Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Points de vue - Page 350

  • Bien se nourrir, condition de la survie d'un peuple ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Louis Tode, cueilli sur le site de Polémia et consacré aux habitudes alimentaires actuellles et à leurs effets sur la santé...

     

    Mac.jpg

     

    Bien se nourrir, condition de la survie d'un peuple

    La nourriture nous définit, témoigne de qui l’on est, de nos goûts et de nos origines. C’est elle qui nous fait vivre et grandir, qui nous apporte les éléments nécessaires pour être en bonne santé et accomplir nos tâches, et qui par conséquent nous permet de nous développer et de nous reproduire : « dis-moi ce que tu manges, je te dirai qui tu es ».

    Pourtant, des maladies se développent à une vitesse fulgurante : le cancer, véritable maladie du XXe siècle, poursuit son ascension : hausse du nombre de cancers du sein, de la prostate et du colon ; cas de diabète de plus en plus graves et, surtout, de plus en plus jeunes (dès 6 ans aux Etats-Unis) ; obésité galopante, non plus cantonnée à l’Amérique mais en France aussi (1 enfant sur 5 dans l’Hexagone) ; culte de la malbouffe de la rue au réfrigérateur ; perte de recettes, de plats régionaux et enracinés, témoins d’une culture et d’un savoir-vivre ; expansion du hard discount dans l’alimentation, etc.

    Lorsque même la nourriture est touchée par les fléaux du monde moderne, c’est la disparition annoncée des peuples.

    Nous voyons depuis quelques décennies se développer toutes sortes de techniques visant non plus à nourrir les populations, mais simplement à atteindre des productions optimales et des niveaux de profit exceptionnel.
    Les révolutions vertes et industrielles nous ont fait perdre des savoir-faire ancestraux ; ceux-ci savaient allier efficacité de production et respect de la nature et de l’environnement, pouvant ainsi se perpétuer durant des siècles : désormais la machine a remplacé l’homme, et nous avons abandonné le juste équilibre entre forêts, cultures et bétail, pour laisser place à la spécialisation et à la désertification, à l’appauvrissement des sols qui sont de moins en moins riches en nutriments. Ces nutriments sont pourtant ceux qui, en nourrissant les végétaux, sont garants de la vie humaine.
    La qualité des aliments baisse de manière drastique : notre alimentation devient une véritable bombe à retardement au vu du développement des maladies et des dépenses de sécurité sociale de demain.

    Les multinationales de l’agroalimentaire et des OGM ôtent leur souveraineté aux agriculteurs, corrompent les gouvernements pour que les OGM entrent dans le pays et infectent les autres cultures non OGM (Amérique latine, Inde), trafiquent les études scientifiques, achètent les agences sanitaires et y placent leurs propres experts. Ce travail de sape, rondement mené par une guerre médiatique et intellectuelle, fait rêver des agriculteurs et des marchés entiers qui ne se rendent pas compte qu’ils deviennent pieds et poings liés aux multinationales. Ce terrorisme sournois, plus doux qu’une kalachnikov mais bien plus efficace, cause le suicide de centaines d’agriculteurs et en fait vivre des milliers d’autres dans la peur. Et quiconque, scientifique ou autre, souhaite dire un peu de vérité et balayer cet écran de fumée se retrouve sur les bancs des accusés et/ou est prié de se taire.
    Les intérêts économiques ont pris le dessus sur l’intérêt des populations, et il devient de plus en plus difficile de dire la vérité, tant le lobbying est puissant. Les associations ou scientifiques voulant que celle-ci apparaisse au grand jour s’y cassent les dents (UFC-Que choisir concernant l’obésité, Pierre Méneton et les dangers du sel, etc.).

    Nous devons retrouver une alimentation saine, locale, naturelle, en famille, sans plats préparés ou malbouffe bourrée de sucres, de graisses, sels, édulcorants et autres additifs cancérigènes, pris devant la télévision avec des sodas et des bonbons. Et nous devons surtout faire connaître ce danger qui plane au-dessus de nous et nous menace grandement.

    Louis Tode (Polémia, 19 juin 2012)

     

    Lien permanent Catégories : Points de vue 1 commentaire Pin it!
  • Une sécession des élites ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un article de Marc Crapez, cueilli sur le site de Marianne et consacré à l'installation du populisme dans le paysage politique français. Spécialiste de l'histoire des idées, Marc Crapez est notamment l'auteur d'un essai marquant intitulé La gauche réactionnaire (Berg, 1997).

    marc crapez,elite,france,front national,masse,politique,population,populisme

    Le populisme est imputable à la sécession des élites
     
    D’où provient l’émergence de partis populistes qui font des scores à deux chiffres? Le vieillissement de la population européenne, invoqué par certains, n’explique pas grand-chose puisque les «seniors» sont réticents à voter pour ces formations. Il faut chercher du côté de déséquilibres restés sans solutions et de questions restées sans réponses.
     
    Le populisme est l’exploitation systématique du rêve populaire de réalisation immédiate des revendications des masses, selon la définition de Guy Hermet. Il provient actuellement d’une situation où «l’équilibre ne se fait plus entre les élites et le peuple». A preuve, l’emploi à tort et à travers du mot populisme, sans qu’il ne soit jamais question de son contraire, l’élitisme, contient une part de défiance envers la souveraineté populaire.
     
    L’éclosion de partis populistes ne résulte pas seulement de la propagande orchestrée par une poignée de démagogues. Elle résulte d’abord de la récupération d’aspirations populaires récusées par un élitisme exacerbé. Cette «révolte des élites», selon la formule de Christopher Lasch, a déclenché l’offensive, rudoyé le corps social, disloqué le cadre politique national, creusé la distanciation sociale et les inégalités de traitement.
     
    Le populisme est le contrecoup de l’institutionnalisation de l’idéologie post-soixante-huitarde. L’attachement patriotique et les valeurs classiques ayant été brutalement jetés aux oubliettes, tant par la droite que par la gauche, il n’est pas étonnant que surgisse une offre politique de belle brocante.
     

    Relégation et dépossession démocratique

    Les élites estiment la France sans grand intérêt. Elles ne font plus allégeance au projet républicain, mais à l’Europe et la mondialisation. Cela renforce les doutes de la population et la fragmentation communautariste de la société. Les partis populistes offrent un refuge politique et une fraternité de substitution aux catégories de citoyens maltraités par les élites parce qu’ils se posent trop de questions face aux tensions engendrées par la mondialisation et le multiculturalisme à marche forcée.
     
    Une France délaissée par les pouvoirs publics et médiatiques éprouve un sentiment de relégation. Elle ressent un déni d’appartenance et d’inclusion qui peut la pousser vers le vote extrémiste dans une logique de réparation et d’égalité. Orpheline de la protection tutélaire d’un creuset français, elle réclame les cadres nécessaires à une cohésion nationale.
     
    A cette impression d’abandon s’ajoute celle d’une dépossession démocratique, d’une démocratie française insuffisamment fidèle à ses propres principes. Le populisme du 21ème siècle est une attente de débat démocratique sur des questions ou des aspirations évacuées à la hâte. Penser qu’il puisse y avoir trop d’immigrés, d’assistés ou de profiteurs serait non seulement faux, mais odieux et criminel. Le mariage homosexuel serait non seulement une bonne chose, mais une évidence uniquement contestée par des arriérés ou des sous-doués, etc.
     
    Une vision paternalisme impute le vote Front national à des crispations peureuses. En réalité, de même que les neuf dixième des électeurs de Jean-Luc Mélenchon trouvent qu’il y a beaucoup trop d’inégalités sociales et qu’il faut absolument faire quelque chose, les neuf dixième des électeurs de Marine Le Pen trouvent que l’on accueille trop d’immigrés et qu’il faut absolument agir. Ce ne sont pas des points de vue irrationnels. Preuve en est que nul ne s’aventurerait à soutenir qu’il n’y a pas assez d’inégalités sociales ou pas assez d’immigrés. Même si camper sur l’idée que la France accueille beaucoup trop d’immigrés peut conduire à des raisonnements erronés.
     
    Marc Crapez (Marianne2.fr, 22 juin 2012)  
     
    Lien permanent Catégories : Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • Les grandes funérailles d'une poignée de morts...

    Nous reproduisons ci-dessous un excellent point de vue de Jean-Dominique Merchet, cueilli sur Ria Novosti et consacré à la capacité de notre pays à supporter la mort de ses soldats au combat. Directeur-adjoint de la rédaction de Marianne, responsable du blog Secret Défense,  Jean-Dominique Merchet est l'auteur de nombreux ouvrages sur les questions militaires et collabore à la revue Guerres & Histoire.

    ceremonie-invalides-14-juin-2012.jpg

     

    Les grandes funérailles d'une poignée de morts

    Samedi 9 juin 2012: quatre militaires français sont tués en Afghanistan. A peine la nouvelle connue, la Présidence de la République prend les choses en main et François Hollande annonce lui-même qu’un « hommage national » aura lieu cinq jours plus tard aux Invalides (Paris). N’est-ce pas un peu exagéré?

    Certes, il s’agissait des « premiers morts » d’un chef de l’Etat tout récemment élu, qui ne fait que suivre l’exemple de son prédécesseur Nicolas Sarkozy, d’ailleurs présent à la cérémonie religieuse, militaire et politique – qui s’est tenue avec toute la pompe dont un vieux pays comme la France est capable. Mais au-delà de l’émotion et des considérations politiques (la France était à la veille du second tour des élections législatives…), cette cérémonie pose des questions essentielles : quatre morts à la guerre sont-ils devenus à ce point hors du commun qu’il faille aussitôt déployer ce que le poète Charles Péguy nommait « l’appareil des grandes funérailles » ? Les démocraties modernes ne peuvent-elles plus supporter l’idée que leurs soldats meurent à la guerre ? Est-ce là le signe d’un affaiblissement politique qui minerait, à terme, la capacité de nos pays à peser sur les affaires du monde ?

    Pour tenter d’y répondre, quelques chiffres et un peu d’histoire. En moins de onze ans de présence militaire en Afghanistan, l’armée française a perdu 87 hommes, dont certains par accident. Elle compte environ 700 blessés, dont plusieurs dizaines très grièvement, sans compter les blessures psychologiques, impossibles, pour l’heure, à estimer sérieusement. Sur la durée de la guerre, cela fait moins d’un mort toutes les six semaines… Certes, les opérations ne se sont vraiment durcies qu’à partir de 2008 et plus de la moitié des pertes ont eu lieu au cours des deux dernières années (45 sur 87). Sur cette seule période, on en reste quand même à un mort tous les seize jours.

    La France est un pays qui a perdu 1,3 millions de ses soldats au cours de la Première guerre mondiale (1914-18), comme en témoignent les Monuments aux morts dans toutes les villes et villages du pays. C’est 900 hommes tués tous les jours pendant quatre ans ! Et que dire des pertes immenses de l’Armée soviétique durant la Grande Guerre Patriotique (1941-45) ? Si l’on estime les pertes démographiques totales de l’URSS à près de 27 millions, le général Alexandre Kiriline, qui s’en tient aux seuls militaires, avance le chiffre d’«environ 8,8 à 8,9 millions de personnes tués, dont 2,5 millions de prisonniers de guerre et 6,4 millions de tués sur le champ de bataille ». Soit 4500 tués chaque jour au Front pendant quatre ans ! Ces chiffres donnent littéralement le vertige.

    Toutes les guerres ne donnent pas lieu à de tels massacres : au Vietnam, les Américains ont perdu 58.000 hommes et les Français en Algérie (1954-1962) environ 25.000, dont 15.000 au combat. Soit, quand même, douze quotidiennement. Un jour de la guerre d’Algérie équivaut donc à un semestre en Afghanistan : où étaient alors les hommages nationaux et les interventions solennelles du président de la République ?

    Nos sociétés ont-elles si radicalement changées en un demi-siècle ? Le colonel Michel Goya, chercheur à l’Ecole militaire, considère que « la résilience politique aux pertes est de plus en plus faible », mais il la distingue de « celle de l’ensemble de la nation, en général plus forte ». La classe dirigeante, politique et médiatique, encaisse donc plus mal les morts à la guerre que le pays dans ses profondeurs, qui sait bien, notamment pour en avoir payé de longue date le prix fort, qu’il n’y a pas de guerre sans mort ! L’on voit, certes, quelques familles de soldats tués s’en prendre à l’armée devant la justice, mais ce n’est là qu’une façon moderne, pour elles, de tenter de faire leur deuil avec l’aide intéressée de quelques avocats médiatiques.

    Deux choses essentielles ont pourtant changé la donne. Depuis 50 ans, c’est-à-dire la fin de la guerre d’Algérie, aucun jeune Français n’a été obligé de partir à la guerre. Depuis cette date, seuls les volontaires et les professionnels se battent et risquent leur vie. Autre nouveauté, tout aussi radicale au regard de l’histoire française : depuis 20 ans, plus aucune armée étrangère ne menace le territoire national, alors que depuis la Révolution française (Valmy, 1792), la Nation vivait dans l’idée d’une invasion possible en provenance de l’Est. Et l’on pourrait remonter jusqu’à Attila, battu en 451, aux Champs catalauniques, là où l’on se battait encore en 1918…

    Depuis 20 ans, donc, les militaires français sont envoyés combattre loin des frontières du pays (Guerre du Golfe, Balkans, Afrique, Afghanistan, Libye). D’où la gêne des politiques : ces guerres sont-elles suffisamment légitimes, même si elles sont légales au regard du droit international, pour que de jeunes Français y perdent la vie ? Dans le cas de l’Afghanistan, l’opinion publique en doute fortement. Tous les sondages traduisent le fait que les Français ne souhaitent pas la poursuite de cette guerre. Nicolas Sarkozy puis François Hollande l’avaient d’ailleurs parfaitement compris en accélérant le calendrier de retrait des troupes, l’un d’un an, l’autre de deux.

    « Pour qui meurt-on ? » se demandait en 1999, le général français Emmanuel de Richoufftz dans un livre de réflexion sur le sens de la guerre. En effet ! C’est la question que se posent les citoyens – dont les militaires - et c’est aux dirigeants politiques, visiblement embarrassés, de leur fournir une réponse. Pourquoi nos soldats tombent-ils en Afghanistan ? Les réponses fournies ne sont guère plus convaincantes que celles qui l’étaient, aux Soviétiques, au temps de leur intervention en Afghanistan. Certes, la guerre d’alors fut beaucoup plus meurtrière et les Afghantsy n’étaient pas tous volontaires ! En dix ans, l’armée soviétique a perdu (au moins) 15 400 hommes sur le terrain. En une décennie également, la coalition occidentale en aura perdu, elle, 3050, soit cinq fois moins.

    Pour quel résultat ? C’est parce que les dirigeants d’aujourd’hui, et notamment les Français, gauche et droite confondues, peinent à répondre sur le fond qu’ils en font sans doute un peu trop sur la forme. D’où « l’appareil des grandes funérailles » déployé dans la cour, grandiose et austère, des Invalides.

    Jean-Dominique Merchet (Ria Novosti, 19 juin 2012)

    Lien permanent Catégories : Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • Propos d'Europe...

    Faut-il plus d’Europe ? Faut-il aller vers plus de fédéralisme ? Ce sont les vraies questions que posent Hervé Juvin dans cette chronique, mise en ligne sur Realpolitik.tv...


    Hervé Juvin : "Propos d'Europe" par realpolitiktv

    Lien permanent Catégories : Economie, Géopolitique, Multimédia, Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • Pierre Schoendoerffer, l’honneur comme tragédie...

    Nous reproduisons ci-dessous un bel article de Michel Marmin, cueilli dans la revue le Spectacle du Monde et consacré au cinéaste Pierre Schoendoerffer. 

    la_317_eme_section.jpg

     

    Pierre Schoendoerffer, l’honneur comme tragédie

    Les temps auraient-ils changé ? L’unanimité s’est faite, dans les grands médias de gauche, pour saluer la mémoire de Pierre Schoendoerffer, disparu le 14 mars dernier à l’âge de quatrevingt- trois ans. Aucune réserve, sauf une (sur laquelle nous reviendrons), sous la plume de Jean-François Rauger dans le Monde ; un hommage appuyé de Serge Kaganski, qui salue « sa discrétion médiatique, son port droit et son air sévère, signes de rectitude », dans les Inrocks ; respectueux et avisé salut d’Alain Riou qui, dans CinéObs, n’est manifestement pas du tout gêné d’admettre que Schoendoerffer « était vraiment un homme de droite » ; chapeau bas, même, dans l’Humanité… Il n’est pas jusqu’à François Hollande qui n’ait déclaré que l’auteur de la 317e Section avait « su filmer l’homme au plus près de lui-même dans des situations extrêmes, sans hésiter à mettre sa vie en jeu, pour son pays comme pour son art ». Une déclaration si bien venue que l’on aimerait savoir qui a tenu la plume du candidat socialiste !

    Car enfin, et merci à Alain Riou de l’avoir rappelé, Pierre Schoendoerffer était non seulement un grand cinéaste (et aussi, ne l’oublions pas, un bel écrivain), mais encore un grand cinéaste de droite, le seul en tout cas qui puisse justifier pleinement cette appellation si peu recherchée dans sa profession… L’honneur était le thème obsessionnel et conducteur de son oeuvre, décliné non sur le mode de la leçon de morale, mais sur celui de la tragédie. Il en parlait d’ailleurs avec une extrême pudeur, et plus par soustraction que par affirmation, comme en témoignent ces propos recueillis en 2006 par Christophe Barbier : « L’honneur ? On ne sait peut-être pas ce que c’est, mais le déshonneur, tout le monde connaît, même le voyou sait quand il s’est déshonoré. »

    Pierre Schoendoerffer appartenait à une génération où l’on pouvait encore croire à la vastitude du monde, aux zones blanches sur les planisphères et à la possibilité pour un jeune lecteur de Joseph Kessel ou de Joseph Peyré de se tailler un empire à la mesure de ses rêves d’épopée. Mais c’était déjà trop tard. Il assistera à Diên Biên Phu, en tant qu’opérateur du Service cinématographique des armées (SCA), à l’effondrement de l’empire français et, sans aucune espèce d’arrièrepensée politique d’ailleurs, il fera siennes la douleur, l’amertume et la mélancolie de ceux qui avaient versé leur sang pour lui. Le monde, comme l’avait pressenti Paul Morand, s’était soudainement rétréci. L’air n’y était plus respirable pour ceux qui, tels le héros d’Objectif 500 millions, n’admettaient qu’une humanité peuplée « de rois, de poètes et de capitaines ».

    Il y a à cet égard quelque chose de profondément stendhalien chez Pierre Schoendoerffer, jusque dans sa manière de raconter et de filmer. Après s’être fait les dents sur quelques ouvrages mineurs, il a complètement révolutionné le cinéma avec la 317e Section (1965), tourné avec la complicité de son chef opérateur Raoul Coutard, ancien d’Indochine lui aussi et collaborateur de Jean-Luc Godard. Par la simplicité et l’extrême rigueur de son point de vue – «Mon principe était que la caméra soit un soldat invisible et anonyme, qui ne peut voir que ce qu’un soldat peut voir », dira-t-il aussi à Christophe Barbier –, par la pudeur des moyens employés, par le refus de toute espèce de rhétorique, enfin par l’identification scrupuleuse qu’il a réalisée entre ses deux acteurs, Jacques Perrin et Bruno Cremer, et ses personnages, Pierre Schoendoerffer a signé une oeuvre dont la fraîcheur novatrice reste intacte. C’est aussi la raison pour laquelle la 317e Section est peut-être le seul film de guerre qu’un militaire puisse voir sans sourire ou sans soupirer.

    Curieusement, le film qu’il réalisera l’année suivante, Objectif 500 millions (1966), n’a jamais eu très bonne presse. Dans l’hommage du Monde, Jean-François Rauger le qualifie même de « film de hold-up plaisant mais anodin ». Après la 317e Section, c’est en effet l’impression qu’il avait pu superficiellement donner à l’époque. Mais lorsqu’on le revoit aujourd’hui, ce jugement n’est pas soutenable. L’histoire de cet officier perdu dans les derniers combats de l’Algérie française et qui, après trois ans passés dans les geôles de la République, tente un « gros coup » pour réinventer sa vie dans une Amérique mythique, est une pure tragédie cinématographique. Dès les premières images, le destin du héros est clairement inscrit dans cet océan de tristesse, d’intelligence et d’élégance qu’est le regard de Bruno Cremer : la conscience de l’anéantissement d’un monde de valeurs et de la vanité des utopies régénératrices ne laisse au héros d’autre issue digne de lui que la mort. C’est, selon nous, le chef-d’oeuvre de Pierre Schoendoerffer, aussi serré et aussi noir que les plus beaux films de Jean-Pierre Melville, aussi déchirant que les grands Godard des années 1960. Est-ce le film le plus profondément « de droite » de l’histoire du cinéma français ? Nous le pensons.

    Pierre Schoendoerffer signera en 1967 un admirable documentaire sur la guerre du Vietnam, la Section Anderson, qui lui vaudra un oscar à Hollywood, puis il poursuivra son oeuvre cinématographique en développant les thèmes qu’il avait posés dans la 317e Section et Objectif 500 millions. Malgré la splendeur nostalgique des meilleures séquences du Crabe Tambour (1977), nous oserons dire que jamais le cinéaste ne retrouvera la même hauteur de ton et que son style connaîtra une certaine banalisation, en particulier dans le décevant Diên Biên Phu (1992). Avait-il perdu la main ? On retrouvera alors Pierre Schoendoerffer plutôt dans ses romans, en particulier l’Adieu au roi (1969) dont s’inspirera Francis Ford Coppola pour Apocalypse Now (1979) et que John Milius portera à l’écran sans génie en 1989.

    Michel Marmin (Le Spectacle du Monde, avril 2012)

    Lien permanent Catégories : Cinéma / Théatre, Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • Réfléchir un peu...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Dominique Venner, cueilli sur son site et consacré à l'analyse du mouvement de fond identitaire que semble révéler les élections de ces deux derniers mois...

     

    Oui la France.jpg

    Lendemains d'élection - Réfléchir un peu

    Il n’est pas dans mes habitudes de commenter des élections. Celles qui se sont déroulées en France depuis la présidentielle de mai 2012 présentent cependant une vraie nouveauté. On peut définir celle-ci comme la manifestation d’une conscience accrue du problème n°1 de notre temps : le « remplacement » des populations de souche par l’immigration de masse arabo-musulmane. Les images des drapeaux africains et maghrébins agités place de la Bastille le soir du 6 mai 2012 pour saluer la victoire du candidat socialiste, ont rappelé les images, dix ans auparavant, de la réélection de Chirac après son duel inégal avec un Le Pen diabolisé comme jamais.

    Les conditions sont toutefois très différentes. La personnalité moderne et « apaisante » de Marine Le Pen n’a pas favorisé la même mobilisation contre son mouvement après son score très honorable de 17,9 % des voix au premier tour de l’élection présidentielle du 10 juin. Avec 6,4 millions de voix lors de ce scrutin, le FN se pose comme le troisième parti de France. Une loi électorale cousue sur mesure pour maintenir les oligarchies en place interdit une nouvelle fois que les 6,4 millions d’électeurs du FN soient représentés à l’Assemblée nationale, sinon par deux élus, contre des centaines pour les partis oligarchistes : UMP et socialistes (associés au Front d’extrême gauche).

    Ce qui se passe en France n’est pas spécifique à ce pays. C’est un phénomène européen. Cependant, comme je l’ai déjà souligné, les mouvements identitaires européens sont victime d’une « maladie infantile » que je qualifie de chauvine. Agissant en ordre dispersé, sans liens ni concertation, ils sont pour le moment incapables d’imaginer des initiatives face à un adversaire commun. Cela ne signifie par qu’il en sera toujours ainsi. Dans tous les mouvements concernés, les militants les plus réfléchis songent à la nécessité de convergences. Partout en Europe des partis analogues au FN, rejetant le racisme et l’antisémitisme, font de la préservation de l’identité des peuples européens leur raison d’être. Citons entre autres le Parti du peuple danois, le Parti de la liberté néerlandais, le FPÖ et le BSÖ autrichiens, les Vrais Finlandais, Le Parti du progrès norvégien, le Vlaams Belang flamand, l’English Defense League, le Fidesz au pouvoir en Hongrie, Droit et Justice en Pologne, Ataka en Bulgarie, la Ligue du Nord en Italie, les Démocrates en Suède ou l’Union démocratique (UDC) du centre en Suisse. Tous ces partis dépassent 5 % des voix et atteignent parfois 25 % ou plus, en dépit de l’hostilité active des médias qui constituent le « clergé séculier » du Marché, relayé par son « clergé régulier » (prof des universités et des écoles), sans compter le vieux clergé des Eglises traditionnelles chargé d’apporter la dimension compassionnelle et paralysante qui est sa spécialité.

    Dans Le Monde du 14 juin 2012, pages Débats, une politologue (Virginie Martin) et un sociologue (Pierre Lénel), après avoir noté l’étonnante permanence du votre FN, malgré son exclusion électorale, en tiraient une conclusion pertinente qui doit être relevée. Ces deux chercheurs estiment en effet qu’il faut réviser l’interprétation habituelle du vote FN comme simplement « protestataire ». Sa permanence dans le temps exige plutôt d’y voir un véritable « vote d’adhésion ». Adhésion à quoi ?

    Usant d’un vocabulaire prudent, les deux chercheurs proposent de rechercher un dénominateur commun à tous ceux (nantis ou démunis, jeunes ou plus âgés, urbains ou ruraux, qui ont accordés leurs suffrages à Marine Le Pen à l’élection présidentielle du 10 juin. Ce dénominateur commun c’est, disent-ils, un « trouble civilisationnel », expression juste et modérée.

    « Ce trouble, écrivent-ils dans leur jargon, met en avant une lecture du monde qui révèle une hostilité au pluralisme culturel sur le plan intérieur et le refus du multiculturalisme sur le plan international ». En clair, il révèle une forte inquiétude identitaire, face à des menaces toujours plus évidentes.

    Les deux chercheurs poursuivent en estimant que le « trouble » se cristallise plus particulièrement autour de quatre points. « La nationalité en constitue le premier marqueur : les Français d’origine immigrée ne sont pas vus comme « légitimes », leur nationalité serait usurpée. Cette illégitimité vient s’appuyer sur la question culturelle et bien souvent cultuelle (islam). C’est le deuxième élément : une relation négative s’instaure entre signes de métissage et identité française. « Nous » s’oppose à « eux », la différence trouve là son expression la plus criante : « eux » ont une autre histoire que celle qui « nous » constituerait de tout temps. »

    Ce trouble, ajoutent les auteurs, est un élément nouveau par rapport à leurs enquêtes de la fin des années 1990. Il est relié, disent-ils, aux événements de la scène internationale : le monde arabo-musulman apparaît désormais comme dangereux… « Et c’est bien souvent à cette question que la question sécuritaire est réinterprétée… Tous ces éléments se confondent dans la figure de l’immigré, présence ici de cet ailleurs arabo-musulman qui apparaît comme diabolique ».

    « Enfin, poursuivent les deux chercheurs, l’élément le plus prégnant est celui du sentiment d’un rapport de forces devenu défavorable entre les Français d’origine maghrébine et les Français « de souche » : l’idée d’un effet de nombre produit un sentiment de colonisation inversé ».

    Rarement les faits ont été observés avec autant de pertinence dans cet organe central de l’oligarchie mondialiste qu’est Le Monde. Au passage, on ne peut négliger un fait anecdotique et cependant gros de symbole : l’un des deux élus du FN à ce deuxième tour du 17 juin 2012 est la propre petite-fille du fondateur, la toute jeune Marion Maréchal-Le Pen, 22 ans, qui a conquis le siège de Carpentras (Vaucluse), ville qui avait été le prétexte d’une opération géante de diabolisation du FN en 1990 par l’instrumentalisation d’un fait divers : la profanation d’une tombe par des loubards (sans lien avec le FN) dans le cimetière juif de la ville. La plus jeune députée de toute l’histoire de la Ve République accorde aux siens une revanche inattendue.

    Sans doute peut-on penser que la conscience identitaire est lente à s’éveiller. Mais il faut se souvenir de quel chaos historique et intellectuel elle a surgi, sans compter les obstacles immenses qui lui sont opposés. C’est donc son affirmation qui surprend et non une ampleur jugée encore insuffisante.

    Dominique Venner (Site de Dominique Venner, 19 juin 2012)

     

    Lien permanent Catégories : Points de vue 0 commentaire Pin it!