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guerre - Page 18

  • Tour d'horizon... (222)

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    La guerre russo-ukrainienne au sommaire cette semaine : 

    - sur La voie de l'épée, Michel Goya livre ses analyses militaires de la situation...

    Invasion (23 février 2022)

    Erreurs (4 mars 2022)

    - sur Theatrum Belli, Stéphane Audrand donne son analyse initiale...

    Réflexions initiales sur l’invasion de l’Ukraine (26 février 2022)

    - sur le site de la revue Éléments, Rodolphe Cart évoque l'impuissance de l'Europe et ses raisons...

    L’Europe entre l’enclume atlantiste et le marteau russe (4 mars 2022)

    - sur le site de Rébellion, Yannick Sauveur en appelle à une sortie de l'OTAN...

    Sortir de l'OTAN ! (1er mars 2022)

    - sur le site de Terre et Peuple, André Campana resitue le conflit russo-ukrainien dans le cadre de l'affrontement entre les Etats-Unis et la Russie...

    La Russie contre l'axe des gentils (4 mars 2022)

    - sur le site de la revue Conflits, le professeur Jean-Robert Raviot estime que l'attaque russe relégitime l'OTAN...

    L’invasion de l’Ukraine concrétise la menace russe en Europe (2 mars 2022)

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  • Feu sur la désinformation... (367)

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un numéro de l'émission I-Média sur TV libertés consacrée au décryptage des médias et animée par Michel Geoffroy, de la fondation Polémia, et Nicolas Faure.

    Au sommaire :

    • 1 - L'image de la semaine
      Changement d’ère médiatique avec la fin du Covid-19, totalement éclipsé par la guerre en Ukraine.
    • 2 - Bobards de guerre : armes de désinformation massive
      Petite recension de quelques manipulations commises par des journalistes durant les premiers jours de la guerre entre la Russie et l’Ukraine.
    • 3 - Hystérie générale contre la Russie
      Entre les concerts d’orchestres russes annulés et les propos délirants de Bruno Le Maire, on semble assister à une hystérie générale.
    • 4 - Censure et chasse aux sorcières
      La censure incroyable de Russia Today en Europe a de quoi laisser pantois ! Plus largement, on voit se mettre en place une censure de toutes les opinions contraires à la doxa.
    • 5 - Impact sur la présidentielle
      Cette guerre entre l’Ukraine et la Russie n’est pas qu’une affaire internationale. Ses conséquences sur la vie politique française sont déjà bien visibles.

     

                           

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  • L'invasion de l'Ukraine, une faute cardinale ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Renaud Girard, cueilli sur le site de Geopragma et consacré à la décision de Vladimir Poutine de faire envahir l'Ukraine par l'armée de la Fédération de Russie. Grand reporter au Figaro, Renaud Girard est membre du comité d'orientation stratégique de Geopragma.

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    Les trois erreurs de jugement de Vladimir Poutine

    Quelle dégringolade stratégique !

    A l’été 2021, Vladimir Poutine était au plus haut de sa cote dans la savane des grands fauves de la géopolitique. Il était à la fois craint et respecté dans le monde. Le président américain s’était déplacé au mois de juin jusqu’à Genève pour s’entretenir avec lui. Avec Joe Biden, Poutine avait reconduit pour cinq ans le traité START de limitation des armements stratégiques. Un cessez-le feu dans la cyber guerre avait également été trouvé entre les Etats-Unis et la Russie. Biden avait même fini par accepter l’ouverture du gazoduc North Stream 2, amenant directement, par la Baltique, le gaz russe à l’Allemagne. En Asie, Poutine avait établi d’excellentes relations avec la Chine, tout en maintenant le lien historique de l’Inde et de la Russie. Il n’avait pas de mauvaises relations avec le Japon et la Corée du Sud. Au Moyen-Orient, Poutine n’avait que des amis, son soutien militaire à la dictature syrienne de septembre 2015 ne lui ayant aliéné ni Israël, ni l’Arabie saoudite, l’ex grand argentier de la rébellion syrienne. En Europe, Poutine avait établi une relation presque amicale avec les leaders français et allemand. Juste avant de se retirer de la politique, la chancelière Merkel lui avait rendu visite à Moscou, le 20 août 2021, afin de lui faire ses adieux. Une visite de courtoisie qu’elle ne fera pas au maître de la Chine.

    En reniant ses promesses et en agressant militairement l’Ukraine à l’aube du jeudi 24 février 2022, Vladimir Poutine a commis un acte quasi-suicidaire. Il s’est, tout seul, déplacé du Capitole vers la Roche Tarpéienne. Son invasion d’un pays voisin, pacifique, historiquement frère, reconnu librement par la Russie depuis 1991, est incompréhensible. C’est un acte géopolitiquement irrationnel. Je ne l’avais pas du tout vu venir, je dois le reconnaître humblement.

    Envahir l’Ukraine : pour gagner quoi ? La condamnation du monde civilisé ? La haine définitive des Ukrainiens ? La démotivation puis l’embourbement de son armée ? La mort de jeunes soldats russes par milliers ? L’isolement de la Russie et sa faillite économique ? L’intégration de l’Ukraine dans l’Union européenne ?

    Annexer la Crimée, sans effusion de sang comme il l’avait fait en mars 2014, était un geste qu’on ne pouvait pas légalement entériner (son prédécesseur au Kremlin ayant garanti l’intégrité territoriale de l’Ukraine par le mémorandum de Budapest de décembre 1994) mais qu’on pouvait comprendre : Poutine voulait éviter que Sébastopol, port militaire de la flotte russe en Mer Noire, tombe aux mains de l’Otan. Faire, en 2014 et 2015, couler le sang russe et ukrainien au Donbass, avait déjà été une erreur stratégique de Poutine. Il n’avait fait que consolider le nationalisme ukrainien – en 2010, une moitié des Ukrainiens avait voté pour un président prorusse ; au premier tour des élections présidentielles de 2019, le candidat prorusse n’obtiendra que 11,7% des voix.

    Mais, en envahissant la totalité de l’Ukraine, Poutine a commis une faute cardinale. Il a d’ores et déjà perdu quatre guerres. La guerre morale, en violant la Charte des Nations Unies. La guerre de la communication en traitant Zelensky de nazi : le président ukrainien, courageux et stratège, est devenu un héros pour le monde entier. La guerre économique, car même les banques chinoises se conformeront à la fermeture de l’accès au dollar et à l’euro, imposée aux banques russes. La guerre diplomatique, en effaçant le sentiment de culpabilité qu’avait Berlin envers Moscou depuis l’opération Barbarossa, ainsi que le désir de neutralité de la Finlande et de la Suède. Pourtant Poutine avait été maintes fois averti, notamment par Emmanuel Macron, qu’il courrait au fiasco en passant l’acte.

    Cinq jours après son agression, Poutine est tombé au plus bas de sa cote internationale. Il n’est plus respecté, ni même craint, comme le montre la décision allemande de livrer des missiles antiaériens portatifs Stinger à la Résistance ukrainienne.

    Cette dégringolade est dû au cumul de trois erreurs de jugement, toutes inspirées par le mépris. Poutine a pensé à tort que les Ukrainiens ne se défendraient pas et que son expédition militaire serait une promenade de santé. Son mépris affichée pour l’UE l’a conduit à sous-estimer la capacité d’union des Européens face au danger. Enfin, sa bunkérisation, loin des élites intellectuelles russes (très opposées à cette guerre), l’a empêché de prendre conseil dans son propre pays.

    Le président français continue à parler à son homologue du Kremlin. Macron a raison car la priorité est d’arrêter le bain de sang entre frères ukrainiens et russes. Poutine a exigé la démilitarisation puis la finlandisation de l’Ukraine, ainsi que la reconnaissance de l’annexion de la Crimée. En utilisant ses blindés, il les a rendues plus improbables que jamais.

    Renaud Girard (Geopragma, 1er mars 2022)

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  • Territoire comanche...

    Les éditions des Belles Lettres viennent de publier un récit autobiographique d'Arturo Pérez-Reverte intitulé Territoire comanche. Journaliste et écrivain espagnol, Arturo Pérez-Reverte est l'auteur de nombreux romans, parmi lesquels on peut citer Le peintre des batailles, le cycle du Capitaine Alatriste ou celui de Folco, et également de récits historiques dont Un jour de colère, consacré au soulèvement du Dos de Mayo.

     

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    " C’est l’adieu aux armes d’Arturo Pérez-Reverte, alors journaliste de guerre. L’écrivain, membre de l’Académie royale espagnole, livre dans Territoire comanche, publié en 1994, et traduit pour la première fois en France, son témoignage sur la guerre dans l’ex-Yougoslavie. À 41 ans, la liste est longue des conflits qu’il a déjà couverts, d’abord pour le journal Pueblo puis comme reporter de la chaîne de télévision TVE : Chypre, guerre des Malouines, Liban, Tchad, Libye, Mozambique, Angola, conflits en Érythrée, au Salvador au Nicaragua, Roumanie, première guerre du Golfe puis éclatement de la Yougoslavie. Arturo Pérez-Reverte, a, pendant vingt ans, sillonné une planète en feu, vu la mort de près et beaucoup fréquenté le territoire comanche.

    Dans le jargon du métier de reporter de guerre, « c’est l’endroit où l’instinct lui dit : arrête la voiture et fais demi-tour, écrit-il. L’endroit où les chemins sont déserts et les maisons des ruines calcinées ; où l’on dirait toujours que la nuit va tomber et où l’on avance en rasant les murs en direction des coups de feu qui retentissent au loin, attentif au bruit de ses pas sur le verre brisé. » Pour Reverte, le territoire comanche se trouvait dans cette Yougoslavie brisée par la guerre. C’est là qu’il a décidé d’en finir avec elle pour se consacrer à sa carrière d’écrivain. Pamphlet contre le journalisme spectacle, réflexion cruelle sur l’éthique de la presse, Arturo Pérez-Reverte dresse aussi une émouvante galerie de portraits du club très fermé des reporters de guerre, ses camarades. 75 d’entre eux périront durant le conflit dans l’ex-Yougoslavie. "

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  • Guerre en Ukraine, conséquence de l’impéritie des élites occidentales...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Michel Geoffroy cueilli sur le site de l'Institut Iliade et consacré à la guerre russo-ukrainienne. Ancien haut-fonctionnaire, Michel Geoffroy a publié le Dictionnaire de Novlangue (Via Romana, 2015), en collaboration avec Jean-Yves Le Gallou, et deux essais, La Superclasse mondiale contre les Peuples (Via Romana, 2018), La nouvelle guerre des mondes (Via Romana, 2020), Immigration de masse - L'assimilation impossible (La Nouvelle Librairie, 2021) et dernièrement Le crépuscule des Lumières (Via Romana, 2021).

     

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    Guerre en Ukraine, conséquence de l’impéritie des élites occidentales

    Une guerre entre Européens ne ferait qu’ajouter au suicide démographique et géopolitique de notre continent. A fortiori si elle devait déborder le monde slave, comme semblent le souhaiter certains irresponsables, va-t-en-guerre de plateaux télévisés. Il serait temps que l’Europe sorte de sa dormition.

    Un conflit prévisible

    Le conflit entre la Russie et l’Ukraine était pourtant prévisible : il était même annoncé !

    Car il plonge ses racines dans la politique américaine d’encerclement de la Russie qui s’est traduite par l’extension continue de l’OTAN vers ses frontières, en contradiction avec les engagements pris par les occidentaux lors de la chute de l’URSS. Dans la volonté atlantiste, aussi, d’empêcher à tout prix l’émergence d’une Europe de l’Atlantique à l’Oural et pour cela, de fractionner durablement notre continent. Dans le renouveau matériel et spirituel de la Russie, enfin.

    Mais les élites d’Europe occidentale se sont enfermées dans le déni : elles ont refusé de voir que nous étions entrés dans un monde polycentrique, où les nations et les civilisations ré-émergentes ont accédé à la puissance et n’entendent plus se plier aux diktats occidentaux.

    Un monde par conséquent de plus en plus instable et de moins en moins occidental, justement, comme l’avait prévu Samuel Huntington.

    Une mortelle illusion

    Le conflit en Ukraine marque le retour du tragique pour une Europe de l’Ouest qui ne s’est préparée à rien car elle a cru que le doux commerce, la communication et le droit procédural suffiraient à tout résoudre.

    Une Europe occidentale qui a cru que sa dormition pourrait rester paisible alors qu’elle laissait se développer les sources d’instabilité non seulement à ses portes, mais sur son sol même. Et qu’elle se complaisait dans la déconstruction maladive de son identité et dans son propre remplacement ethnique.

    Le choc des puissances qui se déroule en Ukraine met fin brutalement à cette mortelle illusion.

    Il démontre l’inexistence de l’Union Européenne, nain stratégique, militaire et diplomatique, simple courroie de transmission d’intérêts ou de lubies idéologiques qui ne sont pas les nôtres.

    Car entre les États-Unis, la Russie, l’Inde ou la Chine, l’Europe marchande, déconstruite et immémorante ne compte plus au 21ème siècle.

    L’impéritie des élites occidentales

    La guerre en Ukraine illustre donc, une nouvelle fois, l’impéritie des élites d’Europe occidentale.

    Celles-ci n’ont pas voulu voir la détérioration de l’état ukrainien ; elles ont fermé les yeux sur ce qui se passait dans le Donbass ; elles n’ont pas réellement veillé à l’application des accords de Minsk ; elles ont ignoré les avertissements répétés de la Russie ; elles ont tout misé sur l’OTAN.

    Et maintenant que la crise est là, voilà que nos bisounours promoteurs d’écriture inclusive, de vivre ensemble et de déplacements en trottinette, tiennent maintenant des discours martiaux, mais au plus mauvais moment.

    Ils jouent aux « chefs de guerre », ils condamnent, ils brandissent des sanctions, ils déplacent des troupes, ils censurent. Ils gesticulent.

    Ils démontrent surtout leur incapacité dramatique à maitriser les évènements qu’ils ont laissé advenir et contre lesquels ils ne nous ont pas préparés au surplus.

    Comme leurs prédécesseurs de 1939 nous ont conduit au désastre.

    Le réveil sera rude

    Le conflit en Ukraine montre enfin que les mots, tabous en Europe occidentale, de souveraineté, de frontière, d’intérêt national, de volonté et de puissance avaient encore tout leur sens au 21ème siècle. Du moins pour ceux qui entendent jouer un rôle dans le nouveau siècle multipolaire qui s’avance.

    Pour les autres, réduits à l’état d’objet de l’histoire, c’est-à-dire à l’état de proie, ce siècle promet d’être bien douloureux.

    Faute de l’avoir compris, notre continent risque une nouvelle fois de devenir le champ de bataille où se rejoue l’affrontement éternel, décrit autrefois par Thucydide, entre puissance émergente et puissance dominante ; mais cette fois, malheureusement à l’âge nucléaire.

    Il serait temps que les Européens se réveillent… au bord du gouffre !

    Michel Geoffroy (Institut Iliade, 1er mars 2022)

    On peut aussi rappeler au passage que les « bonnes consciences » occidentales étaient moins ardentes à dénoncer Moscou lorsque les bolchéviques écrasaient Prague, Budapest et Berlin-Est en 1954 et 1968 (seuls quelques Européens courageux le faisaient à l’époque : dont Dominique Venner).

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  • "Pour sortir de la guerre, il faut une Ukraine indépendante et neutre"...

    Nous reproduisons ci-dessous une tribune de Jacques Sapir, cueillie sur le site de Marianne et consacrée à la guerre russo-ukrainienne. Économiste hétérodoxe, directeur d’études à l’EHESS, expert de l’économie russe, Jacques Sapir a publié de nombreux essais comme La fin de l'euro-libéralisme (Seuil, 2006), La démondialisation (Seuil, 2011) ou Souveraineté - Démocratie - Laïcité (Michalon, 2016).

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    Jacques Sapir : "Pour sortir de la guerre, il faut une Ukraine indépendante et neutre"

    L’attaque militaire, injustifiée et inadmissible, de la Russie contre l’Ukraine, qui a commencé aux premières heures du jeudi 24 février, a créé une situation de guerre entre les deux pays. La question de son issue, et donc celle de la sortie de la guerre, se pose de manière urgente. Il ne fait guère de doute, vu le déséquilibre des forces, que la Russie impose sa volonté à l’Ukraine. Mais, la stabilité de l’Europe à moyen et long terme dépend aussi de ce que l’issue de ce conflit ne soit pas par trop déséquilibrée.

    Que veut le gouvernement russe ? Trois hypothèses peuvent être faites quant à l’issue du conflit. Soit la Russie occupe militairement l’Ukraine et l’annexe, dans un scénario de reconstitution de l’URSS. C’est clairement extrêmement peu probable. Soit la Russie entend mettre au pouvoir à Kiev un gouvernement complaisant. Mais ce gouvernement serait, par la force des choses et encore plus depuis l’intervention commencée le 24, fort minoritaire et dépourvu de légitimité. La Russie s’engagerait alors dans des opérations de maintien de l’ordre sans fin et terriblement coûteuses. Un tel scénario n’est même pas équivalent de la situation biélorusse où le président Loukachenko peut, lui, compter sur la division de ses opposants et sur l’appui de certains segments de la société. Soit, enfin, la Russie se retire et la possibilité d’une Ukraine indépendante et neutre apparaît.

    Cette issue est la seule acceptable. C’est elle qui doit être visée. Les pays européens doivent très clairement dire que les deux autres entraîneraient un isolement de long terme de la Russie et rendraient caduque l’idée de toute négociation sur la sécurité européenne pour de longues années. Ils doivent donc exiger que la Russie reconnaisse le président Zelensky et tout gouvernement formé sur la base de l’actuelle Rada, le Parlement ukrainien, comme seul interlocuteur légitime. Ceci constitue l’un des préalables à des négociations. Tout atermoiement du gouvernement russe sur ce point serait alors un indicateur qu’il penche pour les autres solutions, dont on a dit qu’elles étaient inacceptables.

    « L’objectif de ces négociations devrait être la définition d’une Ukraine libre et neutre, mais aussi la prise en compte des préoccupations légitimes de sécurité de la Russie, du pur point de vue des intérêts géostratégiques et quoique celle-ci soit assurément responsable de la guerre. »

    Quelles pourraient être la forme et le contenu des négociations qui s’ouvriraient dans la troisième solution ? Très clairement, il y aurait une succession de niveaux divers de négociations. Le premier concernerait la fin des hostilités et un retrait, au moins partiel, voire total, des troupes russes d’Ukraine à l’exception du territoire des deux républiques de Donetsk et Lougansk. Ces négociations mettraient en face-à-face la partie russe et la partie ukrainienne, avec la présence d’observateurs, qui pourraient être l’Allemagne et la France. Le format rappellerait, sans être similaire, celui des accords de Minsk. Un engagement net et précis sur un retrait des troupes russes devrait clore cette phase des négociations. En échange, le gouvernement de Kiev prendrait l’engagement de ne pas tenter d’opérations militaires contre ces deux républiques et d’entrer en négociations avec elles pour régler les nombreux problèmes humanitaires qui se posent : circulation des personnes, payement des retraites et pensions, etc.

    S’engagerait, ensuite, le second niveau de négociation portant sur l’architecture de sécurité européenne et le statut de l’Ukraine. Ces négociations devraient impliquer toutes les parties concernées, et donc l’Otan et l’Union européenne (UE). L’objectif de ces négociations devrait être la définition d’une Ukraine libre et neutre, mais aussi la prise en compte des préoccupations légitimes de sécurité de la Russie, du pur point de vue des intérêts géostratégiques et quoique celle-ci soit assurément responsable de la guerre. Très clairement, les pays européens et les États-Unis devraient dire publiquement que l’ouverture de cette seconde phase devrait être liée à la réussite de la première.

    Ni Otan, ni UE

    Que pourrait signifier un statut garantissant à l’Ukraine sa liberté dans le cadre d’une neutralité ? L’exemple de la Finlande post-1945 ou de l’Autriche après 1955 permet d’éclairer des voies possibles de solution. En échange d’une garantie collective de ses frontières, l’Ukraine s’engagerait évidemment à supprimer de sa Constitution les articles mentionnant l’Otan et l’UE et à n’adhérer ni à l'un ni à l'autre, ni d’ailleurs à quelque autre organisation régionale, sauf au niveau commercial.

    L’Ukraine ne serait cependant pas exclue des accords de coopération économique avec d’autres pays, si ces accords s’avéraient profitables au développement économique du pays. Cette neutralisation de l’Ukraine pourrait s’accompagner de limites quant aux armements de l’armée ukrainienne, tel le renoncement à des armes offensives à moyenne portée (on pense ici aux drones de combat, à l’artillerie lourde et aux missiles) et la limitation d’autres armements (avions de combat, chars…). Ces accords garantiraient à la Russie que l’Ukraine ne pourrait devenir une plate-forme pour des armes offensives dirigées vers la Russie.

    En contrepartie, les pays cosignataires de cet accord, la Russie comme les États-Unis ou les pays de l’UE, devraient s’engager à renoncer à toute intervention dans le processus politique ukrainien. L’expérience des événements de 2013 et 2014 montre qu’il faudra inclure aussi les formes indirectes d’intervention et certaines ONG.

    « Les Ukrainiens ont le droit à une vie paisible et démocratique. Ils sont les seuls à être habilités à choisir le cadre politique et la liberté de ce cadre, autrement dit leur souveraineté, doit être respectée. »

    Enfin, une conférence générale sur la sécurité en Europe devrait se tenir, possiblement en parallèle avec la deuxième phase des négociations, afin de rétablir un cadre de confiance réciproque. Ces négociations seront compliquées, longues, et emplies d’embûches. Mais il n’y a pas d’alternative à la diplomatie sauf la guerre. Les Ukrainiens ont le droit à une vie paisible et démocratique. Ils sont les seuls à être habilités à choisir le cadre politique et la liberté de ce cadre, autrement dit leur souveraineté, doit être respectée. L’exemple de la Finlande et de l’Autriche montre que des limitations du point de vue des alliances et des forces armées n’est nullement attentatoire à cette liberté et à cette souveraineté. Ces deux pays ont connu des élections libres et démocratiques.

    La Russie a elle aussi le droit d’obtenir des garanties de sécurité, bien qu'elle soit responsable d'avoir ouvert le feu. C’est un point important, un point souvent négligé par les pays de l’Otan. Certaines de ces garanties pourraient concerner la nature des armements déployés dans divers pays de l’Otan. Mais la Russie doit impérativement admettre que la contrepartie de ces garanties tient au respect de la souveraineté et du choix démocratique de ses voisins. À ces conditions, il est encore possible de sortir pour le mieux de cet état de guerre.

    Jacques Sapir (Marianne, 28 février 2022)

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