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  • Libye, Syrie, Ukraine : la diplomatie française en déroute...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Jean-Michel Quatrepoint au Figaro Vox et consacré aux causes de la déroute diplomatique de la France dans les crises en cours...Journaliste spécialiste des questions économiques et internationales, Jean-Michel Quatrepoint a récemment publié Le choc des empires: États-Unis, Chine, Allemagne : qui dominera l'économie-monde ? (Gallimard, 2014).

     

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    LE FIGARO. - Nicolas Sarkozy a rendu visite à Vladimir Poutine dans sa datcha proche de Moscou, jeudi 29 octobre, et a prôné le dialogue entre la France et la Russie. Ce virage de celui qui a fait rentrer la France dans le commandement intégré de l'OTAN en 2007 vous surprend-elle?

    L'ancien président de la République devrait commencer par reconnaître ses deux erreurs. La première est la guerre de Libye: il est responsable de sa déstabilisation. Deuxièmement, c'est sous son quinquennat que son ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé, et le Quai d'Orsay, ont tout fait pour faire partir Bachar el-Assad. Par la suite, François Hollande, Laurent Fabius et le Quai ont aggravé cet échec diplomatique. Ceci dit, Nicolas Sarkozy peut se féliciter de ses relations anciennes avec Vladimir Poutine. Lors de la crise géorgienne, il avait su maintenir le contact avec celui qui était alors Premier ministre, n'hésitant pas, déjà, à se rendre à Moscou.

    Comment qualifier l'attitude de la France en Syrie?

    C'est le Waterloo de la diplomatie française. Nous avons été exclus des dernières négociations. Les autres puissances se moquent de la voix de la France. Nous disposons, au même titre que l'Union européenne, l'Allemagne et l'Italie, d'un strapontin à la conférence de Vienne sur la Syrie ce vendredi. Les vrais décideurs sont en réalité la Russie et les Etats-Unis. Avec la réinsertion de cet Iran que la diplomatie française a tant ostracisé. Car le problème est bien plus complexe que la désignation des bons et des méchants. Si Assad est un dirigeant peu fréquentable, il est loin d'être le seul…

    D'autres pays avec lesquels la France entretient d'excellentes relations sont également dirigés par des «infréquentables». Dans cet Orient compliqué, prendre parti unilatéralement avec des idées simplistes comme nous l'avons fait était une erreur. Toute la diplomatie française s'est retrouvée en porte-à-faux ; sa tradition était de parler avec tout le monde et d'être un entre-deux, un médiateur qui facilite la résolution des problèmes de façon équitable. Là, nous avons choisi le camp le plus extrême qui soit puisque nous avons choisi comme alliés l'Arabie saoudite et le Qatar. On a adopté sans nuances la cause qatarie et saoudienne contre l'Iran et la Syrie. Aujourd'hui, l'Arabie saoudite, réaliste, s'asseoit à la même table que les Iraniens et discute avec les gens de Bachar. Nous sommes les dindons de cette farce tragique.

    Quel bilan dresser de l'action diplomatique de Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères?

    Laurent Fabius a tout fait pour faire échouer les négociations sur le nucléaire iranien. Il a une part de responsabilité dans la crise ukrainienne. Il n'a pas veillé à ce que l'accord signé à Maïdan entre les Russes et les Ukrainiens soit respecté. On peut critiquer Fabius, mais la responsabilité incombe largement au Quai d'Orsay. La diplomatie gaullo-mitterandienne a connu son chant du cygne, en 2003, avec Dominique de Villepin. Beaucoup des diplomates du Quai, largement imprégnés par le courant néo-conservateur américain, n'ont pas apprécié le discours du Premier ministre à l'ONU sur la guerre d'Irak. En ce moment, ceux qui sont à la manœuvre sont les néo-conservateurs, qui ont dépassé leurs modèles américains! À vouloir imiter et servir les Américains et les Saoudiens, ils ne se font jamais respecter.

    Il est par ailleurs absurde de privilégier une relation avec un pays aussi petit sur le plan démographique et culturel que le Qatar, au détriment d'un pays de 80 millions d'habitants tel que l'Iran. Le développement économique de l'Iran comparé à celui du Qatar est sans commune mesure.

    Il se murmure que Laurent Fabius pourrait être nommé président du Conseil constitutionnel. Ségolène Royal est pressentie pour le remplacer. Ce choix paraît-il approprié?

    Mais il y a aujourd'hui un autre candidat pour le Conseil constitutionnel, Lionel Jospin. Et des négociations sont en cours en ce moment entre François Hollande et Jean-Louis Debré. Ségolène Royal était à Moscou en même temps que Nicolas Sarkozy, même si elle n'a pas été reçue par Vladimir Poutine à qui elle portait une invitation pour la Cop21…

    En réalité, le problème n'est pas le ministre des Affaires étrangères, mais l'administration qui le soutient et le président de la République. C'est ce dernier qui donne l'impulsion diplomatique. Il a choisi de nommer un ambassadeur à Moscou qui, bien que membre de la promotion Voltaire à l'ENA, n'est ni russophone ni russophile.

    La politique étrangère française se réduit-elle aujourd'hui à la diplomatie du climat?

    On a abandonné la diplomatie des droits de l'Homme puisque on a bien vu que tous les pays auxquels nous avons tenté d'apporter la démocratie ont été ravagés (Libye, Syrie…). Et qu'en Egypte, le maréchal Sissi a sauvé le pays des Frères musulmans en faisant peu de cas des droits de l'homme. Il a tout simplement appliqué le principe: pas de liberté pour les ennemis de la liberté. On a l'impression qu'après les droits de l'homme on s'est rabattu sur la diplomatie du développement durable. Il s'agit certes d'un enjeu important, mais on ne saurait limiter notre diplomatie à ce seul aspect des choses. Quand à la politique énergétique, on ferait mieux de valoriser ce qui reste un de nos points forts: le nucléaire. Et à relancer les recherches sur les futures générations de centrales.

    Quelle est la stratégie de la Russie en Syrie?

    La diplomatie russe emmenée par Sergueï Lavrov est réelle, réaliste et réfléchie. Après la crise ukrainienne qui les a mis en difficulté, les Russes ont réussi à se repositionner avec habileté sur la Syrie.

    À la fin du printemps, les Russes se sont rendu compte que l'armée d'Assad était exsangue. Des 300 000 soldats du départ, il n'en restait plus que 150 000. Cette armée a été minée par les désertions des sunnites, passés dans les rangs de Daech, al Nosra ou de l'Armée syrienne libre, et les morts. Les 250 000 morts dont on nous parle sont dans tous les camps: l'armée régulière, les groupes djihadistes et les civils. Le flux migratoire que l'on connaît en Europe s'est accéléré à partir de juin 2015. Une partie des Syriens favorable au régime craignant alors que Bachar el-Assad soit défait, a choisi de s'exiler.

    Les Russes ont choisi de ne pas lâcher Assad pour plusieurs raisons. Dans les rangs de Daech, il y a 5 000 Tchétchènes, peuple musulman qui vit au Sud-Ouest de la Russie aux tendances séparatistes et islamistes. Si l'État islamique installe son califat, il y un risque majeur de déstabilisation de tout le Caucase. Ensuite, les Russes perdraient la base navale de Tartous qui leur est essentielle pour assurer leur présence en Méditerranée. Tout comme il était vital pour eux d'avoir une large ouverture sur la mer Noire. L'annexion de la Crimée visait d'abord à récupérer la base navale de Sébastopol.

    Mais Moscou venait de resigner une concession de trente ans avec l'Ukraine pour sa base navale…

    Oui, mais les Russes n'avaient plus confiance. L'évolution en Ukraine, le jeu trouble des États-Unis et de certains États européens leur ont donné à penser que cet accord pouvait être rompu du jour au lendemain. Ils ont donc préféré se servir avant d'être éventuellement mis à la porte. Par cet accès à la mer Noire, les Russes conservent une ouverture sur la mer Méditerranée. Il y a également une explication religieuse au soutien affiché à Assad. Bachar et son père ont protégé les minorités religieuses chrétiennes, orthodoxes, comme Saddam Hussein en Irak. Hussein, qui était sunnite - une minorité sunnite dirigeait d'une main de fer l'Irak, à majorité chiite - a préservé le million de chrétiens irakiens. Son ministre des Affaires étrangères, Tarek Aziz était précisément un chrétien. A contrario en Syrie, une minorité alaouite, variante du chiisme, gouverne, avec l'appui des chrétiens (5% de la population), une majorité de sunnites. Mais les Assad, comme Sadam Hussein, venaient du parti Baas, où les influences socialistes et les liens avec l'URSS étaient importants. La Russie de Poutine ne veut pas être exclue d'un Proche-Orient où l'URSS avait des alliés, au premier rang desquels la Syrie.

    Comment les Russes ont-ils procédé?

    La prise de Palmyre par Daech en mai a accéléré le cours des choses ; même si cette prise est d'une importance stratégique secondaire, le poids symbolique s'est lourdement fait sentir. Le mouvement diplomatique opéré par le Kremlin a consisté à traiter avec les Saoudiens, avec le discret appui de Washington, et à les amener à rediscuter avec le régime syrien. Le 18 juin dernier, Poutine a reçu à Moscou le prince Mohammed ben Salmane, ministre de la Défense et vice-Premier ministre saoudien. Ils se sont mis d'accord sur une reprise du dialogue avec la Syrie. Les Saoudiens ont posé comme condition que la rencontre avec les Syriens se déroule à Riyad. Ces derniers ont accepté et envoyé leur numéro deux, le patron des services de renseignement, Ali Mamlouk, pour rencontrer Ben Salmane à Riyad. Chacun a vidé son sac. Les Syriens ont reproché aux Saoudiens de ne plus privilégier un comportement collectif — comme au temps où Egypte, Syrie et Arabie saoudite étaient les meneurs de la diplomatie du monde arabe -, d'armer leurs opposants et de briser ce lien qui les unissait en leur préférant les Qataris. Les Saoudiens, de leur côté, ont reproché aux Syriens leur proximité avec le régime iranien. Mais ils s'étaient reparlés ce qui était l'essentiel.

    Les Russes ont ensuite préparé conjointement une habile stratégie diplomatique, pour se garantir un maximum d'alliés, et une offensive militaire dans la région. Leur but était de dégager l'étau qui enserrait Assad. Par conséquent, ils ont frappé d'abord ceux qui étaient directement à son contact, en l'espèce al Qaïda et al Nosra, et non Daech. Il est logique qu'ils aient frappé en premier lieu ceux qui menaçaient directement le régime syrien. Puis dans un deuxième temps, ils se sont plus largement attaqués à Daech.

    Les Russes ont-ils une solution de rechange s'ils ne parviennent pas à maintenir Assad au pouvoir?

    Effectivement, leur idée initiale est de former un bloc uni - États-Unis, Turquie, Arabie saoudite, régime syrien, Iran - contre Daech. À l'évidence, ils ont expliqué à Assad, lors de sa récente visite à Moscou, qu'à terme il devrait quitter le pouvoir, si c'était la condition d'un accord politique, du maintien de l'intégrité du pays et d'un front uni contre Daech. Mais si ce plan A échoue, leur plan B consiste en une création d'un réduit alaouite sur la bordure méditerranéenne, autour de Lattaquié et Tartous, dont ils protègeraient les frontières contre l'EI. Les Russes soutiendraient le réduit alaouite comme les Américains ont soutenu Israël.

    Ce qu'il faut souligner c'est que les Russes, bien que touchés par la crise économique, sont encore capables de déployer une stratégie diplomatique de grande ampleur. La Russie compte peu économiquement, c'est l'échec de Poutine ; il n'a pas réussi à reconvertir une économie de rente pétrolière et minière en une économie moderne. Mais diplomatiquement, elle a complètement repris pied sur le champ diplomatique depuis la fin de l'URSS.

    Jean-Michel Quatrepoint, propos recueillis par Alexandre Devecchio et Eléonore de Vulpillière 5Figaro Vox, 30 octobre 2015)

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  • L'Afrique en crise va-t-elle se retrouver dans nos banlieues ?...

    " De nombreux jeunes Sahéliens vont être tentés par l’émigration. Comme ils retrouveront au bord du golfe de Guinée et en Afrique du Nord les problèmes d’explosion démographique et de sous-emploi qui les ont poussés à partir, nombre d’entre eux devraient pousser tout naturellement plus loin, jusqu’en Europe. Et là, gare à la vague! Quand on voit l’émoi provoqué par la déstabilisation de la Libye et de la Syrie, deux pays qui totalisent moins de 30 millions d’habitants, on a de la peine à imaginer les réactions que pourrait provoquer la décomposition du coeur du Sahel francophone, une région qui compte près de 70 millions d’habitants aujourd’hui et en aura quelque 200 millions en 2050. Cela n’est pas pour ces toutes prochaines années. Mais les évolutions démographiques vont devenir dramatiques dans 8 à 15 ans." Serge Michaïlof (Le Temps, 22 octobre 2015)

    Les éditions Fayard viennent de publier un essai de Serge Michailof intitulé Africanistan. Chercheur à l'IRIS, Serge Michailof a été directeur des opérations de l’Agence française de développement (AFD) et a exercé des fonctions de directeur à la Banque mondiale.

     

     

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    " En 2050, l’Afrique sera plus peuplée que la Chine, mais les jeunes en âge de travailler y seront trois fois plus nombreux et les emplois manqueront encore plus cruellement qu’aujourd’hui. Or le chômage massif de jeunes à demi scolarisés constitue l’une des principales explications de l’effondrement dramatique de l’Afghanistan, la Syrie ou l’Irak.
    Le Sahel francophone est une zone d’immense fragilité, dont les caractéristiques rappellent l’Afghanistan. Nous ne voulons voir que l’Afrique en progrès, celle qui offre de nouveaux marchés et regorge de matières premières. Mais l’Afrique en crise existe toujours et se comporte comme un cancer, envoyant ses métastases dans les pays voisins, et jusqu’en Europe. Bien naïf celui qui croira que la charité et les interventions militaires suffiront à éteindre l’incendie qui couve dans ces zones déshéritées.
    Nous ne pourrons rester longtemps indifférents : pour ne pas être nous aussi victimes de ces métastases, tentons de comprendre la réalité, et réfléchissons à ce qui peut encore être envisagé pour endiguer le feu et éviter que l’Afrique en crise n’arrive dans nos banlieues. "

     

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  • La France est-elle sur le déclin ?...

    Vous pouvez ci-dessous découvrir un entretien avec Hervé Juvin, réalisé le 8 octobre 2015 par Élise Blaise pour TV Libertés, dans lequel il aborde la question de l'hyperpuissance américaine et du déclin de la France. Essayiste, Hervé Juvin a récemment publié Le Mur de l'Ouest n'est pas tombé (Pierre-Guillaume de Roux, 2015).

     

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  • Peut-on aimer la France, sans aimer les Français ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un excellent point de vue de Denis Bachelot, cueilli sur Polémia et consacré à l'oligarchie et à son entreprise de déconstruction identitaire...

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    Peut-on aimer la France, sans aimer les Français ?

    La grande offensive médiatique qui sévit depuis quelques semaines autour de la crise migratoire a au moins un mérite certain ; elle a mis au jour la vision du destin de leur pays portée par les élites dirigeantes européennes.
    En effet, au-delà des injonctions émotionnelles sur l’indispensable solidarité avec les « réfugiés » que nous avons le devoir moral d’accueillir sans restriction, l’argument massue mis en avant est celui de la contrainte économique :

    La démographie du vieux continent nous obligerait à recevoir dans les prochaines décennies des dizaines de millions d’immigrés pour faire face à la pénurie de main-d’œuvre qui menace les pays d’Europe. Cet argument représente la version rationalisante du discours dominant.

    Imposée comme une vérité d’évidence, cautionnée par les économistes en vue, cette affirmation, contestable au strict plan économique, doit être perçue par ce qu’elle révèle de ses présupposés idéologiques.

    On pourrait rétorquer, de prime abord, que les hommes ne sont pas des êtres indifférenciés que l’on peut sans risque substituer les uns aux autres. Dans cette approche anthropologique, la vraie question est de savoir alors quel est le rôle de la cohésion culturelle dans les performances des différentes nations ? Le sujet, du coup, devient infiniment plus complexe que la bien-pensance contemporaine ne l’affirme.

    Mais le point central de cette affirmation est sa conception induite du devenir des nations et de leurs peuples. Pour la première fois, officiellement et massivement, les dirigeants européens ont fait savoir à leurs populations que leur avis n’avait aucune importance. La nécessité économique, telle que les élites, économiques et politiques, la perçoivent, s’impose comme une fatalité qui relève de l’ordre naturel qui n’est pas à discuter.

    Un passage en force

    Maîtresse du jeu européen, Angela Merkel, sans aucune consultation autre que les pressions intenses du patronat allemand, a ouvert toutes grandes les vannes d’une immigration de masse qui déstabilise les équilibres fragiles du vieux continent. Sa rapide marche arrière, avec une fermeture « temporaire » des frontières, apparaît bien dérisoire face à l’appel d’air qu’elle a activé.

    En France, très rapidement, le PS a choisi le passage en force, en affirmant la responsabilité morale de l’Europe à l’égard des « réfugiés ». Le premier secrétaire, Jean-Christophe Cambadélis, a donné le ton lors du Congrès de Poitiers. « J’en ai assez, lance-t-il devant une salle acquise d’avance, de cette Europe forteresse, assez de cette Méditerranée cimetière, il faut un monde solidaire ». Et Manuel Valls de surenchérir : « Ceux qui fuient la guerre, les persécutions, la torture, les oppressions, doivent être accueillis. »

    Tout discours « d’équilibre », selon l’approche verbale du président Hollande et du premier ministre sur la nécessaire maîtrise des frontières fait par la suite pâle figure au regard de l’injonction morale qui, d’emblée, culpabilise et disqualifie tout esprit de résistance. Tout un chacun peut comprendre que le propos volontaire sur l’accueil contrôlé (qui croit au chiffre de 24.000 inlassablement répété ?) n’est qu’un paravent qui masque l’impuissance du politique face à une fracture de l’histoire.

    D’ailleurs, quelques personnages publics, plus ou moins oubliés, sont venus, opportunément, dire la vérité toute nue. Pour Dominique de Villepin, « les dirigeants politiques n’ont pas à se déterminer par rapport au  sentiment populaire » sur ce sujet et Mgr Gaillot, tiré de son sommeil médiatique, nous rappelle, vigoureusement, à notre devoir moral : « Seule compte la tragédie des migrants, des frères que nous devons accueillir ; nous ne devons pas penser à nous dans ces circonstances ».

    Dans sa naïveté moralisatrice, l’évêque de Partenia nous révèle la vérité profonde que l’idéologie dominante agite depuis longtemps sans l’expliciter tout à fait : l’histoire ne doit jamais être considérée du point de vue des peuples européens.

    Le désinvestissement affectif des «  élites »

    Nous sommes là au cœur du processus de domination culturelle qui sévit en Europe depuis plus de quatre décennies. La déconstruction des romans nationaux, particulièrement exacerbée en France, a principalement servi à délégitimer le lien fusionnel qu’un peuple entretient avec son histoire et son territoire. Le but recherché est de conduire le sujet collectif à ne plus distinguer le Nous de l’Autre, ne plus faire la différence entre ce qui procède de mon identité et ce qui est extérieur à moi.

    Le fait que personne ne questionne, dans les univers politiques et médiatiques institutionnels, l’affirmation qu’il faille, absolument, compenser le déclin démographique européen par une immigration de masse est la preuve la plus manifeste d’un désinvestissement affectif total des dirigeants européens à l’égard de leur peuple. L’identification à un destin commun a disparu.

    Le discours, sinon, serait – et ce depuis longtemps puisque la démographie est une affaire de long terme – de mettre en place des politiques natalistes volontaristes qui, outre leur finalité matérielle, solliciteraient le sentiment collectif d’une identité à perpétuer. Il faut pour cela un sentiment affectif d’appartenance commune à une identité qui fait aujourd’hui largement défaut à nos gouvernants. A comparer avec la politique nataliste qu’à mise en place le gouvernement de Poutine, au nom du destin historique du peuple russe.

    Ce que proposent aujourd’hui les responsables européens à leurs peuples est un effacement de leur identité au nom d’une logique économique simpliste et courtermiste qu’ils camouflent sous des vocables désincarnés et pavloviens d’ouverture à l’autre et de diversité ; enrichissantes, forcément !

    Dans ce contexte, toute référence à un principe identitaire pérenne qui dépasse et transcende les intérêts immédiats et particuliers est une dissidence insupportable à l’achèvement d’un monde plat, nomade et indifférencié, qui sous-tend la vision politique des élites dominantes de la vieille Europe, celles de Bruxelles en tête.

    Cette vision, elles la théorisent avec un simplisme intellectuel désarmant. Rappelons-nous les réflexions des technocrates de Terra Nova sur l’effacement irréversible des classes populaires traditionnelles (comprendre : blanches) issues du monde de la production, et la nécessité vitale pour le PS de réorienter ses choix politiques en fonction des nouvelles dynamiques sociales issues des minorités ethniques et culturelles : une façon grossière de faire passer une réalité mouvante, issue de facteurs circonstanciels, pour une vérité définitive et inéluctable. Les livres du socio-géographe Christophe Guilluy sont, opportunément, venus repositionner dans le débat public l’existence de ces classes « invisibles » qui, loin des centres villes, forment encore la substance profonde du pays.

    « La France doit être gérée comme un hôtel », affirmait, dans la même logique, le prophète cathodique de la mondialisation nomade Jacques Attali. Mais qui est prêt à mourir pour la gestion d’un hôtel ?

    Ce désinvestissement émotionnel total à l’égard d’un peuple et de son destin n’explique toutefois pas tout. Il ne pourrait être qu’une indifférence fonctionnelle et distante, sans autre finalité qu’un utilitarisme trivial. Comme nous l’écrivions dans notre précédent article : « L’œuvre de déconstruction identitaire, basée sur un intense travail de culpabilisation de l’identité traditionnelle, n’était pas une condition indispensable de la nouvelle phase de déploiement du capitalisme en voie de mondialisation» (1).

    Haine et violence idéologique

    L’entreprise forcenée de déconstruction identitaire dont nous sommes témoins depuis plusieurs décennies ne peut pas faire l’économie de la prise en compte d’une démission déterminante du combat politique : la haine comme fondement de la violence idéologique.

    On ne peut expliquer sinon, après bien d’autres exemples, l’incroyable violence de la campagne médiatique qui a frappé Nadine Morano, après sa déclaration sur le peuple « de race blanche et de culture judéo-chrétienne », reprise du général De Gaulle et maintes fois évoquée dans le débat public depuis la publication du livre d’Alain Peyrefitte qui la rapporte. Elle renvoie à une réalité historique simple et évidente, forte de deux millénaires de mémoire vive, que seule une hystérisation émotionnelle du débat permet, non pas seulement de nier, mais d’en interdire jusqu’à l’évocation même !

    Et pourtant, n’importe quel esprit tant soit peu rationnel peut d’emblée saisir la différence entre le rappel historique d’une réalité identitaire qui s’est construite au fil des siècles et un jugement de valeur sur la France contemporaine, désormais (qui peut le nier ?) multiethnique et multiculturelle. Mais le peuple « de souche », le peuple indigène, n’a pas le droit de se nommer lui-même en tant que référence première et déterminante de l’identité française, au risque, sinon, de ressusciter les démons du passé.

    La reductio ad hitlerum a encore de beaux jours devant elle. Elle est la pointe avancée d’une violence idéologique dont les formes de domination relèvent plus des mécanismes de la psychologie collective que de l’affrontement des idées.

    Le retournement des processus d’identification qui conduisent naturellement à privilégier ce qui vous ressemble, vous précède et vous prolonge, s’est construit sur un gigantesque travail de dévalorisation des cultures populaires traditionnelles, transformées en des séries de représentations répulsives et ringardes. Comment peut-on oublier, pour ne citer qu’un exemple, le personnage de prolo qui fit les choux gras de Coluche, avec son nez rouge d’alcoolo, son phrasé d’abruti et son racisme primaire ?

    Les discours rationalisants sur la « diversité » comme source d’enrichissement culturel et facteur de croissance économique ne sont que des constructions secondaires dans les rapports de force idéologiques, comparés à la puissance subjugante des systèmes de représentation de masse qui activent les processus collectifs d’identification.

    L’identification à la force au cœur de l’idéologie « progressiste »

    Il n’y a plus d’identification positive possible à la représentation dégradée d’une masse indifférenciée. Plus encore, nous assistons à un phénomène de renversement du processus d’identification qui fait que l’identification à l’Autre, l’étranger à ma culture, est plus valorisante que l’identification au semblable infériorisé. Nous sommes là dans une situation de domination culturelle et sociale classique, où le dominé n’arrive plus à se percevoir au travers de ses propres références culturelles qui le valorisent et intériorise son statut de dominé. Et l’identité dévalorisée du dominé ne suscite plus le désir d’identification. La faiblesse n’a rien d’attractif et l’identification va naturellement au modèle fort.

    L’occultation de son processus d’identification à la force est la face la plus cachée de l’idéologie « progressiste » mass-médiatisée (2).

    L’identification à la cause de l’Autre victimisé (l’étranger, l’immigré, le réfugié, quelle que soit sa dénomination) permet d’occuper une position de force en se valorisant par la défense du faible qui donne ses lettres de noblesse à l’engagement politique. Cette posture d’identification au faible mythifié est le socle de la fonction normative qui permet de dire qui est au service du bien et qui est du côté du mal ; un pouvoir redoutable pour qui le contrôle.

    L’écroulement des grands systèmes idéologiques n’a pas mis un terme à la violence idéologique. Le journaliste Jean Daniel, en 1979, publia un petit livre fort instructif dans lequel il racontait, à travers l’histoire du Nouvel Observateur, trente ans de cheminement de la conscience de gauche à la lumière des grands événements qui, depuis la Libération, l’ont portée.

    Dès les premières pages de son livre, Jean Daniel tentait de comprendre les mécanismes qui façonnent l’engagement de gauche. D’où vient cette attente passionnée du grand soir, du basculement de l’histoire ? Cette volonté violente de rupture que Michel Foucault, préfaçant l’ouvrage de Jean Daniel, relevait aussitôt : « Il [Jean Daniel] fait apparaître ce qui pour lui constitue la grande évidence structurant toute la conscience de gauche, à savoir que l’histoire est dominée par la révolution ». Une mystique de la révolution que l’auteur appréhende avec une distance critique : « Je finis par me demander, confesse-t-il, à propos de certains d’entre nous, si ce qui leur importe ce n’est pas la légitimation de la violence plutôt que la transformation de la société ? ».

    L’histoire, depuis, a fait son œuvre et les idéologies révolutionnaires se sont écroulées, en même temps que les régimes qui en avaient été, tour à tour, les porteurs. Le mythe d’une grande révolution collective, tranquillement, a été remplacé par celui de la « libération» individuelle.

    L’idéologie de la libération, beaucoup plus sociétale que sociale, a toutefois conservé le soubassement idéologique du mythe révolutionnaire : la rupture radicale avec l’ordre ancien comme condition de l’émergence d’un homme nouveau, libéré des contraintes et des aliénations du passé. La même violence idéologique, la même haine de l’ordre « naturel », sont recyclées au service d’une transformation de l’intérieur, celle du rapport de l’individu à ses désirs.

    Le mythe de l’individu absolu

    Un mythe de l’individu libéré, ou individu absolu, dont la mystique révolutionnaire est certes le soubassement originel, mais qui l’a largement débordé pour devenir, en tant que système de représentation de masse, une idéologie passe-partout, dont la banalisation même vide la mystique révolutionnaire de sa radicalité absolue, sans la vider pour autant de toute sa violence constructiviste.

    Pas de chance pour le prolétaire, jusque-là investit d’une mission messianique en tant qu’acteur historique du projet révolutionnaire, il devient, soudainement, le maillon faible d’un projet d’émancipation dont il ne maîtrise pas les codes culturels et qui n’est plus centré sur ses anciennes luttes sociales. Ce sont désormais les classes moyennes du tertiaire « intellectualisé» qui portent les valeurs de la transformation sociale. Et le beauf de Cabu, avec le mot qui va avec, devint le symbole dérisoire d’une France populaire ringardisée et exécrée.

    A contrario, on ne fait pas carrière dans l’espace public en tant que défenseur de la « France moisie ». Les chanteurs et les actrices « engagés », les comiques et les animateurs en vogue, les intellos en vue et les artistes connus, les journalistes vedettes, la masse des politiques médiatisés et les autorités morales institutionnelles sont quasi unanimes pour brocarder les tentations identitaires d’une France « franchoulliarde » qui, de toute façon, c’est bien connu, n’est qu’un fantasme sans réalité.

    « L’unanimité est mimétique », nous dit René Girard ; le système médiatique fonctionne effectivement en créant cette unanimité de façade qui vise à sidérer les esprits. Cette méthode est particulièrement efficace lors des grandes campagnes d’exécration collective lancées pour punir un « dérapage » ; l’affaire Morano en est un exemple parfait, ou lors des grandes opérations d’émotion de masse, type « Je suis Charlie ».

    Un message répété à l’infini, et légitimé par l’orchestration des voix les plus en vue, détient une force subjugante qui annihile les résistances rationnelles. La peur de ne pas être à l’unisson de ce qui est imposé comme la normalité évidente (il faut être un concentré de médiocrité et d’égoïsme pour refuser d’ouvrir les bras à la masse des réfugiés qui souffrent !) suffit à faire taire toute velléité de contestation du consensus émotionnel. Ce que le peuple « d’en bas » pense au profond de lui-même et refoule dans son for intérieur n’a plus aucune importance. Le Système actuel, au contraire des grands totalitarismes qui ont marqué le XXe siècle, n’a plus besoin de l’adhésion des foules ; il se contente d’une acceptation passive.

    Les rares voix dissidentes acceptées au banquet médiatique sont là pour occuper la case du « méchant » qui permet d’entretenir l’illusion d’un débat contradictoire et loyal. Eric Zemmour, avec talent, tient la première place du « réac » que le Système adore détester, un peu concurrencé désormais par Michel Onfray qui tourne mal, comme l’a vigoureusement expliqué Libération. L’icône de l’athéisme jouissif et de la gauche popu devient désormais un philosophe de bistrot pour beaufs lepénisés !

    Enfermée dans une série de représentations négatives, souvent teintées de mépris social, l’identité traditionnelle française est soumise à un processus d’exécration collectif qui soude la cohérence idéologique du Système dominant. La négation même de cette réalité identitaire est probablement l’aspect le plus violent d’un processus de déconstruction, qui, a contrario, sans le dire tout à fait, ne cesse de renvoyer à cette identité française « blanche et judéo-chrétienne », quand il s’agit de dénoncer le racisme et la xénophobie !

    Le devoir de mémoire

    La classe politique et médiatique nous l’a impérativement rappelé à l’occasion de l’affaire Morano, la France est un idéal construit autour de quelques grandes valeurs universelles. En conséquence, la citoyenneté « républicaine », basée sur l’adhésion à ces valeurs, est le seul critère légitime d’appartenance nationale, en dehors de tout héritage de cette longue durée, chère à Fernand Braudel qui a cherché avec passion à appréhender une « identité de la France », à travers la construction obstinée des siècles et des millénaires, à partir de ses peuples, ses mœurs, ses territoires et ses institutions.

    De Gaulle est le dernier dirigeant français d’envergure à avoir lié la vision de son destin personnel à celle de son peuple et de son pays. C’est probablement aussi pourquoi, au-delà de son œuvre politique, il reste tant présent dans les mémoires contemporaines. Il a incarné la pérennité d’une vieille nation, à travers ses fractures et ses drames, avec la conscience aiguë que seule la réalité de son identité profonde permet à un peuple de perdurer. Derrière le Rideau de fer du communisme soviétique, il voyait vivre encore le destin de la Russie et de son peuple. L’histoire sur ce point lui a donné raison.

    Au vu de la dramatisation des crises migratoires sur fond de ruptures géostratégiques, la question doit être désormais posée : peut-on prétendre aimer la France, voire la diriger, sans aimer les Français, c’est-à-dire les héritiers et les garants d’une identité collective pérenne que la longue durée a façonnée ?

    Denis Bachelot (Polémia, 16 octobre 2015)

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  • Repères pour des temps incertains...

    Les éditions Le retour aux sources viennent de publier Triangulation - Repères pour des temps incertains, un essai de Michel Drac. Penseur non-conformiste et sereinement radical, Michel Drac a publié plusieurs ouvrafges stimulants, qui ont été récemment rassemblés en un seul volume, intitulé Essais.

     

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    " Il y aurait un roman fabuleux et interminable à écrire sur les enchaînements de causalité qui peuvent relier une réunion de travail au siège de la Banque Centrale Européenne, une rencontre au sommet entre dirigeants des grandes banques d’affaires londoniennes, une note d’analyse destinée aux plus hauts cadres de la CIA, l’assassinat d’un leader djihadiste en Syrie, un attentat meurtrier dans les rues de Paris, un échange de bons procédés entre services français et russes, la renégociation d’un contrat gazier entre deux pays d’Europe centrale et une seconde réunion de travail au siège de la BCE. Peut-être d’ailleurs, un jour, l’ouverture des archives nous permettra-t-elle d’écrire a posteriori de semblables histoires. En attendant, nous pouvons déjà en peindre la toile de fond.

    Cet exercice n’est pas tout à fait gratuit. Nous approchons manifestement d’un moment critique dans l’histoire de notre pays. Pour la première fois depuis longtemps, il devient envisageable qu’en France, un gouvernement de rupture arrive aux affaires, dans quelques années.

    Dans ces conditions, nous devons changer de point de vue. Jusqu’ici, la littérature dissidente en France s’est bornée à critiquer le système existant. Mais critiquer n’est plus suffisant : de plus en plus, il faudra être capable de proposer quelque chose. "

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  • Contre le chaos migratoire...

    Nous reproduisons ci-dessous le point de vue du groupe Plessis, cueilli sur FigaroVox et consacré au chaos migratoire ainsi qu'aux solutions qu'il convient de lui apporter. Le groupe Plessis rassemble des hauts-fonctionnaires attachés à l'autorité de l'Etat et à la souveraineté nationale...

     

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    «Chaos migratoire» : l'analyse sans concession d'un groupe de hauts fonctionnaires

    La crise migratoire qui se déroule sous nos yeux, pour spectaculaire qu'elle soit, n'est que la manifestation renouvelée de l'incapacité de nos gouvernants à mettre en œuvre et assumer des politiques de maîtrise durable des flux de population qui franchissent nos frontières. Pourtant, il n'y a pas de fatalité en la matière.

    Cette impuissance, assortie d'un discours médiatique moralisateur, est en décalage croissant avec les aspirations de la population qui, en butte aux désordres causés par une immigration incontrôlée depuis plusieurs décennies et inquiète des menaces terroristes, recherche protection et sécurité. Il est d'ailleurs frappant de constater que le formidable battage médiatique actuel, qui confine au harcèlement, ne convainc plus guère les Français

    L'accueil des migrants: un irresponsable appel d'air

    Le phénomène migratoire, qui s'est accéléré avec l'effondrement des Etats libyen et syrien, va encore s'amplifier à la suite du formidable appel d'air que constitue l'accueil, nolens volens, de centaines de milliers de nouveaux migrants en Europe occidentale. Les déclarations du gouvernement, qui évoque l'accueil «provisoire» de seulement 24 000 «réfugiés» alors même qu'aucun contrôle transfrontalier des flux n'est possible et que les retours sont bien improbables, n'ont pour seul mérite que de confirmer l'adage selon lequel, lorsque les événements vous échappent, il faut feindre d'en être l'organisateur. En l'état actuel des choses, il est bien évident que le Gouvernement n'a ni la volonté, ni surtout les moyens, de contrôler efficacement nos 3 000 km de frontières terrestres métropolitaines, sans parler des frontières maritimes.

    Une générosité de façade

    La générosité affichée par nos dirigeants, et par nombre de dirigeants européens, n'est que le masque de l'impuissance. Derrière cette façade, on enrichit des trafiquants impitoyables (la traite des êtres humains rapporterait désormais plus que le trafic de drogue), on pousse des malheureux à prendre des risques insensés sur des embarcations de fortune ; on valide la stratégie de Daech de purification ethnico-religieuse, sans parler de la déstabilisation sans doute volontaire de l'Occident par l'arrivée en masse de populations de culture musulmane, sans même parler des probabilités d'infiltration d'éléments terroristes. Ajoutons que l'on vide les pays du Sud de leurs éléments les plus qualifiés et les plus dynamiques. Avec bonne conscience, les dirigeants européens se livrent à une véritable spoliation de l'avenir de ces pays, tout en imposant à leurs propres peuples de se perdre dans une bien aventureuse «dilution dans l'universel», pour reprendre l'expression d'Aimé Césaire.

    «Rien n'est meurtrier comme la lâcheté ; rien n'est humain comme la fermeté.» écrivait Charles Péguy. Face aux menaces actuelles qui engagent notre responsabilité collective vis-à-vis des générations futures, il est temps d'être humains et fermes.

    Une action ferme pour résoudre la crise de l'asile

    Résoudre la crise de l'asile, c'est d'abord s'attaquer aux causes et définir une stratégie claire au Proche-Orient, conforme à nos intérêts: un rapprochement avec l'Iran, une concertation avec la Russie, une politique plus pragmatique à l'égard du régime de Damas.

    S'agissant de populations déplacées par la guerre, la priorité est d'aider matériellement ces populations au plus près de leur pays d'origine, les pays d'accueil, en particulier le Liban, et les organisations humanitaires. Au moment même où les migrants syriens sont au cœur de l'actualité, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) et le Programme alimentaire mondial (PAM) ne disposent pas des moyens nécessaires pour héberger et nourrir les déplacés. Il est aussi inacceptable que des pays proches, qui ne sont pas pour rien dans la guerre civile syrienne, et qui ne manquent pas d'abondantes liquidités, le Qatar ou l'Arabie saoudite, se montrent si peu accueillants. On s'étonnera aussi du rôle joué par la Turquie qui n'aide guère l'Europe .

    Lutter contre les réseaux de passeurs et délocaliser la demande d'asile

    La deuxième priorité est de s'attaquer à l'économie même des passeurs. A cet égard, l'exemple australien est éloquent: aucune arrivée illégale par bateau n'est tolérée, les bateaux sont raccompagnés soit vers leur lieu de départ, soit vers des centres de rétention extraterritoriaux, mis à disposition par des pays riverains et où les demandes d'asiles sont traitées. Le résultat est sans appel: aucun mort en mer à déplorer depuis 18 mois. 

    Il est parfaitement envisageable, pour l'Europe ou, à défaut, pour la France seule, de reproduire ce dispositif en concluant des accords (assortis d'une aide financière) avec des pays du Sud de la Méditerranée pour la création de ces centres. L'action de la Marine serait alors réorientée vers le raccompagnement des embarcations et de leurs passagers en direction de ces centres et vers la traque des passeurs qui est désormais un enjeu de sécurité nationale. Un dispositif européen similaire pourrait également être envisagé pour les demandeurs d'asile empruntant la route terrestre des Balkans. Ne seraient alors admises en France que les personnes s'étant effectivement vues octroyer le statut de réfugié au sens de la Convention de Genève ou de la Constitution. Ce système aurait donc le mérite d'éviter d'introduire en France des demandeurs d'asile dont fort peu répondent aux critères (70 % de déboutés malgré une procédure très favorable aux demandeurs) mais qu'il est ensuite extrêmement difficile d'éloigner (moins de 5% des déboutés).

    Recentrer l'asile au profit des rares authentiques réfugiés

    S'agissant des demandes d'asile déposées en France, le dispositif actuel, largement détourné au profit d'une immigration économique ou sociale et dévoyé par des manœuvres dilatoires et des fraudes de toutes sortes, doit impérativement être revu au profit d'une procédure extrêmement rapide, non créatrice de droit, sous contrôle étroit des autorités et suivie d'une expulsion rapide des déboutés, sans possibilité de solliciter, sinon dans le pays d'origine, un autre titre de séjour.

    Un discours de vérité sur l'immigration

    Cette crise d'une ampleur exceptionnelle appelle un retournement de paradigme qui passe par un changement de discours sur l'immigration. Il est temps d'admettre que, contrairement à certaines idées reçues, la France n'a pas besoin d'une immigration supplémentaire. Et si les beaux esprits le contestent, il n'est que de demander son avis au peuple de France par référendum. Notre taux de chômage élevé, l'immense besoin en formation de nos jeunes inactifs peu qualifiés montrent bien que le pays n'a aucunement besoin d'un apport extérieur de main-d'œuvre, à l'exception de quelques travailleurs particulièrement qualifiés.

    Certains secteurs d'activité emploient massivement une main-d'œuvre étrangère, souvent illégale (BTP, restauration …). Mais est-ce à la collectivité d'assumer cette charge pour que ces entreprises emploient à moindres frais? L'immigration a d'ailleurs un coût: poids croissant sur le système de santé, sur la protection sociale, sur la politique de logement, sur les établissements scolaires, sans parler des déséquilibres sociaux, ethniques et culturels qu'elle provoque sur de nombreux territoires. Mais le coût principal de cette immigration non choisie est probablement la défiance qu'elle fait naître entre un peuple de France inquiet pour son identité et ses dirigeants qui y semblent indifférents.

    La France peut bien sûr accueillir des personnes par souci d'humanité ou parce qu'elles manifestent un attachement sincère à notre pays, mais il s'agit bien là d'une faveur et non d'un droit, d'un choix et non d'une obligation.

    Une politique migratoire souveraine

    - Pour un contrôle démocratique sur la politique d'immigration: remettre au cœur de nos politiques la souveraineté nationale devrait conduire à fixer un quota annuel, voté par le Parlement, en fonction des besoins et des capacités d'accueil du pays. Le principe d'un tel vote devra être solennellement inscrit dans la Constitution, par voie de référendum. Sa mise en œuvre impliquerait un changement radical dans les pratiques de l'administration qui devrait, sous contrainte, mener une politique active de sélection et de priorisation des candidats.

    - Simplifier le droit des étrangers: le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile devrait être considérablement simplifié (plus de 1 000 pages en édition courante!), les délais et nombre de recours drastiquement réduits.

    - Inciter au départ les étrangers inactifs légalement présents dont il faut rappeler qu'ils n'ont pas nécessairement vocation à rester sur notre territoire. Ainsi les allocations auxquelles ils ont droit (chômage notamment) pourraient-elles leur être versées dans leur pays: une chance de réinsertion leur serait ainsi donnée ; le poids sur nos services sociaux en serait allégé et ces fonds contribueraient au développement des pays d'origine.

    - Faciliter l'éloignement forcé: en 2014, les vrais éloignements, c'est-à-dire les éloignements forcés hors de l'espace Schengen, n'ont concerné que 6 500 étrangers, chiffre dérisoire au regard des enjeux de l'immigration clandestine. Une simplification drastique des procédures et des recours est nécessaire. De même, tout statut doit être refusé aux étrangers en situation irrégulière. Cela passe par la suppression de l'AME et du droit à une scolarisation en milieu ordinaire: les enfants, qui ont d'ailleurs le plus souvent besoin d'un parcours spécifique, seraient pris en charge dans des structures ad hoc, dans l'attente d'un éloignement. Cela passe aussi par un enregistrement sérieux des entrées et des sorties des étrangers afin de rechercher, pour contrôle et expulsion, ceux restant illégalement sur le territoire.

    - Réviser en profondeur l'accord de Schengen afin de permettre un contrôle réel de l'immigration irrégulière aux frontières nationales: le contrôle aux frontières de l'espace Schengen est un leurre. Sans doute faut-il fixer un principe: franchir illégalement les frontières de l'Union ne crée aucun droit. Sans doute aussi faut-il passer à un système à deux niveaux, c'est-à-dire tout à la fois revenir à un contrôle ciblé mais durable des frontières nationales, qui passe par la constitution d'un véritable corps de garde-frontières, et qui permettra également de faire face aux vastes mouvements de populations intra-communautaires en provenance de Roumanie et de Bulgarie, et commencer à construire un véritable dispositif collectif de contrôle des frontières extérieures. Dans cette attente, doivent être envisagées par la France une mise en œuvre des clauses de sauvegarde prévues par la convention, et sans doute une sortie temporaire du système. Contrairement à ce qui est parfois affirmé, l'expérience hongroise montre que le contrôle des frontières nationales, lorsqu'il est au service d'une politique volontaire, reste un moyen très efficace pour enrayer les flux migratoires clandestins.

    - Sortir de l'angélisme dans la coopération avec les pays d'origine: il n'est pas de contrôle efficace de l'immigration à moyen terme sans une coopération bien comprise avec les pays d'origine que l'on doit inciter à s'engager contre les filières de trafic d'êtres humains, engagement auquel devraient être strictement conditionnées les aides bilatérales et européennes. L'immigration est aussi un drame du désespoir et du déracinement. Il est de la responsabilité des nations européennes d'aider aussi ces pays à trouver la voie d'un développement économique et social qui permettent à leurs populations d'envisager un avenir sur place.

    -Enfin, briser l'outil d'encouragement aux migrations non maîtrisées que représente l'espoir de régularisation. D'exceptionnelles, les régularisations sont devenues, notamment sous la pression d'associations, une modalité banale d'admission au séjour en France et constituent un puissant incitatif à l'entrée et au séjour irréguliers. Dès lors, pourquoi ne pas inscrire dans la Constitution, via un référendum, que les régularisations d'étrangers en situation irrégulière sont interdites?

    Groupe Plessis (FigaroVox, 14 octobre 2015)

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