musulman de type salafiste. Il a établi sa conversion en lisant lui-même le Coran et lors de ses séjours fréquents en prison. La police soupçonne son grand frère Abdelkader de l’avoir formé et manipulé. Il était devenu un militant religieux et politique. Pas un monstre ni un fou.

    Le salafisme est la version de l’islam pratiquée en Arabie saoudite, grand allié des Etats-Unis et de l’Occident. Le mouvement salafiste a obtenu près de 20 % des voix aux élections en Egypte. Il est l’aiguillon islamiste en Tunisie, militant pour que la charia soit inscrite dans la Constitution, combattant dans la rue les laïcs.

    Le salafisme se répand dans nos banlieues comme une traînée de poudre, supplantant l’islam malékite prédominant dans le Maghreb, qui privilégiait les vertus viriles de l’honneur et de la piété filiale. On sacralise le Coran, texte sacré, décontextualisé qui s’appliquerait parfaitement à notre temps. Coran, prophète, charia, halal, tout est sacralisé. Tout est absolutisé. Les salafistes s’habillent comme le prophète, veulent vivre comme au VIIe siècle.

    Nos bons esprits aiment à distinguer entre islam et islamisme. Entre la pratique individuelle des musulmans et la récupération politique par des groupuscules dangereux. Avec la victoire des islamistes aux élections, dans tous les pays libérés par le « printemps arabe », les mêmes ont dû faire assaut d’inventivité sémantique : il y a désormais les musulmans modérés et les islamistes radicaux. Mohamed Merah est donc un islamiste radical.

    Cette subtile casuistique fait fi de la réalité historique de l’islam. Comme toutes les religions, l’islam est éminemment politique. Il légitime le pouvoir comme le catholicisme consacrait le roi de France. Mais, contrairement à l’Eglise, l’islam ne connaît pas de conflit entre le pape et l’empereur, de distinction entre le sacré et le profane. Selon Marcel Gauchet, dans son livre le Désenchantement du monde, le christianisme était prédisposé à cette séparation laïque, car il était la religion de la sortie de la religion. Au contraire, l’islam est le retour à la rigueur dogmatique du judaïsme après la grande subversion du christianisme, de l’incarnation et de l’amour. L’islam est un retour au pur monothéisme et à l’orthopraxie juive.

    L’islam n’a pas non plus connu la révolution des Lumières, qui a contraint, après plus d’un siècle de combats, à limiter la religion à l’espace privé. Le retour à l’islam travaille les populations arabes. Une rivalité féroce s’exerce entre les deux pôles sunnite et chiite, Arabie saoudite et Iran, pour la domination du monde musulman. C’est une surenchère permanente à qui sera le meilleur musulman, le plus pur, le plus dur aux infidèles.

    L’islam, comme le christianisme, a toujours été un universalisme. Une religion prosélyte qui se considère comme l’ultime révélation monothéiste. Et donc le dernier mot de Dieu. L’oumma est la communauté des croyants. Elle donne une identité musulmane à ceux qui ne se reconnaissent pas une identité nationale. Pas étonnant que Mohamed Merah, citoyen français, enfant d’une famille algérienne, ni français ni algérien, ait trouvé un moule identitaire dans l’islam.

    L’islam est un communisme avec Dieu. A la fois idéal de justice et d’égalité, mais aussi contrôle sourcilleux de la vie de chacun. Un des plus grands spécialistes de l’islam, Maxime Rodinson, interrogé un jour sur la signification de l’oumma, répondit par cette boutade : « l’oumma ? C’est l’Huma ! »

    Bien sûr, Mohamed Merah ne résume pas à lui seul le destin d’une immigration arabo-africaine depuis quarante ans. Il en constitue l’exception, ou plutôt la pente caricaturale. Son destin tragique met cependant en évidence les liens entre immigration et délinquance ; entre délinquance, terrorisme et islam. Des liens que le politiquement correct nous a longtemps interdit même de dénoncer. La faiblesse inconsciente d’une politique d’immigration sans contrôle. Les limites d’un droit du sol qui fait de citoyens français des ennemis fanatisés de leur pays. Les faiblesses d’une politique de la ville qui arrose des associations sans aucun contrôle.

    Selon les spécialistes comme Gilles Kepel, on assiste à la « halalisation » de territoires entiers de la République, quand une population massivement homogène instaure un mode de vie qui va au-delà de l’abattage des bêtes, mais concerne aussi le mariage, la famille, les relations entre hommes et femmes, etc.

    La délinquance aura permis de faire fuir les Français d’origine ou les descendants lointains de l’immigration européenne. Ce qu’un écrivain comme Renaud Camus appelle le « grand remplacement ». Les Mohamed Merah sont rares, mais réussissent – comme l’enseignent les salafistes – à semer la terreur parmi les mécréants. La démographie fera le reste. Et le retour à l’islam rigoriste donnera une couleur idéologique à la pression démographique. Des départements entiers comme la Seine-Saint-Denis deviendraient alors des sortes de La Rochelle au temps des protestants, où des hommes armés faisaient régner un ordre luthérien et pourchassaient les catholiques. Jusqu’à ce que le cardinal Richelieu entreprenne le siège de la place forte protestante. C’est à cette époque que Blaise Pascal disait : « Qui fait l’ange fait la bête. »

    Eric Zemmour (Le Spectacle du Monde, avril 2012)

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