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guerre - Page 18

  • Guerre en Ukraine : la fin d’un monde ?...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous Le samedi politique de TV Libertés, diffusé le 7 mai 2022 et présenté par Élise Blaise, qui recevait Philippe Murer, pour évoquer les répercussions économiques de la guerre en Ukraine sur l'Europe et sur la France...

    Économiste, Philippe Murer est spécialiste des questions liées à la souveraineté économique, à l'environnement et à l'énergie. Il a récemment publié Sortir du capitalisme du désastre (Jean-Cyrille Godefroy, 2021).

     

                                              

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  • Ukraine : arrêter la surenchère verbale...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Renaud Girard cueilli sur Geopragma et consacré à la dangereuse surenchère verbale du gouvernement américain face à la Russie dans le conflit ukrainien. Grand reporter au Figaro, Renaud Girard est membre du comité d'orientation stratégique de Geopragma.

     

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    Ukraine : arrêter la surenchère verbale

    Le général Lloyd Austin a, le 25 avril 2022, effectué une visite à Kiev. Elle fut tenue secrète jusqu’au dernier moment, pour des raisons évidentes de sécurité. Il est tout-à-fait normal que le Secrétaire américain à la Défense se rende en personne sur le territoire d’un pays ami, ayant été agressé militairement, et que les États-Unis ont décidé d’aider par tous les moyens, à l’exception de la guerre. Il a témoigné du soutien de la première puissance militaire du monde aux ukrainiens, tout en recensant leurs besoins en équipements militaires modernes, en formations, en renseignements. Le président Joe Biden a annoncé qu’il solliciterait du Congrès le financement d’un nouveau train d’aides à l’Ukraine. Vingt milliards de dollars sont prévus pour la fourniture d’armes. C’est considérable. Il faut remonter à la guerre du Kippour, lancée en octobre 1973 par les États arabes contre Israël, pour trouver un pont aérien militaire américain aussi important. À cette époque, l’aide matérielle américaine à Tsahal avait contribué à la victoire finale d’Israël. 

    Il n’y a rien d’étrange à ce que les pays de l’Otan cherchent à équilibrer la puissance militaire du pays agressé par rapport à celle du pays agresseur. Mais le ministre américain avait-il besoin d’en rajouter avec des déclarations tonitruantes ? Était-il nécessaire d’affirmer, comme il l’a fait, que le but de l’Amérique était désormais « d’affaiblir à tel point l’armée russe, qu’elle ne soit plus capable de réattaquer l’un de ses voisins » ?  

    Si le général Austin avait voulu alimenter la paranoïa déjà importante des dirigeants russes, il ne s’y serait pas pris différemment. Vladimir Poutine pense depuis longtemps – il l’a dit la première fois en février 2007 à la conférence de sécurité de Munich – que l’Occident a le dessein caché d’encercler la Russie. Depuis sa rencontre de Genève avec le président américain en juin 2021, il n’a cessé de réclamer une « nouvelle architecture de sécurité européenne ». Même s’il est avéré que les Occidentaux n’ont jamais eu l’intention de s’en prendre au territoire de la Fédération de Russie, la base de la diplomatie n’est-elle pas de prendre en compte le ressenti de l’adversaire ?  

    Cette phrase de matamore du ministre américain de la Défense, qui s’ajoute à celle du discours du 26 mars 2022 de Joe Biden à Varsovie sur la nécessité de changer le régime à Moscou, ne peut qu’alimenter la propagande du Kremlin auprès du peuple russe, prétendant que les vrais agresseurs, sur le temps long, sont les Occidentaux et que l’ « opération militaire spéciale » russe du 24 février s’apparente à une mesure préventive. 

    On peut comprendre que le Pentagone ait le désir secret d’affaiblir considérablement les armées russes. Mais cela doit-il se faire au prix de la destruction de l’Ukraine ? Si c’est le cas, une honnêteté minimum ne serait-elle pas d’en prévenir clairement les premiers concernés, à savoir la population ukrainienne ? Dans cette guerre, on a parfois l’impression que la Maison Blanche et le Congrès sont plus jusqu’au-boutistes que le président Zélensky (qui a lui-même dit que l’adhésion de l’Ukraine à l’Otan n’était plus une nécessité).

    Il y a quelque chose d’immoral à vouloir obtenir la destruction d’un adversaire stratégique grâce au sang des autres.
     
    Le pouvoir russe n’est lui-même pas avare de déclarations tonitruantes et de surenchère verbale. Au départ, il s’agissait pour lui de « dénazifier » l’Ukraine et d’empêcher que se réalise un « génocide » contre les populations russophones du Donbass. Aujourd’hui, les ministres de Poutine agitent de manière alambiquée la menace d’une confrontation nucléaire. Récemment, un programme de la télévision d’État russe a expliqué qu’un missile à tête nucléaire tirée de l’enclave russe de Kaliningrad (l’ancienne Königsberg du philosophe Emmanuel Kant) mettrait moins de 200 secondes à atteindre Paris…

    Qu’il y ait indéniablement de la surenchère verbale du côté russe ne rend pas pour autant intelligent d’en faire du côté occidental. Il est contradictoire de se comporter de la même manière qu’un adversaire dont on conspue l’autoritarisme et l’agressivité. Cela ne sert en rien la cause que l’on veut, en définitive, servir, qui est celle du cessez-le-feu. Maintenant que la cité portuaire de Marioupol a été détruite, l’urgence n’est-elle pas d’éviter à tout prix que la guerre ne s’étende à Odessa ?

    Dans cette guerre d’Ukraine, les intérêts et les risques de l’Europe sont très différents de ceux des américains. Se proclamant les meilleurs alliés de l’Europe, ils devraient cesser d’agiter en permanence un chiffon rouge devant les yeux de Poutine. Au lieu de le pousser dans ses retranchements, ils feraient mieux de travailler, avec les Ukrainiens, à trouver une porte de sortie pour l’agresseur. 

    Renaud Girard (Geopragma, 4 mai 2022)

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  • Ukraine : guerre au cœur de l'Europe...

    Le nouveau numéro de la revue Conflits (n°39, mai - juin 2022), dirigée par Jean-Baptiste Noé, vient de sortir en kiosque. Le dossier central est consacré à la guerre russo-ukrainienne.

     

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    Au sommaire de ce numéro :

    ÉDITORIAL

    L'épée à la main, par Jean-Baptiste Noé

    CHRONIQUES

    LE GRAND ENTRETIEN

    Entretien avec le général Pierre-Joseph Givre; les premières leçons de la guerre russe en Ukraine.

    IDÉES

    Qu'est-ce que le poutinisme ?, par Jean-Robert Raviot

    PORTRAIT

    Elizabeth II la muette, par Michel Faure

    ENJEUX

    GRANDE STRATÉGIE

    La grande stratégie de l'Angleterre, par Olivier Kempf

    HISTOIRE BATAILLE

    Les champs Catalauniques (20 juin451). Le chant du cygne, par Pierre Royer

    GÉOPOLITIQUE ET ENTREPRISE

    RIEN QUE LA TERRE

    VUE SUR LA MER

    CHEMINS DE FRANCE

    LIVRES

    ART ET GÉOPOLITIQUE

     

    DOSSIER

    Ukraine : guerre au cœur de l'Europe

    De la chute de l'URSS à la guerre en Ukraine, trente ans d'illusions et de frictions , par Frédéric Le Moal

    Penser les fausses nouvelles, au-delà des effets de mode, par Matthieu Grandpierron et Eric Pomès

    L'Ukraine : un regard géographique , par André Louchet

    Guerre en Ukraine : la tragédie des prophéties de malheur, par Alexis Feertchak

    Quelles recompositions territoriales sur les littoraux russes de la mer noire, par Joseph Martinetti

    Chine - Russie, entre alliance et mésalliance, par Emmanuel Dubois de Prisque

    Wagner, les musiciens tactiques de Poutine, par Guy-Alexandre Le Roux

     

     

     

     

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  • La guerre de Céline...

    Les éditions Gallimard publient cette semaine Guerre, le roman inédit de Louis-Ferdinand Céline, dont le manuscrit, qui lui avait été volé, avec d'autres, dans son logement lors de la libération de Paris, à l'été 1944, a réapparu soudainement l'année dernière et a pu être restitué à ses ayants droit. Un événement littéraire exceptionnel !

     

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    " Parmi les manuscrits de Louis-Ferdinand Céline récemment retrouvés figurait une liasse de deux cent cinquante feuillets révélant un roman dont l'action se situe dans les Flandres durant la Grande Guerre. Avec la transcription de ce manuscrit de premier jet, écrit quelque deux ans après la parution de Voyage au bout de la nuit (1932), une pièce capitale de l’œuvre de l'écrivain est mise au jour. Car Céline, entre récit autobiographique et œuvre d'imagination, y lève le voile sur l'expérience centrale de son existence : le traumatisme physique et moral du front, dans l'"abattoir international en folie". On y suit la convalescence du brigadier Ferdinand depuis le moment où, gravement blessé, il reprend conscience sur le champ de bataille jusqu'à son départ pour Londres. À l'hôpital de Peurdu-sur-la-lys, objet de toutes les attentions d'une infirmière entreprenante, Ferdinand, s'étant lié d'amitié au souteneur Bébert, trompe la mort et s'affranchit du destin qui lui était jusqu'alors promis. Ce temps brutal de la désillusion et de la prise de conscience, que l'auteur n'avait jamais abordé sous la forme d'un récit littéraire autonome, apparaît ici dans sa lumière la plus crue. Vingt ans après 14, le passé, "toujours saoul d'oubli", prend des "petites mélodies en route qu'on lui demandait pas". Mais il reste vivant, à jamais inoubliable, et Guerre en témoigne tout autant que la suite de l’œuvre de Céline. "

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  • Les retombées géopolitiques de la guerre en Ukraine...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Patricia Lalonde, cueilli sur le site de Geopragma et consacré aux conséquences de la guerre russo-ukrainienne sur le paysage géopolitique mondial. Chercheuse à l’IPSE (Institut de Prospective et de Sécurité́ en Europe), Patricia Lalonde a succédé à Caroline Galactéros à la tête de Geopragma.

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    Les retombées géopolitiques de la guerre en Ukraine

    Les conséquences de la guerre des Russes en Ukraine sont innombrables : si les pays européens ont unanimement condamné l’intervention russe en Ukraine, il n’en est pas de même pour la plupart des pays du Moyen-Orient et de la sphère eurasiatique. 

    Après le refus de la Chine et de l’Inde de condamner l’opération militaire russe en Ukraine, il semblerait que les pays du Moyen-Orient tentent, eux aussi, d’éviter une brouille avec la Russie.

    Israël, soucieuse de ne pas froisser un pays avec lequel elle entretient de bonnes relations – grâce à l’importante communauté juive sur son sol – s’est dans un premier temps abstenu de condamner la Russie lors du vote aux Nations Unies, même si elle finira sous la forte pression américaine, par voter pour son retrait de la Commission des Droits de l’Homme des Nations Unies. Son Premier ministre Naftali Bennett proposera son aide pour une médiation entre la Russie et l’Ukraine, ce qui ne sera pas bien vu des côtés européen et américain. Néanmoins, malgré les remous politiques que la crise ukrainienne provoque dans le pays, les dirigeants israéliens savent qu’un accord avec le voisinage reste primordial pour la sécurité d’Israël.

    L’Invitation de Bachar el Assad par Mohamed Ben Zayed aux Emirats Arabes Unis reste sans doute l’acte le plus significatif d’une possible recomposition au Moyen-Orient.

    MBZ, qui a signé les accords d’Abraham à l’initiative de Donald Trump, pourrait chercher à devenir un facilitateur dans une prochaine réintégration de la Syrie dans le Conseil de Coopération du Golfe, espérant ainsi ouvrir la voie à un possible futur nouveau Levant.

    La visite du ministre des Affaires étrangères du Barheïn à Sergueï Lavrov, son homologue russe à Moscou ainsi que les accords diplomatiques et économiques qui s’en est scellés participent à ce remodelage.
    Le président turc, R. T. Erdogan, politiquement mis à mal dans son pays, tout en restant un pilier de l’OTAN, joue sur plusieurs tableaux, après s’être rapproché d’Israël, il cherche également à se réconcilier avec Damas. Il prend une place centrale dans les négociations qu’il héberge à Istanbul entre l’Ukraine et la Russie comme il l’a fait lors des négociations d’Astana sur le conflit syrien ou encore sur le conflit du Haut Karabakh ; son rapprochement avec Damas et avec Israël pourrait également participer à ce jeu de chaises musicales au Moyen-Orient.

    Il semblerait que l’alliance des pays occidentaux avec les États-Unis contre la Russie ait effrayé tous ceux qui gardent et cherchent à avoir de bonnes relations avec elle.

    La façon dont l’Amérique de Joe Biden a lâché les Afghans (en laissant le pays revenir au Moyen Âge), son incapacité à faire stopper la guerre au Yémen provoquant les attaques des Houthis sur les sols saoudien et émirati ont fait la démonstration pour bon nombre de pays de la région qu’il était dangereux de mettre tous leurs œufs dans le même panier, sous la protection de l’oncle Sam… C’est ainsi que Mohamed Ben Salmane vient d’obliger le président du Yémen en exil Mansour Hadi à démissionner dans une énième tentative de paix, en donnant la gestion des affaires à un conseil présidentiel. S’il n’est pas certain que les Houthis en accepteront toutes les conséquences, le besoin urgent d’aide humanitaire de l’ouverture de l’aéroport de Sanaa et du port d’Hodeïda, pourrait les pousser à au moins accepter d’entamer de véritables négociations. L’avenir de la sécurité au Moyen-Orient ne pouvant plus reposer sur les Américains, de nouvelles dispositions doivent être prises au niveau régional. 

    S’il fallait une autre preuve, le refus des Algériens à Doha lors du Forum des Pays exportateurs de gaz (GECF) de livrer du gaz à certains pays européens, excepté à l’Italie, en serait une autre démonstration.

    L’évolution de la dynamique du pouvoir mondial et des pratiques régionales réoriente rapidement de nombreux États du Moyen-Orient qui préfèrent s’éloigner de Washington par peur.

    L’Iran sous sanctions américaines cherche également à jouer un rôle et à apaiser les tensions régionales entre les partisans des accords d’Abraham et ceux qui ne veulent en entendre parler.

    À cause de la guerre en Ukraine, les négociations sur le nucléaire iranien ont pris du retard. La Russie, important négociateur sur le JCPOA, a en effet réclamé que les nouvelles sanctions appliquées par les Américains depuis l’invasion russe en Ukraine, ne le soient pas en ce qui concerne son commerce avec l’Iran, laissant ainsi aux Américains, comme ultime moyen de pression sur les Iraniens, la menace de laisser les Gardiens de la Révolution sur leur liste terroriste.  

    En Asie centrale, la rencontre et le soutien du Premier ministre Pakistanais Imran Khan avec Vladimir Poutine, ainsi que son refus d’accepter l’implantation de bases militaires américaines sur son sol, ont fortement déplu aux Américains. Il est vrai que le rapprochement que le Pakistan a opéré avec la Chine et son soutien à la « Belt and Road Initiative » dont le port de Gwadar au Balouchistan doit faire partie, avait déjà commencé à envenimer les relations entre les deux pays. Imran Khan vient d’être destitué dans ce qui semble être un coup d’État imposé aux militaires pakistanais par les Américains. De graves troubles dans le pays sont à craindre, risquant s’il en était encore possible de déstabiliser le voisin afghan.

    Enfin, la réunion organisée par le ministre des Affaires étrangères chinois avec ses homologues d’Asie Centrale dans la province d’Anthui en Chine afin de se mettre d’accord sur une position commune sur le conflit Ukraine Russie,  ainsi que  les accords commerciaux et diplomatiques qui s’en sont suivis, montrent qu’une nouvelle organisation géopolitique du monde est en marche.

    Pas sûr que les appels téléphoniques de Joe Biden au président indien, Narendra Modi ainsi qu’à Cyril Ramaphosa, son homologue de l’Afrique du Sud pour avoir une explication sur leur abstention sur le vote pour évincer la Russie de la CNDH ne puissent empêcher ce bouleversement géopolitique. 

    Pas sûr non plus, que l’insistance des Américains à vouloir prolonger la guerre et à livrer des armes lourdes à l’Ukraine ne constitue pas un énorme risque pour l’Europe.

    Patricia Lalonde (Geopragma, 18 avril 2022)

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  • «Prétendre que l'invasion de l'Ukraine accélère la construction européenne est un contresens»...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Guillaume Bigot, cueilli sur le Figaro Vox et consacré au prétendu réveil stratégique de l'Union européenne provoqué par la guerre en Ukraine. Politologue et essayiste, Guillaume Bigot est l'auteur de La Populophobie - Le gouvernement de l’élite, par l’élite et pour l’élite (Plon, 2020).

     

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    Guillaume Bigot: «Prétendre que l'invasion de l'Ukraine accélère la construction européenne est un contresens»

    «Nous sommes pareils à des voyageurs de wagons-lits qui ne se réveilleront qu'au moment de la collision» écrivait Robert Musil à propos de la première guerre mondiale dans L'Europe désemparée.

    Plus d'un siècle plus tard, les Européens ne sont pas moins surpris par le retour de la guerre de haute intensité comme disent les spécialistes. En réaction à l'invasion de l'Ukraine, l'Union européenne (UE) serait en train de sortir de sa torpeur stratégique. On assisterait à l'émergence d'une authentique volonté d'autonomie stratégique continentale. Et ceci pour trois raisons brandies par les partisans de la construction européenne : une raison sentimentale, une raison énergétique et une raison militaire dont chacune mérite d'être examinée.

    La raison sentimentale a été formulée par Ursula von der Leyen: « Les Ukrainiens font partie de nous. Ils sont des nôtres et nous souhaitons qu'ils nous rejoignent. » Nous sommes tous ukrainiens répète-t-on à Bruxelles et cette communauté de destin a été renforcée par la demande d'adhésion de l'Ukraine à l'Union européenne. La découverte de charniers laissés par les soudards impitoyables de l'armée russe dans la banlieue de Kiev ne peut que renforcer la sympathie naturelle des Européens pour les Ukrainiens.
    La cruauté de l'agression russe serait ressentie comme celle de tous les Européens, une sorte d'affectio societatis continental sera en train d'émerger.

    Or, dans l'histoire, on ne se pose qu'on s'opposant. La France n'est devenue elle-même qu'en combattant les Anglais pendant la guerre de Cent ans. Plus décisif encore, un sentiment d'insécurité collective continentale aurait fait naître la résolution des Européens de se défendre contre la Russie poutinienne, ennemi commun de l'UE et de ses valeurs.

    En examinant cet argument sentimental, on est cependant frappé par sa fragilité. D'abord, la guerre russo-ukrainienne est intra-européenne. Les Ukrainiens sont européens mais les Russes ne le sont pas moins. Les Grecs attaqués à Chypre par des Turcs non européens et membres de l'Otan, étaient aussi européens. Les
    Serbes bombardés par l'Otan étaient également européens. Si l'UE se sent aujourd'hui ukrainienne alors qu'elle ne s'est jamais sentie serbe ou grecque, c'est que l'Ukraine est une nation européenne pro-Otan attaquée par un autre pays européen anti-Otan.

    C'est d'ailleurs ce que Madame von der Leyen confirme en expliquant qu'en Ukraine : "c'est la démocratie qui se dresse contre l'autocratie et dans ce combat-là, nous sommes unis avec nos amis canadiens et américains. »

    Passons au deuxième argument de ceux qui affirment que l'UE aurait pris en main ses intérêts stratégiques à l'occasion de la guerre en Ukraine, c'est l'argument énergétique. Tous les Européens seraient réunis, nous dit-on, par la recherche d'une résilience énergétique. « La guerre d'agression russe en Ukraine nous montre de manière dramatique à quel point la sécurité et l'approvisionnement énergétique sont étroitement liés. Nous ne pouvons-nous permettre d'ignorer cela », reconnaît Patrick Graïchen, le secrétaire d'État allemand au climat. La présidente von der Leyen abonde dans le même sens : « Les 27 sont bien trop dépendants aux énergies fossiles russes, et il faut nous débarrasser de cette dépendance. »

    Constats difficilement contestables mais incitent-ils les Européens à développer une vision commune de leur indépendance énergétique ? Le diagnostic est partagé, les remèdes le sont moins.

    Et pour commencer, les sanctions européennes contournent les banques impliquées dans les transactions avec Gazprom. Le gaz et le pétrole russes continuent d'arriver en Europe. Face à l'ignominie des crimes commis par les soudards russes, l'UE vient de renoncer au charbon russe. C'est un dérisoire volontarisme de sauts de puces. L'indépendance énergétique demeure ainsi une velléité.
    La filière nucléaire française offre une solution, peut-être pas immédiate mais au moins compatible avec un objectif d'autonomie énergétique européenne. Pourtant, le plan de relance européen exclut le nucléaire.

    En revanche, la présidente de la Commission a déclaré que nous devons nous tourner vers "nos amis américains pour voir s'il n'est pas possible de disposer de davantage de gaz naturel liquéfié".
    L'intérêt des 27 étaient-ils de se passer de Nord Stream II pour se jeter dans les bras du Qatar ou du Texas afin de se fournir en énergie ? Joseph Biden a répondu à cette question lors de sa conférence de presse avec le chancelier allemand, le 7 février dernier, en déclarant : « si la Russie envahit l'Ukraine, Nord Stream II ne se fera pas. »

    Enfin, le troisième argument de ceux qui voient dans la crise ukrainienne l'acte de naissance d'une Europe puissance, c'est que la question militaire intéresserait enfin Bruxelles.

    « La guerre a enfin contribué à créer le consensus autour de la défense européenne » analyse Nathalie Loiseau, eurodéputé et présidente de la sous-commission défense au Parlement européen. « Pour la première fois de notre histoire, nous finançons l'achat et la livraison d'armes à un pays attaqué avec des fonds européens » explique Ursula von der Leyen. Pour le Haut représentant Josep Borrell, l'adoption par le Conseil européen d'un
    texte de doctrine défensive intitulé « boussole stratégique » exprimerait un « changement tectonique. »

    Autre signe que les Européens auraient renoncé à leur naïveté : l'Allemagne a décidé de consacrer 100 milliards d'euros à sa défense. Pourtant, ici encore, on est loin de tenir les preuves d'une authentique volonté d'autonomie stratégique européenne. Effectivement, l'UE va fournir une aide militaire mais ce sont les États membres qui l'ont décidé et ce sont les Etats membres qui livreront, le tout avec la bénédiction et sous la supervision de l'Otan.

    Quant au réarmement de l'Allemagne, il n'exprime aucune solidarité européenne. Berlin a commencé à s'équiper en achetant des F35 américains, compatibles avec les standards Otan et habilités à porter des charges nucléaires américaines… Pour l'autonomie stratégique continentale, on repassera.

    Dans l'affaire Aukus, Allemands et Suédois ont réalisé un intense lobbying intensif pour que Canberra n'achète pas de sous-marins français. En matière spatiale, les sociétés allemandes préfèrent Space X à Ariane 6. La maxime gaullienne se vérifie ad nauseam : les États n'ont pas d'amis… Même les États membres n'ont que des intérêts.

    D'ailleurs, la « boussole stratégique » appelle à une « coopération plus étroite et mutuellement bénéfique avec les États-Unis. » Nathalie Loiseau confirme que cette fameuse boussole européenne ne change pas de cap : « Il faut arrêter de penser qu'autonomie stratégique et lien transatlantique sont contradictoires. » Au-delà de confirmer la prophétie gaulliste d'une Union européenne qui ne
    pourrait se réaliser qu'au profit d'une tierce puissance, deux évidences devraient nous sauter aux yeux.

    La première évidence, c'est que la crise ukrainienne signe le retour de la guerre. Or, le plus authentique cri de guerre des Européens, c'est Aristide Briand qui l'a poussé en 1926: « Arrière les fusils, les mitrailleuses, les canons ! Place à la conciliation, à l'arbitrage, à la paix! » Le projet européen est tout entier fondé sur l'espoir de neutraliser la guerre par l'économie. Pourtant, l'UE commerce davantage avec la Russie qu'avec l'Ukraine.

    C'est parce qu'elles ne veulent plus se défendre elles-mêmes que les nations se sont abandonnées au projet européen. C'est aussi pour cette raison que l'UE est consubstantiellement liée à l'Otan. Les Européens n'ont plus ni la capacité, ni la volonté de se défendre eux-mêmes alors comment les 27 trouveraient-ils le ressort de défendre une entité commune ? Les volontés se multiplient, les renoncements s'annulent. La crise ukrainienne, c'est aussi le retour des nations.

    Il y a un peuple allemand et un peuple français. Il y a un peuple ukrainien et un peuple russe et sans doute les Ukrainiens sont-ils plus proches des Russes que nous ne le sommes des Allemands.
    Les Ukrainiens se battent pour leur terre, pour défendre leurs frontières et pour leur drapeau. Les Ukrainiens sont un peuple mais les Européens ne le sont pas. D'ailleurs, qui irait mourir pour le drapeau européen ?

    On voit plus de drapeaux ukrainiens dans les beaux quartiers parisiens aux fenêtres que de tricolores au lendemain de Charlie, comme si les bobos français avaient besoin d'un patriotisme de substitution. Le bleu et le jaune du drapeau ukrainien ne sont pas les couleurs d'un patriotisme post-national qui aurait moralement réarmé ceux qui posaient des bougies après le Bataclan en bêlant : vous n'aurez pas ma haine !

    La résistance héroïque des Ukrainiens montre par ailleurs que ce n'est pas la taille d'un pays mais la détermination de son peuple à le défendre qui fonde son indépendance. La Suisse est petite mais personne n'ira l'envahir car le patriotisme helvète est ombrageux et armé !

    Platon savait déjà que ce ne sont pas les murs qui font les cités mais le courage des hommes qui les défendent. Prétendre que l'invasion de l'Ukraine accélérerait la construction européenne revient ainsi à tomber dans un grave contresens.

    Guillaume Bigot (Figaro Vox, 8 avril 2022)

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