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europe - Page 53

  • Le mythe du “couple franco-allemand”...

    Nous reproduisons ci-dessous entretien avec Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire, dans lequel il évoque la question des relations franco-allemandes. Philosophe et essayiste, directeur des revues Nouvelle École et Krisis, Alain de Benoist a récemment publié Le moment populiste (Pierre-Guillaume de Roux, 2017), Ce que penser veut dire (Rocher, 2017) et Contre le libéralisme (Rocher, 2019).

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    Alain de Benoist : « Le “couple franco-allemand” est un mythe ! »

    Rien ne va plus, apparemment, entre Emmanuel Macron et Angela Merkel, qui reconnaissaient récemment que leurs « différences de mentalités » ont abouti à des « confrontations ». Le couple franco-allemand serait-il au bord du divorce ?

    Le « couple franco-allemand » est un mythe. Cette expression, née sous Giscard, n’est d’ailleurs presque jamais employée en Allemagne. Il ne faut pas se raconter d’histoires : que ce soit avec Mitterrand et Helmut Kohl, Chirac et Gerhard Schröder, Pompidou et Willy Brandt, et même avec le général de Gaulle et Konrad Adenauer, la convergence de vues entre la France et l’Allemagne n’a jamais été totale. L’idée d’un « couple » franco-allemand est seulement née de l’idée que les deux plus grands pays d’Europe ont, en principe, tout intérêt à s’associer. « N’oubliez jamais, disait le général de Gaulle, que pour la France, il n’y a pas d’alternative à l’amitié avec l’Allemagne. ». Si l’on s’étonne, aujourd’hui, d’un possible « divorce », c’est que les positions de Merkel et de Macron paraissaient très proches au lendemain de l’élection présidentielle de 2017. Depuis, le Président français a déchanté : les Allemands ne l’ont suivi pratiquement sur aucune de ses propositions. Angela Merkel est également déçue : elle pensait collaborer avec un chef d’État crédible, elle réalise qu’elle est tombée sur un « communicant » narcissique, instable et psychorigide.

    84 % des Français ont, aujourd’hui, une « bonne image » de l’Allemagne, mais ils n’ont jamais très bien compris comment pensent les Allemands. Les Allemands, de leur côté, adorent la France, mais la trouvent également éruptive, imprévisible, irréformable ; bref, pas très sérieuse. Enfin, la France et l’Allemagne ne se sont jamais fait la même idée de la construction européenne. Pour les Français, c’était un facteur de prestige et un instrument d’influence ; pour les Allemands, un vecteur de respectabilité lui permettant de solder définitivement son passé. Leurs intérêts, leurs objectifs et leurs orientations ne sont pas, non plus, les mêmes. Les Allemands, pour ne donner que cet exemple, n’ont jamais imaginé l’avenir de l’Europe autrement qu’en étroite alliance avec les Américains. Le nouveau traité franco-allemand signé en janvier dernier à Aix-la-Chapelle ne prévoit, à cet égard, rien qui puisse sérieusement réduire ces divergences.

    La France et l’Allemagne s’affrontent, d’ailleurs, maintenant sur la répartition de nombreux postes européens. Pour remplacer Jean-Claude Juncker à la tête de la Commission européenne, la chancelière, qui n’a pas apprécié de voir Macron prendre ses distances vis-à-vis du groupe PPE, s’en tient à la règle du « Spitzenkandidat » et soutient la candidature du Bavarois Manfred Weber, tandis que Macron souhaite voir confier le poste au Français Michel Barnier.

    Que ce soit au Parlement européen, à la Commission européenne ou à la Banque centrale européenne, l’Allemagne pèse aujourd’hui plus que la France. On parle aussi d’une « mutualisation » du siège permanent de la France au Conseil de sécurité de l’ONU ? Vous êtes de ceux qui s’en inquiètent ?

    Même si le mur de Berlin n’est visiblement pas encore tombé dans toutes les têtes, il serait peut-être temps d’admettre que l’Allemagne ne sera jamais la principauté du Liechtenstein ! C’est vrai qu’elle est, aujourd’hui, grâce au dynamisme de ses Länder, la principale puissance économique et industrielle d’Europe, même si elle commence à s’essouffler et que les perspectives démographiques lui sont très défavorables. Mais si l’on trouve, en France, que l’Allemagne pèse trop lourd, que devraient dire les Danois ou les Islandais ? Les Allemands, de leur côté, ont le sentiment qu’ils sont la vache à lait de tous les nécessiteux européens, à commencer par les « pays du Club Med ». Ils aiment à citer le « modèle Arte » : sur la chaîne de télévision franco-allemande, ce sont les Français qui décident des programmes et c’est l’Allemagne qui paie ! Ce n’est, en fait, pas l’Allemagne qui est trop forte, mais ses partenaires qui sont trop faibles. Souvenez-vous de ce que disait Jean Mistler, en 1976 : « L’Europe serait presque parfaite si les Français restaient chaque jour une heure de moins au bistro et les Allemands une heure de plus au lit ! »

    Le Conseil de sécurité des Nations unies est clairement daté, puisqu’il réunit uniquement les grands pays vainqueurs de la Deuxième Guerre mondiale et ne reflète donc pas l’ordre du monde actuel. L’Allemagne y aurait parfaitement sa place, de même que deux ou trois autres pays. Paris et Berlin peuvent en avoir la « volonté commune » sans que cela signifie un siège commun. Un siège « partagé » entre la France et l’Allemagne n’aurait, en revanche, aucun sens.

    Les souverainistes, qui sont les premiers à s’émouvoir de la « domination allemande », n’ont jamais compris que l’Allemagne aurait bien moins de poids dans une véritable Europe fédérale que dans l’Europe des nations qu’ils appellent de leurs vœux. C’est précisément la raison pour laquelle l’Allemagne a rejeté toutes les propositions macroniennes visant à accélérer la fédéralisation (création d’un budget et d’un Parlement de la zone euro, etc.). L’Allemagne se satisfait très bien de l’Europe telle qu’elle est.

    Aujourd’hui, quelle marge de manœuvre pour Macron en Europe ?

    Macron a cru, un certain temps, à une alliance privilégiée avec les Anglais, mais le projet a avorté en raison du Brexit. Alors qu’il se présentait après son élection comme le sauveur de l’Europe, il s’y retrouve aujourd’hui de plus en plus isolé. Il s’est brouillé avec l’Italie, il s’est brouillé avec la Hongrie, il s’est brouillé avec la Pologne – et ni Trump ni Poutine ne sont disposés à l’aider. À l’heure actuelle, il ne peut guère compter que sur l’appui des Premiers ministres espagnol et portugais, pour ne rien dire du très démonétisé « Belgicain » Charles Michel. Quant à Angela Merkel, elle est maintenant sur le départ et l’on sait déjà que la nouvelle patronne de la CDU, Annegret Kramp-Karrenbauer, ne sera pas un partenaire facile pour le Président français.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 13 juin 2019)

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  • Réinventer les Celtes...

    Les éditions Hermann viennent de publier un ouvrage de Katherine Gruel et Olivier Buchsenschultz intitulé Réinventer les Celtes. Directeurs de recherche au CNRS,  les deux auteurs ont été responsables de l’équipe de Protohistoire celtique de l’École normale supérieure depuis les années 1980.

     

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    " Les Celtes désignent pour les auteurs grecs dès le Ve siècle avant J.-C. l’ensemble des populations occidentales nord-alpines. Si leurs puissants voisins ont certainement exercé une influence sur les Celtes, ces derniers ont développé une société et un mode de vie qui ont tantôt emprunté les mêmes voies, mais tantôt complètement divergé, dans la période même où ils intervenaient en Italie et dans les Balkans. La langue, l’outillage, l’armement, les parures, les modes de vie, qui évoluent en parallèle, génération après génération, sur une grande partie de l’Europe moyenne ancienne, peuvent être réunis dans un ensemble cohérent, distinct de groupes voisins qui ont fait d’autres choix. Les échanges d’objets, les conflits ou les colonisations réciproques n’ont pas gommé ces différences, avant que l’expansion de Rome n’entraîne une acculturation générale.

    À travers les recherches initiées depuis quarante ans sur le monde celtique et italique à l’âge du Fer, le laboratoire AOrOc a accompagné le développement exponentiel des recherches archéologiques sur les sanctuaires, les habitats, l’alimentation, l’outillage et le monnayage celtiques. Après avoir relu les textes grecs et latins à la lumière de ces nouvelles données, l’image que les Celtes avaient d’eux-mêmes a été mieux définie et l’originalité et l’évolution historique de leur civilisation se sont peu à peu précisées. "

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  • Tour d'horizon... (167)

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    Au sommaire cette semaine :

    - sur Theatrum Belli, Suzanne Teillet présente l’épopée des Goths comme reflétant, en même temps que la ruine progressive de l’Empire romain d’Occident, la naissance de l’Europe nouvelle...

    Les racines de l’Europe : Des Goths à la nation gothique

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    - sur sa chaîne vidéo, Michel Drac présente le livre de François Bégaudeau consacré au macronistes...

    Histoire de ta bêtise (François Bégaudeau) - Note de lecture de Michel Drac

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  • L’OTAN est une menace pour l’Europe...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par le général Vincent Desportes au Figaro Vox et reproduit sur Europe solidaire. Le général y insiste sur la nécessité pour l'Europe de gagner son autonomie stratégique et d'abandonner son statut de protectorat américain. Spécialiste de la stratégie, le général Desportes est notamment l'auteur de Comprendre la stratégie (Economica, 2001), Décider dans l'incertitude (Economica, 2004) et, dernièrement, Entrer en stratégie (Robert Laffont, 2019).

     

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    Général Desportes: «L’OTAN est une menace pour l’Europe»

    LE FIGARO. - On a peu parlé de défense pendant la campagne des européennes. C'est pourtant un enjeu crucial pour l'avenir du continent. Est-ce grave ?

    Général Vincent DESPORTES. - Oui, parce que ­l'Europe ne peut pas se construire seulement sur ses dimensions économique et sociale. Si elle n'est pas capable de défendre ses citoyens, elle ne sera pas crédible. Or, désormais, pour des raisons financières en particulier, les systèmes de défense des nations moyennes ne peuvent construire leur cohérence qu'au niveau supranational.

    Cette atonie européenne est-elle similaire à celle qui existe avec l'écologie ?

    Les Européens commencent à être sensibles au problème écologique, mais ils ne s'en saisissent pas. En matière de défense, ils n'ont pas encore pris conscience de l'importance du problème. Pourquoi ? Parce qu'ils pensent toujours vivre dans le monde d'hier, celui des bons sentiments. Ils ne voient pas venir ce monde de violences qui montent et qui sera dominé par les rapports de force. Les Européens se croient toujours protégés par le parapluie américain. À tort : il a longtemps été fiable mais il ne l'est plus.

    Les attentats terroristes n'ont-ils pas réveillé la sensibilité européenne à la dangerosité du monde ?

    En partie, si. Mais les principaux enjeux vont bien au-delà. Je pense notamment au grand affrontement déjà en cours entre les États-Unis et la Chine, qui s'affirme comme la nouvelle puissance impériale. Dans les années qui viennent, les relations internationales seront basées sur la puissance ; l'Europe doit se doter de ses attributs pour faire rempart à la Chine et faire part égale avec son ancien allié. Elle doit absolument reconstruire sa puissance, condition de son autonomie.

    Que faut-il faire concrètement ?

    L'Europe doit être capable de jouer son rôle dans le monde et de participer au maintien des grands équilibres. Elle ne pourra le faire que si elle détient la puissance militaire. Car la voix des nations ne porte qu'en fonction du calibre de leurs canons ! Si la ­France compte davantage que les autres pays, c'est justement parce qu'elle a une armée digne de ce nom. Si l'Europe est aphone, c'est parce qu'elle ne s'est pas dotée des moyens de la puissance.

    Vous évoquez la possibilité d'un conflit sino-américain. Mais une confrontation entre les États-Unis et l'Iran ne pourrait-elle pas intervenir avant ?

    À court terme, si l'on exclut le terrorisme, il existe d'autres zones de tension, notamment la région du Golfe et la péninsule nord-coréenne. Mais ce sont des conflits de petite ampleur par rapport aux grands enjeux qui s'annoncent. Personne n'a intérêt à ce que l'opposition entre l'Iran et les États-Unis se transforme en une guerre ouverte. Il semble en revanche écrit que le conflit de puissance entre la Chine et les États-Unis sera la grande histoire de demain...

    À quoi sert encore l'Otan ?

    L'alliance avec les États-Unis ressemble à celle qui unissait Athènes aux cités helléniques. L'Otan est une alliance sur laquelle règnent de manière hégémonique les Américains, qui offrent leur protectorat en échange de la vassalisation de leurs alliés. Le problème, c'est que ce protectorat n'est pas fiable. De Gaulle le disait déjà quand il affirmait qu'il fallait une armée française car le parapluie américain n'était pas suffisamment fiable. Il l'est encore moins aujourd'hui. L'Alliance est un leurre. Elle affaiblit les Français, car elle ne leur permet pas de parler au monde et de défendre leurs valeurs. Il faut sortir de l'illusion que les outils d'hier sont toujours pertinents pour le monde de demain.

    L'Alliance atlantique peut-elle mourir ?

    L'Otan est devenue une menace pour les pays ­européens. D'abord parce qu'elle est un outil de déresponsabilisation des États qui ne se croient plus capables d'assumer leur défense. Ensuite parce que son existence même est un outil de maintien et de renaissance des tensions en Europe. Il est temps que l'Otan soit remplacée par la défense européenne. La meilleure chose qui pourrait arriver à l'Alliance, c'est que les États-Unis s'en retirent. Ils placeraient ainsi l'Europe devant la nécessité d'avancer. Tant que l'Europe stratégique ne sera pas construite, le continent restera un protectorat à qui les États-Unis dictent leurs règles, comme le principe d'extrater­ritorialité dans l'affaire des sanctions contre l'Iran.

    Pourtant, les pays de l'Est, notamment la Pologne, ne jurent toujours que par elle...

    On peut comprendre que les Polonais croient être défendus par les États-Unis. Mais ils ont commis la même erreur en 1939, quand ils ont cru que la France viendrait les défendre s'ils étaient attaqués par les Allemands... Pourquoi les États-Unis sacrifieraient-ils Washington pour Varsovie si la Pologne était attaquée par la Russie ?

    Parce qu'ils ont déjà traversé deux fois l'Atlantique pour sauver l'Europe...

    Oui, mais ce n'était pas la même époque. Le ­nucléaire a complètement changé la donne. C'est la raison pour laquelle de Gaulle a voulu doter la France de la bombe atomique. La seule Europe qui vaille pour les États-Unis, c'est une Europe en perpétuel devenir. Ils ont toujours poussé pour les élargissements, y compris vis-à-vis de la Turquie. Mais la culture européenne est trop riche pour se limiter à ce qui en a été fait aux États-Unis. Le continent européen est celui de la philosophie et des Lumières, il a aussi été meurtri par la guerre. Il faut qu'à la puis­sance prédatrice américaine on puisse opposer une ­Europe capable de raisonner un monde qui ne l'est plus par les institutions internationales, qui ont été créées en 1945 ! S'appuyer sur les solutions d'hier pour construire le monde qui vient est dangereux et mortifère.

    Vous semblez davantage craindre les États-Unis, qui malgré Trump restent notre partenaire et une démocratie, que la Russie qui cherche à diviser l'Europe.

    L'Amérique n'est pas maligne comme un cancer. Mais quand elle n'est pas régulée, elle a tendance à imposer ses intérêts avant tout. Elle se détache par ailleurs de sa grand-mère patrie l'Europe pour se tourner vers le Pacifique. Quand ce processus sera achevé, l'Europe se trouvera bien démunie. Je pense que la Russie doit être intégrée à l'espace européen et que nous devons faire en sorte qu'elle ne soit plus une menace. L'avenir de l'Europe est eurasiatique, pas euro-atlantique. Nous avons, nous Occidentaux, contribué à faire ressurgir la menace russe. Nous avons raté l'après-guerre froide car nous n'avons pas réussi à réintégrer la Russie dans le jeu des ­démocraties.

    L'armée européenne dont parle Emmanuel Macron, qui a provoqué des grincements de dents à l'Est et à l'Ouest, est-elle un gros mot ? Ou peut-elle être un objectif pour le futur ?

    Elle ne peut pas exister aujourd'hui. Mais il faut assurer le plus vite possible la défense de l'Europe par l'Europe et pour l'Europe. Il faut créer un noyau dur capable de doter le continent d'une autonomie stratégique et capacitaire. Nous ne pouvons pas attendre la fin des divisions, notamment entre l'Est et l'Ouest, pour agir.

    Général Vincent Desportes, propos recueillis par Isabelle Lasserre (Figaro Vox, 24 mai 2019)

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  • Quand le monde des vieux partis est en train de disparaître...

    Nous reproduisons ci-dessous entretien avec Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire, dans lequel il évoque les résultats des dernières élections européennes... Philosophe et essayiste, directeur des revues Nouvelle École et Krisis, Alain de Benoist a récemment publié Le moment populiste (Pierre-Guillaume de Roux, 2017), Ce que penser veut dire (Rocher, 2017) et Contre le libéralisme (Rocher, 2019).

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    Alain de Benoist : « le monde des vieux partis est en train de disparaître ! »

    Pour la première fois depuis longtemps, voire pour la première fois tout court, deux intellectuels, Raphaël Glucksmann et François-Xavier Bellamy, figuraient parmi les têtes de liste aux élections européennes. Qu’est-ce que cela vous inspire ?

    Cela n’a apparemment pas porté bonheur aux partis qui s’étaient adressés à eux ! L’un et l’autre se trouvent en effet associés à un échec retentissant.

    L’essayiste bobo Raphaël Glucksmann, libéral de gauche, avait déjà coulé le Magazine littéraire, il n’obtient que 6,1 % des voix avec sa liste « Envie d’Europe », qui n’a visiblement pas fait envie à grand monde. Alors qu’il voulait « reconstruire la gauche », pieux souhait s’il en est, il s’est retrouvé comme un petit ours polaire sur une banquise en train de fondre, godillant comme il le pouvait entre les écologistes, les insoumis, l’« Europe des gens » de Ian Brossat et la « liste citoyenne » de Benoît Hamon, pour ne rien dire des « animalistes » qui, contrairement à ce que l’on aurait pu croire, ne soutenaient pas la dame Loiseau. La « gauche » se retrouve éclatée comme jamais. C’est pathétique.

    Le cas des Républicains est encore pire. François-Xavier Bellamy, jeune philosophe de talent, n’a certes pas démérité, mais les résultats qu’il a obtenus (8,4 % des voix) sont une catastrophe comme on en a rarement vu. La droite bourgeoise, qui aurait pu être sensible à son côté bien élevé, a préféré rallier Macron, au point que le petit prince-philosophe a même été battu dans son fief versaillais. Quant aux classes populaires, qu’il n’avait évidemment rien pour séduire, elles lui ont visiblement préféré un candidat encore plus jeune que lui, Jordan Bardella, qui a grandi dans les cités « difficiles » de Drancy, et non dans les beaux quartiers.

    Bruno Retailleau a tenté d’expliquer l’échec en disant que Bellamy avait été une victime collatérale du duel Macron-Le Pen. Après quoi les dirigeants de LR ont répété leurs mantras habituels : on va « convoquer des états-généraux pour refonder la droite », on va « retrouver nos valeurs », on va « rassembler » Nadine Morano et Valérie Pécresse, et autres calembredaines. Bref, on va maintenir l’équivoque et continuer à tourner en rond. Ces gens-là sont incorrigibles : ils n’ont pas compris qu’ils vont connaître le sort du PS parce que le monde des vieux partis est en train de disparaître. Ils n’ont pas compris que, dans le monde actuel, on ne peut atteler au même cheval la droite et le centre, les conservateurs et les libéraux. C’est tout aussi pathétique.

    De façon plus générale, est-ce le rôle des intellectuels de chercher à faire une carrière politique ? Vous avez naguère écrit que les intellectuels et les politiques vivaient sur deux planètes différentes, les premiers ayant tendance à complexifier les choses, les seconds à les simplifier pour d’évidentes raisons électorales. Ces deux mondes ne sont pourtant pas totalement étanches…

    Il y a une différence bien connue entre l’éthique de conviction et l’éthique de responsabilité. “Cela ne signifie pas”, disait Max Weber, “que l’éthique de conviction est identique à l’absence de responsabilité et l’éthique de la responsabilité à l’absence de conviction”. Il faut au contraire souhaiter que les hommes politiques aient des convictions fortes, et tenir compte aussi de ce qu’il est parfois nécessaire de théoriser la praxis. Mais il reste que la politique est l’art du possible (ou de rendre possible ce qui est nécessaire), tandis que la théorie cherche à dire le vrai sans toujours se soucier des conséquences.

    Les intellectuels peuvent parfaitement s’engager en politique, mais s’ils en font une carrière, ils ne pourront plus assumer leur rôle d’intellectuels. Ils devront participer à toutes sortes de magouilles auxquelles ils répugnent (ou devraient répugner). Ils devront s’abstenir d’exprimer trop fortement leurs opinions personnelles, et s’ils n’y consentent pas, on leur fera très vite comprendre, comme cela a été maintes fois le cas, que leur place est ailleurs.

    N’oublions pas en outre que nous ne sommes plus à l’époque où les intellectuels jouaient encore le rôle de grandes consciences morales ou de porte-parole des sans-voix. Aujourd’hui, il n’y a plus d’Émile Zola, de Jean-Paul Sartre, de Raymond Aron ni même de Michel Foucault. Il y a une multitude d’auteurs de talent, mais qui n’influencent pas vraiment le cours du temps. La figure de l’intellectuel a largement été détrônée au profit de l’« expert », quand ce n’est pas au profit de l’amuseur public ou de l’imposteur. Il faut donc revenir à l’essentiel. Le rôle d’un théoricien, c’est d’abord de produire une œuvre qui expose sa conception du monde, sa conception de l’homme et de la société. Le rôle d’un intellectuel, c’est d’analyser le monde actuel pour aider à comprendre le moment historique que l’on vit. Cela ne l’empêche évidemment pas de donner un avis ou de signer des pétitions !

    J’en conclus, avec un sourire, que vous n’accepteriez pas de figurer sur une liste électorale ?

    En effet, et pour au moins trois raisons. La première est que je ne suis pas un homme de puissance, mais un homme de connaissance. La seconde est que je ne suis pas un acteur, mais un observateur de la vie politique. La troisième, pour être franc, est que je trouve la politique au jour le jour extrêmement ennuyeuse et qu’elle ne vient pas, et de loin, au premier rang de mes centres d’intérêt.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 30 mai 2019)

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  • Feu sur la désinformation... (236)

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un nouveau numéro de l'émission I-Média sur TV libertés, consacrée au décryptage des médias et dirigée par Jean-Yves Le Gallou, président de la fondation Polémia, avec le concours de Nicolas Faure.

    Au sommaire :

    • 1 : Défaite électorale, victoire médiatique
      Macron avait fait des élections européennes un référendum sur sa personne. Et malgré la défaite face au RN, il s’accroche… avec le soutien des médias !
    • 2 : Le Zapping d’I-Média 
      Charlotte d’Ornellas se fait insulter sur une radio du service public consacrée aux musiques urbaines. Pendant ce temps, Patrick Cohen a – comme à son habitude – tenté de déstabiliser Jordan Bardella, sans succès.
    • 3: Attentat à Lyon : les médias voient flou !
      Sur un sujet complexe et douloureux, les médias ont été plus mesurés que d’habitude. Enfin presque !
    • 4 : Les tweets de la semaine
      Un clandestin algérien islamiste radical a commis un attentat en plein Lyon. Entre photo floue et arrestation tardive, des éléments interrogent !
    • 5 : Européennes. Vague verte ou identitaire ?
      Les médias français ont finalement peu parlé des résultats internationaux de ces élections européennes. Sauf pour vanter une vague verte largement exagérée.

     

                                        

     

     

     

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