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guerre - Page 27

  • Diplomatie casquée...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Hervé Juvin, cueilli sur son site personnel et consacré au retour du commerce des armes comme instrument de la diplomatie.

    Économiste de formation et député européen, Hervé Juvin est notamment l'auteur de deux essais essentiels, Le renversement du monde (Gallimard, 2010) et La grande séparation - Pour une écologie des civilisations (Gallimard, 2013). Il a également publié un manifeste intitulé France, le moment politique (Rocher, 2018).

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    Diplomatie casquée

    Que nous dit de l’état de l’Europe et du monde la récente et très amicale rencontre Sanchez-Erdogan ? Les marins de la bataille de Lépante (1571) acceptent-ils le basculement espagnol du côté turc, la fourniture de porte-hélicoptères ou de sous-marins par les chantiers espagnols à la flotte turque ? Et, de leur côté, que pensent les Russes d’une alliance entre la Turquie et l’Ukraine qui se traduit entre autres par la livraison des fameux drones TB9 et Anka, ceux qui ont tant contribué à l’écrasante victoire de l’Azerbaïdjan sur l’Arménie au Nagorno-Karabakh, et qui pourraient donner aux Ukrainiens la bien mauvaise idée d’aller titiller les troupes russes massées de l’autre côté d’une incertaine frontière avec le Donbass ? Sans doute comprennent-ils bien l’intérêt du jeu turc, un coup à l’Est, un coup à l’Ouest, mais toujours en brandissant l’étendard de l’Islam, et toujours en quête de l’industrie des hélicoptères et des propulseurs navals que l’Ukraine a héritée de l’URSS…

    Le temps de la diplomatie armée est revenu. L’Union européenne a-t-elle les yeux ouverts sur une réalité qui a toujours été déterminante dans la structure du commerce international ? Les diplomates suivent les marchands d’armes, comme c’est le cas en Italie, au Qatar et ailleurs. Ou bien les marchands d’armes et les industriels suivent les directives de l’État, comme en France, en Russie ou en Espagne, où les chantiers navals sont 100 % propriété d’État… Et les grands contrats d’armement suivent ou précèdent les alliances, pour les concrétiser, pour les affermir, ou pour les renverser ; la France aura-t-elle tirée toutes les conclusions de l’affaire australienne, et de l’écart qui la sépare des « five eyes » ? Mais contrats d’armement et diplomatie se sont singulièrement rapprochés.

    Qu’il s’agisse des alliances en Méditerranée orientale, formidablement réarmée, avec d’un côté la Grèce, Chypre, l’Égypte et la France, de l’autre la Turquie, le Qatar, la Lybie, la Russie, avec Israël, les USA et la Chine en invités permanents. La montée en qualité et en quantité des armes est partout, qu’il s’agisse de la Grande-Bretagne et de son agressivité contre la Russie portée par diplomates, services et industriels de l’armement, avides de réarmer la Pologne avec les missiles fabriqués par MDBA GB venant compléter les Patriot américains, avec des bateaux fabriqués dans les chantiers britanniques pour l’Ukraine en Mer Noire, qu’il s’agisse d’une Allemagne qui risque de concourir encore plus à la subordination totale des industries de la défense et des exportations à l’OTAN, le constat est à une imbrication croissante de la politique et des contrats d’armement, et à des transformations d’alliance remarquables, spectaculaires et parfois déroutantes, la montée en puissance de la Turquie en Afrique, en Méditerranée et en Europe de l’Ouest n’étant pas la moindre.

    La plus spectaculaire est pourtant britannique. La Grande-Bretagne renoue avec des stratégies de la tension, de la division et de la zizanie qui lui sont familières. Finie la comédie de l’adhésion à l’Union européenne et du rattachement au continent eurasiatique, l’alliée des États-Unis en ajoute et en rajoute dans la provocation permanente à l’égard de la Russie et aussi de la Chine. Il suffit de lire les éditoriaux de The Economist pour s’en persuader ! Les colons qui ont pillé, corrompu et détruit l’Empire chinois ne pardonnent pas à ceux qui ont refait l’unité de la Chine et de Hong Kong. Les ennemis héréditaires de l’indépendance européenne et de la puissance continentale, qui ont toujours su diviser pour régner, ont un compte à régler avec l’Union européenne, encore plus avec une Union devenue allemande — pour une large part au service de la puissance et des intérêts industriels et commerciaux allemands.

    Tout le savoir-faire du pays qui a inventé la diplomatie européenne est à la manœuvre en Pologne, en Hongrie, en Roumanie et ailleurs. Avec trois objectifs manifestes, outre celui de montrer aux États-Unis à quel point l’Angleterre sera toujours prête à prendre le grand large et à combattre contre le continent. D’abord celui de diviser l’Europe, en utilisant la vieille tactique de la provocation ; pousser l’Union à réaffirmer le principe «  une Union toujours plus étroite », c’est tout simplement tôt ou tard la condamner à subir la réaction violente de peuples qui n’acceptent de se voir déposséder de leurs compétences que jusqu’à un certain point — et la Grande-Bretagne s’emploie à ce que ce point soit dépassé, par exemple sur les migrations, sur les mœurs, sur l’éducation.

    Ensuite, en sapant la politique allemande qui fait de la Russie, de la Chine et plus largement de l’Eurasie, ses partenaires commerciaux naturels, la source de ses excédents exceptionnels, et un champ d’expansion industriel, financier et aussi politique pratiquement sans limites — si les États-Unis ont eu leur Far West, l’Allemagne a son far east. Enfin, en développant sur le modèle américain un ensemble hétérogène, mais structuré de Fondations, d’ONG, de fonds d’investissement et de fonds de pension, d’entreprises, de sociétés de service, qui assurent à la Grande-Bretagne à la fois le contrôle de technologies décisives, l’information sur des entreprises clé, une vision en profondeur des flux commerciaux et financiers, et les moyens de manipuler l’information, d’orienter le débat public et de mobiliser les opinions publiques. L’histoire dira la part que Grande-Bretagne et USA jouent dans l’obsession militaire polonaise qui conduit à payer pour accueillir une base américaine, multiplier les achats d’armements — avec des fonds européens ? — et doubler les effectifs permanents de son armée, jusqu’à anticiper sur les plus chers désirs de l’OTAN.

    Elle dira la part d’intérêts marchands et de réalisme politique qui conduit à un surarmement de l’Ukraine, à un conditionnement permanent de la population de l’Ouest ukrainien, et aussi voire surtout de la diaspora ukrainienne aux États-Unis et au Canada, au point qu’à tout moment, une escalade est possible que seule, la placidité maîtrisée de l’ours russe laisserait sans sa conséquence légitime — une correction militaire que subiraient les forces ukrainiennes, les Britanniques envoyant comme ils savent bien le faire, en Syrie comme en Afghanistan, les autres se faire tuer à leur place.

    Une seule question l’emporte. Les armes sont-elles faites pour servir ? « Si vis pacem, para bellum » place sur toute réflexion sur ce sujet, et il est certain que l’équilibre des forces, c’est-à-dire l’incertitude sur l’issue d’un conflit, est le plus puissant facteur de paix qui soit. A deux conditions ; d’abord, que la décision soit celle d’acteurs rationnels, qui pèsent froidement les conséquences d’un conflit et acceptent que le prix à payer soit trop élevé pour être risqué, celle de dirigeants suffisamment forts pour ne pas se laisser emporter par des opinions publiques aisément manipulées. Ensuite, qu’aucun belligérant ne se laisse enfermer dans la position où il fera la guerre pour d’autres, enverra ses hommes et ses armes livrer une guerre que d’autres ne veulent pas risquer, et compter les morts que d’autres auront envoyé se faire tuer pour leur propre politique et leurs propres intérêts. Certaines des Nations de l’est européen, longtemps tributaires de l’Empire ottoman pour les unes, assujetties au Reich allemand ou à l’Empire russe puis soviétique pour d’autres, membres de l’Empire austro-hongrois pour d’autres encore, ou souvent les mêmes, ont une longue et tragique expérience d’une telle situation de dépendance stratégique, une expérience sacrificielle dont la Serbie comme la Pologne traînent les cicatrices.

    La situation actuelle suggère moins une réponse que d’autres interrogations. D’abord, celle de l’absolue primauté des intérêts nationaux et des logiques nationales. Seule face à la Turquie, la France a payé pour le savoir ; la diplomatie des armes reste nationale. En matière d’armements comme en matière de conduite de la guerre, et quelles que soient les prétentions de l’OTAN, les Nations demeurent, les Nations décident et les Nations poursuivent les intérêts qui leur sont propres, par des moyens qui leur sont propres. Quelle peut être l’utilité et quelles sont les compétences de l’Union dans ce domaine ? Question ouverte, et à laquelle nul ne répond.

    Ensuite, celle du contrôle des exportations d’armement. Non seulement l’Union européenne n’a rien entrepris pour protéger l’indépendance de ses industriels et combattre leur mise sous tutelle par le complexe américain auquel l’OTAN sert de faire-valoir, mais l’alignement atlantiste de la nouvelle coalition rouge-vert Allemande fait peser les plus graves menaces sur la capacité commerciale d’un des derniers secteurs industriels puissamment exportateurs de la France — ici encore, l’Union se trompe de combat ; lutter contre la règle « ITAR » et l’extraterritorialité du droit américain, plutôt que contre les capacités de ses industriels ! Enfin, le lien entre diplomatie, armement, et interventions directes.

    Le succès israélien dans ce domaine est largement lié à la présence sur le terrain, et sur le front, de « conseillers » et « d’experts » qui ne se contentent pas de démonstration dans les salons internationaux et de signature de contrats dans les bureaux, mais qui participent au déploiement, à l’adaptation et à la mise en œuvre des armes ou des systèmes d’arme qu’ils vendent. Inutile de dire que Russes et Américains, par des biais divers, savent accompagner leurs armes sans fausse pudeur. L’Union européenne se veut pleine de bonnes intentions, sans en prendre les moyens. Elle paralyse davantage les Nations européennes qu’elle ne les aide à développer leurs légitimes stratégies industrielles et militaires. Mais est-il dans son intérêt de refuser de voir cette réalité en face ; dans un XXIe siècle qui ne ressemble pas à ce qu’il devait être, la diplomatie suit les armes, et les armes font la diplomatie ?

    Hervé Juvin (Site officiel d'Hervé Juvin, 22 novembre 2021)

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  • Regards sur la guerre...

    La revue Conflits, dirigée par Jean-Baptiste Noé, vient de sortir en kiosque son treizième numéro hors-série consacré à la guerre.

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    ÉDITORIAL

    Faire la guerre, par Jean-Baptiste Noé

    INTRODUCTION

    Regards sur la guerre, par Olivier Entraygues

    PARTIE 1 THÉORIQUE

    Un piège stratégique : Daech, par Olivier Entraygues

    La planète Terre, theatrum belli, par Olivier Entraygues

    La guerre quantique, par Olivier Entraygues

    Guerres en Europe ? , par Bernard Wicht

    De la défense à l'autodéfense, par Bernard Wicht

    Les chercheurs français en études stratégiques aux prises avec le supplice de Tantale , par Matthieu Chillaud

    Envisager la guerre en coalition bilatérale ou resserrée : Regards croisés français et britannique, par Dominic Morris et François-Joseph Fürry

    PARTIE 2 THÉMATIQUE

    La NATO Response force dans l’OTAN. Entretien avec le GCA Pierre Gillet, propos recueillis par Olivier Entraygues

    Tensions maritimes et développement naval : le retour de la guerre en mer ? , par Arnaud Valli

    La faillite de la puissance aérienne ?, par Serge Gadal

    Intégrer les opérations cyber à la guerre moderne, par Sébastien Picard

    L'influence ou l'introuvable doctrine, par Franck Faubladier

    Comment l’industrie de défense prépare-t-elle la guerre d’après ? , par Arnaud Sainte-Claire Deville

    PARTIE 3 GÉOGRAPHIQUE

    Japon, une nouvelle ère sans guerre ? , par François Dickès

    Les rivages de la guerre : « Quousque tandem abutere, Ancyra, patientia nostra ? », par Pierre Bénizeau

    La France en guerre dans le Sahel, par Benoît Chamberland

    La survie du régime syrien et la faille antiterroriste : un statu quo fragile, par Mohamed-Amine Khamassi

    Guerre et culture stratégique russe, par Jacques Sapir

     

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  • Napoléon et la Vendée...

    Les Nouvelles éditions latines viennent de publier L'Empereur et les Brigands, un pièce de théâtre de Guillaume Bernard et Corentin Stemler. Enseignant-chercheur en histoire des institutions et des idées politiques, Guillaume Bernard est notamment l’auteur de La guerre à droite aura bien lieu - Le mouvement dextrogyre (DDB, 2016). Acteur bénévole, Corentin Stemler est aussi producteur, metteur en scène et auteur de pièces de théâtre.

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    " « L’empereur et les Brigands » a pour ambition d’être une œuvre littéraire et une évocation historique confrontant Napoléon Ier à un autre personnage, Le Lecteur, qui peut être interprété aussi bien comme sa conscience que comme le jugement de l’Histoire. Ce dialogue aborde l’essentiel des événements de la vie de celui qui fut successivement citoyen-général, Premier consul de la République et, enfin, Empereur des Français. Cependant, il privilégie un angle narratif particulier : le positionnement de « L’Empereur » vis-à-vis des « Brigands » de la Vendée. En effet, après la Constitution civile du Clergé voulue dès les débuts de la Révolution, Napoléon a rétabli la paix religieuse et mis fin aux guerres de l’Ouest, ce que ni la Convention thermidorienne ni le Directoire n’avaient réussi avant lui. Mais, au fond, que pensait-il des idéaux de la rébellion vendéenne ? Et quelle était sa réelle motivation face à cette dissidence ? Deux cents ans après la mort, survenue en 1821, de l’un des plus grands chefs de l’État que la France ait connu, cette pièce est une manière de panser les blessures du passé pour penser plus sereinement l’avenir. "

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  • Le chevalier dans l'histoire...

    Les éditions Les Belles Lettres viennent de publier un essai de Frances Gies intitulé Le chevalier dans l'histoire. Historienne médiéviste américaine, Frances Gies a publié avec son mari, Joseph Gies, de nombreux ouvrages devenus des classiques comme La vie dans un château médiéval (Les Belles Lettres, 2018) ou La vie dans un village médiéval (Les Belles Lettres, 2020).

     

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    " Né du chaos européen du début du Moyen Âge, le chevalier monté et en armure a révolutionné la guerre et est très vite devenu une figure mythique dans l’histoire.
    Des conquérants normands de l’Angleterre aux croisés de la Terre sainte, du héros de la chanson de geste au preux du roman arthurien, des amateurs de tournoi aux chevaliers-troubadours, Le Chevalier dans l’Histoire, de la grande médiéviste Frances Gies, brosse un tableau remarquablement vivant et complet de la chevalerie, de sa naissance à son déclin.
    Le chevalier apparaît d’abord en Europe comme un mercenaire sans foi ni loi avant de devenir l’étendard de la chrétienté puis un soldat de métier au service des rois. Frances Gies nous fait partager sa vie quotidienne, faite de joutes et de batailles, de pillages et de rançons, mais aussi de dévotion et de pèlerinage, et souvent sanctionnée par l’errance et une mort précoce.
    Elle nous fait revivre l’aventure des héros du Moyen Âge qui ont joué un rôle historique, comme Bertrand du Guesclin, Bayard et Sir John Fastolf, qui inspira le Falstaff de Shakespeare, ou les grands maîtres des Ordres militaires qu’étaient les Templiers, les Hospitaliers et les chevaliers teutoniques. "

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  • Les nouveaux visages de la guerre...

    Les éditions VA Press viennent de publier un essai de Raphaël Chauvancy intitulé Les nouveaux visages de la guerre. Officier supérieur des troupes de marine, Raphaël Chauvancy enseigne également à l'Ecole de guerre économique.

     

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    " Le XXIe siècle est celui du choc des puissances. L'extension du domaine de la guerre aux nouveaux espaces économiques, virtuels ou cognitifs a ouvert une ère de conflictualité systémique. Cette rupture stratégique est encore mal appréhendée en France, où inhibitions et approches idéalistes faussent l'analyse des rapports de force et de leur évolution. Spécialiste des problématiques de puissance, Raphaël Chauvancy en définit le concept et le replace au cœur d'une analyse méthodique En remontant le fil des causalités, il éclaire l'arrière-plan des cas concrets dont il illustre sa démonstration. Il s'inscrit ainsi dans le temps long pour proposer une grille de lecture globale et accessible. Ouvrage de référence, Puissance et rapports de force ouvre la voie à une pensée stratégique alternative, adapté au nouveau monde multipolaire. "

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  • Le féminisme idéologique comme métastase du nihilisme postmoderne...

    Le 24 mai 2021, Thomas Arrighi recevait Julien Rochedy dans l'émission «Sputnik donne la parole» pour évoquer avec lui la question du féminisme à l'occasion de la sortie de son essai L'amour et la guerre.

     

                                               

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