Au sommaire cette semaine :
- sur Marianne, l'économiste Jacques Sapir revient sur le dernier sommet européen et ses pseudo-résultats...
- sur Atlantico, Bernard Lugan donne son avis sur la déstabilisation du Sahel par les bandes islamistes
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Au sommaire cette semaine :
- sur Marianne, l'économiste Jacques Sapir revient sur le dernier sommet européen et ses pseudo-résultats...
- sur Atlantico, Bernard Lugan donne son avis sur la déstabilisation du Sahel par les bandes islamistes
Nous reproduisons ci-dessous une réponse percutante du philosophe italien Costanzo Preve aux critiques formulées par ses amis de gauche à la suite de la publication de son texte Si j'étais Français, dans lequel il expliquait le choix politique qu'il aurait fait aux élections présidentielles. Ce texte , daté de la fin d'avril 2012 a été traduit et annoté par Yves Branca.
Marxiste critique et atypique, Costanzo Preve a noué un dialogue fécond avec Alain de Benoist depuis plusieurs années et est maintenant bien connu des lecteurs d'Éléments et de Krisis. Un de ses ouvrages, Histoire critique du marxisme, a été publié en 2011 aux éditions Armand Colin.
Politiquement correct, occidentalisme impérialiste et fondamentalisme sunnite.
Par Costanzo Preve.
Turin, fin d’avril 2012
1. Ma déclaration écrite que, si j’avais été français, j’aurais voté pour Marine Le Pen au premier tour, et Hollande contre Sarkozy au second tour ne pouvait m’attirer que des critiques. Je ne prendrai ici en considération que celles qui m’ont été adressées par des amis : Andrea Bulgarelli, Lorenzo Dorato, Alessandro Monchietto, Maria Serban.
Ces critiques sont de trois sortes.
La première porte sur la brutalité avec laquelle j’ai violé le Politiquement Correct. Cette violence serait une attitude inconsciente et même provocatrice, puisque le Politiquement Correct demeure un code d’accès au seul domaine qui aujourd’hui m’importe vraiment, qui est celui de la philosophie. Du calme ! - me dit-on. C’est une chose que d’être une voix qui chante en solo, comme tu le fais depuis vingt ans, c’en est une autre que de vouloir épater le gauchiste (1), ce que je traduis ici par « scandaliser la gauche ». Par là, je fournirais trop facilement un prétexte à ceux qui prétendent faussement que je serais passé de gauche à droite.
La seconde concerne la pensée même de Marine Le Pen. Celle-ci aurait tout au plus une conception « de droite sociale traditionnelle », se rapportant à une prépondérance « impériale » française rénovée (2), mais sans considérer le moins du monde les rapports sociaux de production entre les classes.
La troisième sorte de critiques vise l’anti-islamisme (3) radical de Marine Le Pen; si radical, qu’il confinerait à la théorie du « choc des civilisations », et aux invectives d’Oriana Fallaci.
Ce troisième type de critiques est fondamental. Je répondrai d’abord brièvement à celles des deux premiers, mais seules celles du troisième type sont importantes.2. J’ai des amis personnels de droite, du centre, de gauche, apolitiques, laïcs, religieux. Le bon usage de l’amitié ne suppose pas de considérations doctrinales. Mais je n’ai plus d’« amis politiques » de gauche (ni évidemment « de droite ») depuis une bonne quinzaine d’années. Internet donne d’étonnantes possibilités de diffamation, et je tiens pour sottise d’en avoir peur. Dire que l’on peut voter Le Pen représente une violation extrême du politiquement correct du monde des intellectuels, qui depuis une vingtaine d’années a pris pour ennemi d’élection le « populisme raciste », substitué au vieux capitalisme archaïque. Je considère, quant à moi, qu’accepter par introjection les valeurs du Politiquement Correct, c’est offrir la victoire à l’adversaire, qui n’est ni de droite ni de gauche, mais qui est celui qui ne peut en aucune façon supporter les nouveautés « inquiétantes » qui poussent à réviser des synthèses acquises et assimilées. Depuis une quinzaine d’années, je me soucie peu de cet adversaire. Quand bien même il y aurait là l’influence d’un subconscient infantile et provocateur, on m’accordera que je n’ai pas besoin de faire les frais d’une psychanalyse pour savoir quelle est la vérité.
3 : L’objection de Lorenzo Dorato est plus importante. A ses yeux, Marine Le Pen « n’a pas un programme de correction politique structurelle et forte, dans un sens solidariste », car « la contradiction économique essentielle du capitalisme n’y est traitée en aucune façon ».
Très juste. Soit. Je suis tout à fait d’accord. Mais Dorato affirme aussi que « cela vaut mieux que n’importe quelle perspective globaliste et européiste des néo-libéraux de droite comme de gauche ». Parfait, Dorato a répondu lui-même à sa propre question ! Que le programme de Marine Le Pen ne puisse « être partagé » par un communiste communautaire (4) et anticapitaliste, cela est absolument évident.
Le fait qui importe est que Marine Le Pen est moins « dans le système » qu’un Mélenchon. Tout ce que le système médiatique unifié diabolise en le qualifiant de populiste et de raciste doit être considéré non pas comme bon a priori, mais du moins comme intéressant. Si Marine Le Pen était victorieuse (ce qui, malheureusement, est improbable), elle ferait un trou dans le mur, et de là il naîtrait peut-être quelque chose. Dorato écrit lui-même que « toute proposition politique qui mette en question les dogmes du néolibéralisme et du capitalisme globalisé est meilleur que la direction politique monstrueuse prise par les classes dominantes depuis une vingtaine d’années ». Par ces lignes, Dorato n’a-t-il pas trouvé tout seul la bonne réponse ?4. Venons-en à « l’anti-islamisme ». Sur ce point, mes remarques seront nécessairement pauvres et boiteuses, vu mon ignorance fondamentale de la question. Sur le monde arabe et musulman, mes principales lectures ont été les œuvres de Maxime Rodinson, sur la question du rapport entre l’Islam et le capitalisme, et Giancarlo Paciello sur la question palestinienne. Récemment, un gros livre d’Eugène Rogan, Les arabes, traduit en italien en 2012, m’a beaucoup appris. Les remarques que je vais faire sont d’un dilettante, et politiquement incorrectes. Si j’écris des sottises, ce n’est pas grave. Que celui qui les trouvera me corrige. La seule chose qui soit insensée est de s’autocensurer par peur de violer le politiquement correct. Par là, on est perdant sans même avoir joué.
5. Commençons par une évidence historique, qu’il n’est cependant jamais mauvais de rappeler: avant que les musulmans n’«envahis-sent » l’Europe, par émigration massive, c’est l’Europe qui a « envahi » le monde arabe et musulman, du Maroc à L’Irak et jusqu’à l’Afghanistan, et c’est l’entreprise politique sioniste qui a chassé de la Palestine ses habitants arabes, tant musulmans que chrétiens. Le monde arabe a dû s’engager dans des guerres de libération particulièrement difficiles et sanglantes. Mais il serait insensé de prétendre culpabiliser les peuples français, anglais, et italien. Si on le veut, on peut fort bien utiliser encore la catégorie, toujours nouvelle, d’«impérialisme ». Cette catégorie est le seul antidote contre le racisme ethnique ou le fondamentalisme religieux; et l’abandon qui s’est fait en Europe de ce concept, depuis une trentaine d’années, a entraîné bien des conséquences regrettables.
6. L’assimilation de Nasser à un « chef fasciste » a été opérée par la propagande sioniste, et puis ç’a été la même chose avec Saddam Hussein, Kadhafi, et Assad. On sait que, depuis 1967, l’Etat sioniste d’Israël a politiquement, et militairement décidé d’annexer toute la ville de Jérusalem et des tranches de la Cisjordanie rebaptisée Judée et Samarie. Mais à mon avis (et qu’un expert, me corrige, s’il le veut) le véritable « anti-islamisme » a été postérieur à l’effondrement endogène de la vieille bicoque communiste ; il est une suite de 1989 et de la théorie impérialiste du « choc des civilisations », qui, selon la version de Bush, oppose l’Occident et deux cultures (5) qui lui sont « incompatibles »: l’Islam et la Chine.
Vous rappelez-vous Oriana Fallaci ? Si elle avait osé écrire sur les juifs un quart de ce qu’elle a écrit sur les arabes, elle aurait été arrêtée pour « incitation à la haine raciale », au lieu d’avoir l’honneur des colonnes du « Corriere della Sera » (6). Et puis tout à coup, à partir environ de 2005, les musulmans sont redevenus « bons » ; comme déjà un peu auparavant, sporadiquement, dans les affaires du Kosovo et de Sarajevo. Qu’est-il donc arrivé qui a soudain produit cette volte-face déconcertante ? Elle est à mon avis la clef de la question, et je vais me permettre de faire à ce sujet une hypothèse un peu artisanale.7. Dans son roman Kim, Rudyard Kipling parle du « grand jeu », en Afghanistan, entre l’empire britannique victorien et la Russie des tsars. Puisqu’il faut entreprendre un rapide examen de la connexion entre le fondamentalisme sunnite armé (appelé improprement Islam politique), l’occidentalisme impérialiste américain, et la stratégie sioniste, commençons donc par le « grand jeu » en Afghanistan dans la décennie 1980-1990. Après l’intervention soviétique en Afghanistan, l’alliance stratégique entre les services secrets des USA, les monarchies des pétrodollars, et l’armée pakistanaise entra en action. Dans le cadre de cette alliance, les musulmans devinrent « bons » : voir Ken Follet, Les lions du Panshir, dédié à Massoud en 1986, ou le film de Stallone Rambo III.
Mais ils ne furent « bons » que pendant un temps limité. Il y eut ensuite l’incident de parcours d’Al-Qaïda avec Ben Laden, jusqu’au 11 septembre 2001. Les musulmans devinrent « mauvais » à partir de l’invasion de l’Afghanistan des Talibans, jusqu’à l’attaque de l’Irak en 2003. Cette agression fut si contraire au droit international, si injuste et si éhontée, qu’elle a nécessité toute une couverture symbolique-médiatique « humanitaire » ( les peuples contre un féroce dictateur moustachu, puis pendu), associée cependant à un radical « anti-islamisme » ( ici encore, à la manière de Fallaci). Il y a même eu des sots d’«extrême gauche» qui dans leur quête tourmentée d’un sujet révolutionnaire de substitution à la décevante classe ouvrière salariée et prolétaire (ou aux invisibles « multitudes »), se sont figurés qu’ils l’avaient trouvé chez les barbus de l’Islam politique armé.
Brève saison d’erreur. Al-Qaida s’est avéré un sanguinaire mais provisoire « incident de parcours » : si l’on eût bien analysé le rapport entre l’Islam et le capitalisme étudié par Rodinson, et quelques autres, on eût compris que l’islamisme fondamentaliste est tout aussi homogène au capitalisme globalisé que l’a été le protestantisme étudié par Weber, avec un élément plus important et plus institutionnel d’assistance sociale obligatoire organisée, mais sur une base purement privée et « tribale ». Au lieu que le nationalisme panarabe anti-impérialiste lui est au contraire incompatible : il suffit de considérer la férocité avec laquelle l’impérialisme américain, européen et sioniste l’a détruit, comme en Irak, en 2003, en Libye, en 2011, et s’évertue en ce moment à continuer en Syrie. Le cas de l’Iran, nation perse et chiite, doit être considéré séparément.8. C’est pourquoi nous nous trouvons devant un paradoxe, qui, comme tous les paradoxes, paraîtra moins « kafkaïen » dès qu’on l’aura interprété selon sa rationalité secrète, apparemment irrationnelle. D’une part, le fondamentalisme sunnite, avec sa violence et son intolérance, paraît être le milieu culturel le plus insupportable à notre société dont la matrice est occidentale (européenne) et chrétienne avec la modulation des Lumières (et ses nuances de gauche, du centre ou de droite n’importent pas ici). D’autre part, le fondamentalisme sunnite, après l’incident de parcours limité Al-Qaida Ben Laden, paraît l’instrument idéal pour normaliser politiquement et militairement les vestiges d’indépendance dans le monde arabe et musulman, entre les mains d’une alliance où l’Arabie saoudite, le Qatar et l’Europe sont subordonnés aux USA.
9. Dans un pays comme la France, ce paradoxe provoque une espèce de schizophrénie et de paranoïa tout à fait particulière, étant donné la présence de millions de musulmans sur son territoire, dont une part de fondamentalistes sunnites et salafistes, qui n’est pas majoritaire, mais visible et tapageuse. Avec tous ses défauts, la France a été dans l’histoire un pays capable d’assimiler des vagues de millions d’immigrés portugais, espagnols, polonais, italiens, arméniens, et même de l’Afrique noire. Cela avait donné cette civilisation populaire que l’on peut trouver par exemple dans des romans comme ceux de Simenon sur le commissaire Maigret. La seule composante ethnique qui se révèle inassimilable, et qui proclame qu’elle refuse l’assimilation, est celle qui se réfère au fondamentalisme sunnite.
En ce qui me concerne, cela ne me rend pas anti-musulman. Au contraire, et je serais favorable à bien des idées de Tariq Ramadan, si la nouvelle de son recrutement par l’Université du Qatar et la « Qatar Foundation » ne m’inspirait quelque prudence … . Mais si je ne peux partager un certain « anti-islamisme » (7) français, j’en suis d’autant moins scandalisé que je tiens compte de ce caractère inassimilable.
Au moment même où j’écris, je ne sais pas encore qui sortira vainqueur des élections présidentielles en France ; mais je vois un grand paradoxe dans la manière sont Sarkozy, d’un côté, cajole électoralement l’« anti-islamisme » (8), tandis que, de l’autre côté, (en Libye, en Syrie, etc.), il est le principal allié de l’Islam politique, lequel s’est désormais complètement aligné sur l’émir du Qatar, les USA, l’Arabie saoudite : voyez la propagande cynique de la publicité faite par les médias occidentaux au prétendu « printemps arabe ». L’Occident arme politiquement les mêmes forces qui ont atrocement lynché Kadhafi, font exploser des voitures piégées au milieu de la population civile de Damas, et massacrent des enfants juifs français à Toulouse. Recadrer ainsi le problème, ce n’est pas justifier certaines pointes « anti-islamiques » de Madame Le Pen (9) ; mais c’est comprendre pour le moins, que ces pointes sont un problème mineur.
Le problème majeur, c’est que l’Occident impérialiste a décidé, pour de sordides intérêts néo-colonialistes, de soutenir l’Islam politique « modéré » : si modéré, que marchent derrière lui les assassins salafistes qui sont au service de l’Arabie saoudite, du Qatar, et des USA.Traduit de l’italien par Yves Branca*.
Notes du traducteur* Avertissement : Le texte de cet article comporte des différences de détail avec le texte italien envoyé par l’auteur à quelques correspondants français qui lisent sa langue. Les notes qui suivent rendent compte de la plupart de ces modifications.
Pour le reste, Costanzo Preve m’a honoré de sa confiance pour adapter encore mieux cet article à la conjoncture française, et à la sensibilité française dans cette conjoncture; rien n’a été modifié sans lui en référer.1. En français dans le texte.
2. Il n’y a ici aucune allusion ni à l’empire colonial français, ni à l’idéologie impériale européenne moderne, mais au souverainisme du Front National, qui est aujourd’hui l’héritier de l’ancienne politique naturelle capétienne rénovée par de Gaulle: le mot « imperiale » reste plus proche en italien de son étymologie latine : l’imperium est le commandement, le pouvoir, l’autorité, et donc la souveraineté.
Sur l’idée « impériale » française, Rodolphe Badinand est lumineux dans son chapitre « Quand la France prétendait à l’Empire » de son essai Requiem pour la Contre-Révolution, Alexipharmaque, 2008.3. « Islamisme », chez les italiens qui comme Preve écrivent le mieux leur langue, est seulement un doublet du mot « Islam », comme on le trouve encore en français dans le Littré ou chez Ernest Renan : « Le religion de Mahomet », et « l’ensemble des pays qui suivent cette religion ». Le mot « islamiste » (islamista) n’existe pas encore en bon italien.
L’Italien distingue plus rigoureusement « Islam », « Islam politique » (moderne), et intégrisme ou fondamentalisme islamique. Il n’emploie pas « islamisme » dans ces dernières significations.
On doit donc bien entendre que le terme d’« anti-islamisme » désigne seulement ici une hostilité à l’Islam (une « islamophobie », dans l’actuel jargon de la manie « polémique »), prêtée à Marine Le Pen par les interlocuteurs italiens de Preve, auxquels il répond ici. C’est pourquoi j’ai mis ce terme entre guillemets.
4. Le communisme critiqué et redéfini par Preve est désigné par le terme italien de « comunitarismo », qui, littéralement, devrait se traduire par « communautarisme », et que j’ai provisoirement traduit ainsi, avec note explicative, et quelquefois guillemets, ou italiques ; car on connaît la connotation de ce terme en Français, qui dépend de la situation même de la France, à laquelle Preve fait allusion à la fin du présent article.
Preve a bien précisé, au début d’une Autoprésentation de 2007, que « Monsieur Costanzo Preve a été longtemps un ‘intellectuel’ [qui se voulut engagé, puis organique] (…), mais aujourd’hui il ne l’est plus. Et de plus, il demande à être jugé, non plus sur la base d’illusoires appartenances à un groupe, mais sur celle, exclusivement, de ses acquis théoriques ».
Entre ces « acquis théoriques », le concept (au sens hégelien du terme) de communauté est absolument central; et ce que Preve appelle communautarisme est non seulement la théorie de la communauté sociale et nationale, mais encore la communauté comme concept. Mais disons d’abord ce que n’est pas le communautarisme, dans cette perspective.
Bien que Preve fasse très clairement raison des formes de communautarisme à rejeter, et des acceptions du terme à réfuter, il importe tout particulièrement de préciser en France, nation formée autour d’un Etat que les rois appelaient déjà, à la romaine, République (respublica), qu’il ne s’agit pas le moins du monde de « l’utilisation du communautarisme ethnique (ou religieux, ou tribal postmoderne, ou tout cela ensemble) , pour ruiner aujourd’hui la souveraineté des états nationaux » (écrit Preve dans son Elogio del comunitarismo Eloge du « communautarisme »). Preve y comprend le fameux multiculturalisme « emballage pittoresque de la totale américanisation du monde ». La crise de l’Etat-nation selon le modèle français, qui paraît aujourd’hui m’être plus « producteur de socialité », comme l’écrit Alain de Benoist, a fait en France de communautarisme un terme effrayant, mais il n’y a pas de fumée sans feu, et la réalité qui lui correspond est en effet « effrayante ».
En Italie, c’est une autre acception du terme qui produit des « réactions pavloviennes », comme le dit Preve, qui affectent le mot « communautarisme » d’une connotation « d’extrême droite » se rapportant principalement au fascisme, au nazisme, aux prétendues « métaphysiques » contre-révolutionnaires et traditionalistes (Chamberlain, Guénon, Evola) qui assez confusément s’y sont mêlées. Pour élégantes qu’elles puissent être, comme chez Evola, ces « métaphysiques » ont en commun d’être des reconstructions qui mythifient d’anciennes formes d’autorité par nostalgie d’une communauté hiérarchique « naturelle », en remontant toujours plus « haut », de l’ « Idée impériale gibeline » jusqu’à l’âge d’or de la «Tradition primordiale », en passant par les Hyperboréens, ou les Mages d’Orient, ou le Chakravartin… . Les formes d’autorité politique qui en sont issues dans l’Europe du XXe siècle n’ont vu le jour que par la vertu d’un organicisme plus ou moins teinté de naturalisme romantique, mais qui ne pouvait échapper au modèle rigoureusement matérialiste et individualiste du Leviathan de Hobbes, et a produit des régimes à Parti unique « interprète des secrets de l’histoire », comme l’écrit Preve, sous un Conducteur suprême. Le collectivisme issu du marxisme a pris une forme analogue (du « petit père des peuples » au « conducator »), moins par la séculari-sation d’idéaux religieux, que par un déjettement théorique scientiste et positiviste, qui est en soi d’essence religieuse : « Le communisme historique du XXe siècle (1917-1991) et en particulier sa première période stalinienne furent en tout point et intégralement des phénomènes religieux » (C.Preve, Histoire critique du marxisme, IV,10); et Preve a merveilleusement cerné la parenté secrète de l’organicisme social réactionnaire et du collectivisme stalinien : « Le matérialisme dialectique est une variante positiviste tardive d’un code conceptuel primitif, fondé sur l’indistinction et la fusion du macrocosme naturel et du microcosme social ».
Mercantilisme ultra-libéral « multiculturel » d’aujourd’hui, organicisme social ou collectivisme d’hier: Preve en traite comme de « pathologies du communautarisme », dont le diagnostic conduit négativement à la définition même de ce dernier, puisque toutes nient en pratique, ou en théorie, « la constitution irréversible, et historiquement positive, de l’individu moderne responsable de choix éthiques, esthétiques, et politiques ».
Pour Costanzo Preve, la « communauté » est la société même, et le «communautarisme », la communauté pour-soi, et/ou sa théorie, laquelle est une correction des idées marxiennes et marxistes de communisme. Cette correction s’opère par une critique du « matérialisme dialectique », auquel il tente de substituer un idéalisme méthodologique qui implique un retour, qui est un recours, à la philosophie grecque antique et à Aristote : « Comme on le voit, il n’est pas possible même en grec moderne de différencier sémantiquement la ‘société’ de la ‘communauté’ (respectivement: koinotita, koinonia). Cela ne doit pas nous surprendre, puisque la vie sociale des Grecs était la vie communautaire de la polis, et le mot qu’utilise Aristote pour définir l’homme, politikon zoon (animal politique) pourrait être traduit sans forcer par ‘animal social’ ou ‘animal communautaire’(…). Il est bon d’avoir clairement à l’esprit cette origine sémantique et de ne pas penser que le débat commença avec la distinction de Tönnies entre ‘société’ (Gesellschaft) et ‘communauté’ (Gemeinschaft) – a écrit Preve» dans un article que j’ai traduit pour la revue Krisis (C. Preve, Communautarisme et communisme, in Krisis, Gauche/droite ?, n° 32, 2009.5 : Le mot italien Civilta traduit indifféremment « culture » au sens allemand ou spenglerien de Kultur (intériorité spirituelle d’une grande nation à son apogée), et « civilisation » (les formes plus extérieures de la vie civile).
6 : Quotidien milanais qui est l’équivalent italien du journal Le Monde, et autrefois du Temps.
7, 8, 9. Voir la note 3.
Nous reproduisons ci-dessous la chronique d'Eric Zemmour, publiée dans le numéro d'avril de la revue Le Spectacle du Monde et consacrée à l'affaire Merah et à ce qu'elle révèle...
L'arbre et la forêt
Un monstre. Un fou. Un malade mental. Un dégénéré. Un loup solitaire. Il y a, dans les mots choisis par les principaux candidats à la présidentielle, de Sarkozy à Hollande, de Mélenchon à Bayrou (et par les médias ainsi que la horde de psys en tout genre convoqués par eux), une volonté commune de sortir Mohamed Merah du commun, de la norme, même des criminels les plus terrifiants. De le psychiatriser. Le déshumaniser, même. Le dépolitiser. Le désislamiser, surtout.
On remarquera que le processus inverse fut à l’oeuvre pour le Norvégien fou qui devint, son massacre accompli, le porte-parole malgré lui du retour du nazisme.
On comprend bien les multiples objectifs poursuivis par cette (touchante ?) unanimité (dont même Marine Le Pen a du mal à s’extraire). D’abord, rassurer les populations. Si le meurtrier est un monstre, mis au ban de l’humanité, son périple criminel n’est pas près d’être imité. La parenthèse monstrueuse se refermera aussitôt après sa mort.
Mais c’est la psychiatrisation du « forcené », sa sortie de l’humanité raisonnable – sa déshumanisation – qui permettra – permet déjà – sa victimisation. C’est le grand legs de la psychiatrie depuis les années 1970. Le fou n’est pas un monstre, mais un homme. Un homme fait de tous les hommes qui les vaut tous, pour paraphraser Sartre. Nous sommes tous des fous, ou aurions pu le devenir, c’est le message que nous a inculqué le politiquement correct psychiatrique. Il suffit d’une étincelle, d’une frustration, d’une persécution. Le fou même meurtrier n’est qu’une victime de la société. Tariq Ramadan n’a pas tardé à allumer cette flamme victimaire. Mohamed Merah ne serait, selon lui, qu’un produit excusable d’une intégration ratée. Du racisme profond de la société française, qui l’a rejeté en tant qu’immigré, en tant que musulman. Ses échecs professionnels sont le fruit d’une hostilité d’une société française malade de ses discriminations. Sa tentative vaine d’entrer dans la Légion étrangère prouve son désir d’intégration. Mohamed Merah, le Lacombe Lucien du terrorisme. Ses innombrables « bêtises » de multirécidiviste sont autant d’appels au secours. Le coupable devient une victime : on connaît le discours bien rôdé, le retournement sémantique de tous les psys, de tous les avocats. Déjà, sur Facebook, des sites – aussitôt supprimés, aussitôt rétablis – chantent la geste tragique du nouveau héros. Dans certaines classes, des profs n’ont pas osé imposer la minute de silence instituée par le président de la République en mémoire des enfants de Toulouse assassinés, car certains jeunes Maghrébins refusaient de « se lever pour des juifs ! » Ces réflexes d’identification spontanée n’ont que faire de la rhétorique savante des élites françaises – politiques, médiatiques et religieuses – pour désislamiser et dépolitiser la sarabande meurtrière du jeune homme.
« Pas d’amalgame », tel est le cri poussé unanimement. Pourtant, alors que l’identité du tueur n’était pas connue, les grands prêtres de l’antiracisme s’étaient empressés d’amalgamer l’assassin aux « idées racistes », c’est-à-dire, en vrac, au Front national, mais aussi à Nicolas Sarkozy et à tous ceux qui refusent de se coucher devant les injonctions de nos maîtres-censeurs. « Pas d’amalgame entre l’islam et l’islamisme. » L’antienne nous fut inlassablement répétée. Avec les meilleures intentions du monde. Il ne s’agit pas, bien sûr, de prêter une quelconque responsabilité collective à des musulmans français, nos compatriotes, qui n’en peuvent mais. Il s’agit seulement de ne pas accepter des distinctions fallacieuses et des rhétoriques d’évitement. Dans le journal le Monde daté du 24 mars, un professeur de philosophie à Sophia Antipolis, Abdennour Bidar, écrit : « On dit d’un fanatisme de quelques-uns que c’est l’arbre qui cache la forêt d’un islam pacifique. Mais quel est l’état réel de la forêt dans laquelle un tel arbre peut prendre racine ? Une culture saine et une véritable éducation spirituelle auraient-elles pu accoucher d’un tel monstre ? » Mohamed Merah était un musulman de type salafiste. Il a établi sa conversion en lisant lui-même le Coran et lors de ses séjours fréquents en prison. La police soupçonne son grand frère Abdelkader de l’avoir formé et manipulé. Il était devenu un militant religieux et politique. Pas un monstre ni un fou.
Le salafisme est la version de l’islam pratiquée en Arabie saoudite, grand allié des Etats-Unis et de l’Occident. Le mouvement salafiste a obtenu près de 20 % des voix aux élections en Egypte. Il est l’aiguillon islamiste en Tunisie, militant pour que la charia soit inscrite dans la Constitution, combattant dans la rue les laïcs.
Le salafisme se répand dans nos banlieues comme une traînée de poudre, supplantant l’islam malékite prédominant dans le Maghreb, qui privilégiait les vertus viriles de l’honneur et de la piété filiale. On sacralise le Coran, texte sacré, décontextualisé qui s’appliquerait parfaitement à notre temps. Coran, prophète, charia, halal, tout est sacralisé. Tout est absolutisé. Les salafistes s’habillent comme le prophète, veulent vivre comme au VIIe siècle.
Nos bons esprits aiment à distinguer entre islam et islamisme. Entre la pratique individuelle des musulmans et la récupération politique par des groupuscules dangereux. Avec la victoire des islamistes aux élections, dans tous les pays libérés par le « printemps arabe », les mêmes ont dû faire assaut d’inventivité sémantique : il y a désormais les musulmans modérés et les islamistes radicaux. Mohamed Merah est donc un islamiste radical.
Cette subtile casuistique fait fi de la réalité historique de l’islam. Comme toutes les religions, l’islam est éminemment politique. Il légitime le pouvoir comme le catholicisme consacrait le roi de France. Mais, contrairement à l’Eglise, l’islam ne connaît pas de conflit entre le pape et l’empereur, de distinction entre le sacré et le profane. Selon Marcel Gauchet, dans son livre le Désenchantement du monde, le christianisme était prédisposé à cette séparation laïque, car il était la religion de la sortie de la religion. Au contraire, l’islam est le retour à la rigueur dogmatique du judaïsme après la grande subversion du christianisme, de l’incarnation et de l’amour. L’islam est un retour au pur monothéisme et à l’orthopraxie juive.
L’islam n’a pas non plus connu la révolution des Lumières, qui a contraint, après plus d’un siècle de combats, à limiter la religion à l’espace privé. Le retour à l’islam travaille les populations arabes. Une rivalité féroce s’exerce entre les deux pôles sunnite et chiite, Arabie saoudite et Iran, pour la domination du monde musulman. C’est une surenchère permanente à qui sera le meilleur musulman, le plus pur, le plus dur aux infidèles.
L’islam, comme le christianisme, a toujours été un universalisme. Une religion prosélyte qui se considère comme l’ultime révélation monothéiste. Et donc le dernier mot de Dieu. L’oumma est la communauté des croyants. Elle donne une identité musulmane à ceux qui ne se reconnaissent pas une identité nationale. Pas étonnant que Mohamed Merah, citoyen français, enfant d’une famille algérienne, ni français ni algérien, ait trouvé un moule identitaire dans l’islam.
L’islam est un communisme avec Dieu. A la fois idéal de justice et d’égalité, mais aussi contrôle sourcilleux de la vie de chacun. Un des plus grands spécialistes de l’islam, Maxime Rodinson, interrogé un jour sur la signification de l’oumma, répondit par cette boutade : « l’oumma ? C’est l’Huma ! »
Bien sûr, Mohamed Merah ne résume pas à lui seul le destin d’une immigration arabo-africaine depuis quarante ans. Il en constitue l’exception, ou plutôt la pente caricaturale. Son destin tragique met cependant en évidence les liens entre immigration et délinquance ; entre délinquance, terrorisme et islam. Des liens que le politiquement correct nous a longtemps interdit même de dénoncer. La faiblesse inconsciente d’une politique d’immigration sans contrôle. Les limites d’un droit du sol qui fait de citoyens français des ennemis fanatisés de leur pays. Les faiblesses d’une politique de la ville qui arrose des associations sans aucun contrôle.
Selon les spécialistes comme Gilles Kepel, on assiste à la « halalisation » de territoires entiers de la République, quand une population massivement homogène instaure un mode de vie qui va au-delà de l’abattage des bêtes, mais concerne aussi le mariage, la famille, les relations entre hommes et femmes, etc.
La délinquance aura permis de faire fuir les Français d’origine ou les descendants lointains de l’immigration européenne. Ce qu’un écrivain comme Renaud Camus appelle le « grand remplacement ». Les Mohamed Merah sont rares, mais réussissent – comme l’enseignent les salafistes – à semer la terreur parmi les mécréants. La démographie fera le reste. Et le retour à l’islam rigoriste donnera une couleur idéologique à la pression démographique. Des départements entiers comme la Seine-Saint-Denis deviendraient alors des sortes de La Rochelle au temps des protestants, où des hommes armés faisaient régner un ordre luthérien et pourchassaient les catholiques. Jusqu’à ce que le cardinal Richelieu entreprenne le siège de la place forte protestante. C’est à cette époque que Blaise Pascal disait : « Qui fait l’ange fait la bête. »
Eric Zemmour (Le Spectacle du Monde, avril 2012)
Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Jean Bonnevey, cueilli sur Metamag et consacré aux échecs retentissants de notre diplomatie au cours des douze derniers mois...
Syrie - Mali - Libye : la diplomatie française au tapisMalgré sa prétention ostentatoire, la diplomatie française se trouve en échec à peu prêt partout où elle s’est engagée récemment sous la pression du duo infernal: Juppé - Bhl. On peut évoquer, en préambule, la situation en Tunisie, qui ne fait que se dégrader. L’affrontement entre le "camp du progrès", très minoritaire, et celui des Islamistes, paraît, à court terme, inévitable. Le renoncement du parti Ennadha à l’imposition de la Charia dans la nouvelle Constitution, qui a été largement médiatisé, est un leurre, un faux recul. Il s’agit, simplement, de maintenir, plutôt que de le changer, un article ambigu de la Constitution, ouvrant la porte à toutes les interprétations, comme c’est le cas, d’ailleurs, entre tolérants et obscurantistes sur le "Coran".
En Syrie, où Metamag a constamment tempéré l'outrance du discours médiatique américano-occidental, nous sommes bien loin de l'exigence de départ "immédiat" du président Assad. La rébellion est en échec, la diplomatie paralysée et le régime joue le temps, avec une certaine habileté. La tentative de le faire tomber a échoué "une fois pour toutes", a affirmé le porte-parole du ministère syrien des Affaires étrangères, cité samedi 31 mars par l'agence officielle Sana, en référence à la contestation populaire et au combat des rebelles contre le pouvoir. " Une autre bataille a commencé, celle de la consolidation de la stabilité et la construction de la nouvelle Syrie".Il va certes un peu vite en besogne. Mais il a plusieurs raisons d’afficher ce bel optimisme. A Damas, le président Bachar Al Assad a annoncé avoir accepté le plan de sortie de crise de l'émissaire international, Kofi Annan, mais a lié sa réussite à l'arrêt des «actes terroristes». Cela permet d'éviter, pour un temps, toute nouvelle offensive diplomatique à l'ONU et de renforcer l'idée d’une coopération et de bonne volonté, comme demandée par la Russie et la Chine.Les dirigeants arabes, réunis en sommet à Bagdad, ont appelé l'Etat syrien et l'opposition à un dialogue «sérieux» et rejeté toute intervention militaire en Syrie. Des déclarations jugées «décevantes» par Washington. A l'exception de la Tunisie, aucun des 21 pays représentés n'a appelé, directement, à un départ du président Assad lors de ce sommet de la Ligue arabe organisé en Irak, pour la première fois depuis plus de 20 ans. Dans sa résolution finale, le sommet demande au «gouvernement syrien et à toutes les composantes de l'opposition d'adopter une attitude positive envers la mission (de M.Annan) en entamant un dialogue national sérieux basé sur le plan soumis par la Ligue arabe et la résolution adoptée par l'Assemblée générale de l'ONU». Ils se déclarent par ailleurs en «faveur de l'unité et la stabilité de la Syrie et contre toute intervention militaire». Assad peut sourire. Il n’est pas aussi foutu que l’avait annoncé, prématurément, le « droit dans ses bottes ».Les dégâts collatéraux de l'agression en Libye, toujours à feu et à sangD’ailleurs, le fin connaisseur du génocide rwandais devrait commencer à se demander quelle est la part de responsabilité de la France dans le déstabilisation du Mali. C’est la chute du régime Kadhafi qui a ruiné l'économie du Sahel et des pays riverains. Bamako privé de fonds, incapable de nourrir les populations frontalières, a laissé son armée face à une rébellion touareg, renforcée par les éléments kadhafistes repliés de Libye et un réseau Aqmi faisant, par le trafic pour survivre ,la liaison avec les nomades.Impuissante face à l'avancée des Touareg et des islamistes au Nord du Mali, la junte, au pouvoir depuis le coup d'État du 22 mars, a lancé un appel à l'aide. «Les rebelles continuent à agresser notre pays et à terroriser nos populations," a lancé le chef de la junte, le capitaine Amadou Sanogo, dans un discours à la presse. "La situation est à cette heure critique, notre armée a besoin du soutien des amis du Mali pour sauver les populations civiles et sauvegarder l'intégrité territoriale du pays."Les insurgés, qui sont passés à l'offensive dans le Nord en janvier, profitent en effet de la confusion régnant à Bamako, à la suite du coup d'État militaire, pour gagner du terrain. En fin de semaine, ils avaient pris le contrôle de la ville stratégique de Kidal, dans le Nord-Est, aux confins de l'Algérie et du Niger. La junte au pouvoir, qui a renversé, peut être pas définitivement d’ailleurs, le président Amadou Toumani Touré, avait invoqué, pour justifier son putsch, l'échec du régime contre la rébellion touareg.De fait, celle-ci a réalisé une offensive spectaculaire en deux mois. Jamais, lors des deux soulèvements touareg des années 1990 et 2000, les rebelles -qui comptent cette fois des hommes revenus de Libye lourdement armés après avoir combattu pour Mouammar Kadhafi- n'avaient à ce point menacé le pouvoir central. Juppé va-t-il intervenir ?Car c’est bien un dégât collatéral de la guerre de son ami BHL, en Libye, dont il s’agit.La Libye, où le pouvoir reconnu par Paris est plus qu’à la peine, menacé par la scission de l’Est du pays et la sécession du Sud, peuplé de Toubous comme au Tchad voisin. Le dirigeant des Toubous en Libye, Issa Abdelmajid Mansour, a fait état de nouveaux combats au sud de la ville de Sebha (sud), appelant les Nations Unies et l'Union européenne à intervenir pour arrêter ce qu'il qualifie de "nettoyage ethnique des Toubous"."Nous demandons à l'ONU et à l'Union européenne d'intervenir pour faire cesser le nettoyage ethnique des Toubous", a déclaré cet ex-opposant au régime de Mouammar Kadhafi, qui avait brandi récemment la menace séparatiste dans une déclaration à l'AFP. M. Abdelmajid Mansour a accusé vendredi les tribus arabes de Sebha d'avoir bombardé une centrale électrique alimentant plusieurs régions du sud, comme Qatroun et Morzouk, considérées comme des fiefs de Toubous.Maures contre Noirs au Mali; Arabes contre Noirs au Mali et en Libye... Vraiment, les guerres pour le démocratie sont de tels échecs qu’on se demande si le maintient prévisible au pouvoir du tyran de Damas n’est pas, sinon un moindre mal, au moins un facteur de stabilité face aux dangers d'éclatements tribaux et religieux ou de subversion islamiste dans un pays clé au cœur du Moyen-Orient. La diplomatie française de la démocratie interventionniste et dogmatique a fait suffisamment de mal au Maghreb et au Sahel. Elle devrait réfléchir à deux fois avant de dire ce qui serait bien pour le Machrek.Jean Bonnevey (Metamag, 2 avril 2012)
Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Jean-Yves Le Gallou , cueilli sur Polémia et consacré au traitement médiatique biaisé de l'affaire Merah.
Mohamed Merah n'était pas Français !
Dès que l’auteur des attentats de Montauban et de Toulouse a été connu, les médias de l’oligarchie ont pris leur marque : après avoir défini les victimes comme des « soldats d’origine maghrébine » et des « enfants juifs », leur assassin a été présenté, lui, comme « un jeune homme », « un jeune Français », « un Français », « un Français de Toulouse », « un jeune Toulousain français ». Et Le Point a fait sa couverture sur « Le fou d’Allah français ». Français, vous dis-je !
Ainsi les victimes ont été présentées par leur origine ethnique et/ou religieuse. L’assassin, lui, non par son origine (maghrébine, algérienne, musulmane) mais par l’une de ses deux nationalités. La française, comme de bien entendu !
Français ? Ni par la civilisation, ni par la culture, ni par les sentiments !
Et pourtant Mohamed Merah n’était pas français. Certes, il avait des papiers français. Mais Mohamed Merah n’était français ni par la civilisation, ni par la culture, ni par les coutumes, ni par les sentiments.
Mohamed Merah était une petite racaille, comme tant d’autres, qui haïssait la France. C’est pour cela qu’il s’en est pris à des soldats portant l’uniforme français.
Mohamed Merah était shooté au Coran : « Il s’est autoradicalisé tout seul en lisant le Coran en prison », selon Bernard Squarcini, chef de la DCRI. Or le Coran, ce n’est pas seulement un livre religieux, c’est un ensemble de prescriptions législatives et sociétales. La charia est sans doute un élément de l’identité de l’Arabie Saoudite et de beaucoup de pays arabo-musulmans mais elle est parfaitement contraire à l’identité française.
Big Brother au service de l’Hégire
Mohamed Merah ne s’identifiait pas à l’histoire de France mais à celle de l’oumma musulmane, ce que le grand imam de Bordeaux, Tarek Oubrou, justifie ainsi : « Il faut que l’histoire de France soit réécrite à la lumière de la présence musulmane ». C’est Big Brother au service de l’Hégire !
Et l’imam de Bordeaux de poursuivre ainsi son propos : « Cela permettrait aux jeunes de culture musulmane de se retrouver dans le programme enseigné à l’école et de ne pas se sentir stigmatisés. » Sur un point au moins l’imam de Bordeaux a raison : il y a bien une culture musulmane différente de la culture française, c’est-à-dire de la culture européenne d’expression française.
« Rapatrier » le corps en Algérie
Mohamed Merah mort, sa famille a confirmé qu’il n’était pas français mais bien plutôt algérien. Ainsi BFMTV, le 28 mars 2012, nous dit : « En Algérie, la famille de Mohamed Merah (…) est encore sous le choc. Tous espèrent que le corps du défunt sera rapatrié, pour être enterré au côté de ses ancêtres. » « Rapatrié », c’est donc bien que la patrie de Mohamed Merah c’est l’Algérie, pas la France. Bien qu’installé en France, le cousin de Mohamed Merah ne dit pas autre chose : « L’Algérie c’est son pays, il sera enterré dans la terre de ses ancêtres. » Quant au président du Conseil français du culte musulman (CFCM) de Midi-Pyrénées, il a expliqué que Mohamed Merah devait être enterré « dans son pays, l’Algérie ».
Finalement, ce n’est pas ce qui a pu se faire, compte tenu de l’attitude du gouvernement algérien. Mais là aussi les attentats de Mohamed Merah ont révélé une réalité : un très grand nombre de binationaux franco-musulmans se font inhumer outre mMditerranée ou, à défaut, comme pour Mohamed Merah, dans un carré musulman d’un cimetière français : difficile de mieux marquer sa différence que par cette discrimination volontaire par-delà la mort. Et ce, alors même que les règles françaises de la laïcité interdisent théoriquement les carrés confessionnels…
Respecter les individualités assimilées et patriotes
Bien sûr cette attitude ne concerne pas tous les Franco-Maghrébins : le soldat Abel Chenaf, maladroitement qualifié « d’apparence musulmane » par Nicolas Sarkozy, était, lui, parfaitement français : d’origine kabyle et de religion chrétienne, il a été enterré dans les plis du drapeau français.
Respecter les personnalités assimilées et patriotes est indispensable. Pour autant, éviter de généraliser abusivement les cas (majoritaires) de non-assimilation ne doit pas conduire à nier la réalité : tous les Français administratifs, binationaux Franco-Magrébins, ne sont pas des Français de culture, de civilisation, de coutume et de sentiments ; certains restent profondément étrangers à leur pays d’accueil et y sont parfois franchement hostiles.
Bloquer l’immigration nuptiale
Cela doit conduire à arrêter toute immigration nouvelle en provenance de ces pays, et pour quelque cause que ce soit : travail, étude, regroupement familial et surtout immigration nuptiale. Chaque année près de 40.000 binationaux vont chercher leur conjoint dans un pays musulman et se marient sur place. C’est généralement la preuve d’une faible assimilation puisque ces Français administratifs préfèrent chercher leur conjoint dans le pays d’origine de leurs parents (ou de leurs grands-parents) plutôt qu’à proximité de chez eux. Il paraît donc logique que le regroupement nuptial d’un couple marié au Maghreb (ou en Turquie, ou en Afrique) unissant un national maghrébin (ou turc ou africain) à un binational franco-maghrébin se fasse au Maghreb (ou en Turquie ou en Afrique).
La France n’a pas à accepter ce qui relève d’une colonisation de peuplement. Il faut donc profondément changer les lois en vigueur. Avant qu’il ne soit trop tard.
Jean-Yves Le Gallou (Polémia, 30 mars 2012)
Vous pouvez visionner ci-dessous la chronique matinale d'Eric Zemmour sur RTL, datée du 23 mars 2012 et consacrée à l'affaire du tueur islamiste de Toulouse, Mohamed Merah...