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effondrement - Page 6

  • Quel avenir ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Dmitry Orlov, cueilli sur Arrêt sur info et consacré aux scénarios de l'avenir qu'il privilégie. D'origine russe, ingénieur, Dimitry Orlov, qui a centré sa réflexion sur les causes du déclin ou de l'effondrement des civilisations, est l'auteur d'un essai traduit en français et intitulé Les cinq stades de l'effondrement (Le Retour aux sources, 2016).

     

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    Quel avenir ?

    J’aime me flatter en pensant que la raison principale pour laquelle tant de gens ont creusé un chemin vers mon blog et continuent à acheter mes livres est que pendant plus d’une décennie j’ai toujours deviné correctement quelle forme prendrait l’avenir ; pas tout le temps, mais suffisamment souvent pour inciter les gens à y prêter attention. J’essaie d’être très prudent dans mes pronostics. Je ne prédis jamais des événements relativement insignifiants tels que les krachs boursiers, les changements dans la composition des gouvernements nationaux et d’autres incidents qui ne se produisent que sur le papier ou sur un coup de tête.

    Au lieu de cela, j’essaie de me concentrer sur les aspects de la réalité physique – les flux d’énergie en particulier – qui limitent la forme de l’avenir. Je ne fais pas non plus de prédiction en ce qui concerne le calendrier : savoir si quelque chose va arriver est souvent une question qui a une réponse ; savoir quand quelque chose se produira est souvent une question pour laquelle aucune méthode ne donne de réponse fiable. En gardant cela à l’esprit (pour ne pas être déçu), je vais prendre quelques risques et faire quelques prédictions sur la forme générale de l’avenir qui se matérialisera au cours d’une seule vie humaine et peut-être même un peu plus vite.

    Je crois que l’on peut deviner la forme générale de l’avenir en se concentrant sur les quatre facteurs suivants : le climat, l’énergie, la population et la géopolitique. Regardons chacun.

    Climat

    Les changements à court terme des conditions météorologiques, entraînés par le changement climatique à plus long terme résultant de l’augmentation spectaculaire des niveaux de dioxyde de carbone et de méthane dans l’atmosphère, permettent déjà d’envisager plusieurs impacts importants. Les cyclones tropicaux sont plus intenses et plus humides, entraînant des inondations massives et des dommages aux infrastructures. Cette année, les tempêtes ont assommé une grande partie de Houston, un bout de la Floride et pratiquement tout Porto Rico, plus quelques autres îles des Caraïbes. Pendant ce temps, des incendies sans précédent ont ravagé certaines parties de la Californie et du nord-ouest sur la côte Pacifique. Des dizaines de milliers de personnes ont été déplacées ou sont restées sans abri. De telles tendances continueront vraisemblablement à mesure que ces événements destructeurs vont augmenter en intensité. Pendant un certain temps, les gens tenteront de récupérer et de reconstruire après chaque événement, mais après, ces efforts cesseront. En reconstruisant, je suis certain que la plupart des gens refuseront de prendre des mesures raisonnables pour éviter que cela ne se répète, comme la construction de maisons sur pilotis en matériaux ininflammables ; au lieu de cela, ils vont mettre en place les mêmes structures inflammables et sujettes aux inondations, parce que c’est à cela qu’ils pensent qu’une maison doit ressembler.

    En plus des inondations et des incendies, il y a de fortes chances que des vagues de chaleur estivales catastrophiques suffiront à mettre en panne le réseau électrique dans des pays comme les États-Unis, où la population dépend de la climatisation pour survivre et où le réseau électrique est terriblement périmé. De tels événements se traduiront instantanément par des morts dans les villes du sud, où les gens, en particulier les malades, les personnes âgées et les obèses morbides, succomberont à des coups de chaud. La plupart des États de l’ouest des États-Unis seront confrontés à de tels événements catastrophiques et progresseront lentement vers des conditions beaucoup plus arides, où l’agriculture deviendra peu à peu intenable à mesure que le paysage redeviendra désertique.

    Un autre effet sous-estimé des changements climatiques continus sera la sévérité accrue des hivers de l’hémisphère nord. L’Arctique est maintenant beaucoup plus chaud et sans glace durant l’été. Cela a ouvert de nouvelles voies maritimes le long des côtes nord de la Russie et du Canada, ce qui a permis de gagner des semaines d’expédition, en contournant les canaux de Suez et de Panama. La diminution de la couverture de glace de l’océan Arctique a réduit l’albédo de l’océan (la fraction du rayonnement solaire réfléchie dans l’espace), ce qui a provoqué un réchauffement encore plus rapide. En raison de ce réchauffement, le gradient des températures hivernales entre l’Arctique et les zones tempérées plus au sud sera réduit et les flux d’air ne seront plus stratifiés le long des lignes latitudinales mais serpenteront entre le nord et le sud, amenant des tempêtes hivernales depuis l’Arctique vers le sud et rendant les gelées d’hiver très sévères beaucoup plus fréquentes.

    Dans le cas de l’Europe de l’Ouest, cet effet sera exacerbé par le ralentissement du Gulf Stream, qui avait pour effet de la rendre beaucoup plus chaude que la  grande partie de l’Europe qui s’étend des Carpates à l’Oural. Le Gulf Stream dépend de la capacité de son courant remontant vers le nord, rendu plus salin par évaporation, de couler au fond quand il atteint une zone autour de l’Islande, puis de refluer vers le sud le long du fond océanique. Mais le taux de fonte des glaciers a créé une lentille d’eau douce en expansion le long de la surface de l’océan dans cette zone, limitant l’étendue du mécanisme. En raison de cet effet, les gelées hivernales profondes commenceront à affecter les régions précédemment tempérées de l’Europe occidentale et des îles britanniques.

    Énergie

    Les combustibles fossiles resteront le pilier de l’industrie énergétique jusqu’à ce que celle-ci se réduise à un niveau permettant d’obtenir suffisamment d’énergie en ne brûlant que de la biomasse. Mais ce processus devrait prendre au moins deux ou trois décennies de plus. Les sources renouvelables, telles que les éoliennes et les panneaux solaires, ne peuvent pas être produites ou entretenues sans une industrie basée sur les combustibles fossiles et elles vont produire une électricité pour laquelle il n’y aura pas beaucoup de demande une fois que l’industrie des combustibles fossiles aura disparu. De plus, ces sources d’électricité sont intermittentes, alors que l’électricité est notoirement chère et difficile à stocker, tandis que les utilisations résiduelles de l’électricité – communications, sécurité, équipement de contrôle, etc. – nécessitent un approvisionnement régulier.

    Même s’il n’y aura pas de rupture soudaine dans la disponibilité de l’énergie fossile, nous continuerons de voir une diminution constante de la capacité des consommateurs d’énergie à travers le monde à payer pour cela, ainsi que la disparition de la rentabilité des entreprises énergétiques. À la place de puits d’où le pétrole a jailli pendant des années, tout ce qui restera aux États-Unis, ce sont des puits qui nécessitent des forages horizontaux et une couteuse fracturation hydraulique, mais qui ne laissent suinter du pétrole que pendant un an ou deux avant d’être à sec. La situation est similaire en ce qui concerne le charbon et le gaz naturel. Bien que les États-Unis soient maintenant alimentés avec cette nouvelle production basée sur la fracturation hydraulique, très peu d’argent a été gagné avec ce boom temporaire, laissant les entreprises impliquées embourbées dans leur dette. Une fois terminée, les États-Unis seront à nouveau obligés d’importer de grandes quantités de pétrole et de gaz naturel – s’ils peuvent trouver l’argent nécessaire pour le faire.

    Entre-temps, la Russie restera l’une des principales sources d’exportations mondiales de pétrole et de gaz naturel pendant encore de nombreuses décennies. Les ressources énergétiques de la Russie sont de bien meilleure qualité qu’ailleurs dans le monde et, bien que la Russie possède plus de pétrole et de gaz de schiste que tout autre pays, l’exploitation de ces ressources n’est pas considérée comme une priorité.

    Population

    Compte tenu de ces tendances en matière de météorologie et d’énergie, les pays auront des capacités différentes pour maintenir une population importante. Un autre facteur qui jouera un rôle majeur sera l’infrastructure locale. Par exemple, en Russie, les gens vivent principalement dans de grands immeubles le long des lignes de chemin de fer desservies par des transports en commun et chauffés à l’aide de vapeurs chaudes provenant des centrales électriques. Toutes les infrastructures russes sont construites selon les mêmes normes et sont conçues pour bien fonctionner à des températures inférieures à -40º et sous plusieurs mètres de neige. En comparaison, en Amérique du Nord, la plupart de la population vit dans des maisons individuelles, dont beaucoup sont mal isolées, dont beaucoup ne sont pas desservies par des transports en commun et dont le chauffage revient plutôt cher en utilisant des chaudière à gaz ou à pétrole. En hiver, face à un blizzard, de nombreuses zones aux États-Unis sont simplement bloquées, tandis qu’en Russie, le concept de « journée enneigée » est inconnu : la neige est enlevée (et non repoussée) au fur et à mesure qu’elle tombe et la circulation continue. Cette comparaison implique que les Russes pourront continuer à se permettre de vivre là où ils vivent beaucoup plus longtemps que les Américains. Des types similaires de comparaisons peuvent être appliqués à de nombreux autres endroits si vous cherchez un lieu où survivre.

    Mis à part cela, et peut-être couplé avec des facteurs tels que la météo et l’énergie, certaines populations ne parviendront pas à prospérer et subiront une forte mortalité. Les États-Unis sont déjà en train de mourir de faim, les taux d’alcoolisme ayant doublé en une décennie, et une épidémie d’abus d’opioïdes rivalise avec l’expérience de la Chine d’avant les années 1950. L’esprit de désespoir absolu qui enserre maintenant les États-Unis est semblable à ce qui est arrivé à l’ex-URSS après l’effondrement soviétique, avec des conséquences démographiques similaires.
    L’expérience de l’Europe occidentale sera peut-être plus bénigne : les populations indigènes diminueront en raison de leurs très faibles taux de natalité. Entre-temps, l’Europe occidentale est de plus en plus touchée par les enclaves ethnico-religieuses de migrants qui, de plus en plus, ne parviennent pas à s’intégrer et à subsister avec les maigres subsides de l’État. Une fois ces bénéfices épuisés, ces enclaves imploseront. Elles représentent déjà un pourcentage disproportionné de la criminalité ; cette tendance va probablement s’aggraver, les habitants de ces enclaves devenant à la fois les auteurs et les victimes.

    Dans d’autres parties du monde, telles que l’Afrique sub-saharienne et certaines régions du Moyen-Orient, la mortalité sera provoquée par l’effet contraire : des taux de natalité très élevés conduiront à des conditions misérables et un surpeuplement menant à la violence et à la guerre. Ces conditions seront exacerbées par diverses catastrophes, naturelles ou artificielles, jusqu’à ce que l’on parvienne finalement à un niveau de population stabilisé beaucoup plus bas.

    Géopolitique

    Jusqu’à tout récemment, les États-Unis et l’Europe de l’Ouest ont réussi à rediriger vers eux la part du lion de la richesse naturelle restante de la planète. Le système financier érigé après la Seconde Guerre mondiale a été truqué afin que les institutions bancaires occidentales puissent servir de garde-chiourme au monde entier, prêtant à faible taux à leurs copains et à des taux élevés au reste du monde, menaçant quiconque refusant de jouer à ce jeu par des sanctions économiques, des assassinats politiques ou des guerres. Globalement, cela leur a permis de simplement imprimer de l’argent pour acheter ce qu’ils voulaient tout en forçant les autres à travailler pour eux. Un aspect clé de ce régime était que les exportations mondiales de pétrole étaient cotées et devaient être payées en dollars américains. Ce programme est actuellement en phase terminale.

    Ce qui le remplacera est encore incertain. Peut-être le nouvel arrangement tiendra sur un trépied composé de la Chine, la Russie et l’Iran. Ces trois pays ont des populations bien éduquées, disciplinées et patriotiques, et leurs jeunes ont tendance à regarder vers l’avenir avec beaucoup d’enthousiasme. Peut-être que d’autres pays pourront jouer un rôle majeur dans ce nouveau club eurasien. Mais ce qui est certain, c’est qu’à l’avenir, les gouvernements d’Europe occidentale et d’Amérique ne seront pas en mesure d’extorquer tout ce dont ils ont besoin au reste du monde pour soutenir artificiellement leur si confortable niveau de vie. Ceci va certainement causer beaucoup de ressentiment et d’agitation politique.

    Dmitry Orlov (Arrêt sur info, 29 octobre 2017)

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  • L'effondrement qui vient...

    A l'occasion de la sortie de Guérilla (Ring, 2016) , de Laurent Obertone, et de NRBC (Le Retour aux Sources, 2016), de Piero San Giorgio, les éditions Ring ont organisé au mois d'octobre dernier une rencontre entre les deux auteurs, qui, chacun à sa manière, nous sensibilisent sur les failles mortelles de notre société européenne...

     

                                    

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  • La France à l'agonie ?...

    Le 3 octobre 2016, Élise Blaise recevait, sur TV libertésLaurent Obertone à l'occasion de la sortie de son roman Guérilla (Ring, 2016). Journaliste et écrivain, Laurent Obertone est notamment l'auteur de La France Orange mécanique , un essai qui a rencontré un très fort écho en 2013 en mettant en lumière le niveau de violence atteint par la délinquance en France...

     

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  • Quand le système judiciaire français coule à pic...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue du criminologue  Xavier Raufer, cueilli sur Atlantico et consacré à la déliquescence de la justice française... 

     

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    Justice, ruine et délires : quand le système judiciaire français coule à pic

    Tribunaux surchargés, gardiens de prison débordés, laxisme généralisé : l'institution judiciaire, clé de voûte de la République française, est aujourd'hui dans un triste et inquiétant état.

    • A l'intention des persécuteurs stipendiés "Décryptage", "Décodeurs" & co., membres du Taubira-fan-club : tous les faits et chiffres ici mentionnés sont dûment sourcés et bien sûr, à leur entière et inquisitrice disposition.

    1) La ruine

    Une justice de qualité est-elle encore rendue dans la France de l'automne 2016 ? On peut en douter car le (fort pâle) garde des Sceaux lui-même parle d'une justice "exsangue". Situation d'autant plus grave que, bien sûr, la justice est la clé de voûte de tout Etat de droit.

    Commençons par une - affligeante - visite du domaine judiciaire. Déjà, il est bien sous-dimensionné : par rapport à la moyenne de l'Union européenne, la France compte quatre fois moins de procureurs et deux fois moins de juges.

    En France même et à l'automne 2015, le président de la conférence des procureurs dénonce "la faillite du service public de la justice" et - fait rarissime - les forts mutiques procureurs généraux élèvent désormais la voix. Tous dénoncent "des retards persistants d'exécution des décisions" et des "difficultés croissantes à faire fonctionner les chambres et fixer les audiences". Ainsi, en juin 2016 "au tribunal de Bobigny, 7 300 peines attendent d'être appliquées".

    Avocats d'un côté, syndicalistes de la pénitentiaire de l'autre, tous dénoncent des "juridictions françaises en ruine". Bobigny, on l'a vu, mais aussi Créteil, Nanterre, Brest, Agen, Nantes : postes vacants, exécrables conditions de travail, piètres qualités des jugements ; encore et toujours, énormes délais d'audiencement.

    Côté syndical, on constate que les détenus deviennent maîtres des prisons - bandits, islamistes, hybrides (les deux ensemble, type Kouachi-Abdeslam-Coulibaly). Résultat : mutineries et émeutes à répétition, gardiens agressés dans des maisons (d'arrêt ou centrales), où la discipline se perd. Le patron du principal syndicat pénitentiaire parle de "déliquescence du système" et d'"autorité en fuite". Dans les prisons, désormais, "presque chaque détenu possède un portable. Certains en ont plusieurs" - quand c'est bien sûr formellement interdit.

    Autre symptôme d'effondrement, les cafouillages dans l'appareil judiciaire ; d'abord, les "libérations intempestives". "Toujours plus de détenus relâchés devant l'impossibilité de s'expliquer devant un juge". Faute d'escortes, des multirécidivistes sont ainsi purement et simplement libérés. Au-delà, des couacs judiciaires en rafales (parmi vingt autres ces derniers mois) :

    "Le receleur remis en liberté après une erreur du tribunal"... "Prison : une faute d'orthographe lui permet de sortir et de s'évader"... "Une figure du milieu marseillais libéré pour délai judiciaire dépassé", ainsi de suite.

    Autre couac, financier celui-ci. "Victime" d'un premier imbroglio judiciaire, un islamiste de gros calibre reçoit du ministère de la Justice... un chèque de 20 000 euros de dédommagement. L'Obs' - qui n'est pas exactement un brûlot sécuritaire - dénonce une "erreur judiciaire grossière".

    A Montargis, des documents de justice confidentiels sont mis à la poubelle et jonchent le trottoir.

    Bien sûr, il y a eu les ravages-Taubira, ses expériences libertaires conclues par un bide intégral. Son diaphane successeur finit ainsi par reconnaître l'échec de la "contrainte pénale" (seul acte notable de l'ère Taubira), un "outil peu utilisé par les juridictions". Dit en clair : les magistrats se tapent des inventions de la camarilla-Taubira. S'ajoute à cela le foutoir qui règne depuis lors dans le (pourtant crucial) suivi des condamnés. Dispositif que la Cour des comptes, qui peut avoir la litote cruelle, dénonce en mai 2016 comme "empilement de nombreux acteurs qui peinent à s'organiser et coopérer".

    L'idéologie libertaire est bien sûr en cause, mais aussi, une vaste incompétence. Ici, le récent et triste exemple donné par Mme Adeline Hazan, "contrôleuse générale des lieux de privation de liberté" (Inspecteur des prisons, en novlangue socialo). A l'été 2016, la "contrôleuse" déclare ainsi que "plus on construira de places de prison, plus elles seront occupées" - pathétique ânerie sur un banal effet d'optique-statistique, que l'on explique, pour le corriger, aux étudiants en criminologie de première année, vers le deuxième ou troisième cours...

    Bazar, idéologie, incompétence... Là-dessus, les bobards de journalistes naïfs ou complices. Après un braquage, combien de fois lit-on dans le journal que "le vol avec usage ou menace d'une arme est puni, au maximum, de vingt ans de réclusion criminelle et de 150 000 euros d'amende". Bon, se dit le lecteur : au moins, un malfaiteur paiera pour ses crimes. Tu parles.

    Car sous Taubira & succession, voici comment passe la justice, la vraie, celle du quotidien. Août 2016 : lisons "Le Phare dunkerquois", de ces petits hebdos de province où affleure encore le réel criminel. Omar B. est toxicomane. 27 inscriptions au casier judiciaire. Enième affaire de vol en flagrant délit. Tribunal et sentence : "Le condamné n'est pas maintenu en détention (il sort donc libre)... Sa peine de neuf mois fermes est aménagée (en français, annulée) pour qu'il puisse entrer en post-cure et être opéré du genou". Vous avez bien lu. La justice Taubira & co., désormais appendice de la Sécu.

    De telles affaires, chaque semaine.

    2) Les délires

    Dans les décombres de notre justice, les aberrations se succèdent, le burlesque un jour, l'effrayant le lendemain - le scandaleux, toujours - sur un rythme accéléré.

    De ces aberrations, voici la dernière (à ce jour) : Nancy, un criminel incarcéré, en prime, proche d'un "dangereux détenu radicalisé", reçoit par erreur (on l'espère...) les noms des agents pénitentiaires ayant rédigé un rapport sur lui.

    Peu auparavant, un autre bandit incarcéré profite d'une "sortie à vélo" pour s'évader et sauter dans la voiture où l'attend son frère, un islamiste fiché.

    Et Reda B.

    (17 condamnations dont 7 pour braquage) dont on lit qu'il s'est évadé (en 2012) de la prison du Pontet (Vaucluse) "à l'occasion d'un tournoi d'échecs".

    Et ces évasions de la prison d'Amiens - deux en quelques mois ! - où des détenus scient les barreaux de leur cellule... Les draps de lit le long de la façade... Le complice dehors qui jette la corde... A l'ancienne, façon Fanfan la Tulipe ! La direction du lieu-dit, par antiphrase, "de privation de liberté", se demande "comment des lames de scie ont pu parvenir jusqu'à eux" - judicieuse question, vraiment.

    Et ce tribunal de Grenoble qui, d'abord, prend comme caution d'un caïd de la drogue 500 000 euros en espèces, 1 000 billets de 500 euros "dégageant une forte odeur d'alcool... pour dissiper les traces suspectes".

    Parfois, ces foirades confinent au burlesque : "Oise : un cours d'art martial pour les détenus, les surveillants indignés"... "Haute-Garonne : le détenu cachait une piscine gonflable dans sa cellule"... Registre happening, toujours : "Un styliste sans-papiers organise un défilé [de mode] clandestin au Palais de justice de Paris".

    Les sportifs maintenant : "Nantes : à peine condamné, un détenu s'évade du tribunal en pleine audience". Le multirécidiviste "bondit hors du box et s'échappe". Les magistrats, bras ballants. Sans doute, ce bondissant "nantais" a-t-il été inspiré par un "collègue" de Colmar qui, plus balèze encore, "A peine condamné, s'évade par la fenêtre du tribunal".

    Telle est aujourd'hui la justice, Taubira ou post-Taubira. Car, cette dernière partie jouer les idoles pour médias subventionnés - elle dont, à l'automne 2015, l'action était rejetée par 71% des Français - ça ne va pas mieux.

    Un exemple, là encore pris entre dix autres analogues. Février 2016, gare de Lyon : un policier est massacré (triple fracture de la mâchoire, etc.) par un colosse de 110 kilos connu pour trafic de stupéfiants, vols de voiture, rébellion, etc. Arrêtée, la brute épaisse est laissée libre "sous contrôle judiciaire".

    A chaque désastre, le transparent garde des Sceaux promet - que faire d'autre ? Tout va s'arranger... Les contrôles seront renforcés... Puis attend, résigné, que le suffrage universel abrège son calvaire.

    Voici les dernières convulsions. Au gouvernement, incompétents, idéologues et pragmatiques-largués se déchirent. Suite à une pique du Premier ministre sur la modestie de son bilan effectif, Mme Taubira montre les dents et déclare "Je peux devenir méchante".

    Enfin ! Un point sur lequel on peut lui faire pleinement confiance.

    Xavier Raufer (Atlantico, 28 septembre 2016)

     

     

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  • Qu'est-ce qu'une Base autonome durable ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un texte de Michel Drac , cueilli sur le site Scriptoblog et consacré au concept de Base autonome durable. Publié initialement dans la revue Rébellion en 2011, il n'en garde pas moins tout son intérêt. Responsable des très dynamiques éditions Le Retour aux sources, Michel Drac est également l'auteur de plusieurs essais intéressants, dont dernièrement Triangulation - Repères pour des temps incertains (Le Retour aux sources, 2015).

     

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    Le concept de Base Autonome Durable

    Le concept de Base Autonome Durable (BAD) est dérivé d’une proposition initialement formulée par Hakim Bey : la Temporary Autonomous Zone (TAZ). L’idée fut à la fois retenue et critiquée par les principaux courants autonomes. Retenue, parce que la TAZ fournissait la possibilité d’une action, même incomplète, même symbolique, face à un ordre devenu trop puissant pour ses opposants. Critiquée, parce le caractère temporaire d’une base autonome sous-entendait que l’autonomie était ici réduite à un simulacre. Par définition, une autonomie temporaire est toujours une autonomie trompeuse. Pour dépasser la TAZ, on inventa donc la BAD : la même chose, mais sous la forme de base, « en dur », « durable ».

    De plus en plus de « militants » se transforment en « résistants » sous l’influence du courant survivaliste américain, et ces « résistants » glissent tout doucement vers la conclusion que résistance rime avec résilience, puisqu’au fond, tout commence avec l’autonomie : on ne résiste à un système que si on ne dépend pas de lui. A l’action politique telle qu’on la pense traditionnellement en France, on adjoint ainsi une autre façon de penser le combat : une méthode non-politique servant des fins politiques. Il s’agit non de peser directement sur la vie de la Cité, mais au contraire de s’en abstraire pour la conditionner indirectement, ou plutôt pour en contester le conditionnement par le Pouvoir. « Je ne dis pas que je veux changer les lois de la Cité, je dis que je veux suivre les lois de ma propre cité, hors la Cité » : tel est le slogan. J’avoue que pour ma part, je me reconnais tout à fait dans cette sensibilité.

    Ici, nous devons admettre que nous avons affaire, une fois n’est pas coutume, à une forme positive d’américanisation. Et après tout, pourquoi pas ? Depuis des décennies, la France importe pour son malheur toutes les pathologies du modèle américain. Il est justice qu’elle importe aussi quelques-uns des antidotes partiels que l’Amérique réelle a fini par inventer, pour se défendre contre ses démons. A une époque où le Pouvoir se nourrit de la dislocation de la Cité, se mettre à l’avant-garde de ce mouvement de dislocation peut être, pour les résistants, un moyen de battre le Prince à son propre jeu. Il faut considérer l’hypothèse, à tout le moins.

    Mais la raison pour laquelle la mode « autonome » peut durer, la raison pour laquelle il faut s’y intéresser, est ailleurs : elle tient au contexte. Le grand effondrement a commencé.

    Accrochez-vous, ça va tanguer !

    Passons aux choses sérieuses : de plus en plus de gens réalisent que le conte de fées consumériste/productiviste contemporain est un château de cartes, et que le château de cartes peut s’écrouler du jour au lendemain. Il y a quelques années, quand vous expliquiez que la « prospérité » occidentale reposait sur un incroyable trou noir de dettes, que cette économie de casino pouvait s’effondrer comme l’URSS en son temps, et qu’en outre, vu le très haut niveau d’intégration de toutes les chaînes logistiques, il en résulterait une destruction de valeurs et des troubles bien pires que lors de la chute du système soviétique, on vous riait au nez. Aujourd’hui, plus personne ne ricane quand vous tenez ce genre de propos.

    Que s’est-il passé entretemps ? C’est simple : les gens ont entraperçu le gouffre au bord duquel ils marchaient jusque là en toute inconscience. La crise des subprimes, les évènements de Grèce, la faillite quasi-avérée de nombreux Etats fédérés américains, la menace d’une cessation de paiement de l’Etat fédéral US même : les occidentaux en général, et les Français aussi donc, viennent de réaliser que le malheur, ça n’arrive pas forcément qu’aux autres. La psychologie collective évolue. Le désastre soudain réintègre le champ des possibles. Même la catastrophe globale devient pensable.

    Et il y a d’excellentes raisons de penser que cette évolution va se poursuivre et s’accentuer.

    Les dirigeants américains et européens peuvent gesticuler : en réalité, on voit bien qu’ils n’ont aucune réponse adaptée aux défis contemporains. C’est particulièrement sensible aux USA – un Empire global qui rappelle de plus en plus l’Empire espagnol dans ces dernières années, rongé par la corruption, affaibli par des guerres ingagnables, drogué par l’abondance d’une monnaie de pillage, une monnaie si abondante qu’elle avait fini par vampiriser toutes les forces productives authentiques. Mais l’effondrement est presque aussi sensible en Europe, ou plutôt dans l’Eurozone et dans ce qui reste du Royaume-Uni, transformé en base financière offshore. Londres achève en ce moment de sacrifier le peuple anglais pour sauver temporairement la City. Paris et Rome sombrent dans le ridicule, avec des chefs d’Etat tout juste capables d’organiser des partouzes (le sympathique Berlusconi) ou de contester à la famille Grimaldi les pages People de Paris-Match (le même-pas-sympathique Sarkozy). La seule capitale occidentale qui semble encore capable de penser l’avenir est Berlin, mais l’avenir qu’on pense là-bas est pour l’instant limité à la vision faussement rassurante d’une épicerie bien gérée. C’est évidemment mieux que Sarkozy ; mais c’est très, très loin de constituer une réponse à la hauteur des défis contemporains.

    Pendant ce temps-là, contraste dramatique, l’hémisphère occidental sombre lentement dans le chaos, tandis que l’Asie poursuit une croissance rapide mais malsaine. L’amoncellement de dettes privées et publiques est devenu tel que la simple évocation de son remboursement intégral provoque l’hilarité. La combinaison des produits dérivés et des politiques de taux aberrantes a fini par créer une situation inextricable, dont il est de plus en plus évident qu’on ne pourra sortir que par une faillite globale pure et simple – autant dire que la crise financière en gestation fera passer le 1923 allemand pour une simple péripétie. Personne n’a de réponse satisfaisante à apporter aux questions énergétiques soulevées par les défaillances du nucléaire, la déplétion pétrolière, la déception probable sur l’énergie de fusion. Personne ne sait vraiment comment conjuguer les perspectives démographiques à l’horizon 2030/2040 (+ 2 milliards d’hommes) et les risques que la crise énergétique fera peser sur une production agricole mondiale largement dépendante de l’économie pétrole (engrais, acheminement, mécanisation). Personne ne sait comment, dans ce contexte, réguler les flux migratoires potentiels venant d’Afrique ou du sous-continent indien. Bref, personne n’a de réponse globale à proposer.

    La conjonction d’une carte financière ingérable et d’un territoire politique, économique et social réel fragilisé laisse craindre un effondrement pur et simple de toute l’économie contemporaine – quelque chose qui pourrait ressembler à la dislocation de l’espace économique méditerranéen de la chute de Rome à la conquête musulmane, mais à une vitesse bien plus rapide, comme un film passé en accéléré. Il s’agirait alors d’un de ces ajustements brutaux, que l’humanité a déjà connu jadis, et qui viennent sanctionner l’excès de croissance à la fin d’une phase ascendante – la Peste Noire à la fin des grands défrichages en Europe, l’effondrement cataclysmique d’une Chine surpeuplée manquant la révolution industrielle, au XIX° siècle… L’originalité serait que, cette fois, mondialisation oblige, l’ajustement pourrait bien être planétaire.

    Bien sûr, ces scénarios noirs ne sont pas les plus probables. Les instruments technologiques contemporains peuvent rendre possible la gestion d’une décroissance harmonieuse, dans certaines limites. On ne peut ni ne doit exclure par hypothèse un atterrissage progressif, une sortie raisonnée de la société de consommation et l’émergence d’une conception plus juste des richesses, des sociétés, des fins mêmes du politique – devant l’imminence de la catastrophe, peut-être l’humanité saura-t-elle se sublimer. Mais le simple fait que la catastrophe globale ait cessé de constituer un scénario absurde, le simple fait qu’il faille prendre en considération la possibilité avérée d’une évolution cataclysmique à moyen terme, suffit à changer radicalement la psychologie collective.

    Il va en résulter, en fait il en résulte déjà partiellement, une réévaluation des critères de la décision dans la plupart des domaines susceptibles d’impacter nos vies. A la logique de maximisation du rendement moyen dans un cadre général stable, logique actuellement dominante, va progressivement se substituer une logique de minimisation de la perte latente dans un cadre général dégradé. La robustesse d’une solution sera jugée plus précieuse que sa performance « quand tout va bien ». Seules les très grandes entreprises multinationales n’ont pas encore modifié la hiérarchie de leurs critères de décision, parce que leur fonctionnement est si parfaitement adapté à la mondialisation tous azimuts que la remise en cause du mode de production délocalisé/intégré constitue une révolution mentale difficile pour elles. Les autres acteurs de l’économie, eux, ne s’y trompent pas – particuliers qui recherchent l’autonomie de leur approvisionnement énergétique, même avec des solutions à faible rentabilité, PME s’évadant d’une situation de sous-traitance qui les place en grande vulnérabilité face à des donneurs d’ordre eux-mêmes fragilisés, etc. Dans l’ensemble, un mouvement de raccourcissement des chaînes logistique s’enclenche discrètement.

    Dans ce contexte, la BAD est plus qu’une simple alternative impolitique au conditionnement politique. Elle est aussi une idée tendance – et pour de bonnes raisons. C’est pourquoi les dissidences vont vraisemblablement s’en emparer de plus en plus : non seulement c’est un bon moyen de prendre à revers le système tant qu’il fonctionne, mais c’est aussi une garantie de survie s’il s’écroule. Bref, c’est un concept polyvalent, dans une période de grande incertitude sur les ruptures de contexte possibles à court et moyen terme.

    On vit ensemble, on meurt ensemble

    Au-delà de ces constats sur l’évidente opportunité de la BAD, la vraie question, pour qui tente d’enclencher une démarche en ce sens, est sa faisabilité –les conditions pour rendre faisable un projet de BAD. Et c’est là que les choses deviennent compliquées. Comprendre que la BAD est une bonne idée n’est rien ; le vrai sujet, c’est : comment mettre cette idée en pratique ?

    Pour l’instant, la mouvance dissidente et les divers projets survivalistes en sont encore au stade des premières expérimentations. Le concept est de toute manière très polyvalent, et il est probable, souhaitable même, que diverses solutions seront élaborées, adaptées aux situations particulières de tel ou tel sous-groupe. Pour l’instant, l’avancement des expérimentations permet tout au plus de lister les questions-clefs, de les hiérarchiser – on ne peut répondre à tout, mais on commence à avoir une idée précise des domaines où la réponse ne sera pas simple à élaborer. C’est un début.

    Les trois enseignements principaux, à ce stade, sont : la complexité de la solution organisationnelle, la nécessité du réseau, l’importance de la préparation psychologique.

    Trouver le lieu d’une BAD n’est pas difficile. Dégager le financement peut être plus compliqué, mais finalement, si la motivation est là, on se débrouille toujours. Le vrai problème, c’est d’organiser cette motivation, de lui donner le cadre à l’intérieur duquel les individus se coordonnent.

    Ce sont d’abord des questions très concrètes. Par exemple : faut-il acheter le lieu en SCI ? En indivision ? Diviser le bien ou acheter des biens mitoyens ou en tout cas proches ? A combien ? Quel statut pour les membres du projet ? N’y a-t-il qu’un seul type de membre ? Faut-il distinguer des membres permanents et des membres associés ? Quelle fonction exacte pour les uns et les autres ? Comment répartit-on les tâches ? Qui est chargé de contrôler quoi ?

    Mais à l’expérience, on s’aperçoit vite que ce dont il est question ici, ce n’est pas simplement de gérer quelques points d’intendance. Il s’agit potentiellement d’inventer la structure de base d’une nouvelle société. Tout simplement parce que derrière la gestion des choses, il y a celle des gens qui vont construire, entretenir et utiliser ces choses.

    Or, édifier cette structure de base est un projet à la fois indispensable et très difficile.

    Indispensable, parce que toutes les expérimentations en cours confirment la nécessité impérieuse de ne pas penser la BAD comme une monade isolée, mais comme un nœud au sein d’un réseau. Très vite, dès qu’on commence à sortir du « système », on mesure sa vulnérabilité. Certains rêveurs s’imaginent pouvoir déconstruire la matrice qui enserrait leur vie par leurs seules forces. Ce qu’il faut dire à ceux qui nourrissent semblables illusions, c’est qu’il est temps de grandir et de regarder les réalités en face. Un individu isolé, même un petit groupe sans liens avec d’autres groupes, est parfaitement démuni en face des menaces qui peuvent peser sur lui.

    Vous n’affrontez pas l’Etat tout seul – au mieux, il prendra le temps de vous manipuler sournoisement avant de vous écraser. Seul, vous ne pouvez même pas assurer votre propre sécurité : les gens qui viendraient armés de mauvaises intentions ne vont pas les afficher à la porte de votre BAD pour que vous puissiez les reconnaître et les repousser aisément. Même contre un autre individu, un individu ne peut pas se protéger seul si son adversaire a l’initiative du lieu et de la méthode. En fait, un individu isolé ne peut même pas se défendre contre lui-même ; il est très vulnérable à toutes les tentatives de manipulation d’un réseau qui voudrait l’inclure pour l’utiliser. Il est d’ailleurs probable que les récents attentats en Norvège fournissent une belle illustration de ce cas de figure.

    Si vous êtes seul, vous pouvez avoir l’illusion d’une forme d’indépendance, mais puisque votre sûreté dépend des juges et des policiers de la machine d’Etat, ce n’est, précisément, qu’une illusion. Si vous voulez être réellement indépendant, il faut constituer un réseau d’une taille suffisante pour qu’un adversaire, n’importe quel adversaire, soit paralysé par la menace des mesures de rétorsion que le groupe, soudé, solidaire, prend si l’on attaque un de ses membres. C’est pourquoi la réalité de l’indépendance, de l’autonomie, de la souveraineté, commence toujours par la fabrication d’un collectif.

    Prenez la mafia. Evidemment, pas en exemple : moralement, c’est indéfendable. Mais à titre d’illustration du principe d’organisation contre la machine d’Etat. Comme adversaire, pour l’Etat, la mafia, c’est un peu plus sérieux que n’importe quel individu isolé. Il est certain qu’un champion de boxe thaïe est beaucoup plus fort physiquement qu’un quadragénaire fatigué d’1 mètre 70 – le portrait type du soldat dans la mafia italo-américaine. Mais, n’en déplaise aux amateurs de boxe thaïe, comme défi lancé à l’Etat, la mafia, c’est un peu plus sérieux qu’un club de boxe thaïe. Pourquoi ? Parce que nos mafieux à physique al-pacinesque savent se coordonner ; ils ne sont pas une réunion d’individus, ils sont une organisation. Ce ne sont pas des bandits sans foi ni loi. A tout le moins, ils ont une loi : la leur. Eh bien, donnez-moi quelques dizaines de ces types aptes à conduire des manœuvres invisibles coordonnées, et même si ces gars-là sont individuellement inoffensifs, je vous garantis qu’ils formeront collectivement une force redoutable.

    Voilà pourquoi la BAD doit d’abord être pensée comme le lieu d’incubation des structures de base d’une nouvelle société, ou plutôt d’une contre-société. Parce que la seule chose qui peut triompher d’un système social, c’est un autre système social.

    Le problème, c’est que cette tâche indispensable est rendue aujourd’hui très difficile par la psychologie que les réseaux du système en place ont su instiller aux individus qu’ils entendent dominer. Voilà le principal obstacle qui se dressera concrètement sur le trajet de tous ceux qui tenteront de constituer une BAD : nos contemporains ont désappris à se penser comme parties d’un tout. Chaque individu est enfermé dans la perception de son existence propre comme devant nécessairement être justifiée par elle-même.

    Quand vous construisez un projet de BAD, vous réalisez vite que la première ligne de défense du système d’hétéronomie est implantée à l’intérieur même de vous : c’est votre héritage psychologique, modelé par la culture du narcissisme et la dégénérescence pathologique du modèle de la famille nucléaire, devenu anti-modèle de la famille décomposée et mal recomposée. Ne nous attardons pas à multiplier les exemples. Juste une observation : combien de temps faut-il à nos contemporains pour employer sincèrement le pronom « nous » quand ils forment un groupe ? Réponse : ils n’emploient jamais ce pronom – jamais sincèrement, en tout cas.

    C’est précisément cette incapacité à penser le collectif qui explique ce syndrome très répandu : le fantasme de toute-puissance. La proportion de personnalités borderline parmi nos contemporains, et particulièrement parmi les personnes encore dotées d’un minimum d’esprit critique, est probablement très supérieure à ce qu’elle était jadis. Cela vient du fait que les individus, se sachant en fait parfaitement impuissants mais, en même temps, restant incapables de sortir de leur individuation radicale, se réfugient dans une posture, voire dans un univers semi-onirique. D’où la multiplication, dans les milieux non conformistes, de survivalistes du dimanche capables d’arrêter une armée à eux tout seuls, de boxeurs de rue imaginaires, etc. Il n’est pas évident de constituer un réseau de BAD à partir d’une population constituée majoritairement d’individus atteints par ce type de pathologies.

    La vraie question

    En synthèse, la BAD apparaît aujourd’hui comme un concept polyvalent, adapté à un contexte instable. Ce concept séduit parce qu’il propose une voie d’action accessible. Plus profondément, l’esprit du temps entre spontanément en résonnance avec l’idée d’autonomie, à un instant de l’Histoire ou un très grand système fédérateur totalement intégré menace de se disloquer. Mais la réussite ou l’échec de ce concept, dans la pratique et au sein des divers courants de la dissidence, dépendra non de son opportunité, évidente, mais de sa faisabilité. Et cette faisabilité dépend elle-même de la capacité qu’auront les groupes concernés à inventer, pour s’opposer au système qu’ils combattent, la brique de base d’un contre-système – une nouvelle manière d’insuffler une dynamique collective à une masse d’individus atomisés.

    Le premier territoire à libérer, avant même celui de nos futures BAD, est donc l’espace mental constitué par l’interconnexion de nos cerveaux. En ce sens, la première BAD est mentale, à l’intérieur de nous. Si l’esprit n’est pas au rendez-vous, la matière ne suivra pas. Au reste, le véritable enjeu du combat a-t-il jamais été ailleurs ?

    Michel Drac (Scriptoblog, 26 août 2016)

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  • Les cinq stades de l'effondrement...

    Les éditions Le Retour aux sources publient cette semaine un essai de Dimitry Orlov intitulé Les cinq stades de l'effondrement. D'origine russe, Dimitry Orlov est ingénieur et a centré sa réflexion sur les causes du déclin ou de l'effondrement des civilisations...

     

    Effondrement_Orlov.jpg

    " Les cinq stades de l'effondrement :

    • Stade 1 : L'effondrement financier
    • Stade 2 : L'effondrement commercial
    • Stade 3 : L'effondrement politique
    • Stade 4 : L'effondrement social
    • Stade 5 : L'effondrement culturel

    Le livre de Dmitry Orlov est l’un des ouvrages fondateur de cette nouvelle « discipline » que l’on nomme aujourd’hui : « collapsologie », c’est à-dire l’étude de l’effondrement des sociétés ou des civilisations.

    L’auteur a vécu l’effondrement de l’Union Soviétique. Immigré aux États-Unis, il a su conserver, à l’instar d’un Soljenitsyne, un regard critique sur son nouveau pays et sur les sociétés occidentales en général.
    Il a su y déceler les prémices d’un effondrement et les faits lui donnent de plus en plus raison…

    Dmitry Orlov est ingénieur et a travaillé dans de nombreux domaines incluant la recherche en Physique des Hautes Énergies, le commerce en ligne et la sécurité informatique. Durant les huit dernières années, il a expérimenté un mode de vie autonome grâce aux énergies renouvelables, en abandonnant maison et voiture. À la place, il vit sur un voilier, naviguant le long de la côte Est de l'Amérique du Nord, et se rend au travail à bicyclette. Dmitry croit qu'avec une technologie appropriée nous pouvons grandement réduire notre consommation personnelle de ressources tout en demeurant parfaitement civilisés. "

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