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droite - Page 23

  • Une victoire au-delà de la gauche et de la droite !...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire et consacré à la victoire de Marine Le Pen et du Front national aux élections européennes...

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    Marine Le Pen : une victoire qui va au-delà de la gauche et de la droite !

    C’est peut-être votre paradoxe personnel. Vous êtes militant européen depuis belle lurette. Mais les mouvements dissidents qui vous lisent avec assiduité sont, eux, souvent enclins à des options plus nationalistes. Comment résoudre cette équation à inconnues multiples, sachant qu’on ne sait pas toujours de quelle Europe on parle ?

    Le plus grand reproche qu’on puisse faire à l’Union européenne est d’avoir discrédité l’Europe, alors que les conditions objectives de la nécessité d’une Europe politiquement unie sont plus présentes que jamais. Tout en estimant que le souverainisme ne mène nulle part, parce qu’aucun État isolé n’est en mesure de faire face aux défis planétaires actuels, à commencer par la maîtrise du système financier, je comprends très bien les critiques que les souverainistes adressent à l’Union européenne. Mieux encore, je les partage puisque la souveraineté qu’on enlève aux nations ne se trouve pas reportée au niveau supranational, mais disparaît au contraire dans une sorte de trou noir. Il est tout à fait naturel, dans ces conditions, d’être tenté par un repli sur l’État-nation. Pour moi, cependant, le mot d’ordre n’est pas « Pour la France, contre l’Europe », mais plutôt « Pour l’Europe, contre Bruxelles ».

    Que vous inspire l’indéniable victoire du Front national aux récentes élections européennes ?

    Elle confirme que les Français n’en peuvent plus de voir, année après année, se succéder des partis de gouvernement qui font la même politique libérale sans jamais tenir leurs promesses ni obtenir de résultats. À tort ou à raison, le FN leur apparaît, dès lors, comme l’ultime espoir. En même temps qu’il marque un tournant historique (mais il faudra attendre les résultats des prochaines élections régionales pour savoir si le FN est vraiment devenu le premier parti de France), le résultat du parti de Marine Le Pen est riche d’enseignements. Il montre d’abord, non seulement que la diabolisation dont il a fait l’objet ne fonctionne plus, car les gens ne croient tout simplement plus à des arguments trop répétés pour conserver encore un sens, mais que cette diabolisation, dont l’objectif était de délégitimer un compétiteur gênant en le transformant en ennemi répulsif et haïssable, a abouti exactement au résultat inverse, à savoir l’installation durable du FN au centre de la vie politique française. Comme l’expliquait ces jours-ci Pierre-André Taguieff dans Le Figaro, à l’occasion de la parution de son excellent livre intitulé Du diable en politique : « La propagande antilepéniste aura globalement joué le rôle d’un puissant facteur de la montée du FN. » Quand on aura compris cela, on aura compris beaucoup.

    Cette victoire électorale montre également combien Marine Le Pen a eu raison de résister à ceux qui la poussaient à se positionner de façon préférentielle en parti de la « droite nationale ». Le FN, aujourd’hui, transcende avec bonheur le clivage droite-gauche. C’est chez les jeunes et dans les classes populaires qu’il obtient ses meilleurs scores : aux européennes, 43 % des ouvriers ont voté pour le Front, 8 % seulement pour le PS ! Cette assise populaire montre que le FN a cessé d’être un parti de protestation pour devenir un parti capable d’aspirer au pouvoir – son adversaire prioritaire restant plus que jamais l’UMP.

    Dans la foulée, que pensez-vous de la montée en puissance de tous ces mouvements « identitaires » et « eurosceptiques » en Europe ?

    Leur dénominateur commun est de toute évidence le populisme. Il ne faut pas se lasser de rappeler que le populisme n’est pas une idéologie, mais un style, et que ce style est compatible avec des orientations très différentes. Il suffit d’ailleurs de comparer le FN avec la Ligue du Nord en Italie, ou le Vlaams Belang en Flandre, pour voir à quel point leurs positions divergent, que ce soit à propos du régionalisme, du programme économique et social ou de la « laïcité ». La montée en puissance des mouvements populistes traduit évidemment le discrédit des partis de la Nouvelle Classe, aujourd’hui totalement coupés du peuple, et la défiance dont ils font l’objet, qui alimente désormais de véritables paniques morales. Elle met aussi en lumière l’incroyable ampleur de la crise de la représentation. Le FN, arrivé en tête du scrutin du 25 mai, ne dispose que de deux ou trois députés à l’Assemblée nationale. L’UKIP, premier parti britannique depuis 1910 à avoir distancé à la fois les conservateurs et les travaillistes, ne dispose pas d’un seul siège au Parlement de Londres ! Et on s’étonne que ça craque ?

    À ce stade électoral, que faire de l’Europe ? La redéfinir ? La remettre sur d’autres rails ? En finir avec elle une bonne fois pour toutes ou, tout au contraire, lui redonner une autre vie, en admettant que ce soit encore possible ?

    L’Europe est aujourd’hui un grand corps malade, paralysé, bloqué, incapable de définir son identité, prêt à sortir de l’Histoire pour devenir un objet de l’histoire des autres, comme en témoigne son docile consentement à se fondre dans une grande zone de libre-échange atlantique où les normes environnementales, sanitaires et sociales américaines s’imposeraient inéluctablement. Cette Europe-là s’est construite depuis le début en dépit du bon sens, du haut vers le bas, sans tenir compte du principe de subsidiarité, sans se fixer de frontières et sans que les peuples soient jamais associés à sa construction. Elle baigne dans l’angélisme et l’inconscience de soi, elle a fait siens les principes du libéralisme le plus destructeur. La remettre sur ses rails impliquerait qu’elle décide d’être une puissance souveraine avant d’être un marché, et que cette puissance soit capable d’incarner un modèle de culture et de civilisation capable de jouer son rôle dans un monde redevenu multipolaire. On en est loin.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 26 mai 2014)

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  • Le Front national : un parti gaulliste ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire et dans lequel il souligne la transformation en profondeur des notions traditionnelles de droite et de gauche... 

     

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    Au-delà de la droite et de la gauche : le FN, dernier parti gaulliste ?

    Ces temps derniers, les médias évoquent souvent la « droitisation » de la vie politique française. Diagnostic pertinent ?

    Tout dépend de quoi l’on parle. La « droitisation » n’a absolument pas le même sens selon que l’on entend par là une radicalisation politique de la droite classique, un supposé glissement de la majorité des opinions vers la droite (ce qui impliquerait un déplacement de l’axe médian du débat politique) ou une évolution générale de la société – PS compris – vers une sorte de consensus libéral regardé naguère comme droitier (auquel cas, c’est l’offre politique de la gauche qui se serait elle-même déplacée, cette gauche devenue sociale-libérale s’étant ralliée au système du marché et au consumérisme bobo). Parle-t-on d’une « droitisation » résultant de l’offre politique ou d’une demande de l’électorat ? Tant que l’on n’a pas répondu à ces questions, parler de « droitisation » n’est que du bavardage.

    La question posée implique par ailleurs qu’il y ait une droite et une gauche dont la définition puisse faire l’objet d’un consensus. Or, ce n’est plus le cas aujourd’hui, non seulement parce qu’il y a toujours des droites très différentes (libérale, conservatrice, républicaine, contre-révolutionnaire, etc.) et des gauches très différentes, mais aussi parce qu’on assiste depuis trente ans à une instabilité grandissante des critères déterminants du clivage droite-gauche. Dès lors que l’on assiste à une redéfinition ou à une transformation en profondeur des notions traditionnelles de droite et de gauche, il est difficile d’affirmer que l’une de ces catégories l’emporte sur l’autre.

    Ce que les sondages traduisent en fait le plus, c’est que la plupart des gens pensent que les notions de « droite » et de « gauche » ne veulent plus rien dire…

    Il y a des raisons à cela. À date récente, on a vu se diffuser « à droite » des thèmes comme la critique de l’individualisme, l’appel aux garde-fous sociaux, voire le souci d’une véritable « écologie humaine », qui se situaient autrefois plutôt « à gauche ». S’y ajoutent un certain refus du laisser-faire en matière économique et un soutien plus prononcé à des interventions de l’État permettant d’encadrer le marché. La critique de la PMA et de la GPA, par exemple, traduit une inquiétude face à l’envahissement de la logique ultra-libérale qui tend à transformer le vivant lui-même en marchandise. Cet appel à une maîtrise politique de l’économie est « à droite » un fait nouveau. Les sondages montrent qu’aujourd’hui, les électeurs de droite sont plus favorables à l’intervention de l’État dans l’économie que ne l’était l’électorat de gauche en 1988 ! Surtout en période de crise, la demande d’autorité d’un État fort et protecteur traverse les clivages partisans.

    Les sondages révèlent aussi une forte réévaluation positive des valeurs d’ordre, de tradition et d’autorité, ainsi qu’une montée des opinions critiques en matière d’immigration et de sécurité. Mais s’agit-il là vraiment de valeurs « de droite » ? Culturellement, les classes populaires ont toujours été conservatrices, même quand elles votaient à gauche (dans les années 1950, c’est le Parti communiste qui stigmatisait la contraception comme un « vice bourgeois » !). Ce qui est exact, en revanche, c’est qu’on constate aujourd’hui « à droite » une prise de conscience des enjeux culturels qui était naguère inexistante. Il n’y a jamais eu autant de différences sur les questions culturelles entre la « droite » et la « gauche » que depuis la fin des années 1990.

    Dans le même temps, d’autres autorités morales évoquent la « lepénisation des esprits ». Langue de bois ou langue de pute ?

    La poussée du FN, tant dans les sondages qu’aux élections, est interprétée par la doxa dominante comme une preuve de « droitisation ». Comme on constate parallèlement une porosité grandissante de la frontière séparant jusqu’ici le FN et l’UMP, on accuse cette dernière de se « droitiser » pour se calquer sur l’évolution de l’électorat. Or, le FN refuse de se situer par rapport au clivage droite-gauche et il ne fait pas de doute que c’est son programme économique et social « de gauche » qui rallie vers lui nombre d’anciens électeurs du PS et du PC. Le succès du FN pourrait même être interprété comme la preuve d’une « gauchisation » de l’opinion face aux problèmes économiques et sociaux : refus du creusement des inégalités, rejet des dégâts sociaux de la logique libérale et de la dogmatique du libre-échange qui a abouti à la mondialisation. La force de Marine Le Pen est de surfer à la fois sur la « droitisation » et sur cette « gauchisation », à la façon dont le gaullisme, en son temps, s’était employé à concilier aspiration nationale et aspiration sociale. C’est ce qui en fait le parti du moment.

    Mais ici, c’est moins sur la « droitisation » qu’il faudrait insister que sur le divorce entre la gauche et les classes populaires. Il y a trente ans, les cadres votaient surtout à droite et les ouvriers surtout à gauche. Depuis 2007, c’est l’inverse. Les ouvriers restent aujourd’hui conservateurs en matière culturelle et antilibéraux en matière économique, tandis que les cadres sont devenus à la fois partisans du libéralisme économique et du libéralisme « sociétal ».

    Si Jean-François Copé et ses pains au chocolat incarnent la « droitisation », et si François Hollande et sa détestation des « riches » sont la gauche, que reste-t-il à l’homme de bon sens ?

    Il lui reste d’abord à comprendre qu’il n’y a pas que les « Français de souche » pour aimer le pain au chocolat, ensuite que François Hollande, depuis son arrivée au pouvoir, n’a pas cessé de servir la soupe à ces « riches » qu’il disait détester. L’essentiel est que la « droite » a pris le dessus en matière d’imaginaire collectif parce que la gauche au pouvoir a renoncé à son programme social et qu’elle se retrouve aujourd’hui complètement désarmée face aux exigences populaires. N’ayant plus rien à proposer, ayant perdu toute consistance idéologique, elle devient inaudible. D’autant que le rêve européen, que Mitterrand avait vendu au PS comme substitut à la construction du socialisme, a maintenant viré au cauchemar. Jean-François Kahn remarquait récemment que « la sociale-démocratie a contribué à inculquer le sentiment que rien n’est plus possible […] au moment même où les gens aspirent à un changement profond du modèle de société ». Autrement dit, l’espoir a changé de camp.

    Alain de Benoist, recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 27 mars 2013)

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  • Les droites et la rue...

    Les éditions La Découverte viennent de publier un essai de Danielle Tartakowsky intitulé Les droites et la rue - Histoire d'une ambivalence de 1880 à nos jours, qui vient rappeler que ,si, comme le dit la chanson, la rue appartient à celui qui y descend, la droite n'en a jamais été absente, loin de là... Professeur d'histoire contemporaine à Paris VIII, Danielle Tartakowsky est l'auteur de plusieurs études, dont Le pouvoir est dans la rue - Crises politiques et manifestations en France (Aubier, 1998) et La part du rêve - Histoire du 1er mai en France (Hachette, 2005).

     

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    " L’idée selon laquelle la manifestation de rue serait consubstantiellement ouvrière et de gauche est communément répandue. Les manifestations des droites françaises occupent pourtant une centralité supérieure à celle que la mémoire de leurs initiateurs et de leurs adversaires paraît avoir retenue. Certaines composantes de la droite française ont en effet joué un rôle de poids dans l’émergence et l’affirmation de cette modalité d’action, du triomphe de la République au 6 février 1934. Elles s’en sont ensuite épisodiquement ressaisie, avec une fréquence sans commune mesure avec celle des organisations ouvrières, mais, en diverses circonstances, avec une ampleur dont il est peu d’égal et des résultats n’ayant, à tout le moins, rien à leur envier ; qu’il s’agisse du 13 mai 1958 à Alger, du 30 mai 1968 ou des manifestations pour la défense de l’École libre en juin 1984, pour ne rien dire des récentes manifestations contre le mariage pour tous dont il est trop tôt pour pleinement mesurer les effets. Le présent ouvrage s’essaie à cerner la place et le poids des manifestations de droite dans les systèmes politiques qui se sont succédé depuis quelque cent trente ans, leurs spécificités, leurs logiques d’action et leur autonomie relative au sein de ce qui a toujours été un répertoire d’action communément partagé. Malgré la discontinuité des formations concernées, il apparaît que ces mobilisations se distinguent suffisamment de celles de la gauche pour pouvoir s’intégrer dans ce qui relèverait nonobstant d’UNE culture de droite et, par là, d’un objet singulier. "

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  • Le FN doit devenir le parti du peuple !...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire et consacré au Front national de Marine Le Pen...

    Alain de Benoist vient de publier un essai important, Les démons du Bien, aux éditions Pierre-Guillaume de Roux, dans lequel il se livre à une brillante analyse de l'enfer postmoderne.

     

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    Pour s'imposer, le FN doit liquider l'UMP !

    Les médias continuent de classer le Front national à droite ou à l’extrême droite de l’échiquier politique. Est-ce toujours pertinent ? D’ailleurs, cela l’a-t-il jamais été ?

    Le Front national est à l’origine un mouvement d’extrême droite qui s’est mué progressivement en mouvement national-populiste. Le populisme est un phénomène complexe, que les notions de droite et de gauche ne permettent pas d’analyser sérieusement. Non seulement le FN est aujourd’hui une force montante, qui touche les hommes aussi bien que les femmes et marque des points dans toutes les catégories d’âge ou professionnelles, mais il arrive maintenant en tête des intentions de vote aux élections européennes, loin devant le PS ou l’UMP, ce qui revient à dire qu’il est en passe de s’imposer comme le premier parti de France. Par ailleurs, Marine Le Pen est aux yeux de 46 % des Français la personnalité politique qui incarne le mieux l’opposition (sondage CSA/BFMTV). Comme l’a reconnu Jérôme Fourquet, directeur du département opinion de l’IFOP, « il n’y a plus désormais de sympathisants types du Front national ». Dès lors, son assignation à l’extrême droite relève d’une simple paresse intellectuelle ou d’une propagande qui ne vise qu’à le délégitimer (les deux n’étant pas incompatibles). Mais cette catégorisation n’est plus crédible aujourd’hui. Elle repose sur des arguments qui ont fait long feu.

    Un boulevard s’ouvre aujourd’hui devant le Front national, car il n’est pas de jour que les événements ne creusent encore un peu plus le fossé béant qui sépare désormais la Nouvelle classe et le peuple. Dans une telle situation, il n’est plus de « cordon sanitaire » ou de « front républicain » qui tienne. Pas plus qu’on ne fera croire aux Français qu’ils sont devenus « racistes » parce qu’un hebdomadaire a fait une comparaison déplorable qui diffamait stupidement nos amis les singes et les guenons.

    On dit que Marine Le Pen a « dédiabolisé » le Front. Il faudrait plutôt dire qu’elle s’est affirmée comme une véritable femme politique – j’entends par là quelqu’un qui a compris ce qu’est la politique : un moyen d’accéder au pouvoir, pas une façon de « témoigner » ou de rassembler une « famille ». C’est ce qui la distingue de son père, et plus encore du brave Bruno Gollnisch. Personnellement, je porte à son crédit d’être restée sourde aux piaillements des excités de tout poil, des anciens combattants des guerres perdues, des revenants de ceci ou de cela, des nostalgiques des régimes d’avant-hier et des époques révolues. C’est dans cette voie qu’elle doit persévérer si elle veut doter son mouvement de cadres dignes de ce nom.

    Marine Le Pen semble avoir opéré un virage « à gauche ». Certes, dans les années 80, son père se présentait comme le « Reagan français ». Mais, dès 1972, année de sa création, le Front national publiait un programme économique éminemment « social », voire « socialiste ». Gérard Longuet en fut l’un des principaux signataires. Alors, « virage » ou « retour aux sources » ?

    Quelle importance ? L’important est que ce tournant « à gauche » ait été pris. C’est dire que je ne suis pas de ceux qui, devant le programme économique et social du Front, parlent de « démagogie gauchiste ». Que le FN semble avoir compris que la priorité est de lutter contre l’emprise du système capitaliste libéral, contre la logique du marché, contre la globalisation libre-échangiste, contre la colonisation des imaginaires par les seules valeurs commerciales et marchandes, est d’une importance que je n’hésiterai pas à qualifier d’historique, après quarante ans d’« orléanisation » des milieux « nationaux ». C’est ce qui lui permet de toucher les classes populaires, les ouvriers, les artisans, les anciens communistes que scandalise le ralliement au système dominant des anciens révolutionnaires « repentis ».

    Pour s’imposer définitivement, le FN doit en priorité liquider l’UMP. C’est la condition première pour que Marine Le Pen soit présente au deuxième tour en 2017. Notons que, de son côté, François Hollande a lui aussi tout intérêt à affronter Marine Le Pen à la prochaine présidentielle plutôt qu’un Sarkozy, un Fillon ou même un Copé. C’est donc là que les choses se joueront.

    Certains, souvent dans les milieux identitaires, reprochent à Marine Le Pen sa fibre jacobine. Est-ce aussi simple ? Est-ce aujourd’hui une priorité que d’aller chercher un clivage entre régionalistes et colbertistes ?

    Européen et régionaliste, antijacobin dans l’âme, je suis moi-même en désaccord avec Marine Le Pen sur ce point. Mais je suis également conscient que l’Europe politiquement unifiée, l’Europe puissance autonome et creuset de civilisation que je souhaite n’est pas pour demain. L’Union européenne n’est aujourd’hui qu’une caricature d’Europe. À bien des égards, c’est même le contraire de l’Europe. Cela dit, je crois que le souverainisme jacobin demeure une impasse. Voyez la révolte des « Bonnets rouges » en Bretagne : on ne peut rien comprendre à ce mouvement si l’on ne prend pas aussi en compte sa dimension identitaire et régionaliste.

    En 1995, Samuel Maréchal, patron du Front national de la jeunesse, publiait un ouvrage intitulé Ni droite ni gauche, Français ! La présidente du Front national semble avoir fait évoluer ce concept en ce que l’on pourrait résumer par un autre slogan : « À la fois de droite et de gauche, mais Français ! »… Progrès ou régression ?

    Outre qu’il a déjà une histoire, le slogan « ni droite ni gauche » ne veut pas dire grand-chose. « Et droite et gauche » est bien meilleur. À un moment où de telles notions ne sont plus opérationnelles pour analyser les nouveaux clivages qui se mettent en place, il s’agit de rassembler des idées justes d’où qu’elles viennent. Au lendemain de l’élection présidentielle de 2007, j’avais écrit ceci : « L’avenir du FN dépendra de sa capacité à comprendre que son “électorat naturel” n’est pas le peuple de droite, mais le peuple d’en bas. L’alternative à laquelle il se trouve confronté de manière aiguë est simple : vouloir incarner la “droite de la droite” ou se radicaliser dans la défense des couches populaires pour représenter le peuple de France. » J’ajoutai « qu’il reste au FN à apprendre comment devenir une force de transformation sociale dans laquelle puissent se reconnaître des couches populaires au statut social et professionnel précaire et au capital culturel inexistant, pour ne rien dire de ceux qui ne votent plus ». Cette alternative est toujours présente. Le FN n’a de chances de l’emporter que s’il devient le parti du peuple. C’est même le nom que j’aimerais lui voir porter.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 3 décembre 2013)

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  • Le peuple est dans la rue...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de la philosophe Chantal Delsol, cueilli sur le site du quotidien Le Monde et consacré à la révolte du peuple français...

     

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    Le peuple perdu par la gauche est dans la rue

    Analyser le pourquoi des troubles actuels demanderait un ouvrage entier, tant les causes sont multiples et les acteurs divers. Appauvrissement économique, affaiblissement de l’Etat-nation qui a toujours occupé toute la place, doutes désespérés sur un modèle considéré comme parfait… Ce qui étonne le plus les analystes, c’est la nature de ces agitateurs. Ce sont des soulèvements populaires, mais ils n’appartiennent pas spécialement à la gauche : on s’y perd.

    Depuis quelque temps, comme on sait, la gauche a perdu le peuple. Le Front national recrute davantage que la gauche dans les classes populaires. La gauche a donc mis au point une stratégie gagnante pour répondre à ce problème crucial qui risque de lui coûter le pouvoir. Elle a réussi à ostraciser symboliquement une partie de la droite : à interdire littéralement tout ce qui vient du Front national. La droite en avait fait autant dans les années 1960 et 1970, en repoussant le Parti communiste dans les ténèbres afin de geler une partie de l’électorat de gauche.

    Le résultat de cette politique de l’escamotage est qu’elle engendre des aigreurs et des révoltes en progression constante. Une partie non négligeable de l’électorat a l’impression d’être laissé au bord de la route, dédaigné, détesté. Il constate que le pouvoir refuse de regarder en face les problèmes réels qu’il rencontre, et même traite de criminels ceux qui osent aborder ces problèmes. Un sentiment d’injustice croît alors, bientôt doublé d’une envie d’en découdre.

    LE PASSAGE DU POPULAIRE AU POPULISME

    Le peuple se rend bien compte qu’ayant cessé d’être la classe glorieuse par laquelle se font les révolutions, il est devenu une classe vulgaire, sauvage et finalement obscène. Il se rend bien compte que le passage du populaire au populisme indique la dégringolade en termes de respect et de considération. Désormais, tout lui est compté à charge.

    L’atmosphère de jacquerie que nous ressentons aujourd’hui tient sans doute à l’immense déception d’un peuple de gauche auquel encore une fois on a promis de raser gratis, et qui se voit livré à une crise sans fin et toujours plus profonde, tandis que les gens du pouvoir répètent leurs incantations rituelles sans paraître se douter de la réalité des provinces – situation somme toute révolutionnaire.

    Mais l’atmosphère de jacquerie tient aussi beaucoup à l’exaspération du peuple de droite, désormais nombreux et persuadé de n’être jamais écouté, pire encore, d’être considéré comme criminel (lepéniste) avant même d’avoir parlé. Quand on fait taire un peuple par l’invective permanente, il arrive un moment où il prendra d’autres moyens pour se faire entendre, comme mettre le feu à des bornages ou répandre des excréments devant les préfectures. Naturellement, c’est une réaction fruste et peu sympathique. Mais il est difficile pour l’élite qui pense de se mettre à la place de gens accablés, dont les pouvoirs se moquent en se souciant seulement de les invectiver parce qu’ils représentent la France moisie.

    UN GOUVERNANT INEFFICACE EN PÉRIODE FASTE

    Qu’il soit de gauche ou de droite, l’électeur de base a le sentiment (certainement discutable, mais réel) qu’il a en face de lui un président mollasson, bourré de diplômes et incapable de prendre une vraie décision, dénué de toute conviction, et fort seulement de ses grands airs et de son ton inspiré, qui cachent le vide. D’où la révolte. On peut s’offrir un gouvernant inefficace en période faste, mais, en temps de crise, c’est trop dangereux. Non merci. D’où les « bonnets rouges ».

    Les historiens savent bien que les grandes révoltes, et a fortiori les révolutions, ne viennent que lorsqu’un groupe suffisamment nombreux n’a plus grand-chose à perdre. Et jusque-là on pouvait penser que le peuple de France, composé essentiellement de petits-bourgeois, avait trop à perdre pour se lancer dans des aventures. Mais cela est de moins en moins vrai, au sens où beaucoup de gens ont de moins en moins à perdre. Il faut ajouter la conviction croissante que ces opinions populaires, traitées de criminelles parce que réactionnaires, sont en réalité majoritaires dans le pays.

    Les grandes manifestations de 2013 ont largement propagé ce sentiment. Les chiffres annoncés par la police étaient si ridiculement bas face à la marée humaine déroulée devant les yeux que, chaque fois, le mouvement de contestation se voyait confisqué. S’en est suivi un désespoir tenace, un jusqu’au-boutisme, une volonté d’en découdre à la mesure de ce qui était considéré comme une immense trahison antidémocratique. Il suffit de voir ce que François Hollande a dit à propos des référendums populaires pour comprendre à quel point le pouvoir a peur du peuple, car non seulement le peuple n’est pas de gauche, mais il est bien plus à droite que ne le croient les cadres raisonnables et cravatés de l’UMP.

    Une digue est en train de sauter. Il serait plus intelligent de mettre de côté l’idéologie et de cesser d’injurier : à l’injure ne peut répondre que la violence.

    Chantal Delsol (Le Monde, 22 novembre 2013)

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  • Lorànt Deutsch et la Bataille de l'Histoire dans les médias

    Nous avons cueilli sur le site de l'Observatoire des journalistes et de l'information médiatique une excellente mise en perspective de la polémique médiatique autour de Lorànt Deutsch et de son dernier livre, intitulé Hexagone et consacré à l'histoire de France.

     

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    Lorànt Deutsch et la Bataille de l'Histoire dans les médias

    Après l’incroyable succès de Métronome (Michel Lafon), qui s’est vendu à plus de deux millions d’exemplaires et a été adapté sur Arte pour atteindre un record d’audience, Lorànt Deutsch a récidivé avec Hexagone (Michel Lafon), sorti le 26 septembre dernier. Réutilisant le même procédé ludique, sur un ton toujours aussi passionné, c’est cette fois-ci l’Histoire de France, après celle de Paris, que le comédien évoque en suivant les routes et les fleuves du pays, comme il avait eu recours aux stations de métro pour raconter la capitale. Tiré à 220 000 exemplaires, le livre est déjà en réimpression et s’annonce comme un nouveau best-seller historique. Mais ce succès, qui donnerait lieu de se féliciter d’un tel regain d’intérêt pour l’Histoire chez nos concitoyens, a surtout accouché d’une polémique. En effet, trois universitaires, William Blanc, Aurore Chéry et Christophe Naudin, qui avaient déjà attaqué Métronome dans la presse et publié en mars dernier un livre pamphlétaire : Les Historiens de garde (Inculte), remontent à l’assaut pour dénoncer les méthodes et, essentiellement, l’idéologie que Lorànt Deutsch véhiculerait à travers ses livres. Les historiens étendent leur critique à la diffusion médiatique de l’Histoire. Leur thèse : Bénéficiant de postes, de relais ou de complicité dans les médias, un groupe d’historiens divulguerait une version tronquée de l’Histoire afin de gaver les masses d’idées chauvines, réactionnaires et étriquées… En un mot : « nauséabondes ». Quelle est donc la véritable nature de cette polémique ?

    Le facho nouveau est arrivé !

    Tout d’abord, il est évident que la désignation d’un ennemi mal-pensant illico « fascisé » est une maladie chronique dont souffre le débat national depuis au moins une décennie. L’année dernière, à la même époque, c’est l’écrivain Richard Millet qui déclenchait l’ « affaire » de septembre et se trouvait qualifié de « réac », de « néo-facho », d’« islamophobe », sa prose étant jugée « nauséabonde ». La polémique Deutsch semble donc, au premier abord, relever simplement du procès d’inquisition annuel. « Chasse aux sorcières nous rétorquera-t-on », conviennent d’ailleurs les auteurs des Historiens de garde dans un article du Huffington Post. Mais ces derniers nous assurent cependant que cette chasse n’est pas gratuite et qu’il y a un véritable crime : « Son Métronome scande l’histoire aux rythmes des grands hommes, monarques et saints, construisant depuis l’aube des temps une nation quasi-éternelle et figée où Paris serait depuis toujours capitale de la France, de l’Empire romain quand il ne s’agit pas carrément de la chrétienté. »

    Or pour William Blanc, Aurore Chéry et Christophe Naudin, on est là face à une « vision quasi-maurassienne de l’Histoire ».

    Certes la formule est impropre mais riche d’insinuations. Impropre, parce que Maurras n’était pas historien et que c’est Bainville qui assurait cette fonction dans le célèbre quotidien royaliste que le premier dirigeait. Il serait donc plus juste de dire « banvillienne ». Impropre surtout, parce que l’Histoire de Bainville n’accorde pour le coup pas beaucoup de place aux saints, que sa perspective est surtout géopolitique, et sa tradition plutôt rationaliste, et que son travail n’est par conséquent pas représentatif de ce qui est reproché à Deutsch. Mais Maurras s’étant, à la fin de sa vie, compromis dans la collaboration en soutenant le régime de Pétain, ne faut-il pas comprendre « quasi-maurrassienne » comme « crypto-pétainiste » ? On atteint ainsi sans beaucoup de virages le fameux point Godwin. Au-delà de cette attaque de fond, sur laquelle nous reviendrons, le point le plus sensible où se cristallise la polémique dans la presse (puisque le livre Les Historiens de garde ne traite pas d’Hexagone) est la bataille de Poitiers, telle que la raconte Lorànt Deutsch dans son dernier ouvrage.

    Le tabou islamique

    En effet, l’acteur commet la faute inexcusable de raconter la bataille de Poitiers comme elle a toujours été présentée partout (y compris sur ce site d’Histoire militaire anglais, par exemple : militaryhistory.about.com), oubliant que depuis dix ans, pour complaire à une population musulmane à la fois nombreuse, en partie non-intégrée et parfois irritable, il est devenu convenable de présenter l’Andalousie comme un âge d’or et Poitiers comme un détail de l’Histoire du bas moyen-âge. Or, note Christophe Naudin avec une remarquable perspicacité : « La bataille de Poitiers est en effet un marqueur idéologique qui n’a rien d’anodin. » Ainsi, depuis que les Identitaires ont brandi une banderole en hommage à Martel, glorifier l’action du Maire du Palais et grand-père de Charlemagne serait suspect ? En fait, Poitiers est surtout un marqueur du totem-tabou absolu de notre époque : l’Islam. Sainte Geneviève peut toujours repousser les Huns, Eudes de Paris les Vikings, Jeanne d’Arc les Anglais, mais Charles Martel, lui, n’a plus l’autorisation de bouter hors de France les Sarrazins. Et pourtant, Lorànt Deutsch précise ne s’être pas spécialement focalisé sur l’épisode : « Sur les 2 600 ans d’Histoire dont je parle, mes détracteurs ne retiennent qu’une page, celle sur la bataille de Poitiers. Oui, c’est un événement marquant de notre Histoire, mais ce n’est pas un marqueur idéologique. »

    Complot ?

    Si l’on résume le procès, on obtient donc à peu près ça : accusé principal : Lorànt Deutsch (en tant que figure la plus célèbre de la conjuration) ; Sacrilège majeur : lèse-Islam ; co-inculpés : Patrick Buisson, directeur de la chaîne Histoire, Stéphane Bern (« Secrets d’Histoire » sur France 2), Franck Ferrand (« Au cœur de l’Histoire » sur Europe 1), Dimitri Casali (Historien médiatique), Jean Sévilla (Historien et journaliste au Figaro), Éric Zemmour (journaliste féru d’Histoire actif au Figaro, à RTL et sur Paris Première). Motif de l’accusation : tenter de faire ressurgir le « roman national » avec la complicité des médias. « Tels des chiens de garde, pour reprendre l’image de Paul Nizan, ils sont les historiens de garde d’un trésor poussiéreux qui n’est que le fruit d’une inquiétude face au passé qu’eux seuls n’arrivent pas à assumer. » (Introduction des Historiens de garde).

    L’expression qu’utilise Christophe Naudin en présentant son livre pour critiquer un « Rouleau compresseur médiatique de ce genre d’Histoire », insinue une forme de complot médiatico-politique ayant pour ambition de reformater les masses.

    Théorie évidemment difficile à soutenir, notamment sur le plan des complicités médiatiques, à moins de parvenir à démontrer que les dirigeants de France 2 ou d’Arte sont de mèche avec les producteurs de Radio Courtoisie. La vérité est plus simple. Tout comme Éric Zemmour dans son domaine, Lorànt Deutsch a bénéficié d’un succès aussi impressionnant qu’imprévisible. C’est le plébiscite qui l’a placé où il se trouve, et certainement pas des réseaux médiatiques plutôt marqués à gauche, comme l’OJIM le montre régulièrement.

    À fronts renversés

    Quand des étudiants et des profs de gauche s’en prennent à Canal++ pour reprocher à des journalistes « chiens de garde » de défendre un historien amateur, royaliste assumé, contre leurs attaques, on se demande d’abord si l’on est tombé par mégarde dans une faille temporelle. C’est pourtant bien ce qui s’est produit dans le Huffington Post sous la plume de Christophe Naudin : « Un sujet, intitulé “Accusé de faire le jeu de l’extrême droite, Lorànt Deutsch répond à ses détracteurs”, a égrainé tout l’arsenal du “journalisme chien de garde” pour parvenir à caricaturer le propos des “détracteurs” (…), tout en laissant l’acteur se défendre face à une animatrice complaisante (…) ». C’est que les « détracteurs » en question auraient trouvé sans doute naturel que l’animatrice de l’émission voue à l’humiliation publique un auteur de best seller et acteur populaire sous prétexte de déviance idéologique… Si l’animatrice est « complaisante », sans imaginer un complot pétainiste, c’est peut-être seulement : 1) qu’il s’agit de la tendance naturelle d’une animatrice, et 2) qu’elle voit plus d’intérêt à pouvoir réinviter Lorànt Deutsch sur son plateau que Christophe Naudin dont tout le monde se fiche. De là à en tirer des conclusions de connivences idéologiques et de manipulation politique…

    En revanche, on peut se demander s’il ne faut pas quelques complicités médiatiques de nature idéologique pour permettre à un William Blanc par exemple, de poser en adversaire crédible face à Lorànt Deutsch. Celui-là, en effet, n’est nullement un historien reconnu, mais, au même âge que l’acteur qui compte à son actif une trentaine de films et bientôt deux best sellers, William Blanc, quant à lui, est essentiellement connu pour avoir tenu les murs de la fac Tolbiac en jouant les nervis de la CNT, étudiant professionnel n’étant toujours pas parvenu à passer sa thèse. Quant à ses co-auteurs, pas un seul qui n’ait même la très relative reconnaissance d’une fiche Wikipedia. Cette absence de « stature légitime » pourrait bien entendu être largement compensée par la qualité de leur texte. Mais pour cela, encore faudrait-il qu’ils sachent au moins construire des phrases, objectif qui, même en s’y mettant à trois, n’est pas toujours atteint.

    L’aspiration au « roman national »

    S’il y a complot médiatico-politique, alors ce serait celui qui permettrait à trois militants parfaitement inconnus de tous de se faire un nom sur le dos de Lorànt Deutsch, afin justement de contrer un phénomène pour le moins gênant au regard de l’idéologie dominante. Ce phénomène, c’est celui qui a propulsé Lorànt Deutsch où il se trouve et qui a fait l’étonnant succès des émissions d’Histoire de Stéphane Bern ou de Franck Ferrand. Ce phénomène, c’est ce qui fait dire à certains que « La télé préfère les historiens réacs », pour ne pas avouer que c’est l’audimat, en fait, qui préfère les historiens « réacs », c’est-à-dire les historiens du « roman national » tant décrié. Ce phénomène traduit une profonde aspiration du peuple français au « roman national » méprisé par les élites et retiré des programmes par les réformes de l’enseignement.

    Et qu’est-ce que ce phénomène a de tellement déroutant, de si incroyable, de si déstabilisant aux yeux de certains intellectuels ? Dans un pays ravagé par la crise économique, en pleine crise de confiance et en pleine crise d’identité, qu’y a-t-il d’étonnant à ce que le peuple éprouve un irrépressible besoin qu’on lui raconte à nouveau son Histoire ? D’où il vient, ce qu’il a accompli, quels furent ses idéaux ? Lorsque l’on dispose en outre d’une Histoire aussi exceptionnelle que la nôtre, oui, se la remémorer suffit à remonter à bon compte un moral dramatiquement en berne. Où est le complot, là-dedans ? Il faut être aveuglé par des fantasmes pour ne pas se rendre à une si naturelle évidence.

    La bataille des romans

    L’autre argument des contempteurs de cette Histoire « réac » qui envahirait les médias, est d’expliquer qu’elle est arriérée, approximative, ne tient pas compte des recherches historiques récentes et qu’elle serait prisonnière de mythologies défuntes. Parce qu’elle s’intéresse au « roman national », cette vision de l’Histoire serait forcément « étriquée » et « téléologique » (c’est à dire orienté en fonction d’une fin prédéfinie), et il serait d’autant plus absurde de l’évoquer après la « déconstruction » que l’historienne Suzanne Citron a fait du mythe national en 1989. Il faut déjà admettre que Suzanne Citron, ancienne maire PS de Domont, ait une légitimité historique suffisante – et supérieure à celles de Michelet, Lavisse ou Bainville -, pour nous « interdire » de parler après elle de « roman national. » Pointer le fait que le « roman national » est une construction, souvent a posteriori, forcément relative et partiale, de l’Histoire, n’est pas inutile. Cependant, écrire une Histoire quelconque à partir de simples sources est toujours une construction, est toujours un acte partial et téléologique. S’il est bon de n’en être pas dupe, il serait bon également de n’être pas dupe du fait qu’on n’y échappe pas. Il n’y a pas d’un côté des historiens médiatiques qui seraient enfermés dans leur vision nationale et défendraient un « roman » illusoire, et de l’autre, des chercheurs sérieux aux méthodes « scientifiques ». Il y a simplement l’opposition de deux prismes historiques, deux « romans » : le « roman national » et le « roman communiste », lequel est enfermé dans son idéologie et se prévaut fantasmatiquement d’objectivité « scientifique » au sein d’une discipline qui ne s’y prête pas, exactement comme la politique conduite par Lénine et Staline se prétendait issue d’un « socialisme scientifique ». En outre, c’est pour répondre aux nécessités de sa propre fiction que le « roman communiste » se doit de dépasser la forme nationale pour établir ses visées internationalistes. Il est donc dans sa logique narrative de dévaloriser par tous les moyens ce qui a trait à la nation et d’attaquer tous ceux qui la défendent.

    Un os…

    Il y a cependant quelque chose de neuf dans le paysage médiatique que cette polémique met en évidence, c’est que les chiens de garde, les vrais, ceux qui désespèrent de ne parvenir, pour l’heure, à siffler le reste de la meute, sont tombés sur un os. Cet os, c’est qu’à rebours des discours officiels mondialistes, multiculturalistes ou internationalistes, les Français, en l’occurrence les téléspectateurs et les auditeurs français, expriment un besoin profond de se ressaisir, en tant que peuple, à travers leur Histoire nationale. Et cela répond à une nécessité bien plus grave, bien plus intime, bien plus essentielle que les clivages partisans ou les querelles idéologiques. C’est cette nécessité qui a abouti à un véritable plébiscite obligeant des médias, contraints par l’audimat, à donner une place importante à des personnalités  qui par leurs convictions ou leur sensibilité patriotique, dénotent en effet dans la pensée majoritaire ayant cours dans ces milieux. Pourtant, il ne s’agit pas ici de danger fascisant ou autres fantasmes dont sont si friands les inquisiteurs patentés afin de se donner la sensation d’être des résistants. Il ne s’agit même pas de politique à proprement parler. Il s’agit, simplement, dans nos circonstances, d’une sorte de fatalité historique, qui pourrait du reste préluder d’un sursaut.

    (Observatoire des journalistes et de l'information médiatique, 28 octobre 2013)

     

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