Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Points de vue - Page 352

  • La campagne de Russie (partie 2)...

    Pierre Le Vigan nous donne ici la deuxième partie de sa chronique consacrée à la campagne de Russie à l'occasion de la sortie du livre de Curtis Cate, La campagne de Russie, en format poche dans la collection Texto, et, surtout, à l'occasion du deux centième anniversaire de cet événement...

    Première partie


    Lien permanent Catégories : Livres, Multimédia, Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • L'infamie queer dénoncée par une femme ...

    Le livre de Nancy Houston, Reflets dans l'oeil d'un homme (Acte Sud, 2012), a suscité un commentaire enthousiaste de Pierre Cormary sur Causeur, que nous reproduisons ci-dessous. A lire...

     

    Symbole hermaphrodisme.gif

    L'infamie queer dénoncée par une femme

    Personne ne dit encore, quand un enfant vient de naître : « c’est un enfant ! ». Non, grâce à Dieu, tout le monde, même dans la famille de Judith Butler, dit : « c’est un garçon » ou : « c’est une fille ». Tout le monde, même l’oncle transsexuel ou la belle-sœur féministe, commence par désigner le sexe, c’est-à-dire ce qui va constituer le destin de l’individu. C’est que la distinction sexuelle est le trait fondamental, pour ne pas dire fondateur, de l’humanité. On peut avoir la manie trop humaine de l’interprétation et croire que tout est social, il n’empêche que devant la vie, la mort et la sexualité (on pourrait rajouter l’art), nous réagissons d’abord comme des êtres vivants – c’est-à-dire comme des créatures de Dieu (que nous y croyons ou pas) qui constatent qu’entre un pénis et un utérus la différence est physique, donc métaphysique. Un peu comme le végétarisme et autres aberrations socioculturelles, les conneries queer arriveront bien après.

    Et ce sont celles-ci que Nancy Huston, dans Reflets dans un œil d’homme(qui aurait tout aussi bien pu s’appeler « Traité élémentaire d’humanité »), un livre qui n’a pas encore été dénoncé par la Halde ou Act Up, a décidé de fouetter. A l’heure où l’enseignement du négationnisme des sexes qu’on appelle la « théorie du genre » fait son apparition en classe de 1ère, il n’est pas inutile de rappeler que la vie est hétérosexuelle par nature, que le social est toujours une émanation du naturel et que la séduction a toujours été et sera toujours une question de reproduction – et cela, quel que soit l’anathème que suscite ce constat chez les Occidentaux depuis un demi-siècle. Oui, même quand on a le goût de la partouze ou de la sodomie, ou qu’on se rend à une soirée des préservatifs plein les poches, on pense encore à engendrer. « Les hommes qui fréquentent des boîtes de nuit avec lap dancers, ces jeunes danseuses quasi nues qui viennent se trémousser sur leurs genoux, seraient étonnés d’apprendre qu’ils donnent dix fois plus de pourboire aux filles en période ovulatoire. » La fécondité, élément essentiel du sex-appeal. Même s’ils ne veulent pas d’enfants, hommes et femmes sont naturellement plus attirés par ceux et celles qui peuvent en avoir que par ceux et celles qui ne le peuvent pas – et c’est pourquoi la vasectomie, cette opération pourtant si efficace et si égalitaire qui permet aux hommes de faire l’amour sans risque d’enfanter, est fort peu prisée par les un(e)s et les autres. L’infertilité casse le fantasme. Même Don Juan a besoin de savoir que son sperme est porteur de vie. Mince, alors !

    Et si les hommes s’habillent sobrement, ce n’est pas parce qu’ils ne sont pas en compétition sur le plan vestimentaire comme les femmes le sont entre elles, mais parce que… les femmes valorisent cette sobriété ! Le costard cravate, ça fait sérieux, protecteur, paternel. Ca fait époux (ou gendre) idéal. Au contraire, un homme qui s’habille de manière trop voyante fera volage ou tapette et de fait sera beaucoup moins excitant pour le vouloir vivre féminin. En vérité, le veston bleu terne a sur ces dames un effet aphrodisiaque.

    Ce qu’ont oublié les individus est que l’espèce est la première pulsion de l’individu. S’il y a identité des sexes ce n’est pas, comme le pensent les égalitaristes sociopathes, dans le droit, pour chaque sexe, de se définir ou de se nier comme il l’entend, mais bien dans le désir de se reproduire à tout prix – que celui-ci prenne le mode masculin de « la baise » ou féminin de « l’amour ». Nul n’échappe au vouloir-vivre même s’il fait le choix de s’opposer à ce dernier parce qu’il a mal vécu, à cause d’une mère abusive ou d’un père absent (ou le contraire, ou les deux), ses premiers pas dans la vie. « Au sortir d’une enfance vécue sous l’autorité d’une femme, l’homme regarde le corps féminin avec ambivalence, en le désirant et en le redoutant, en le jalousant et en le détestant ». De toute façon, « l’ambivalence fait l’humanité, fait l’art ». L’ambivalence, c’est-à-dire la blessure, la coupure ontologique, le fait que ce cela soit la femme qui donne la vie et a par conséquent le souci du dedans – et non pas l’homme qui se contente de décharger et a plutôt le besoin du dehors. Dès lors, certains auront le désir d’exprimer cette blessure (art), de la reconnaître comme première réalité ontologique (religion), ou de la corriger (droit), sinon de la supprimer (théorie du genre).

    Tout commence avec les Stoïciens et les Chrétiens qui inventent chacun à leur manière la notion de « l’individu », ce que Nancy Huston appelle plaisamment « le malin ». Le malin individu qui s’arrache à la nature et affirme sa souveraineté. Mais qui dit « individu » dit « égalité », qui dit « souveraineté » dit « ipséité ». D’abord réservée à une élite, l’individualité devient au fil des siècles l’affaire de tous puis de… toutes. « C’est parce que les humains sont devenus affamés d’égalité qu’éclatent, à l’âge moderne, de graves conflits entre les sexes. » De plus, il ne s’agit plus de se définir par et dans l’altérité comme dans la pensée classique mais bien par et dans l’ipséité : Dieu est mort depuis longtemps et les données biologiques ne sont plus. C’est moi et seulement moi qui choisis à tout moment ce que je suis quels que soient mon sexe, mon âge et mon poids. Je peux être une jolie fille de 25 ans même si je suis biologiquement un gros lard de 52 – et ne me dites pas que c’est un fantasme sinon je vous fais un procès ! Mon désir, c’est mon réel.

    Le queer ou la gauche sexuelle contre le réel. En fait, des libertins libertaires qui se révèlent bien pires que les moines et les bonnes sœurs d’antan dans leur révisionnisme génétique, leur négation du substrat biologique, leur refus mortifère de l’engendrement. Tant pis pour eux. Comme le dit Huston, « ils peuvent s’amuser comme ils veulent, que ce soit par l’abstinence ou le fist-fucking ; l’espèce s’en moque car ceux qui la narguent disparaissent sans laisser de trace. » Alors que les hommes et les femmes qui savent que les hommes et les femmes ne sont ni identiques ni symétriques restent et transmettent.

    Evidemment, pas question pour celle qui disait un jour qu’elle regrettait moins son féminisme que son gauchisme, de nier la condition toujours problématique des femmes. Que ces dernières soient aliénées aux talibans ou à « la burqa de chair » et au « harem de la taille 38 » de l’Occident, elles apparaissent toujours dépendantes du regard érotique et génétique qu’ont les hommes, puis elles-mêmes, sur elles – et l’on pourra lire ces magnifiques Reflets comme une biographie symbolique de toutes les femmes, à commencer par celle de l’auteur- sans e lui-même. Chronique de la petite fille qui apprend très tôt à se dédoubler, à se voir faire les choses, à se voir être vue, à se définir comme image. Chronique de l’adolescente qui se demande si on l’aime pour elle ou pour son corps – reprenant à son insu et tout naturellement la vieille dualité corps / esprit que l’on avait cru abolir depuis des lustres. Chronique du narcissisme féminin si moqué alors que celui-ci relève toujours d’une politique du désespoir. On se mire pour ne pas se suicider. On se rend au bal tout en pensant au viol et à la grossesse qui menacent perpétuellement – et font qu’il n’y a pas et qu’il ne peut y avoir d’égalité entre les sexes. C’est l’erreur des idéologues de croire que les lois remplacent le réel alors qu’elles ne font que le prévenir et qu’il n’y a jamais de risque zéro. Le devoir-être ne saurait être confondu avec l’être.

    C’est là que le queer apparaît comme ce que l’on a pensé de plus irresponsable et de plus méprisant pour les femmes. « Si l’on décrète l’indifférence des sexes, comment faire pour penser ces plaies, sans même parler de les panser ? » Comme toutes les théories totalitaires, la théorie du genre pense moins à protéger les êtres humains d’eux-mêmes qu’à les transformer. Pour les « genristes » en effet : pas de genre = pas de trouble = pas de viol = pas besoin de protéger les femmes (« vas-y ma chérie, balade-toi toute seule sur la 42 ème Rue à trois heures du matin, et, si jamais quelqu’un essaie de t’embêter, dis-lui que tu as choisi d’être un homme »). Sous prétexte que les nazis avaient décrété le tout nature, les contemporains ont fui dans le tout culture, ne se rendant pas compte qu’en procédant ainsi ils aboutissaient à un déni d’humanité. C’est comme si l’on décrétait que le feu ne brûle ou que l’eau ne mouille que si l’on veut qu’il brûle ou qu’elle mouille mais qu’ils peuvent faire bien autre chose. Le queer comme ce qui a déclaré la guerre à l’élémentaire – et au bon sens. Le queer comme ce qui rejette Darwin (comme le créationnisme, tiens !) en refusant absolument de placer l’humain dans la continuité biologique, donc sexuée, de l’animal. Le queer comme ce qui ne croit qu’à la seule volonté humaine anti-anatomique. Le queer comme ce qui veut abolir le sexe au nom de la plasticité humaine. Le queer comme ce qui a fait du sexe le premier tabou de la postmodernité.

    Le pire est que la France vient officiellement d’adopter ce nouveau tabou. Au contraire des Américains qui n’ont jamais permis que le créationnisme ou que l’ « intelligent design » (l’idée qu’une entité supérieure, extra-terrestre ou divine, ait présidé à l’élaboration des espèces et ait privilégié la nôtre) soit enseigné dans leurs écoles, les Français ont permis depuis l’an dernier que la théorie du genre le soit dans les leurs. Et c’est pourquoi un lycéen peut désormais lire dans son manuel de SVT des Editions Hachette que si « Le sexe biologique nous identifie mâle et femelle, ce n’est pas pour autant que nous nous pouvons nous qualifier de masculin ou de féminin. » L’unisexe a remplacé l’uniforme. Hélas, les hormones, comme les faits, sont têtues.

    Le paradoxe, et au fond la meilleure contradiction à cette idéologie qui n’est rien d’autre qu’un puritanisme underground, est qu’homosexuels, transsexuels et autres transhumains baroques affirment pleinement l’ancienne, l’horrible, la judéo-chrétienne distinction sexuelle – chacun ou chacune faisant parfaitement la différence entre ce qui les attire ou non. Si une lesbienne ne veut pas de mec dans son lit ou si un homme veut s’habiller en femme, c’est bien que l’un et l’autre se sentent contrariés dans leur sexe originel et destinal et parce que l’un n’est justement pas l’autre. « De même, si l’on subit une intervention chirurgicale pour changer de sexe, c’est forcément parce qu’on trouve que ce n’est pas kif-kif ». L’individu qui désire son sexe ou qui veut devenir l’autre sexe est encore plus obsédé par la distinction sexuelle que celui qui s’en tient au sien et est attiré par l’autre. Comme l’affirmait de toute éternité la pensée classique, c’est l’identité qui provoque la différence, c’est la singularité qui entérine la norme. La distinction est tragique mais l’indistinction est néant. Et c’est au néant que conduit la théorie queer, cette trisomie appliquée à la sexualité. Et pour l’avoir dit de manière si lumineuse, on vous rend grâce, Nancy Huston.

    Pierre Cormary (Causeur, 10 juin 2012) 

    Nancy Huston, Reflets dans un œil d’homme, Actes sud, mai 2012.

    Lien permanent Catégories : Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • Un président très ordinaire...

     

    Nous reproduisons ci-dessous un texte drôle et mordant de Frédéric Rouvillois, cueilli sur Causeur et consacré à la présidence «normale» de François Hollande. Professeur de droit public à l’université Paris Descartes, Frédéric Rouvillois est l'auteur de plusieurs ouvrages d'histoire des idées comme Histoire de la politesse (2006), Histoire du snobisme (2008),  tous deux diponibles en format de poche dans la collection Champs Flammarion, ou L’invention du progrès (CNRS éditions, 2010) et plus récemment, Une histoire des best-sellers (Flammarion, 2011).

     

     

    francois-hollande-train.jpg

     

    Hollande, un président très ordinaire

    A six heures moins dix, comme tous les matins, le radio réveil se mit à hurler, et François, à tâtons, dut s’y reprendre à trois fois pour le faire taire. Il ne voulait surtout plus d’embrouilles avec les voisins du dessus qui se plaignaient aigrement de ces réveils en sursaut et qui pour se venger taguaient régulièrement sa porte et sa boîte aux lettres. Le calme rétabli, François ouvrit un œil avec difficulté. La nuit avait été brève, et encore, il avait eu de la chance qu’un des gardes du corps puisse le véhiculer jusqu’à Bobigny. Lorsqu’ils étaient revenus de Bruxelles avec Pierre, Laurent et Arnaud, le RER ne fonctionnait plus, et la question de son retour nocturne l’avait perturbé pendant une bonne partie du Conseil européen. Il faut dire que ce n’était pas normal, tout de même, ces réunions qui se prolongeaient indéfiniment et se terminaient à point d’heure, longtemps après le départ de la dernière rame ou du dernier bus… C’est vrai aussi qu’il aurait pu utiliser, pour une fois, la Twingo officielle garée devant l’Élysée. Mais il avait toujours un peu peur de se faire vandaliser, même maintenant que la voiture avait été banalisée, repeinte en beige et dépouillée de tout insigne distinctif. Décidément, il valait mieux prendre les transports en commun.

    Émergeant doucement de son demi-sommeil, François se souvint à ce propos qu’il devait deux tickets à Raymond, le portier-adjoint de l’Élysée ; ce mois-ci, entre un G 20 à l’autre bout du monde, la guerre en Syrie qui se prolongeait, la sortie de la Grèce, la faillite de l’Espagne, les sommets européens et les Conseils des ministres en veux-tu en voilà, il n’avait pas eu le temps de recharger son passe Navigo cinq zones. Et il envisageait avec terreur l’idée de se faire contrôler en infraction par des agents de la RATP, vraisemblablement marinistes, qui seraient trop contents d’aller baver auprès de la presse de droite. Il imaginait d’ici les gros titres duFigaro ou de L’Express : « Mon président est un tricheur ! », « Ce n’est pas normal de ne pas payer son billet », « Le retour des privilèges », « L’Etat des passe-droits », etc, etc. Et hop, en un instant, des années d’efforts qui partent en fumée. Il préférait ne pas y penser. D’ailleurs, il fallait qu’il se dépêche un peu. Il se cala sur l’oreiller, essayant de repérer ses savates dans l’obscurité de la chambre. Celle-ci ne payait pas de mine, mais, justement, c’est ce qui avait plu aux reporters de Paris-Match. Ça et le lit IKEA, republican size, comme il disait parfois, qu’il avait eu tant de mal à monter après le départ de Valérie.

    Ça aussi, c’était normal. De nos jours, les couples ne durent plus, et honnêtement, il ne pouvait pas lui en vouloir, à Vava, d’avoir eu du mal à supporter la vie en HLM, les désagréments de la cité, les quolibets des vendeuses de l’hypermarché et le regard narquois de ses collègues venus photographier le F3 présidentiel avec vue plongeante sur le périph. La chambrette n’avait qu’un inconvénient, c’est qu’il risquait toujours d’égarer quelque chose dans ce désordre. Comme lorsqu’il était parti en car, l’autre semaine, pour se rendre au Portugal en visite officielle, et qu’il avait laissé la valisette nucléaire derrière le caddie rempli de packs de lait écrémé. Ou la fois où il était allé avec Laurent à Beauvais prendre un avion de la Ryanair pour Dakar, et qu’il s’était aperçu, rouge de confusion devant les douaniers goguenards, qu’il avait oublié son passeport. Maintenant, il en souriait, mais sur le moment, ça avait été terrible, il avait fallu appeler le Quai d’Orsay pour décommander la réunion avec le président sénégalais, et tout le toutim. Mais bon, c’est comme ça, on est normal ou on ne l’est pas.

    Dehors, sous la lumière blême des réverbères, les parkings de la cité étaient luisants de pluie et déjà noirs de monde. François entendit distinctement ses voisins du dessus, furieux d’avoir été réveillés une fois de plus par « le petit gros du douzième étage », comme ils l’appelaient. Et un bref instant, comme souvent les matins où il manquait de sommeil, il se dit que, quand même, il avait la belle vie, autrefois, avant de devenir président de la République.

    Frédéric Rouvillois (Causeur, 8 juin 2012)

    Lien permanent Catégories : Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • Pourquoi BHL est intouchable...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Philippe Bilger, cueilli sur le site de Marianne et consacré aux raisons de l'invulnérabilité médiatico-judiciaire de BHL... 

     

    BHL 2.jpg

     

    Pourquoi BHL est intouchable

    Marine Le Pen va assigner BHL en justice parce qu'en substance, dans son bloc-notes du Point, celui-ci lui a imputé une responsabilité dans l'agression odieuse des trois jeunes Juifs à Villeurbanne, près de Lyon (Le Point, nouvelobs.com, Marianne 2).

    Le combat n'est même pas inégal, BHL est gagnant par KO avant même de l'avoir livré.

    MLP, après tout, ne représente que plus de six millions d'électeurs qui sont par définition des obtus et des fascistes. En plus, elle n'est même pas reçue à l'Elysée par un président qui pourtant semblait avoir fait de l'équité et de la normalité ses guides.

    Il est évident qu'elle n'a pas d'honneur, qu'on a le droit de tout se permettre avec elle. Elle a beau avoir renvoyé aux oubliettes les obsessions de son père sur la Seconde Guerre mondiale, le nazisme, le racisme et l'antisémitisme même si elle a connu une lamentable rechute à Vienne sans doute à cause d'une fidélité à la part sombre de son père si obstinément présent. Ses paroles et ses déclarations n'ont pas l'ombre d'une importance puisque, comme pour Eric Zemmour ou quelques autres, on lui impute, derrière elles aussi décentes qu'elles soient, pensées forcément mauvaises et, s'il le faut, arrière-pensées nauséabondes. MLP est faite comme un rat dans l'étau et la bonne conscience de ses adversaires fanatiques. Pour la politique, elle s'en débrouille.

    Elle a fait huer le nom de BHL dans ses meetings. Quoi qu'ait accompli ou dit ce dernier, il est scandaleux de s'en prendre à lui parce que ce ne sont jamais ses actions, ses attitudes et ses invectives qui sont mises en cause mais seulement la donnée qu'il est juif. Il est donc interdit, dans tous les cas, d'avoir un différend avec lui : on est naturellement indigne. Celui qui prétendrait ne pas l'aimer à cause de ses oeuvres, de ses écrits, de ses paroles et, plus généralement, de la haute opinion qu'il a de lui-même et que la révérence médiatique lui permet de cultiver serait inéluctablement de mauvaise foi puisqu'il se méprendrait sur la cause exclusive de son dissentiment: parce que BHL est juif ! Peu importe le fait que lui-même, à tous moments et sur tous les plans, l'évoque. C'est comme cela : il est intouchable.

    MLP n'a pas d'honneur ni de sens de l'honneur. Donc tout outrage est possible, confortable, bienvenu.  BHL, lui, a tous les honneurs. Ceux qu'on lui octroie et ceux dont il se pare. Son omniprésence, sa surabondance, son film sélectionné à Cannes en dernière extrémité dans l'urgence, la Libye surexploitée sur le vif, par le livre, par l'image, la rhubarbe et le séné pour Nicolas Sarkozy et lui, sa volonté de se constituer et d'apparaître sans cesse comme un justicier éthique, l'arbitre des élégances morales et des initiatives historiques, le vibrion exemplaire des causes dans l'instant sublimes et durablement perverses - encore la Libye ! -, BHL incontestable, incontesté, applaudi, fêté, encensé, une ou deux critiques négatives sur son film n'altèrent pas sa médiatisation forcenée, BHL une lumière, une clarté pour notre monde sans repères ! On a le droit, même le devoir de dire du bien de lui, ce n'est pas parce qu'il est juif. Du mal : c'est parce qu'il l'est.

    Comment BHL aurait-il dû, dans ces conditions, s'abstenir d'accabler MLP ? Il n'avait aucune raison de se gêner puisqu'avec elle on a toute licence, même celle de lui imputer une quelconque responsabilité dans la commission d'actes odieux et qu'elle a jugés très graves avant même l'intimidation de BHL. Il sera assisté, lors de l'audience où tel que je le devine il sera présent, par un avocat remarquable tandis que MLP sera aux côtés d'un conseil obligatoirement choisi par connivence politique et donc perfectible. Parce que d'autres meilleurs, sans doute scandalisés autant qu'elle dans leur for intérieur, se garderaient bien, sollicités, de venir plaider sa cause. On n'est jamais trop prudent, trop lâche !

    Je ne doute pas une seconde que BHL saura, si on lui objecte que l'influence de Merah a été peut-être décisive sur le comportement de ces brutes, par un habile retournement démontrer que MLP et Merah doivent être unis dans la même opprobre. Je relève avec intérêt que l'auteur principal présumé des violences s'est présenté à la police mais qu'aucune indication n'est fournie sur son identité et son origine (20 minutes) même si les victimes ont évoqué la présence de "trois jeunes gens d'origine maghrébine"(Le Monde).

    A vous dégoûter donc de pourfendre, de dénoncer et d'être injuste puisque, quand on s'appelle BHL, on triomphe sans gloire, on est vainqueur avant le match.

    Philippe Bilger (Marianne, 8 juin 2012)

    Lien permanent Catégories : Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • La démocratie en France ? Un bilan avant le 1er tour des législatives...

    Pierre Le Vigan, essayiste et collaborateur habituel de la revue Eléments, analyse pour Métapo infos, à l'occasion du 1er tour des élections législatives, l'état de la démocratie dans notre pays...

    Lien permanent Catégories : Multimédia, Points de vue 4 commentaires Pin it!
  • La campagne de Russie (partie 1)...

    Les éditions Tallandier viennent de rééditer au format poche, dans leur collection Texto, La campagne de Russie, un ouvrage de l'historien américain Curtis Cate. C'est l'occasion pour Pierre Le Vigan de revenir dans une série de chroniques sur ce conflit qui a conduit l'empire napoléonien à sa disparition...


    Lien permanent Catégories : Livres, Multimédia, Points de vue 0 commentaire Pin it!