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guerre - Page 16

  • L'ouverture des hostilités...

    Les éditions des Presses de la cité viennent de publier un polar de Christian Authier intitulé L'Ouverture des hostilités.

    Écrivain, journaliste et cinéphile, Christian Authier est notamment l'auteur de De chez nous (Stock, 2014), de Soldat d'Allah ( Grasset, 2014), du Dictionnaire chic de la littérature française (Ecriture, 2015), de Les mondes de Michel Déon (Séguier, 2018) ou dernièrement de Houellebecq politique (Flammarion, 2022).

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    " Toulouse, 1993. Alors qu'une guerre fratricide déchire la Yougoslavie, Frédéric Berthet, tranquille professeur de lettres à la fac du Mirail, et l'un de ses étudiants, d'origine croate, sont mêlés malgré eux aux ramifications inattendues du conflit sur le sol français. Hypothétiques trafics, dossiers secrets, morts suspectes : les services du renseignement sont de la partie, mais la DST et la DGSE ne poursuivent pas les mêmes objectifs. Hommes de l'ombre et de pouvoir, agents traitants, policiers, espions, barbouzes s'affrontent au gré de règlements de comptes aussi surprenants que violents.

    Dans une Ville rose à la couleur rouge sang, au cœur de ce Sud-Ouest dont le passé détient peut-être une part de l'énigme, une guerre se déroule, invisible aux yeux du commun des mortels. Et si, derrière cette enquête qui prend l'allure d'une course-poursuite et d'une course contre la montre, se jouait l'ouverture des hostilités d'un conflit encore plus décisif ? "

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  • Le Radeau de la Méduse...

    Nous vous signalons la parution récente du numéro 91 (équinoxe de printemps) de la revue Terre & Peuple, dirigée par Pierre Vial, dont le dossier est consacré aux apprentis-sorciers...

    Vous pouvez commander cette revue sur le site de Terre & Peuple.

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    Au sommaire du dossier :

    Ceux qui jouent avec le feu, par Pierre Vial

    Pour en finir avec le grand remplacement, par Alain Cagnat

    Dossier Ukraine - Les origines de la guerre, par Alain Cagnat

    Dossier Ukraine - Les caractéristiques de la guerre, par Alain Cagnat

    Dossier Ukraine - Les conséquences de la guerre, par Alain Cagnat

    Le projet rouge et noir, par Georges Feltin-Tracol
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  • Rester humble face au cours de la guerre...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Alexis Feertchak, cueilli sur Geopragma et consacré aux évolutions possibles du conflit russo-ukrainien. Alexis Feertchak est journaliste au Figaro et membre fondateur de Geopragma.

     

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    Rester humble face au cours de la guerre

    La guerre fait partie de ces objets que l’on nomme complexes, non au sens prosaïque de « compliqué », mais au sens technique de « ce qui ne peut être réduit à plus simple que lui-même ». Le seul moyen de savoir sur quelle face un dé tombera est… de lancer le dé. Il en va largement de même pour la guerre : en prédire le cours n’est pas chose aisée, même quand tout semble déjà écrit. En 2003, l’invasion américaine de l’Irak commence le 23 mars et se termine dès le 1er mai. « Mission accomplished », ose alors le président George W. Bush. Une victoire américaine n’était-elle pas inéluctable étant donné le rapport de force ? Et pourtant, ce n’est que le début de la guerre. Elle se termine piteusement en 2011 par le retrait des forces américaines. Le 9 juin 2014, la ville de Mossoul est conquise par l’Etat islamique : rétrospectivement, le doute n’est plus possible, l’aventure américaine en Irak s’est bien soldée par une défaite. Le cours de la guerre obéit au règne de l’indétermination contre lequel tous les raisonnements déterministes achoppent un jour ou l’autre brutalement. La prudence doit être de mise pour un chef d’Etat quand il se fixe des buts de guerre ou quand il choisit l’usage de la force, dans le cas où il ne verrait pas d’autre solution pour sortir d’une impasse politique. Ce n’est pas pour rien que Napoléon demandait à ses généraux s’ils avaient de la chance. Non que certains auraient été choyés par la fortune, mais la chance, ça se travaille : savoir agir dans l’indétermination et commencer par la reconnaître est une vertu.

    En Ukraine en 2022, les mêmes impairs ont été commis, des deux côtés. Qu’ils soient à Washington ou à Moscou, les « faucons » ont pour des raisons symétriques toujours surestimé la puissance de l’armée russe : les chars marqués de l’étoile rouge seraient à Kiev en quelques jours, pouvait-on entendre sur les plateaux télévisés, dans certaines chancelleries occidentales et probablement au Kremlin si on avait eu des oreilles jusque-là. Il n’en a rien été pourtant. Et il ne fait plus de doute aujourd’hui que l’Acte I de l’invasion russe de l’Ukraine a été un cuisant échec pour l’envahisseur. Ayant sous-estimé la volonté de se battre des Ukrainiens autant que leur solide préparation au combat organisée depuis 2014 par les Américains, les Russes ont connu dans la région de Kiev une déroute. Au-delà de leurs piètres qualités tactiques et opératiques, les Russes ont attaqué avec moins de 200.000 hommes un pays plus grand que la France sur trois fronts. C’était stratégiquement osé, voire présomptueux. Et l’évocation d’une guerre entre David contre Goliath était donc excessive quand on observe les principaux ordres de grandeur. L’avantage est certes du côté de Moscou, surtout en comptant les pièces d’artillerie, les avions et les blindés, mais les dernières estimations font état de 145.000 Ukrainiens au combat contre 160.000 Russes. On est bien dans le cadre d’un combat relativement symétrique, les Ukrainiens compensant en partie leurs faiblesses notamment par l’atout précieux du renseignement américain et aujourd’hui par la fourniture occidentale d’armes lourdes.

    Les rebondissements dans la guerre font que les opinions publiques oscillent déraisonnablement. Au commencement, la victoire russe apparaissait inéluctable. Puis le mythe de David contre Goliath a fait son œuvre : archaïque, corrompue, alcoolisée, désordonnée, démoralisée, décontenancée, désarmée, déshonorée, l’armée russe allait s’incliner face à une armée ukrainienne soudée, héroïque, agile, coordonnée, soutenue par ses alliés et portée par la providence. Vladimir Poutine allait voir son régime emporté par une défaite militaire prochaine. Et si cela ne suffisait pas, les sanctions feraient leur œuvre. Isolée et mise au ban de la communauté internationale, la Russie ne résisterait pas à cette tentation mortifère de restaurer l’Empire russe dans ses frontières historiques les plus étendues.

    De tout cela, il n’a rien été. Les sondages de l’institut Levada – classé comme agent de l’étranger à Moscou – révèlent que la population russe fait globalement bloc autour de Vladimir Poutine et de l’«opération militaire spéciale» – même si c’est pour partie peut-être plus par fatalisme que par enthousiasme. Soutenu par les achats occidentaux de gaz et de pétrole, le rouble s’est redressé, au point d’atteindre un niveau jamais atteint depuis 2015. Cela ne signifie évidemment pas que l’économie russe ne traversera pas une zone de profondes turbulences dans les prochains mois, mais force est de constater que le grand effondrement n’a pas encore eu lieu. De même, seule la communauté occidentale se détourne de Moscou : le reste du monde, qui représente bien plus de la moitié de la population mondiale, observe en spectateur une guerre qui ne le concerne pas. 

    Sur le terrain militaire, l’Acte II de la guerre en Ukraine, qui se déroule essentiellement dans le Donbass, tourne pour l’instant à l’avantage de Moscou : aidées par la puissance de feu de leur artillerie et par leur dominance – certes incomplète – dans les airs, les troupes russes ont percé en plusieurs points les fortifications ukrainiennes établies depuis 2014 et réduisent lentement mais sûrement les Ukrainiens dans des poches. La tenaille qui se forme au nord depuis Izium et au sud depuis Popasna place Kiev dans une situation inextricable : battre la retraite tant qu’il est encore temps ou recréer à Sieverodonetsk, à Lisichansk, à Lyman voire à Bakhmut des petits Marioupol. D’ici la fin de l’été, le même dilemme pourrait se présenter à Kramatorsk et à Sloviansk. Rien de tout cela n’est inéluctable : une contre-offensive ukrainienne – aujourd’hui arrêtée – par l’oblast de Kharkiv pourrait contraindre par le nord la manœuvre d’enveloppement russe si celle-ci voit ses lignes logistiques menacées. De même, l’on ne peut exclure non plus une contre-offensive sur le front du Sud à Kherson : si les Ukrainiens réalisaient une percée à travers la seule capitale régionale que contrôle Moscou, ils s’approcheraient de la Crimée et menaceraient le seul gain stratégique obtenu aujourd’hui par la Russie, à savoir la création d’un corridor terrestre entre la péninsule criméenne et les deux territoires séparatistes de Donetsk et Lougansk.

    Et si – et seulement si – Moscou parvenait d’ici la fin de l’été à ses fins dans le Donbass, quid de la suite ? Russes et Ukrainiens seront-ils prêts à une paix négociée qui aboutirait de facto à des gains russes équivalents à 120.000 km2 (en comptant les oblasts de Lougansk, de Donetsk, de Kherson, la moitié de celui de Zaporijjia, ainsi que l’ensemble de la Crimée) ? Cela représente quatre fois la taille de la Belgique, une fois et demi l’Autriche, trois fois le Danemark ou la moitié du Royaume-Uni. Ou est-ce que Vladimir Poutine disposera des forces pour consolider ses positions et se fixer de nouveaux objectifs militaires ? On peut en imaginer plusieurs : les Russes pourraient tenter de pousser plus à l’Ouest vers Odessa – en passant par Mikolaïv – de sorte à rejoindre la Transnistrie – territoire séparatiste prorusse de Moldavie, ce qui reviendrait à priver l’Ukraine de tout accès à la mer en recréant la Novorossia, province de l’Empire russe constituée au 19ème siècle des territoires conquis à l’Empire ottoman ? Et/ou chercheront-ils à remonter le long du Dniepr en attaquant les capitales régionales de Zaporijjia puis de Dniepro ? Ou tenteront-ils une nouvelle fois de prendre Kharkiv, deuxième ville d’Ukraine par sa population ?

    Tous ces scénarios de prospective nous projettent en réalité déjà à l’hiver 2022, voire en 2023. D’ici-là, quelle sera la situation énergétique en Europe ? À combien les prix à la pompe et les factures d’électricité et de gaz s’élèveront-ils ? Le sentiment pro-ukrainien des opinions publiques occidentales sera-t-il toujours aussi puissant ou s’émoussera-t-il ? L’unité politique des Etats occidentaux se maintiendra-t-elle ou des divisions surgiront-elles sur l’étendue des sanctions, que l’on entraperçoit déjà ? À combien le nombre de réfugiés ukrainiens en Europe se chiffrera-t-il ? Joe Biden remportera-t-il les « midterms » aux Etats-Unis ? Volodymyr Zelensky sera-t-il toujours auréolé, en Ukraine et en Occident, de la même couronne d’épine qui lui offre la gloire dans la douleur ? Et que diront les Russes si la guerre s’installe dans la longue durée ? Toutes ces questions se posent déjà, mais aucune réponse ne peut rationnellement être apportée aujourd’hui. C’est à travers cette myriade de questions, toutes intriquées, que se forme un brouillard d’incertitude et que se déploie la complexité d’une guerre dont le cours n’est pas prévisible. Ce serait pécher par orgueil que de répondre trop tôt à ces questions, mais les ignorer serait inconséquent. Par-delà les passions politiques, même vertueuses, rester humble face à la guerre est un moindre mal sans doute insuffisant, mais au moins nécessaire. 

    Alexis Feertchak (Geopragma, 24 mai 2022)

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  • Bienvenue au 21e siècle !...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Olivier de Maison Rouge cueilli sur le Journal de l'économie et consacré à la vassalisation et à l'impuissance de l'Europe qui ont été mises en lumière à l'occasion du conflit russo-ukrainien.

    Avocat, Olivier de Maison Rouge est spécialiste des questions juridiques liées à l'intelligence économique et au secret des affaires. Il a publié deux ouvrages sur le sujet, Penser la guerre économique (VA éditions, 2018) et, récemment, Survivre à la guerre économique (VA éditions, 2020).

     

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    Bienvenue au 21e siècle !

    On la croyait bannie, renvoyée dans les limbes de l’Histoire ; nous ne devions connaître que la paix. Et pourtant la guerre s’est à nouveau installée sur notre vieux continent.
     
    Précisément, jamais auparavant l’Europe n’avait connu, sur un temps aussi long, une période de paix. On croyait d’ailleurs vivre un temps de paix universelle, de calme éternel, de repos immémorial, sans combat ni ennemi.
     
    Pour ce faire, on avait mis la guerre hors la loi. « Plus jamais ça », était-il écrit. C’était peut-être oublier une peu vite la croisade engagée par les Américains avec le concours de l’OTAN déjà, sans mandat de l’ONU, contre les populations serbes qui ont plié sous un tapis de bombes.
     
    En réalité, cette « pax americana », comme on pourrait la nommer [1], fut achetée au prix d’une guerre économique. Comme l’avait précédemment théorisé Montesquieu, le commerce devait adoucir les mœurs et éloigner toute pensée belliqueuse. Cette paix désarmée fut un autre désastre, d’ordre industriel et commercial.
     
    Jamais l’Europe n’avait connu une puissance aussi réduite, un rayonnement aussi atténué.
    Elle traverse manifestement une mutation conduisant à son effacement progressif ou davantage encore une forme de « Dormition ».
     
    Des « trente glorieuses », l’Europe a basculé dans les « trente piteuses », s’ouvrant à une concurrence globale effrénée, anéantissant ses savoir-faire, ses innovations et plus généralement sa substance même. Elle connaît depuis lors une lutte sans ennemi identifié ou tout bonnement nommé, créant cependant son cortège de morts économiques, de chômeurs, de laissés pour compte, de ruines et jachères industrielles et commerciales.
     
    Ayant rejoint le « camp de l’Occident » depuis la guerre froide, l’Europe s’est rendue coupable d’une cécité volontairement à sciemment ignoré ce nouvel affrontement qu’elle n’a pas envisagé. Elle avait pourtant acheté la paix au prix fort, inféodée à un empire, auprès duquel elle pensait avoir trouvé la protection nécessaire. En s’attachant à une superpuissance suzeraine, laquelle constitue un bloc géopolitique cardinal, l’Europe s’est économiquement et politiquement soumise par un lien de vassalisation ; or, l’absence de conflit sur son territoire s’est révélée être une anomalie historique.
     
    Ce d’autant que l’Europe n’a pas tant été exempte de luttes armées, conduites en son nom ou pour le compte de son grand allié hors de son territoire. Car si la paix intérieure a un coût, elle conduit à la guerre extérieure à laquelle elle n’a cependant pas échappé. C’est toujours ainsi que les empires se défendent : en semant le chaos au-delà de leurs frontières, par l’utilisation de forces d’appoint pour ne pas s’exposer inutilement.
     
    Ainsi donc, après l’effondrement du bloc de l’Est, loin de conduire les grandes destinées de ce monde, l’Europe n’a jamais été autant au cœur des affrontements, des rivalités, des compétitions toutes hybrides et intégrales : la guerre économique totale.
     
    Ce faisant, pour l’Europe, la guerre a changé de nature, prenant le masque trompeur d’une paix armée. Sans être un substitut à la guerre conventionnelle ou armée, la guerre économique est une autre forme de lutte. L’une n’exclut pas forcément l’autre.
     
    Aussi malheureux soit-il, la guerre reste et demeure la grande histoire des hommes.
     
    Ce sont malheureusement ces grandes batailles, le fracas des armes et les douloureux affrontements qui créent les dates charnières de l’Histoire. 2022 nous fait rentrer de plain-pied dans le 21e siècle, à l’instar de 1914 qui fut le préambule du 20e siècle et qui tardait à s’achever.
     
    Ce 20e siècle fut celui du suicide européen (1914-1918 et 1939-1945) et l’apogée de deux puissances rivales : États-Unis d’Amérique et Russie.
     
    Cette dernière agresse désormais l’Europe à ses frontières et reçoit le soutien de nombreux pays, Asiatiques en particulier. Les 30 dernières années qui se sont écoulées depuis la chute du mur de Berlin ont montré que le vieux système occidental avait fait du surplace durant tout ce temps, freinant artificiellement l’émergence du bloc asiatique.
     
    Cette grande fracture désormais inscrite dans les plaines fertiles de l’Ukraine est un acte fondateur de ce nouveau siècle, où l’Europe se trouve instrumentalisée par son suzerain qui tente vainement de préserver sa sphère d’influence, tandis que s’affirme un nouvel épicentre. Depuis 500 ans, l’Europe est pour la première fois au ban d’un monde, jadis très eurocentré.
     
    L’Europe sera-t-elle absente de l’histoire du futur ?
     
    Olivier de Maison Rouge (Le Journal de l'économie, 11 mai 2022)
     
    Note :
    [1] Comme il a existé une « Pax romana » après la conquête de la Gaule 
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  • Guerre en Ukraine : la fin d’un monde ?...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous Le samedi politique de TV Libertés, diffusé le 7 mai 2022 et présenté par Élise Blaise, qui recevait Philippe Murer, pour évoquer les répercussions économiques de la guerre en Ukraine sur l'Europe et sur la France...

    Économiste, Philippe Murer est spécialiste des questions liées à la souveraineté économique, à l'environnement et à l'énergie. Il a récemment publié Sortir du capitalisme du désastre (Jean-Cyrille Godefroy, 2021).

     

                                              

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  • Ukraine : arrêter la surenchère verbale...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Renaud Girard cueilli sur Geopragma et consacré à la dangereuse surenchère verbale du gouvernement américain face à la Russie dans le conflit ukrainien. Grand reporter au Figaro, Renaud Girard est membre du comité d'orientation stratégique de Geopragma.

     

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    Ukraine : arrêter la surenchère verbale

    Le général Lloyd Austin a, le 25 avril 2022, effectué une visite à Kiev. Elle fut tenue secrète jusqu’au dernier moment, pour des raisons évidentes de sécurité. Il est tout-à-fait normal que le Secrétaire américain à la Défense se rende en personne sur le territoire d’un pays ami, ayant été agressé militairement, et que les États-Unis ont décidé d’aider par tous les moyens, à l’exception de la guerre. Il a témoigné du soutien de la première puissance militaire du monde aux ukrainiens, tout en recensant leurs besoins en équipements militaires modernes, en formations, en renseignements. Le président Joe Biden a annoncé qu’il solliciterait du Congrès le financement d’un nouveau train d’aides à l’Ukraine. Vingt milliards de dollars sont prévus pour la fourniture d’armes. C’est considérable. Il faut remonter à la guerre du Kippour, lancée en octobre 1973 par les États arabes contre Israël, pour trouver un pont aérien militaire américain aussi important. À cette époque, l’aide matérielle américaine à Tsahal avait contribué à la victoire finale d’Israël. 

    Il n’y a rien d’étrange à ce que les pays de l’Otan cherchent à équilibrer la puissance militaire du pays agressé par rapport à celle du pays agresseur. Mais le ministre américain avait-il besoin d’en rajouter avec des déclarations tonitruantes ? Était-il nécessaire d’affirmer, comme il l’a fait, que le but de l’Amérique était désormais « d’affaiblir à tel point l’armée russe, qu’elle ne soit plus capable de réattaquer l’un de ses voisins » ?  

    Si le général Austin avait voulu alimenter la paranoïa déjà importante des dirigeants russes, il ne s’y serait pas pris différemment. Vladimir Poutine pense depuis longtemps – il l’a dit la première fois en février 2007 à la conférence de sécurité de Munich – que l’Occident a le dessein caché d’encercler la Russie. Depuis sa rencontre de Genève avec le président américain en juin 2021, il n’a cessé de réclamer une « nouvelle architecture de sécurité européenne ». Même s’il est avéré que les Occidentaux n’ont jamais eu l’intention de s’en prendre au territoire de la Fédération de Russie, la base de la diplomatie n’est-elle pas de prendre en compte le ressenti de l’adversaire ?  

    Cette phrase de matamore du ministre américain de la Défense, qui s’ajoute à celle du discours du 26 mars 2022 de Joe Biden à Varsovie sur la nécessité de changer le régime à Moscou, ne peut qu’alimenter la propagande du Kremlin auprès du peuple russe, prétendant que les vrais agresseurs, sur le temps long, sont les Occidentaux et que l’ « opération militaire spéciale » russe du 24 février s’apparente à une mesure préventive. 

    On peut comprendre que le Pentagone ait le désir secret d’affaiblir considérablement les armées russes. Mais cela doit-il se faire au prix de la destruction de l’Ukraine ? Si c’est le cas, une honnêteté minimum ne serait-elle pas d’en prévenir clairement les premiers concernés, à savoir la population ukrainienne ? Dans cette guerre, on a parfois l’impression que la Maison Blanche et le Congrès sont plus jusqu’au-boutistes que le président Zélensky (qui a lui-même dit que l’adhésion de l’Ukraine à l’Otan n’était plus une nécessité).

    Il y a quelque chose d’immoral à vouloir obtenir la destruction d’un adversaire stratégique grâce au sang des autres.
     
    Le pouvoir russe n’est lui-même pas avare de déclarations tonitruantes et de surenchère verbale. Au départ, il s’agissait pour lui de « dénazifier » l’Ukraine et d’empêcher que se réalise un « génocide » contre les populations russophones du Donbass. Aujourd’hui, les ministres de Poutine agitent de manière alambiquée la menace d’une confrontation nucléaire. Récemment, un programme de la télévision d’État russe a expliqué qu’un missile à tête nucléaire tirée de l’enclave russe de Kaliningrad (l’ancienne Königsberg du philosophe Emmanuel Kant) mettrait moins de 200 secondes à atteindre Paris…

    Qu’il y ait indéniablement de la surenchère verbale du côté russe ne rend pas pour autant intelligent d’en faire du côté occidental. Il est contradictoire de se comporter de la même manière qu’un adversaire dont on conspue l’autoritarisme et l’agressivité. Cela ne sert en rien la cause que l’on veut, en définitive, servir, qui est celle du cessez-le-feu. Maintenant que la cité portuaire de Marioupol a été détruite, l’urgence n’est-elle pas d’éviter à tout prix que la guerre ne s’étende à Odessa ?

    Dans cette guerre d’Ukraine, les intérêts et les risques de l’Europe sont très différents de ceux des américains. Se proclamant les meilleurs alliés de l’Europe, ils devraient cesser d’agiter en permanence un chiffon rouge devant les yeux de Poutine. Au lieu de le pousser dans ses retranchements, ils feraient mieux de travailler, avec les Ukrainiens, à trouver une porte de sortie pour l’agresseur. 

    Renaud Girard (Geopragma, 4 mai 2022)

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