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  • "La bipolarisation droite-gauche n'existe plus en milieu populaire"...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien avec le géographe et sociologue Christophe Guilluy, publié cet été dans le quotidien Le Figaro. Christophe Guilluy est l'auteur d'un essai intitulé Fractures françaises (Bourin, 2010) qui a suscité de nombreux commentaires lors de sa publication. Cet essai, devenu introuvable, sera réédité début octobre chez Flammarion, dans la collection de poche Champs.

     

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    "La bipolarisation droite-gauche n'existe plus en milieu populaire"

    LE FIGARO. - Vous êtes classé à gauche mais vous êtes adulé par la droite. Comment expliquez-vous ce paradoxe ?

    Christophe GUILLUY.- Je ne suis pas un chercheur classique. Ma ligne de conduite depuis quinze ans a toujours été de penser la société par le bas et de prendre au sérieux ce que font, disent et pensent les catégories populaires. Je ne juge pas. Je ne crois pas non plus à la posture de l’intellectuel qui influence l’opinion publique. Je ne crois pas non plus à l’influence du discours politique sur l’opinion. C’est même l’inverse qui se passe. Ce que j’appelle la nouvelle géographie sociale a pour ambition de décrire l’émergence de nouvelles catégories sociales sur l’ensemble des territoires.

    Selon vous, la mondialisation joue un rôle fondamental dans les fractures françaises. Pourquoi ?

    La mondialisation a un impact énorme sur la recomposition des classes sociales en restructurant socialement et économiquement les territoires. Les politiques, les intellectuels et les chercheurs ont la vue faussée. Ils chaussent les lunettes des années 1980 pour analyser une situation qui n’a aujourd’hui plus rien à voir. Par exemple, beaucoup sont encore dans la mythologie des classes moyennes façon Trente Glorieuses. Mais à partir des années 1980, un élément semble dysfonctionner : les banlieues. Dans les années 1970, on avait assisté à l’émergence d’une classe moyenne, c’est la France pavillonnaire.

    Vous avez théorisé la coexistence de deux France avec, d’une part, la France des métropoles et de l’autre la France périphérique.

    On peut en effet diviser schématiquement la France en deux : la France périphérique, que certains ont dénommée mal à propos France périurbaine, est cette zone qui regroupe aussi bien des petites villes que des campagnes. De l’autre côté, il y a les métropoles, complètement branchées sur la mondialisation, sur les secteurs économiques de pointe avec de l’emploi très qualifié. Ces métropoles se retrouvent dans toutes régions de France. Bien évidemment, cela induit une recomposition sociale et démographique de tous ces espaces. En se désindustrialisant, les villes ont besoin de beaucoup moins d’employés et d’ouvriers mais de davantage de cadres. C’est ce qu’on appelle la gentrification des grandes villes, avec un embourgeoisement à grande vitesse.

    Mais en même temps que cet embourgeoisement, il y a aussi dans les métropoles un renforcement des populations immigrées.

    Au moment même où l’ensemble du parc immobilier des grandes villes est en train de se « gentrifier », l’immobilier social, les HLM, le dernier parc accessible aux catégories populaires de ces métropoles, s’est spécialisé dans l’accueil des populations immigrées. On assiste à l’émergence de « villes monde » très inégalitaires où se regroupent avec d’un côté des cadres, et de l’autre des catégories précaires issues de l’immigration. Dans ces espaces, les gens sont tous mobiles, aussi bien les cadres que les immigrés. Surtout, ils sont là où tout se passe, où se crée l’emploi. Tout le monde dans ces métropoles en profite, y compris les banlieues et les immigrés. Bien sûr cela va à l’encontre de la mythologie de la banlieue ghetto où tout est figé. Dans les zones urbaines sensibles, il y a une vraie mobilité : les gens arrivent et partent.

    Pourtant le parc immobilier social se veut universel ?

    La fonction du parc social n’est plus la même que dans les années 1970. Aujourd’hui, les HLM servent de sas entre le Nord et le Sud. C’est une chose fondamentale que beaucoup ont voulu, consciemment ou non, occulter : il y a une vraie mobilité dans les banlieues. Alors qu’on nous explique que tout est catastrophique dans ces quartiers, on s’aperçoit que les dernières phases d’ascension économique dans les milieux populaires se produisent dans les catégories immigrées des grandes métropoles. Si elles réussissent, ce n’est pas parce qu’elles ont bénéficié d’une discrimination positive, mais d’abord parce qu’elles sont là où tout se passe.

    La France se dirige-t-elle vers le multiculturalisme ?

    La France a un immense problème où l’on passe d’un modèle assimilationniste républicain à un modèle multiculturel de fait, et donc pas assumé. Or, les politiques parlent républicain mais pensent multiculturel. Dans la réalité, les politiques ne pilotent plus vraiment les choses. Quel que soit le discours venu d’en haut, qu’il soit de gauche ou de droite, les gens d’en bas agissent. La bipolarisation droite-gauche n’existe plus en milieu populaire. Elle est surjouée par les politiques et les catégories supérieures bien intégrées mais ne correspond plus à grand-chose pour les classes populaires.

    Les classes populaires ne sont donc plus ce qu’elles étaient…

    Dans les nouvelles classes populaires on retrouve les ouvriers, les employés, mais aussi les petits paysans, les petits indépendants. Il existe une France de la fragilité sociale. On a eu l’idée d’en faire un indicateur en croisant plusieurs critères comme le chômage, les temps partiel, les propriétaires précaires, etc. Ce nouvel indicateur mesure la réalité de la France qui a du mal à boucler les fins de mois, cette population qui vit avec environ 1 000 euros par mois. Et si on y ajoute les retraités et les jeunes, cela forme un ensemble qui représente près de 65 % de la population française. La majorité de ce pays est donc structurée sociologiquement autour de ces catégories modestes. Le gros problème, c’est que pour la première fois dans l’histoire, les catégories populaires ne vivent plus là où se crée la richesse.

    Avec 65 % de la population en périphérie, peut-on parler de ségrégation ?

    Avant, les ouvriers étaient intégrés économiquement donc culturellement et politiquement. Aujourd’hui, le projet économique des élites n’intègre plus l’ensemble de ces catégories modestes. Ce qui ne veut pas dire non plus que le pays ne fonctionne pas mais le paradoxe est que la France fonctionne sans eux puisque deux tiers du PIB est réalisé dans les grandes métropoles dont ils sont exclus. C’est sans doute le problème social, démocratique, culturel et donc politique majeur : on ne comprend rien ni à la montée du Front national ni de l’abstention si on ne comprend pas cette évolution.

    Selon vous, le Front national est donc le premier parti populaire de France ?

    La sociologie du FN est une sociologie de gauche. Le socle électoral du PS repose sur les fonctionnaires tandis que celui de l’UMP repose sur les retraités, soit deux blocs sociaux qui sont plutôt protégés de la mondialisation. La sociologie du FN est composée à l’inverse de jeunes, d’actifs et de très peu de retraités. Le regard porté sur les électeurs du FN est scandaleux. On les pointe toujours du doigt en rappelant qu’ils sont peu diplômés. Il y a derrière l’idée que ces électeurs frontistes sont idiots, racistes et que s’ils avaient été diplômés, ils n’auraient pas voté FN.

    Les électeurs seraient donc plus subtils que les sociologues et les politologues… ?

    Les Français, contrairement à ce que disent les élites, ont une analyse très fine de ce qu’est devenue la société française parce qu’ils la vivent dans leur chair. Cela fait trente ans qu’on leur dit qu’ils vont bénéficier, eux aussi, de la mondialisation et du multiculturalisme alors même qu’ils en sont exclus. Le diagnostic des classes populaires est rationnel, pertinent et surtout, c’est celui de la majorité. Bien évidemment, le FN ne capte pas toutes les classes populaires. La majorité se réfugie dans l’abstention.

    Vous avancez aussi l’idée que la question culturelle et identitaire prend une place prépondérante.

    Les Français se sont rendu compte que la question sociale a été abandonnée par les classes dirigeantes de droite et de gauche. Cette intuition les amène à penser que dans ce modèle qui ne les intègre plus ni économiquement ni socialement, la question culturelle et identitaire leur apparaît désormais comme essentielle. Cette question chez les électeurs FN est rarement connectée à ce qu’il se passe en banlieue. Or il y a un lien absolu entre la montée de la question identitaire dans les classes populaires « blanches » et l’islamisation des banlieues.

    Vaut-il parfois mieux habiter une cité de La Courneuve qu’en Picardie ?

    Le paradoxe est qu’une bonne partie des banlieues sensibles est située dans les métropoles, ces zones qui fonctionnent bien mieux que la France périphérique, là où se trouvent les vrais territoires fragiles. Les élites, qui habitent elles dans les métropoles considèrent que la France se résume à des cadres et des jeunes immigrés de banlieue. Ce qui émerge dans cette France périphérique, c’est une contre-société, avec d’autres valeurs, d’autres rapports au travail ou à l’État-providence. Même s’il y a beaucoup de redistribution des métropoles vers la périphérie, le champ des possibles est beaucoup plus restreint avec une mobilité sociale et géographique très faible. C’est pour cette raison que perdre son emploi dans la France périphérique est une catastrophe.

    Pourquoi alors l’immigration pose-t-elle problème ?

    Ce qui est fascinant, c’est la technicité culturelle des classes populaires et la nullité des élites qui se réduit souvent à raciste/pas raciste. Or, une personne peut être raciste le matin, fraternelle le soir. Tout est ambivalent. La question du rapport à l’autre est la question du village et comment celui-ci sera légué à ses enfants. Il est passé le temps où on présentait l’immigration comme « une chance pour la France ». Ne pas savoir comment va évoluer son village est très anxiogène. La question du rapport à l’autre est totalement universelle et les classes populaires le savent, pas parce qu’elles seraient plus intelligentes mais parce qu’elles en ont le vécu.

    Marine Le Pen qui défend la France des invisibles, vous la voyez comme une récupération de vos thèses ?

    Je ne me suis jamais posé la question de la récupération. Un chercheur doit rester froid même si je vois très bien à qui mes travaux peuvent servir. Mais après c’est faire de la politique, ce que je ne veux pas. Dans la France périphérique, les concurrents sont aujourd’hui l’UMP et le FN. Pour la gauche, c’est plus compliqué. Les deux vainqueurs de l’élection présidentielle de 2012 sont en réalité Patrick Buisson et Terra Nova, ce think-tank de gauche qui avait théorisé pour la gauche la nécessité de miser d’abord sur le vote immigré comme réservoir de voix potentielles pour le PS. La présidentielle, c’est le seul scrutin où les classes populaires se déplacent encore et où la question identitaire est la plus forte. Sarkozy a joué le « petit Blanc », la peur de l’arrivée de la gauche qui signifierait davantage d’islamisation et d’immigration. Mais la gauche a joué en parallèle le même jeu en misant sur le « petit Noir » ou le « petit Arabe ». Le jeu de la gauche a été d’affoler les minorités ethniques contre le danger fascisant du maintien au pouvoir de Sarkozy et Buisson. On a pu croire un temps que Hollande a joué les classes populaires alors qu’en fait c’est la note Terra Nova qui leur servait de stratégie. Dans les deux camps, les stratégies se sont révélées payantes même si c’est Hollande qui a gagné. Le discours Terra Nova en banlieue s’est révélé très efficace quand on voit les scores obtenus. Près de 90 % des Français musulmans ont voté Hollande au second tour.

    La notion même de classe populaire a donc fortement évolué.

    Il y a un commun des classes populaires qui fait exploser les définitions existantes du peuple. Symboliquement, il s’est produit un retour en arrière de deux siècles. Avec la révolution industrielle, on a fait venir des paysans pour travailler en usines. Aujourd’hui, on leur demande de repartir à la campagne. Toutes ces raisons expliquent cette fragilisation d’une majorité des habitants et pour laquelle, il n’y a pas réellement de solutions. C’est par le bas qu’on peut désamorcer les conflits identitaires et culturels car c’est là qu’on trouve le diagnostic le plus intelligent. Quand on vit dans ces territoires, on comprend leur complexité. Ce que le bobo qui arrive dans les quartiers populaires ne saisit pas forcément.

    Christoph Guilluy (Le Figaro, 19 juillet 2013)

     

    *Christophe Guilluy est un géographe qui travaille à l’élaboration d’une nouvelle géographie sociale. Spécialiste des classes populaires, il a théorisé la coexistence des deux France : la France des métropoles et la France périphérique. Il est notamment l’auteur d’un ouvrage très remarqué : Fractures françaises.

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  • Que des ennemis à droite ?...

    Nous reproduisons ci-dessous une excellente mise au point de Xavier Eman, cueillie sur Zentropa et consacré à la "stratégie" d'union des droites...

     

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    Que des ennemis à droite !

    Enfant bâtard de l’actuelle mobilisation contre le « mariage pour tous »: le serpent de mer de « l’union des droites » est à nouveau sur beaucoup de lèvres et dans non moins d’esprits.

    Alors que le clivage gauche/droite semblait avoir définitivement démontré son inanité et que de véritables recompositions pouvaient être espérées autour des vraies césures fondamentales que sont libéralisme/socalisme et localisme/mondialisme, l’actualité à offert une occasion inespérée de ragaillardir la tartufferie éculée en une nouvelle crispation partisane autour de sujets sociétaux certes non négligeables mais qui ne doivent pas faire perdre de vue l’essentiel. Las! Les prurits droitards refleurissent comme boutons d’acné sur un visage d’adolescent. Chassez le naturel, il revient au galop. Au nom de la « stratégie » et de l’opportunité du moment, on glisse des montagnes du Chiapas aux arrières-boutiques de l’UMP… quelle dégringolade! C’est la grenouille qui croit qu’elle va manipuler le boeuf. Les sirènes des alliances locales, voir nationales, le fumet des postes et des prébendes, même bien modestes, font frétiller les sens et peuvent troubler les consciences…

    Une fois de plus la jeunesse patriote et rebelle semble sur le point de se faire berner, enfermer dans des calculs à courte vue et des tactiques qui ont pourtant déjà démontré maintes fois, notamment en Italie, qu’elles ne menaient qu’au fiasco, à la trahison et à l’infamie. Et ce piège nous y tomberons encore et encore tant que nous n’aurons pas compris, intégrés, admis, affirmés et réaffirmés que nous ne sommes pas de droite. Nous, jeunes et moins jeunes patriotes, identitaires, solidaristes, fascistes n’avons rien de plus ni de moins en commun avec la pseudo opposition de droite qu’avec la majorité de gauche. Hollande n’est pas notre président mais Sarkozy ne l’était pas non plus et Copé le serait encore moins, si tant est que cela soit possible. Nous ne devons et pouvons pas admettre des assimilations voire des coopérations avec les fossoyeurs de la nation, les domestiques des Etats-Unis et de la finance internationale, les fourriers de l’immigration et les chantres du libéralisme, c’est à dire de la mondialisation.

    Contrairement aux moutons et aux veaux, nous n’avons pas la mémoire courte! Le regroupement familial, l’IVG, l’imposition du Traité européen pourtant rejeté par référendum (déni de démocratie d’une autre ampleur que le mariage pour tous!), la réintégration de l’Otan, la guerre en Libye, le boom de la vidéosurveillance, la loi Hadopi, le travail du dimanche (Où était les sourcilleux catholiques d’aujourd’hui?), la suppression de la dite « double peine », la création de la Halde… tout cela, nous savons à qui nous le devons!

    De Christine Lagarde, glissant d’un ministère où elle rédigeait ses notes de service en anglais au fauteuil de présidente du FMI, à Claude Goasguen prolongeant son engagement à Occident au sein de l’association France-Israël en passant par Boutin la tartuffe et ses missions sarkozystes à 9000 euros par mois, Guéant et ses mallettes de pognon, Parisot et sa morgue, Peltier le minot serial-arriviste, tous ces sinistres pantins sont l’antithèse de ce que nous sommes, de ce en quoi nous croyons et de ce que nous espérons pour notre peuple et notre civilisation! Il faut le dire et le marteler: nous n’avons que des ennemis à droite!

    Xavier Eman (Zentropa, 15 mai 2013)

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  • Un grand film de droite ?...

    Dans le flot des films de divertissement qui se bousculent sur les écrans de cinéma, il est possible de dénicher ici ou là une pépite. Ainsi, dans cet article cueilli sur Causeur, Ludovic Maubreuil, dont on peut régulièrement lire les articles consacrés au cinéma dans la revue Eléments, nous explique pourquoi le film Jack, le chasseur de géant mérite d'être vu.

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    Jack, le chasseur de géant, un grand film de droite ?

    Si Jack, le chasseur de géants est de droite, ce n’est pour commencer pas celle que l’on peut qualifier de libérale-conservatrice et qui « ne se définit plus que comme force de conservation des avantages acquis par les classes dominantes »1. Sa transposition cinématographique est le héros impavide, peu porté sur la compassion qui vient toujours à bout de déclassés et dégénérés en tout genre, afin que ses contemporains puissent continuer à se la couler douce.
    Cette droite-là et ce type de héros-là se bornent à demeurer la force d’appoint des sociétés capitalistes, œuvrant pour que chacun continue d’y consommer en paix. Le film de Bryan Singer, malgré son titre, ne valide nullement ce schéma mais il ne fonctionne pas davantage comme ces films d’aventures qu’on pourrait considérer cette fois comme « de gauche », du moins la gauche dans sa version sociale-démocrate. La victoire y est obtenue par l’entremise d’antihéros instables, atteints de divers complexes, mais secondés brillamment par les fiers représentants de diverses minorités, dont la solidarité est idéalement agissante (sur ce point, le dernier exemple en date est certainement Battleship de Peter Berg).
    C’est une toute autre formule qui est ici à l’honneur, car c’est bien l’association de la fille du Roi, d’un chevalier et d’un pauvre paysan qui vient à bout de l’ennemi, triade qui illustre parfaitement ce qu’était la droite à son origine, et qu’elle a depuis si souvent renié, soit une opposition radicale à l’individualisme comme à l’utilitarisme des Lumières, réalisée, toujours selon les mots d’Alain de Benoist, par « l’union naturelle de l’aristocratie et du peuple contre leur ennemi commun : la bourgeoisie »2… C’est bien de cette droite-là, chevaleresque et désintéressée, ayant le sens de l’honneur et l’esprit du sacrifice, que Jack, le chasseur de géants, nous conte l’histoire !
    Désintéressée car lorsqu’il découvre ébloui les trésors des géants, Jack est bien davantage dans la contemplation de leur beauté que dans le désir de leur possession.
    Sens de l’honneur et esprit de sacrifice de même, car le chevalier Elmont, après avoir accompli sa mission consistant à retrouver la princesse capturée, tiendra au mépris de toute prudence, à rester seul dans le pays des géants, afin de venger l’honneur de son roi. Ce roi qui suscitera d’ailleurs un peu plus tard l’admiration de son armée, en combattant à ses côtés alors que tout semble perdu.
    Un roi ni grotesque ni sanguinaire, ni sénile ni indifférent, prêt à sacrifier sa fille pour sauver le royaume, mais prêt aussi à mourir pour défendre celui-ci, un roi à qui l’on reste fidèle sans hésitation, en bref un roi comme on n’en fait plus, tout particulièrement au cinéma où les tyrans succèdent aux monarques déchus…
    Ce qui cimente cette attitude héroïque, c’est à la fois le tribut payé à l’Histoire et un sens aigu de la hiérarchie. La droite a en effet souvent tendance à idéaliser le passé, à pleurer les mondes perdus, à célébrer le temps d’avant, à témoigner de ce que les traditions oubliées ont permis de fonder. C’est le sens du prologue sous la forme d’une légende racontée à la princesse et à Jack enfants, celle du roi Erik qui forgera leur caractère audacieux mais se révélera plus tard véridique, faisant même dire à un personnage cette phrase typiquement de droite : « à partir de maintenant, comprenez que ce que vous ont raconté vos pères était vrai ! ». Le film exalte de la même façon la relation maître-élève, laquelle préside à l’articulation de l’autorité et de la transmission, reconfigurée à tout instant selon les mérites de chacun.
    Ainsi le chevalier accepte-t-il, sans jalousie hors de propos, l’ascendant de Jack après que celui ait tué un géant, tandis que ce dernier reconnaît, sans honte inappropriée, l’expérience et la bravoure du chevalier quand il s’agit d’affronter les hommes.
    L’absence de ressentiment entre ces deux personnages est d’ailleurs tout à fait inhabituelle à une époque où l’équipée n’a plus grand sens, humiliations et compétitions formant, en bonne logique libérale, la base de la plupart des récits d’initiation. Une autre phrase vient alors illustrer que c’est bien par l’acceptation de l’ordre pyramidal entre les êtres qu’on accède à la liberté : « il y a quelqu’un derrière moi… » est ainsi employée au début du film par Jack lorsqu’il repousse avec difficulté des brigands importunant une femme (qui s’avère être la princesse) et que ceux-ci soudain s’agenouillent. Jack comprend qu’il est impossible qu’ils s’inclinent devant lui, en effet la garde est arrivée dans son dos. Plus tard, ce sera le chevalier Elmont qui voyant les géants, en plein cœur de la bataille, mettre un genou à terre, se fera la même remarque ; derrière lui une force plus grande encore sera apparue.
    Avec son respect scrupuleux de la hiérarchie et son admiration pour le panache des formes passées, la droite a fort logiquement la passion des signes distinctifs et des attributs glorieux (le chevalier remet à Jack une plaque en argent signifiant qu’il fait partie des leurs), professant un fétichisme certain pour l’objet en tant que relique ou talisman : c’est tout le sens de cette couronne qui a le pouvoir de faire plier les géants. Ils ne peuvent en effet renier ce symbole qui oblige, ce signe qui fait sens, sans se renier eux-mêmes. Nous ne sommes pas là devant le mirage qui berne la raison, comme dans Oz où le héros met en déroute ses ennemis par une entourloupe (celle d’une projection monumentale de son visage sur un écran de fumée), mais bien face à la puissance irrationnelle, et donc rituelle, d’un objet sacré.
    Mais alors, si l’on suit le raisonnement jusqu’au bout, les géants seraient-ils donc des bourgeois ? Ils le sont en effet et cela est clairement démontré par les trésors qu’ils entassent, sans autre but que leur accumulation, sans savoir jouir d’eux autrement que par leur quantité, laissant en particulier muette la harpe d’or ! Le bourgeois qui thésaurise, comme le disait Emmanuel Mounier, est bien « cet homme qui ne se meut que parmi des choses, et des choses utilisables, destituées de leur mystère »3.
    Contre leur conception du monde, le film de Bryan Singer identifie clairement ses valeurs. Il dénonce ceux qui n’agissent qu’en fonction de leur seul intérêt, comme le conseiller Roderick qui, coiffé de la couronne magique, utilise le pouvoir des géants à son unique profit. Et il glorifie ceux qui vouent leur existence à ce qui la dépasse, tel Jack se servant au contraire de la couronne pour chasser les géants, lesquels menacent à ses yeux l’essentiel : l’harmonie du royaume qui l’a vu naître. C’est surtout en cela finalement que Jack, le chasseur de géants est un grand film de droite.

    Ludovic Maubreuil (Causeur, 20 avril 2013)


    Notes :

    1. Alain de Benoist, Mémoire vive, Editions de Fallois, 2012.
    2. Entretien in Eléments n°118, 2005
    3. Écrits sur le personnalisme (1949), Editions du seuil, 2000
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  • Une manif ? Non Sire, une révolution !...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Christophe Boutin, cueilli sur Causeur et consacré au succès de « La manif pour tous ».

    Professeur de droit constitutionnel, Christophe Boutin est notamment l'auteur d'un essai intitulé Politique et tradition (Kimé, 1992), consacré au penseur italien Julius Evola.

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    Une manif ? Non Sire, une révolution !

    Devant le succès de la « manif pour tous », certains évoquent une « droitisation » de la société, à l’opposé du mouvement sinistrogyre évoqué par les analystes de science politique. Rappelons que cette tendance désigne la dérive de la gauche vers la droite d’hommes, de thématiques ou de partis. Parce que de nouveaux mouvements plus radicaux naissent continuellement à gauche, ils repousseraient vers la droite les anciens qui semblent en comparaison de plus en plus modérés. De la même manière, des thématiques nées à gauche seraient ensuite chassées à droite par l’apparition de celles qui prônent une rupture plus violente. Quant aux hommes politiques, ils suivraient partis et idéologies dans cette évolution.
    Pourtant, l’analyse de l’évolution actuelle met en doute cette évolution pour en suggérer une plus forte encore.
    Il ne s’agit pas, d’abord, d’une évolution d’un personnel politique chassé de la droite vers la gauche : on attend toujours les ralliements au PS d’anciens membres de l’UMP.
    Aucun parti n’a été poussé sur sa gauche par l’émergence d’une nouvelle force à droite ou à l’extrême droite. Pour prendre cet exemple évident, l’UMP a simplement dû partager une partie de sa base électorale avec le Front National. Pour cela, il a d’abord tenté la tactique du « front républicain », avant de choisir une stratégie plus efficace « ligne Buisson ». Contrairement à ce qui peut être écrit ici ou là, cette dernière ne conduit pas à adopter un discours d’extrême droite, mais à retrouver les thématiques classiques de la droite, abandonnées sous Chirac.
    Il n’y a pas non plus de radicalisation de l’extrême droite, pas d’apparition de discours prônant une « seconde révolution », et l’on peut même se demander si une partie du succès du FN « mariniste » n’est pas dû à une certaine « gauchisation » sur des thématiques de société.
    Au lieu de dénoncer la « lepénisation des esprits », quand certaines thématiques, touchant au fait national ou à l’identité sont – parfois – réintégrées au corpus de la droite « républicaine », la gauche devrait voir plus loin, car les patriotes dépassent très largement la légion des électeurs du FN et de l’UMP. Quant à l’antiparlementarisme, dans lequel on dénonce la résurgence des ligues de l’entre-deux guerres, il est aussi bien porté par Marine Le Pen que par Jean-Luc Mélenchon. D’où viendrait alors cette communauté de pensée ?
    Nous pourrions voir la fin d’une vieille division héritée de la Révolution française. Si, aujourd’hui, le médecin de Versailles et le paysan du Larzac, l’ouvrier du Nord et le notaire marseillais, se retrouvent d’accord sur le terrain des bases nécessaires à notre société, c’est peut-être qu’une approche commune les rassemblait. Certes, on parlait plus de « nation » à droite et de « peuple » à gauche, et l’on s’appelait « compagnon » à droite et « camarade » à gauche. Pour autant, à droite comme à gauche, nul ne remettait en cause socle minimum des valeurs fondamentales structurant la société. Il y avait la même recherche d’appartenance à des groupes sociaux cohérents et structurants, la famille avant tout, le groupe élargi ensuite, qui peut être territorial avec la commune, professionnel avec l’usine, national même, mais qui dans tous les cas perdurait de manière quasi-identique depuis des siècles. Sur le plan de la famille par exemple, à part quelques hippies à gauche et quelques libertins à droite, personne ne remettait en cause sa nécessité ou sa structure classique, on oserait dire patriarcale, reposant sur un couple hétérosexuel.
    Or ces structurants identitaires, touchant à l’essence même de notre société, sont actuellement perçus par nombre de Français comme menacés à brève échéance de disparition. Et on assiste actuellement au sursaut d’un même peuple, de droite ou de gauche, qui prend conscience qu’il peut disparaître demain.
    Bien sûr, la France qui défile actuellement à Paris, semble être plus « traditionnelle » qu’autre chose, tout juste sortie de la messe de onze heures. Mais contrairement aux ouvriers, petits employés et paysans, cette France a encore les moyens de se déplacer ; elle a l’accès aux médias alternatifs qui lui permettent de se fédérer ; elle ne regarde souvent plus la télévision ; enfin elle n’a pas subi deux siècles de matraquage idéologique destiné à la dresser contre une autre partie de la population. La France qui ne défile pas la rejoint dans les sondages en dénonçant elle aussi une certaine classe politique, accusée d’avoir trahie une identité bien plus profonde que l’appartenance à la classe sociale.
    Dans les temps de crise que nous vivons, des temps où c’est la survie même du groupe d’appartenance qui est en jeu, l’homme hiérarchise ses priorités de manière différente. Aussi, peut-être y a-t-il dans le mouvement actuel quelque chose de novateur…et de révolutionnaire. À droite comme à gauche, certains prennent conscience que, derrière les mots utilisés pour dresser deux Frances l’une contre l’autre, il y avait des vécus familiaux semblables, des réalités culturelles identiques, des souvenirs partagés, une histoire commune, bref cette base que Renan considérait comme absolument indispensable à la définition d’un vouloir-vivre ensemble. Malgré une pression, s’ils ne savent pas encore bien ce qu’ils veulent, tous ces Français si divers semblent avoir par contre une idée claire de ce qu’ils ne veulent pas.
    Ce que nous avons sous les yeux n’est pas un glissement idéologique mais l’ultime surgissement, à gauche comme à droite, d’un continent englouti.

    Christophe Boutin (Causeur, 26 avril 2013)

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  • Dix thèses sur la fin probable de la droite et de la gauche

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Michel Geoffroy, cueilli sur le site de la fondation Polémia et consacré à la fin du système politique droite/gauche et à la naissance d'une nouvelle alternative.

     

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    Dix thèses sur la fin probable de la droite et de la gauche

    1/ Les catégories politiques de droite et gauche découlent de l’apparition de la modernité occidentale.
    La dynamique de la modernité a reposé sur trois leviers majeurs :

    - la foi en la science, qui suppose que des lois objectives – que l’on peut découvrir – régissent le monde, et non la volonté aléatoire d’une divinité ou le seul poids des traditions ;


    - l’affirmation de droits qui appartiendraient naturellement et donc également à tous les hommes, indépendamment de tout ordre politique et social ;


    - la croyance qu’en libérant le commerce de toute contrainte on atteindra l’abondance et la paix pour tous.


    Le progrès se définit comme la mise en œuvre coordonnée de ces trois leviers, d’où la notion de mouvement. La gauche se situait du côté du parti du mouvement, c’est-à-dire du changement de la société, face à la droite qui voulait conserver l’état et les traditions existants.

    Cette modernité remonte au XVIIe siècle en Europe et à la crise intellectuelle qui a suivi la Renaissance et les Guerres de religion. Auparavant tout le monde était « droit », en effet, et par conséquent restait fidèle aux principes d’organisation traditionnelle de la société. Les gens « gauches » allaient, eux, en prison ou sur le bûcher puisqu’ils apparaissaient comme des hérétiques, des criminels ou des asociaux.

    2/ Au début du XXIe siècle la dynamique de la modernité touche à sa fin avec l’achèvement de la déconstruction de l’ordre ancien.
    Aujourd’hui triomphent en Occident l’esprit des Lumières, celui du néo-capitalisme et l’implosion individualiste des sociétés.

    En termes politiques cela signifie que la gauche a gagné en imposant ses idées, qui forment la base du politiquement correct aujourd’hui et en transformant – c’est-à-dire en renversant – la société conformément à ses dogmes.

    Au XIXe siècle la gauche s’est scindée en deux composantes : une composante hostile aux dérives du capitalisme naissant et qui a pris la forme du socialisme ; et une composante qui entendait prolonger jusqu’à son terme la logique du capitalisme au nom du progrès. Cette dernière tendance l’a emporté au XXe siècle.

    Comme l’avait bien vu Marx, en effet, le capitalisme a été et reste encore de nos jours, sous sa version néolibérale*, le principal agent destructeur des sociétés. Car, comme la révolution, le capitalisme est une violence faite à la société.

    En prenant la défense du capitalisme face au communisme, ou du libéralisme face au socialisme, la droite a donc achevé de se perdre.

    3/ Avec l’achèvement de la modernité, l’opposition de la droite et de la gauche a perdu sa raison d’être essentielle.
    Il n’y a plus d’enjeu depuis la mort de l’ancienne société.

    La droite n’a donc plus rien à défendre et la gauche, parvenue au pouvoir, n’a plus rien à conquérir.

    Droite et gauche tendent donc à devenir mimétiques car elles n’ont plus de raison de s’opposer : elles adhèrent donc à la même doctrine (post-démocratique, atlantiste, néolibérale, cosmopolite) et conduisent peu ou prou la même politique, au sein d’un système fermé sur lui-même : celui de la modernité post-démocratique.

    4/ Il n’y a donc plus d’alternative politique réelle entre la droite et la gauche aujourd’hui.
    Comme le démontre la situation politique française depuis 1986, il n’y a plus aujourd’hui d’alternative politique réelle entre la droite et la gauche. L’alternance entre la droite et la gauche repose aujourd’hui sur une tromperie électorale permanente car elle ne débouche sur rien d’essentiel. Car le seul « changement » consiste à aller plus ou moins vite dans une même direction.

    Ni la droite ni la gauche n’appliquent leurs programmes électoraux, sauf sur des questions de détail. A chaque fois les discours de « rupture » de droite ou de gauche font long feu : du fait du « virage de la rigueur » pour la gauche, de la peur du politiquement correct pour la droite.

    Malgré ses promesses électorales, la droite n’a jamais d’ailleurs remis en cause les réformes « sociétales » instaurées par la gauche, qui de ce fait deviennent vraiment « irréversibles ».

    5/ La droite et la gauche n’existent plus aujourd’hui que grâce à la perfusion médiatique, qui a pour fonction de faire croire à l’électorat que le spectacle de leur affrontement représente encore un enjeu politique réel.
    Le système que la droite et la gauche ont contribué à créer est de nature post-démocratique : il ne débouche pas sur la souveraineté politique mais sur sa déconstruction.

    Le spectacle de l’affrontement gauche/droite a pour fonction de cacher que la souveraineté a quitté l’orbite du politique.

    Les gouvernements de droite comme de gauche ne font plus que de la communication et les parlements se bornent à transposer les directives de Bruxelles, mais ils ne décident plus. Ils ne décident plus parce qu’ils ont laissé le gouvernement des choses – c’est-à-dire l’économie et le droit procédural – prendre le pas sur le gouvernement des hommes : la politique.

    Les vrais souverains se situent donc désormais du côté des marchés, des médias, du patronat, des juges, des autorités morales et des lobbies. Mais on s’efforce, de moins en moins bien à vrai dire, de cacher aux électeurs que « le roi est nu ».

    6/ La persistance d’une opposition factice entre la droite et la gauche a contribué à l’appauvrissement de la pensée politique en France.
    Car droite et gauche continuent de ressasser des querelles qui ne correspondent plus à l’état réel du monde ni à la situation présente des Européens. Ainsi, par exemple, il n’importe plus de se prononcer pour ou contre le « progrès », mais de savoir comment préserver notre identité dans un monde ouvert, où les civilisations sont en concurrence vitale et où les Européens ont perdu le monopole de la science et de la technique.

    La question n’est plus de savoir s’il faut ou non « privatiser », mais comment constituer un véritable espace économique européen protecteur et comment recréer une société aujourd’hui éclatée ; comment remettre aussi l’économie au service de la société. Elle n’est pas de « redistribuer » alors que nous sommes dans une économie ouverte en phase de désindustrialisation, de vieillissement de la population et qui produit de moins en moins.

    Mais sur toutes ces questions, la droite et la gauche restent sans voix.

    7/ Issues d’un stade aujourd’hui dépassé de l’histoire européenne, la droite et la gauche mobilisent par conséquent une part déclinante de l’électorat.
    C’est ce qui démontre que l’opposition convenue entre ces deux familles politiques ne répond plus à l’attente des citoyens et que chacun s’en rend de plus en plus compte.Les études d’opinion concordent à mettre en lumière une coupure croissante entre l’opinion majoritaire autochtone et la classe politique, sur presque tous les sujets et dans toutes les couches de la population. Au plan électoral cela se traduit dans la progression de l’abstention et la baisse continue du nombre de suffrages exprimés obtenus par les partis de droite et de gauche.

    Il n’y a plus de « majorités » politiques, mais, en réalité, un jeu de pouvoir à somme nulle entre des groupes minoritaires au sein d’un système fermé.

    8/ Les élites de droite comme de gauche représentent des oligarchies corrompues qui commencent à sortir de l’histoire.
    La corruption de ces élites tient au fait qu’elles ont trahi leurs idéaux à la fin du XXe siècle :

    - la gauche a abandonné le peuple (le prolétariat) et la rupture avec le capitalisme, en reniant l’héritage du socialisme (notamment en France) ;


    - la droite s’est ralliée à l’idéologie libertaire, à l’égalitarisme et à la révolution néolibérale, en rompant avec toutes les traditions nationales.


    Ces élites sortent de l’histoire car elles ne peuvent relever les défis majeurs auxquels nous sommes confrontés : chômage, pauvreté, insécurité, effondrement de l’enseignement et de la culture, immigration, endettement massif notamment. Dans aucun de ces domaines la droite n’a fait mieux que la gauche et réciproquement puisque précisément ces fléaux résultent du système qu’elles ont mis en place. En outre, ces phénomènes ne sont des fléaux que pour le peuple et au contraire des opportunités pour l’oligarchie

    9/ Il ne peut plus y avoir de politique, c’est-à-dire d’affrontement et d’alternative réels, au sein du système post-démocratique contemporain qui résulte de l’achèvement de la modernité occidentale.
    C’est pourquoi la concurrence verbale entre la droite et la gauche ne correspond plus à rien de nos jours car elle n’existe qu’à l’intérieur d’un système fini.

    Une politique ne peut réapparaître que sur le fondement d’une opposition au système lui-même.

    Faire de la politique revient donc aujourd’hui à s’opposer au désordre contemporain, fruit de la modernité finissante : une tâche au-dessus des forces des politiciens de droite comme de gauche.

    10/ Une force qui offrira à nouveau une alternative politique supplantera fatalement la droite et la gauche telles que nous les avons connues depuis 1945
    Les élites de droite et de gauche ne subsistent qu’en raison de leur complicité pour se partager les dépouilles du pouvoir et du verrouillage médiatique et institutionnel qu’elles ont imposé pour cela.

    Comme toutes les élites qui ont perdu leur vocation pour se transformer en oligarchies, elles disparaîtront car elles s’illusionnent sur leur capacité à arrêter la marche du monde à leur profit. La « fin de l’histoire » est une vieille utopie destinée à rassurer les futurs perdants. Et, comme dans toutes les périodes de déclin, la chute de ces élites va s’accélérant, comme l’illustre la trajectoire de François Hollande, par exemple.

    Une nouvelle dynamique politique, donc une nouvelle « grande querelle », commence à émerger en Europe avec ce que l’on nomme le populisme, les courants identitaires ou eurasistes, voire écologiques, et les nouveaux clivages qui les accompagnent. L’islamisme contribue aussi, malgré lui, à sa maturation, dans la mesure où il se présente comme une alternative à la modernité occidentale et un défi aux Européens.

    Sur les ruines de la modernité décadente, une nouvelle alternative politique prend actuellement racine partout en Europe. Quand l’occasion se présentera, elle emportera tout.

    Michel Geoffroy (Polémia, 20 avril 2013)

    (*) Le nom donné au phénomène importe peu en vérité : libre commerce, libre échange, capitalisme, libéralisme, néo-capitalisme, néo-libéralisme tous ces termes désignent une même réalité : la libération des forces économiques de toute retenue, de toute contrainte. C’est d’ailleurs pourquoi dans la tradition européenne on a souvent pris l’image de la « démonie de l’économie » pour désigner la victoire de la fonction marchande et des forces telluriques –infernales– qu’elle incarne

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  • Un bilan de l'année 2012...

    Nous reproduisons ci-dessous le bilan de l'année 2012 dressé par Michel Geoffroy pour Polémia. A méditer avant de franchir le seuil de la nouvelle année...

     

    Hollande drapeaux étrangers.png


    Bilan 2012 : ethnicisation des clivages politiques et post-démocratie

    1/ L’ethnicisation des clivages politiques : l’immigration, boulet politique

    2012 a vu la réélection de B. Obama qui n’a recueilli aux Etats-Unis que 39% du vote des électeurs blancs ; par contre, il a mobilisé le vote des Afro-Américains et des Hispaniques. En France, F. Hollande a été élu alors qu’il ne rassemblait ni la majorité des inscrits ni celle des votants ; par contre, il a bénéficié à 86% du vote des électeurs musulmans et, à une majorité écrasante, des voix des électeurs outre-mer.

    La similitude des deux processus signifie que la grande substitution de population européenne initiée par l’oligarchie avec l’immigration de peuplement a commencé en 2012 à exercer des effets politiques nationaux d’envergure et manifestement durables.

    Aux Etats-Unis comme en France, l’élément fondateur de l’identité nationale –que ce soient les descendants des colons « wasp » ou les Français de souche – est en décroissance numérique, à la différence des « minorités » ethniques : cela commence à se traduire politiquement.

    En France, la gauche a misé sur l’immigration pour asseoir son assise électorale et elle entend exploiter au maximum ce filon ; d’où sa volonté de faire aboutir son projet d’ouverture des élections locales aux étrangers et, bien sûr, son attitude systématiquement laxiste sur la question des migrations.

    Les élus locaux « républicains » avaient déjà compris la nécessité de courtiser le vote musulman, ce qui s’est traduit notamment par leur attitude bienveillante vis-à-vis de la construction de mosquées. En retour, la France immigrée vote pour la gauche, c’est-à-dire pour plus d’immigrés.

    L’immigration n’est donc plus seulement un boulet économique et social. 2012 démontre qu’elle devient aussi un boulet politique dont le poids électoral ne se limite plus au niveau local mais pèse désormais sur les scrutins nationaux. Masse de manœuvre économique du patronat, l’immigration devient aussi la masse de manœuvre électorale de l’oligarchie pour contrer la révolte européenne qui vient.

    Bonne année 2012 aux Français de souche !

    2/ La progression de la menace islamiste

    Les assassinats commis en mars 2012 par Mohamed Merah à Toulouse ont porté sur la place publique une autre réalité que l’oligarchie s’efforçait de cacher : celle de la gravité de la menace islamiste en Europe.

    Dans le cas Merah, en effet, tout a été fait par le système médiatique pour brouiller la perception des choses.

    On a d’abord tenté d’orienter les esprits vers la piste de l’attentat raciste commis, bien sûr, par la terrible « extrême droite », jusqu’à ce qu’il ne soit plus possible de cacher le nom de l’assassin. Pas de chance ! Les médias nous ont alors dit, comme à l’habitude en pareil cas, qu’il ne fallait pas faire d’amalgame car il s’agissait du geste « incompréhensible » d’un isolé. Puis on nous a dit que Merah avait subi la mauvaise influence de son milieu familial. Puis on a découvert qu’il avait des contacts réguliers avec la mouvance islamique. On sait aujourd’hui que la sûreté française le surveillait, manifestement pas assez, pour cette raison. Bref, que le gentil garçon amateur de voitures rapides, était un terroriste potentiel qui est passé à l’acte.

    Le gouvernement Aznar avait lui aussi essayé de cacher l’identité des auteurs de l’attentat islamiste de Madrid de 2004 et il a perdu sa majorité pour cela. En France comme en Espagne, l’oligarchie qui ne cesse de prétendre que l’immigration est une chance et que la suppression des frontières est un progrès des droits de l’homme, s’efforce en contrepartie de dissimuler la réalité de l’islamisme qui en découle, comme la nuée porte l’orage. Mais les faits, comme Merah, sont têtus.

    Tout comme le sont les Printemps arabes, également salués par l’oligarchie qui y voyait le triomphe de ses « valeurs » et de la démocratie ; mais la fin des méchants « dictateurs », comme en Iran, signifie l’arrivée au pouvoir des islamistes, cette fois plus près de chez nous.

    Bonne année 2012 aux habitants de Toulouse et à tous les riverains de la Méditerranée !

    3/ La post-démocratie en marche

    2012 marque aussi une nouvelle progression vers l’instauration de la post-démocratie en France.

    Ce régime repose sur un credo simpliste et destructeur :

    • -les droits de l’homme comme le point de vue des minorités l’emportent en toute chose sur ceux des citoyens car il ne faut pas que la majorité les « discrimine » ;
    • -l’économie, c’est-à-dire le gouvernement des choses, doit succéder à la politique, c'est-à-dire au gouvernement des hommes ;
    • -le juge doit l’emporter sur le législateur.

    Ce qui signifie qu’en post-démocratie le verdict des banques, des médias et des juges importe plus que les préférences majoritaires des électeurs, a fortiori des électeurs autochtones.

    Cela induit un divorce de plus en plus profond entre le pays réel et le pays légal.

    C’est pourquoi les initiatives de la nouvelle « majorité » socialiste heurtent de front l’opinion majoritaire des autochtones : fiscalisme, écologisme, mariage et adoption homosexuels, droit de vote des étrangers aux élections locales, laxisme pénal, mesures en faveur des Roms et des immigrants, etc. Car ces initiatives, qui s’analysent comme une violence faite au corps social, répondent aux souhaits des minorités actives et de l’oligarchie financière, mais pas de la majorité du peuple français. Car en post-démocratie les minorités font la loi.

    Pendant longtemps les Français sont restés passifs face à l’avènement de la post-démocratie, parce que la société de consommation rendait celle-ci aimable. Mais aujourd’hui que la pénurie et la précarité s’installent avec la non-croissance et le chômage structurel, il en va autrement. On ne rit plus et la révolte, lentement, se propage dans le corps social.

    Pas étonnant que l’image de l’exécutif se dégrade encore plus rapidement que sous la présidence Sarkozy !

    Un nombre croissant d’intellectuels qui n’hésitent pas à courir le risque de la diabolisation marquent aussi leurs distances vis-à-vis d’un tel système. Cela veut dire que la glaciation idéologique qui accompagnait la mise en place du système oligarchique a cessé. Comme en URSS autrefois, le système ne fait plus rêver : il ne repose plus que sur la contrainte pour le plus grand nombre et sur l’intérêt pour une petite minorité qui est aux commandes de l’appareil.

    On sait qu’une telle combinaison dure rarement.

    Bonne année 2012 à tous les démocrates !

    4/ L’incroyable nullité de la droite française

    La gauche française doit sa victoire cataclysmique de 2012 au rejet de la personne de N. Sarkozy et au fait que la droite se trouve coupée artificiellement en deux : entre une droite qui se prétend « républicaine » et une droite populiste et diabolisée par le système. Alors que la gauche s’unit toujours le temps des élections.

    Comme l’a bien montré le débat sur la reconnaissance du vote blanc, la « majorité » gouvernementale socialiste est en réalité minoritaire en voix dans le pays. Alors que l’opinion des Français autochtones évolue de plus en plus à droite, ce qu’illustre d’ailleurs le succès de la motion de la Droite forte à l’UMP (28% des suffrages), la gauche cumule finalement tous les pouvoirs politiques en France aujourd’hui. Et F. Hollande, personnalité peu charismatique, qui se targuait d’ailleurs significativement lors de la campagne de 2012 de sa « normalité », se trouve donc élu président de la République.

    On aurait pu penser que l’échec de 2012 aurait donné à réfléchir au sein des appareils de la droite « républicaine ». Hélas, non contente de s’en tenir à une tactique digne du sapeur Camember – qui se jetait à l’eau pour éviter la pluie – consistant à diaboliser le Front national tout en prétendant séduire ses électeurs par des promesses verbales, l’UMP vient au surplus de se diviser elle-même. Car à droite la division est une seconde nature.

    L’année 2012 restera marquée par une incroyable guerre des chefs à l’UMP. En quelques jours et en direct, tout un personnel politique qui tenait le haut des médias a laissé apparaître son triste visage : des politiciens attachés à leurs places, incapables de faire passer l’intérêt général avant leurs ambitions, incapables de s’entendre sur une stratégie.

    Mais, au-delà du spectaculaire, cette implosion exprime la volonté obtuse des états-majors de la droite de tout faire pour empêcher la constitution d’une large union incluant la droite populiste, qui serait seule capable de battre la gauche.

    La crise de l’UMP illustre enfin le divorce croissant entre les états-majors des partis du système, les militants et les électeurs de droite. Le divorce tient au fait que les états-majors refusent ce que la base réclame de plus en plus ouvertement. Il provient aussi du fait que les électeurs de droite en ont assez de voter pour des hommes qui se prétendent de droite et qui en réalité pratiquent une politique de gauche.

    Bonne année 2012 aux gentils électeurs de droite qui votent pour ces gens-là !

    5/  Pendant le spectacle, la zone euro s’enfonce dans la crise

    Les psychodrames politico-médiatiques, ou l’agitation autour des réformes « sociétales » du gouvernement Ayrault, peinent de plus en plus à occulter que la crise économique et financière continue de plus belle. A la différence des années Sarkozy, on continue de couler, mais cette fois dans un épais silence « normal ».

    On a une fois de plus consenti de gros efforts pour sauver la zone euro, c’est-à-dire la zone mark, comme si la monnaie unique constituait une fin en soi. Pour l’oligarchie sans doute, mais pas pour les peuples européens !

    Car la zone euro reste un espace économique hétérogène, donc fragile, caractérisé par une faible croissance et un fort taux de chômage en tout cas dans sa partie sud, car tout a été sacrifié à la stabilité des prix et à l’ouverture des frontières économiques. Parce que le système économique occidental s’organise désormais au bénéfice des prêteurs, donc des banques, alors qu’auparavant il bénéficiait aux emprunteurs, ce qui a favorisé la croissance dans la seconde moitié du XXe siècle.

    Or les prêteurs tiennent à ce que les Etats remboursent leurs prêts : voilà ce que recouvre en réalité la question des « dettes souveraines »: les banques veulent faire rendre gorge aux Etats à qui on a interdit, par dogmatisme, de monétiser leur dette, c'est-à-dire de faire évoluer son prix. Ce système fait désormais mentir le vieil adage européen « Qui paye ses dettes s’enrichit ». Nos ancêtres tenaient les prêteurs en suspicion et ils avaient bien raison !

    Le sort tragique de la Grèce ne doit pas faire oublier que le taux de chômage atteint 25% au 3e trimestre en Espagne, que celui de la France ne diminue pas ou qu’un changement de premier ministre en Italie fait trembler les marchés, c'est-à-dire l’euro, et que cela fait maintenant cinq ans que les responsables politiques déclarent « sauver » l’euro tous les trois mois : c’est fou comme cette monnaie nous rend plus forts !

    Les dettes publiques proviennent aussi du fait que les finances des Etats explosent sous le poids des dépenses sociales, lesquelles ont deux sources principales : le chômage et l’immigration de peuplement. Or sur ces deux causes les gouvernements ne peuvent agir, par dogmatisme néo-libéral et à cause du politiquement correct.

    La zone euro se trouve donc contrainte de mener une politique déflationniste qui ne dit pas son nom : diminuer les dépenses publiques, limiter les salaires et les pensions, augmenter les impôts sur les ménages pour « redresser les comptes publics » mais les diminuer sur les entreprises pour assurer leur « compétitivité » dans une économie sans frontières.

    On sait qu’une telle politique, au demeurant contradictoire et qui ne s’attaque pas aux causes mais seulement aux effets, produit rarement de bons résultats. Ce fut justement la politique conduite par les démocraties dans les années 1930 en Europe.

    Bonne année 2012 à tous les banquiers et à leurs employés : politiciens, publicitaires, journalistes !

    Michel Geoffroy (Polémia, 29 décembre 2012)

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