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Points de vue - Page 346

  • Le Qatar et la banlieue...

    Vous pouvez regarder ci-dessous une très bonne chronique d'Éric Zemmour sur RTL, datée du 25 septembre 2012 et consacrée à la question du fond d'investissement du Qatar pour les banlieues...

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  • Des paris stupides ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de l'économiste hétérodoxe Jacques Sapir, cueilli sur son blog Russeurop et consacré à la politique économique du gouvernement français...

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    Les paris stupides

    Un certain Blaise Pascal

    Et coetera, et coetera…

    Jacques Prévert

     

    Bien des commentateurs accusent le Président de la République de ne pas avoir de politique. C’est faux.François Hollande a une politique, et celle-ci prend l’apparence d’un pari pascalien, ou plus précisément de plusieurs paris.

    Le Président de la République est un homme de gauche, et il veut que cela se sache. C’est pourquoi il tient tant à ce que ses promesses de campagne – et en particulier celles dont le coût est très faible – soient appliquées par le gouvernement. Il a promis la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim, au ravissement des Écologistes, pour 2016, et il a été ferme quant la création d’emplois aidés, qui devraient aboutir en 2013 à environ 100 000 postes de travail. Notons cependant qu’entre-temps, de septembre 2012 à décembre 2013, le chômage augmentera fortement. Ce sont probablement 700 000 personnes qui perdront leur emploi, et ce chiffre risque de se révéler faux par défaut et non par excès. Durant l’automne 2012, la France devrait connaître un accroissement mensuel du chômage compris entre 40 000 et 55 000 ? Les promesses de François Hollande ne couvriront donc en tout état de cause qu’un septième de l’accroissement probable du chômage. Mais, du moins, pourra-t-il dire que cette promesse là a été tenue.

    Il veut aussi que l’on sache qu’il est un homme raisonnable. C’est pourquoi il fera voter par l’Assemblée Nationale le TSCG ou Traité sur la Stabilité, la Coordination et la Gouvernance. On sait qu’il s’était opposé à ce traité durant la campagne présidentielle en disant qu’il le renégocierait s’il était élu. La négociation s’est réduite à un simple codicille sur la croissance dont le montant est de plus parfaitement dérisoire. Disons le, il ne sort pas grandi de cet épisode. Soit il aurait dû dire qu’il considérait ce traité comme un moindre mal, soit il aurait dû – et avec des collègues j’en avais fait la proposition – organiser un référendum sur ce dit traité afin de construire un rapport de force avec l’Allemagne.

    On peut aussi se demander si la décision concernant la centrale de Fessenheim n’a pas été prise essentiellement à des fins politiques, comme un os à ronger jeté aux écologistes, pour les persuader de voter le TSCG, ou du moins de s’abstenir lors du vote. On sait que les écologistes, tant la base militante que les députés, sont très opposés à ce traité, comme l’a montré la décision prise à une très forte majorité par l’instance dirigeant de EELV. Mais on connaît aussi les ambitions de certains, qui pour un portefeuille ministériel seraient prêts à bien des compromis, voire des reniements. Le gouvernement n’hésite pas, par ailleurs, à multiplier les pressions sur la gauche du Parti Socialiste pour obtenir son ralliement discipliné. Ceci montre bien que le TSCG occupe une place centrale dans la stratégie de François Hollande.

    Pourtant, le risque n’est pas mince, car une majorité de français sont opposés à ce traité, et près de 72% d’entre eux souhaiteraient qu’il donne lieu à un référendum. L’arc d’opposition va du Front National à l’Extrême Gauche, et inclut des franges du Parti Socialiste comme de l’UMP, dont il est acquis que certains députés voteront « non » à la ratification. On est donc conduit à s’interroger sur les raisons d’un choix qui ne cadre guère avec l’image d’indécision que l’on veut donner de François Hollande. Alors que la raison et le bon sens voudraient que l’on abandonne ce traité, l’entêtement du gouvernement et du Président révèle un vrai problème.

    Le choix de la rigueur.

    Ce Traité prévoit que le déficit total d’un pays de la zone Euro ne saurait excéder les 3% et que le déficit structurel, ne devrait pas excéder les 0,5%, laissant 2,5% de marge pour le déficit dit « conjoncturel ». Le traité prévoit aussi l’adoption de la « règle d’or » limitant le déficit par une loi organique dans le cas de la France, ce qui serait plus contraignant qu’une loi normale mais sans aller jusqu’à l’inscription dans la Constitution. On peut se demander pourquoi tant d’acharnement dans la rigueur et l’austérité, alors que la situation économique de la zone Euro est critique, et celle de la France se dégrade désormais rapidement.

    En effet, les données statistiques et les prévisions qui sont faites depuis la rentrée indiquent toutes une entrée dans la récession, voire la dépression. Mettons de côté le cas de la Grèce, qui s’enfonce toujours plus dans une crise terrible, et du Portugal, qui l’imite avec un an de retard. Mettons aussi de côté le cas de l’Irlande, où l’économie se dégrade de nouveau après une embellie de courte durée en 2011. Ce sont des économies de petite taille, certes à l’évolution très symptomatique, mais dont le poids est insuffisant pour tirer vers le bas la conjoncture dans la zone Euro.

    Le problème par contre est bien plus grave si l’on regarde l’Espagne et l’Italie, qui sont respectivement la quatrième et la troisième économie de la zone Euro. L’Espagne ne cesse de corriger ses données passées à la baisse. L’économie y est à l’arrêt, et 2012 devrait se clore sur une importante chute de la richesse nationale (le PIB). En Italie, la récession est aussi évidente, et le PIB devrait reculer cette année d’environ 1%, et continuer son recul en 2013. La France, quant à elle, est actuellement en stagnation, avec une croissance de 0% comme l’indique la Banque de France. Elle devrait connaître une récession dès la fin de l’année 2012 et le début de 2013.

    On peut dès lors s’interroger sur ce choix de la rigueur fait par un Président qui s’est fait élire sur le thème de la croissance. Il ne peut ignorer que cette rigueur est aujourd’hui auto-destructrice. Elle sape les bases des recettes budgétaires et conduit au renouvellement des déficits en dépit des efforts demandés aux populations.

    Le tournant pascalien de François Hollande ou les deux paris.

    Le lien entre les mesures d’austérité ou de rigueur et le climat récessif dans lequel l’Europe est plongé a été établi depuis des mois. Pourtant, François Hollande persiste ; pourquoi ? La réponse tient en deux paris qu’il a fait.

    Le premier porte justement sur le TSCG. Ce dernier est censé signifier un engagement de « sérieux » des pays signataires, en échange de quoi l’Allemagne pourrait assouplir son attitude sur la BCE et accepter de financer des pays comme la Grèce et le Portugal qui auront besoin d’une aide supplémentaire. François Hollande fait le pari que ce qui importe est le vote et non l’application du traité. Déjà, en retenant une hypothèse de croissance de 0,8% pour l’année 2013, le gouvernement français indique bien qu’il n’a nullement l’intention de réduire le déficit budgétaire, qui se situe autour de 5%. Cette hypothèse est parfaitement irréaliste. En admettant que la croissance ne recule que de -0,5% en 2013, l’écart entre les prévisions et la réalité serait de 1,3%, soit 26 milliards d’euros environ. Cela signifie qu’il manquera à peu près 12 milliards de recettes fiscales. Comme les dépenses continueront de monter, ne serait-ce qu’en raison de la récession, on devrait aboutir à un surcroît de déficit de 20 milliards d’euros, soit approximativement 1% du PIB.

    Une situation analogue se produira dans de nombreux pays de la zone Euro. Le Portugal, l’Espagne et la Grèce sont dans l’incapacité d’équilibrer leurs finances publiques et sont confrontés à des protestations sociales qui vont rapidement s’amplifiant. La situation des finances publiques se détériore aussi en Italie. François Hollande fait donc le pari qu’aucun de ces pays ne mettra en place les structures coercitives prévues dans le TSCG, et que la Commission de Bruxelles, devant une mauvaise volonté généralisée, n’appliquera pas les sanctions qui sont prévues dans ce traité. Il aurait donc contraint l’Allemagne tout en n’ayant pas a remplir sa part du marché… Cela semble habile, mais là où le pari prend l’eau, c’est qu’une loi et un traité, sont faits pour être appliqués et respectés. Si tel n’est pas le cas, c’est la crédibilité générale des gouvernements, et des gouvernants, qui est mise en cause, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. Dès que l’on verra vers quoi nous nous acheminons, et que l’on mesurera l’écart entre nos engagements et la réalité de notre politique, il est clair que la spéculation reprendra de plus belle, et cette fois-ci touchera de plein fouet la France. C’est donc un pari bien dangereux que François Hollande a fait, et c’est un pari qu’il va perdre.

    Le second pari porte sur le chômage. François Hollande semble se résoudre à une forte montée de ce dernier en France. Mais, il espère que ceci ne sera que momentané. D’ailleurs, il a dit dans sa récente intervention sur la chaîne de télévision TF1 qu’il se donnait pour tâche d’inverser le mouvement du chômage à la rentrée de 2013. Le pari réside ici dans l’espoir que la conjoncture internationale s’éclaircira dès l’été 2013, et que la croissance hors de la Zone Euro tirera cette dernière de la trappe de récession dans laquelle elle s’est enfermée. D’ici là, François Hollande compte sur les emplois aidés, et une politique compassionnelle, pour apaiser une partie du malaise social qu’il sent monter.

    Mais, si l’on regarde les autres régions économiques du monde, on voit que rien ne vient conforter ce second pari. La Chine se prépare à une longue période de récession, et probablement à de troubles politiques importants. La poussée nationaliste actuelle visant le Japon, qui n’est pas justifications historiques, apparaît néanmoins clairement comme un moyen de dévier la pression sociale vers l’étranger. Il est donc exclu qu’elle puisse jouer le rôle de tracteur de l’économie mondiale. La même chose peut être dite de l’Inde, qui elle aussi semble bien engagée dans une période de récession. Quant aux États-Unis, l’assouplissement monétaire auquel se livre actuellement la Réserve Fédérale (le QE-3) devrait y stabiliser la situation, mais ne saurait permettre une relance que quelque importance. Les problèmes économiques des États-Unis sont structurels, et caractérisés par un investissement très faible et une désindustrialisation avancée. L’importance des dettes des ménages (et des jeunes diplômés) rend impossible toute reprise durable et importante de la consommation. Sur ce point également François Hollande a toutes les chances de perdre son pari.

    Non seulement nous n’assisterons pas à une stabilisation, voire une légère régression du chômage à partir de septembre ou d’octobre 2013, mais tout laisse penser qu’il continuera de monter. Nous devrions arriver, à la fin du mois de décembre 2013, au chiffre jamais vu de 3,7 à 4 millions de chômeurs. Et rappelons que ces chiffres n’incluent pas les personnes « parquées » dans les divers dispositifs mis sur pied depuis plus de vingt ans. Le nombre réel de personnes exclues du marché du travail sera en réalité plus proche des 6 millions que des chiffres officiels. La situation sociale va se dégrader fortement durant l’hiver 2012-2013, et en un sens François Hollande s’y est préparé. Mais, contrairement à ses espoirs, elle continuera à se dégrader durant toute l’année 2013.

    Le pari caché de François Hollande et la réalité de la politique allemande.

    Qu’un homme politique fasse des paris sur l’avenir est une chose normale. Toute politique, sauf à n’être qu’une simple gestion au fil de l’eau, contient des paris, et des prises de risques.

    Mais, quand il s’agit de la politique d’un pays, on est endroit de s’attendre à ce que la fourchette des probabilités soit nettement plus ouverte que ce que l’on a aujourd’hui. Or, dans les deux cas, nous sommes en présence d’une accumulation de facteurs objectifs qui vont à l’encontre des décisions prises. Cela revient à se décider à sortir sans parapluie et pariant sur le soleil alors que les premières gouttes de l’averse frappent déjà les carreaux. En fait, ces paris ne sont que la forme d’un renoncement qui n’ose dire son nom. La vérité est que si François Hollande se résout à faire des paris, dont il ne peut ignorer qu’il a toutes les chances de les perdre, c’est uniquement pour éviter d’avoir à prendre des décisions certes pénibles mais inévitables.

    Il y a en fait un troisième pari, implicite cette fois, dans la politique de François Hollande : la marche vers un fédéralisme européen, dans laquelle il espère entraîner, à petit pas, l’Allemagne[1]. Mais, ce pari est encore plus aléatoire que les deux précédents.

    On sait bien que la crise de la zone Euro est avant tout une crise de compétitivité, et l’on peut penser que le Président ne l’ignore pas. On sait bien aussi que la solution la plus efficace et la plus facile pour restaurer à court terme la compétitivité consiste à dévaluer, et sur ce point encore on peut penser que le Président ne l’ignore pas non plus. Il sait aussi qu’une dévaluation doperait la croissance des pays qui y auraient recours, ce qui rendrait possible les objectifs actuels de déficit budgétaire . Mais, pour pouvoir dévaluer, il faudrait dissoudre la zone Euro. Ou bien, il faudrait faire basculer la construction européenne vers un véritable fédéralisme. Encore faut-il savoir ce que cela implique.

    Une dissolution de la zone Euro implique un affrontement avec l’Allemagne, pays qui profite très largement de la zone Euro. Cette dissolution, avec les dévaluations qui s’appliqueraient alors, pourrait coûter la première année 3% à 4% du PIB de l’Allemagne, et probablement autour de 2% la seconde année et les années suivantes. On comprend pourquoi le gouvernement allemand tient tant à l’Euro. Mais, si l’on veut que la zone Euro soit économiquement équilibrée dans une structure fédérale, il faut considérer les pays de la zone Euro comme de simples provinces d’une entité plus vaste. Des flux de transferts budgétaires sont alors nécessaires, comme ils existent actuellement en Allemagne ou en France. La région parisienne et la basse vallée de la Seine financent les départements du centre de la France. Le problème est dans leur montant. Il faudrait que l’Allemagne consente des transferts budgétaires nets allant, suivant les calculs, de 8% à 12% de son PIB tous les ans[2]. L’économie allemande n’y résisterait pas. En d’autres termes ce n’est pas que l’Allemagne ne veuille pas mais elle ne peut pas!

    Dès lors, on comprend la politique de Mme Merkel : accepter de contribuer au renflouement des États en difficulté, mais sous des conditions d’une austérité draconienne, mais refuser toute pérennisation des flux de transferts. Concrètement, l’Allemagne ne financera pas la re-industrialisation des pays qui connaissent, peu ou prou, des difficultés (Espagne, France, Grèce, Irlande, Italie et Portugal), et ces derniers, en particulier dans le cas de l’Espagne, de la Grèce de l’Italie et du Portugal n’ont pas les ressources budgétaires suffisantes pour le faire[3]. Telle est la logique du fédéralisme au rabais vers lequel nous nous dirigeons et qui nous tue à petit feu. L’Allemagne paiera un peu, mais pas au point de mettre en danger son économie, et par cela espère sauver l’euro qui lui rapporte beaucoup (ou plus précisément qui rapporte beaucoup à ses entreprises…), mais elle a mis une limite implicite à ce qu’elle peut débourser. Les pays de l’Europe du Sud sont dès lors condamnés dans ce scénario à connaître une longue période de crise et de chômage et à voir disparaître ce qui leur reste d’industrie.

    L’idée d’un tel affrontement paralyse la classe politique française qui se gargarise de l’expression « couple franco-allemand », et l’on pourrait gloser sur la résurgence d’un état d’esprit « munichois ». Non que l’on ne puisse se dire des choses déplaisantes entre responsables des deux pays une fois les portes des réunions internationales closes. Cela s’est fait et se fera encore. Mais il n’est pas question de dire les choses publiquement et comme les choses ne peuvent être dites, il devient impossible de préparer les opinions publiques des deux pays aux effets inévitables des divergences de politiques.

    Pourtant, et dans les faits, cet affrontement est déjà là. La question de l’Union Bancaire, présentée comme une avancée « fondamentale » est aujourd’hui en panne, comme on a pu le constater au sommet ECOFIN de Nicosie. L’Allemagne refuse une supervision de TOUTES les banques, parce qu’elle ne veut pas être appelée à contribuer massivement à leur recapitalisation. Les mesures de la BCE portent elles aussi la marque de cet affrontement. Certes, Mario Draghi, le Président de la BCE, s’est bien engagé à intervenir « sans limites ». Mais, il a en réalité cédé aux injonctions de la Bundesbank et fait de la conditionnalité de ces interventions un point de passage obligé. Plus grave encore, la BCE a indiqué que toute injection de liquidité devrait s’accompagner d’un retrait équivalent de liquidité, ce que l’on appelle en langage technique la « stérilisation ». L’impact sur le secteur privé de ponctions de liquidité ne serait pas annulé par l’injection de liquidité dans le secteur public, et cela contribuerait de manière sensible à accroître la tendance récessive dans la zone Euro.

    Un pari stupide

    Face à cette perspective, François Hollande se comporte comme un enfant qui a mal aux dents mais qui a encore plus peur du dentiste. Sur le fond, il n’est pas dupe. Ce serait un grand tort de mésestimer son intelligence. Il sait que la solution de la dissolution s’imposera tôt ou tard. Mais, pour l’instant, la peur du dentiste, et donc de la dissolution de l’euro, l’emporte. Il cherche donc à gagner du temps, et il fait des paris, qui ont certes l’apparence d’être « rationnels », mais dont sait aujourd’hui qu’ils seront perdus tant les facteurs négatifs s’additionnent.

    Alors, on peut aussi se demander si, peut-être il ne nourrit pas en son for intérieur l’espoir en un événement imprévu que lui sauverait la mise ? Mais ceci constitue un quatrième pari, et celui-ci parfaitement irrationnel. C’est un pari mystique ; c’est un pari stupide, au sens de Jacques Prévert, dont les funestes conséquences se feront sentir pour les Français comme pour l’ensemble des Européens. Car là se trouve l’ultime paradoxe de la situation actuelle : la poursuite dans la voie actuelle condamne les Européens à subir une crise d’une ampleur inouïe et menace, en fin de compte, les institutions mêmes de l’Union européenne.

    Jacques Sapir (Russeurope, 22 septembre 2012)

    [1] Comme le montre son discours du 22 septembre 2012 au château de Ludwigsburg, pour les 50 ans du discours du général De Gaulle à la jeunesse allemande.

    [2] Le chiffre de 12% du PIB de l’Allemagne est avancé par P. Artus dans « La solidarité avec les autres pays de la zone euro est-elle incompatible avec la stratégie fondamentale de l’Allemagne : rester compétitive au niveau mondial ? La réponse est oui », FLASH-Économie, Natixis, 17 juillet 2012, n°508. Sur la base d’une méthodologie un peu différente, incluant une politique de relance de l’Allemagne ET des transferts on arrive à 8%.

    [3] P. Artus, « Les Allemands sont en réalité d’accord pour un soutien financier aux autres pays de la zone euro, mais pas pour un soutien économique », », FLASH-Économie, Natixis, 14 septembre 2012, n°611

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  • Nouvel Obs : flagrant Dély de connerie !...

    Nous reproduisons ci-dessous, à la suite de la publication par le Nouvel Observateur d'un dossier grotesque signé par Renaud Dély sur les "néo-fachos", la réponse de Pascal Eysseric, rédacteur en chef de la revue Eléments, qui, une nouvelle fois, a eu droit aux attentions de la police de la pensée... 

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    Renaud Dély : L'Équipe ou Jean-Claude Michéa, il faut choisir !

    Stop ! Voilà plus de trente ans que Le Nouvel Observateur se sert de la revue Éléments comme d'un épouvantail à fascistes auprès de ses lecteurs. Entre deux plateaux télés, un commentaire sur le PSG et une blague graveleuse sur Carla Bruni, Renaud Dely a pris la plume cette semaine pour confectionner son marronnier de rentrée : « les néofascistes sont entrés dans Paris ». Le directeur du Nouvel Observateur y dénonce la revue Éléments qui récupère les « grands intellos » et plus particulièrement Jean-Claude Michéa qui « se dit de gauche ». Lire, voilà un soupçon qu'on aura du mal à formuler à propos de Renaud Dély. Trop occupé à feuilleter France Football, Dély n'a certainement plus le temps de lire les « grands intellos » comme il dit. Dans le dernier livre de Michéa, il aurait appris que ce dernier récuse justement ce terme de « gauche ». L'Équipe ou Le complexe d'Orphée, il faut choisir ! Si quelqu'un nous avait dit un jour que Thierry Roland dirigerait Le Nouvel Observateur… Le journaliste nous accuse également d'annexer Philippe Muray pour en faire une « caution » présentable du « combat identitaire ». Sauf que l'article d'Éléments dit exactement le contraire, et prend ses distances avec l'auteur de Festivus, Festivus… Renaud Dély ne fait pas seulement un blocage avec les « grands intellos », il en fait un aussi avec les tout-petits, qui pullulent dans son hebdomadaire. Ainsi le pontifiant Jean-Claude Guillebaud, qui asperge Éléments avec son eau bénite et son gros sel avant de le décortiquer, nous reproche lui d'être « aussi permissifs » que « la gauche libérale-libertaire ». Comprenne qui pourra !

        En réalité, la haine du Nouvel Observateur à l'égard d'Éléments vient de loin. Elle a débuté en 1979. En ce temps-là, les devanciers de Renaud Dely nous reprochaient notre compagnonnage avec le flamboyant Guy Hocquenghem, qui s'était rebellé contre ceux, majoritaires au Nouvel Observateur, qui étaient passés du col Mao au Rotary. Il fit un « bout de chemin » avec nous et fut dûment dénoncé pour cela. Aujourd'hui, la direction du Nouvel Observateur fustige notre proximité avec le philosophe Jean-Claude Michéa. Nous l'assumons. Comme notre proximité intellectuelle avec Alain Caillé, Régis Debray, Serge Latouche, Jean-Pierre Le Goff, Jacques Sapir, Robert Guédiguian, etc. Si ceux-là devaient attendre que le patron du Nouvel Observateur les lise… Les rotatives des imprimeurs auront rouillé d'ici-là.

        Pauvres « grands intellos » de gauche ainsi récupérés pour les méchants neo-droitistes! Oui, nous les avons « annexés », oui nous les avons lus, oui nous les avons commentés comme il est de coutume dans une revue d'idées (Éléments est une des plus anciennes de France d'ailleurs). Aussi curieux que cela puisse paraître pour un arriviste comme Dély, nous allons même jusqu'à commenter des auteurs qui nous sont hostiles. C'est la raison pour laquelle le philosophe Edgar Morin (encore un « grand intello » que nous avons «annexé»?) a dit prendre du plaisir à lire Éléments. Faut-il le compter parmi les tenants du combat identitaire ? Pas sûr en revanche que le philosophe en ait beaucoup pris à lire Brèves de Football, le dernier «ouvrage» signé Renaud Dély. Publiée avant l'été dans le numéro 144, notre dossier sur la Diabolisation était prémonitoire : il annonçait une «conjuration des imbéciles dans les grands médias avant la fin de l'année». Renaud Dély a été pile à l'heure. 

    Pascal Eysseric
    Rédacteur en chef
    Revue Éléments

     

             Pour vous découvrir les méthodes des Renaud Dély (Nouvel Observateur), Sylvain Bourmeau (Libération), Nelly Kaprièlian (Les Inrocks), et autres Thénardiers du paysage intellectuel français, lisez le numéro 144 d'Éléments…

    Disponible ici : La diabolisation continue !

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  • Zarathoustra 2.0 ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Thomas Jamet, cueilli sur le site Influencia. Thomas Jamet est l'auteur de Ren@issance mythologique - L'imaginaire et les mythes à l'ère digitale (Bourin, 2011), un essai très inspiré par les travaux de Michel Maffesoli...

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    Zarathoustra 2.0

    L’époque est à la décadence. Un mouvement marquant la fin de toutes les civilisations. Un moment où le sens est dépassé par la règle. Et où l’imaginaire cherche à renaître à grands cris.

    Rappelons-nous de ce livre fondateur de Nietzsche, « Ainsi parlait Zarathoustra ». Dans cet ouvrage qui se voulait comme un évangile, Friedrich Nietzsche livre une parabole puissante et éclairante toujours valide sur notre rapport au monde. L’ouvrage raconte l’histoire de Zarathoustra qui est resté dix ans reclus à méditer. Quand il se résout à quitter son ermitage et à rompre sa solitude pour s’adresser au peuple, il s’aperçoit avec horreur et consternation que les hommes n’ont qu’indifférence pour son projet et revendiquent et réclament à grands cris leur médiocrité.

    En leur apprenant la fameuse formule de la « mort de Dieu », Zarathoustra entend lutter contre la « décadence » et contre l’essence de la crise mortelle dont le monde est frappé. La célèbre formule, « Dieu est mort » ne signifie pas l’annonce de l’athéisme, elle entend dire que l’angoisse du néant est bel et bien installée. La mort de Dieu dénonce la dévaluation universelle des valeurs, qui plonge l’humanité dans l’angoisse de l’absurde en lui imposant la certitude désespérante que plus rien n’a de sens. La décadence s’est installée et aussi le dérèglement des instincts. La raison a été érigée en despote sous le couvert de l’impératif moral et de la foi. Les faibles ont réussi à contaminer les forts grâce au contrôle de l’éducation et de la raison camouflée sous une soi-disant « amélioration morale » de l’homme. La raison a travaillé à le domestiquer, à transformer des natures énergiques et passionnées en bêtes de somme dociles. 

    La prémonition de Zarathoustra était juste : pendant des siècles le monde a laissé de côté le mythe / muthos (le récit) au profit de la logique / logos (la raison). Enfants de Descartes, fruits de la modernité, disciples de la science, nous avons dévalorisé nos instincts primitifs. En conquérant la technique, nous avons en quelque sorte démythisé nos existences. La science a voulu tout expliquer. La médecine a voulu tout rationaliser.

    Mais le monde change, et l’imaginaire reprend ses droits, grâce au digital. Et c’est là toute l’essence de la transformation actuelle du monde ; un changement de paradigme, un retour à l’émotion, à l’affect. Les technologies digitales, plus centrées sur l’humain, l’imaginaire, et moins la technique sont en train de faire naître de manière accélérée des comportements sociaux centrés sur l’imaginaire et guidés par le non rationnel : émotion, gamification, diffusion de mèmes, tendances culturelles comme le seapunk, communautés, rassemblements…

    La crise accélère certainement ce phénomène en ce qu’elle accélère les mutations, vers un nouveau monde, forcément différent. Le rêve de Zarathoustra est toujours valide : la guerre entre le rationnel et l’émotion fait toujours rage. Mais le digital ouvre un nouveau pan et le XXIème siècle sera émotionnel ou ne sera pas. Nieztsche avait raison.

    Thomas Jamet (Influencia, 19 septembre 2012)

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  • Le retour du diable ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un excellent article de Pierre-André Taguieff, cueilli sur Tak et consacré à la diabolisation systématique de la droite par la gauche...

     

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    Droite : le retour du diable

    Dans le débat public, en France tout particulièrement, on observe une singulière surenchère dans les désignations de « l’extrémisme », du moins lorsqu’on parle de l’extrémisme « de droite ». Ces désignations se sont banalisées : « l’extrême droite radicale », « la plus extrême droite », « à l’extrême droite de l’extrême droite », etc. En un mot : dans le genre du discours de dénonciation, les professionnels du « plus à droite, tu meurs… » se multiplient parmi les commentateurs de « l’actualité politique ». Il semble s’agir pour eux de rivaliser en intensité dans la dénonciation du « pire ». L’extrémisation de l’extrême est la matrice d’un véritable lieu commun du discours politique contemporain, d’un toposde la rhétorique politique ordinaire.

    Mais, soulignons le fait, l’exercice paraît strictement réservé au traitement des habitants malheureux des terres « de droite » ou considérées comme telles – avec leurs invités privilégiés : les « nationalistes »,toujours en passe de devenir ce qu’ils sont (supposés être), des « ultra-nationalistes ». Ce qu’on appelle « l’extrême gauche » fait partie au contraire du paysage politique normal, et n’inquiète personne : le phénomène s’est folklorisé, même s’il peut rapporter de confortables sinécures (au Sénat ou au Parlement européen). L’extrémisation polémique peut s’opérer simplement par l’usage de l’expression stigmatisante : « à droite de la droite »1.

    De la droite à l’extrême

    Dès lors, la « droitisation » de la droite n’est rien d’autre que son extrémisation. Elle reste cependant elle-même : la droite, même radicalement « droitisée », ne sort pas de sa catégorie. Un homme de droite est toujours soupçonné d’être en cours de « droitisation »,nouveau nom de la menace vue de gauche et catégorie attrappe-tout2.

    Rien n’est pire, aux yeux des « paniqueurs » professionnels de gauche, que ce qu’on appelait naguère la « droite décomplexée », c’est-à-dire la droite osant être elle-même. Et, comme le diable, la « droitisation » est « polymorphe », elle multiplie les masques, elle paraît ce qu’elle n’est pas et n’est pas ce qu’elle paraît. Naissance d’un mythe répulsif. Par ailleurs, le passage à droite n’est pas un passage comme les autres : il marque le téméraire voyageur politique d’une tache indélébile. D’un acteur politique ou d’un intellectuel, on rappelle qu’il a été, dans sa jeunesse,« très à droite ». Il devient par là même suspect : on suppose qu’il a été imprégné d’une façon fatalement « durable » par son engagement « très à droite » de jeunesse. Un « très » qui est par nature un « trop ». Ce« péché de jeunesse » demeure comme une souillure. Être à droite, c’est toujours être trop à droite.

    La logique du pire repose ici sur la thèse selon laquelle la droite, par une malédiction tenant à sa nature, est vouée à être toujours plus à droite, à aller toujours plus loin à droite, à dériver toujours plus extrêmement à droite, vers la droite – donc vers elle-même. Être elle-même, pour « la droite », ce serait être extrême. Son être authentique serait son être extrémiste. Soit le summum du politiquement répulsif. Et tout individu « de droite » serait voué à un fatal retour à soi, c’est-à-dire à sa nature intrinsèquement droitière. Appartenir à « la droite », c’est appartenir à une « famille politique » ou « idéologique », comme on dit. Certains experts reconnaissent qu’il s’agit d’une « famille idéologique complexe et diversifiée »3. Mais « l’extrême droite » est aussi, pose-t-on, une « famille idéologique » qui s’inscrit dans un vaste espace « familial », celui des droites ou de « la droite ». Cette catégorisation revient à une malédiction. Il s’agit d’une « famille politique » maudite, qui contamine tout ce qu’elle touche, et souille par simple contact. La contagion est attribuée à « la famille » comme aux « sous-familles ». Dire que « la droite » et « l’extrême droite » ont des points communs, des thèmes communs ou des frontières communes, qu’elles « partagent des valeurs » ou s’imitent l’une l’autre, c’est diaboliser « la droite ».

    Les mythes fondateurs de l’antifascisme

    Pour comprendre la force de cette diabolisation, il faut considérer de près les mythes constitutifs de ce qu’il est convenu d’appeler « l’antifascisme », qui s’est défini vers le milieu des années 1930, à l’initiative de la propagande soviétique, comme machine de guerre idéologique contre le national-socialisme. L’antifascisme d’origine soviétique est devenu banal dans les démocraties occidentales, il s’est diffusé, après la Seconde Guerre mondiale, dans le champ tout entier des opinions et des croyances.

    L’imprégnation antifasciste a modelé l’esprit public, affectant les droites comme les gauches, et, en conséquence, contribuant à effacer le clivage droite/gauche4. C’est là ce qui explique le fait que le comble de l’horreur, dans les représentations sociales des démocraties contemporaines, a un titulaire indétrônable : Adolf Hitler. Si Hitler et le nazisme incarnent l’horreur politique même, l’horreur maximale, et plus précisément le pire dans l’ordre de l’extrémisme de droite, ils peuvent jouer le rôle d’un critère d’identification et de classement : les « extrémistes » vont dès lors être situés selon leur plus ou moins grande proximité vis-à-vis de l’hitlérisme ou du nazisme. Mais certains débatteurs vont plus loin : ils vont au-delà de la simple nazification, et accusent leurs ennemis d’être pire qu’Hitler. Le moins qu’on puisse dire, c’est que la notion est difficile à concevoir : comment être pire que le Mal absolu ? Et, pourtant, ce qu’il faut bien appeler l’ultra-nazification existe et persiste dans les âmes et dans les mots.

    On a parfois l’impression que les « spécialistes de l’extrême droite », diplômés ou non, sont des disciples du personnage joué par le sémillant Christian Clavier dans le film de Jeannot Szwarc, La Vengeance d’une blonde (1994) : le héros très agité de cette comédie, présentateur de journal télévisé, après avoir été enlevé par une bande de néo-nazis d’opérette, les décrit à son épouse incrédule comme situés « à l’extrême droite d’Hitler ». Donc pire que le pire : l’horizon indépassable de l’horreur contemporaine est ainsi repoussé. On ne saurait dire mieux, ni suggérer pire. Toujours plus fort ! La frénésie polémique est sans limites. Les indignés délateurs s’appuyant sur une historiographie de militants d’extrême gauche, ne voyant l’extrémisme que chez ceux d’en face, l’exercent dans leurs étiquetages du Mal. Il y a là une bouillie conceptuelle engendrée par la rencontre d’une historiographie policière (se contentant de ficher et de dénoncer avec indignation), d’un esprit militant manichéen et d’une formation intellectuelle insuffisante – on hésite entre deux diagnostics : degré zéro de la réflexion méthodologique ou ignorance des problèmes épistémologiques élémentaires. Le moralisme de l’indignation outrancière remplace la réflexion. Au cri d’indignation ou d’horreur s’ajoutent souvent la condamnation morale en guise d’analyse et la dénonciation édifiante en guise d’épistémologie.

    La confusion intellectuelle

    Les formules creuses font bon ménage avec la confusion intellectuelle, dans tous les camps. Dans l’idéologie gauchiste hexagonale, Le Pen étant tenu pour une réincarnation d’Hitler, la reductio ad Lepenum va de soi. Le directeur-adjoint de Libération, Sylvain Bourmeau, dont on regrette qu’il n’ait pas joué un rôle, même mineur, dans La Vengeance d’un blonde, a ainsi jeté l’anathème sur l’écrivain Renaud Camus, en déclarant qu’on pouvait le « classer à la droite de Jean-Marie Le Pen ». Pire que le pire, encore une fois : déjà, en 2000, Laure Adler, alors directrice de France Culture, aurait déclaré que Renaud Camus était « pire qu’Hitler5« .Donc pire que le diable. Il s’agissait bien là d’un acte de baptême sataniste : proférer l’insulte rituelle maximale, une insulte ultra-nazifiante, c’est inventer une nouvelle chimère politique, c’est faire naître un nouvel ultra-extrémiste de droite, un être à peine nommable, mais point du tout pensable. Simplement dénonçable. La diabolisation est ici à son comble.

    Simplifions le tableau de la logique antidroitiste, ultime rejeton de l’antifascisme stalinien, devenu la pensée commune des gauches : l’axiome est que la droite est maudite ; la loi d’évolution est qu’en raison de sa nature, la droite est vouée à se développer sur le mode d’une (auto-)extrémisation sans limites, comme extrême droite, puis extrême extrême droite, à l’infini. Un infini horrifique dont l’expression « à l’extrême droite d’Hitler » donne une idée. « À la droite de Satan » représente une formule alternative, à la Taxil6. Et l’on sait qu’après bien des voyages imprévus, le diable est revenu par « la gauche », au fur et à mesure que celle-ci s’est vidée de son sens, en même temps que la « distinction fossile7«  dans laquelle elle prenait place. Ses projets d’émancipation et de justice sociale s’étant soit banalisés par leur réalisation même (l’État-providence), soit transformés en chimères dangereuses eu égard aux dictatures totalitaires qui s’en sont réclamé, « la gauche » est devenu un champ de non-attraction symbolique. N’ayant rien à proposer qui n’existe déjà ou n’ait déjà échoué, « la gauche » ne peut exister sans se donner des ennemis diaboliques, définis exclusivement par un ensemble de traits négatifs. Elle tient son semblant d’existence des ennemis chimériques qu’elle s’invente et à l’existence desquels, fascinée par ses propres créations, elle finit souvent par croire. Ces ennemis fictifs sont de nature satanique. « L’extrême droite », c’est la droite luciférienne de la nouvelle « Bonne Presse ». Face aux possédés, seul l’exorcisme est de rigueur. Dans un premier temps, l’anathème et l’imprécation sont recommandés.

    Il ne faut pourtant pas s’en tenir au simple constat que la bêtise ou le vide est à gauche, voire de gauche, et, pour retourner le compliment, qu’elle n’atteint ses sommets que dans une gauche devenue pleinement elle-même, c’est-à-dire extrême. La gauche est simplement elle-même dans son imagination polémique, lorsqu’elle fait naître ou renaître des fantômes, se nourrissant pour survivre de récits d’épouvante peuplés de personnages répulsifs, dits « d’extrême droite » ou « de droite extrême ». Face à la menace, elle s’érige en « barrage » : le diable ne passera pas, réaffirme-t-elle. Le plus surprenant dans l’affaire, c’est que l’opération continue de marcher. Le diable reste à la porte. Seuls quelques diablotins pénètrent par le trou de la serrure. La politique n’a point cessé de relever de la magie.

    Pierre-André Taguieff (Tak, 31 juillet 2012)

     

    1. Philippe Vervaecke (éd.), À droite de la droite. Droites radicales en France et en Grande-Bretagne au XXe siècle, Villeneuve d’Ascq, Presses Universitaires du Septentrion, 2012. Cet ouvrage collectif vaut mieux que son titre-slogan, et donne à lire quelques excellentes études. 
    2. La catégorie polémique fourre-tout est ainsi présentée par deux jeunes essayistes socialistes, Gaël Brustier et Jean-Philippe Huelin : « Ce que nous appelons “droitisation” n’est pas la victoire des droites d’hier, mais un phénomène autre, nouveau, lié à la peur du déclassement de l’Occident, qu’il soit européen ou américain. Diffus, parfois contradictoire, ce phénomène a pris une ampleur toujours plus grande. Occidentalisme, identitarisme, islamophobie en constituent des traits caractéristiques dont le degré de sophistication évolue évidemment selon les publics » (Voyage au bout de la droite. Des paniques morales à la contestation droitière, Paris, Mille et une nuits, 2011, p. 10). 
    3. Jean-Yves Camus, « L’extrême droite : une famille idéologique complexe et diversifiée », La Pensée et les Hommes, n° 68, juin 2008. 
    4. Voir Pierre-André Taguieff, Les Contre-réactionnaires. Le progressisme comme illusion et imposture, Paris, Denoël, 2007. 
    5. Sur ce qu’il convenu d’appeler « l’affaire Renaud Camus », ou plus exactement la première en date (printemps 2000), provoquée par quelques lignes de son journal de 1994, La Campagne de France (Paris, Fayard, 2000), voir notamment le témoignage de Claude Durand, Avant-propos assorti de quelques matériaux et réflexions pour une étude socio-médiologique de l’“affaire Camus” (juin 2000) ; Pierre Péan et Philippe Cohen, La Face cachée du Monde. Du contre-pouvoir aux abus de pouvoir, Paris, Mille et une nuits, 2003, p. 364-370 ; et l’interview d’Alain Finkielkraut, in Ralph William Sarkonak, Les Spirales du sens chez Renaud Camus, Amsterdam et New York, Éditions Rodopi, 2009, pp. 273-290. 
    6. Docteur Bataille (pseudonyme), Le Diable au XIXe siècle ou les mystères du spiritisme. La franc-maçonnerie luciférienne, Paris et Lyon, Delhomme et Briguet, 1895, 2 vol. 
    7. Jean Baudrillard, De l’exorcisme en politique… ou la conjuration des imbéciles, Paris, Sens & Tonka, 1998, p. 20. 
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  • Rideaux de fumée ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Slobodan Despot, cueilli sur son blog Despotica et consacré aux campagnes hystériques contre le tabagisme... Slobodan Despot est le directeur des éditions Xénia, qui ont, notamment, publié les derniers ouvrages d'Eric Werner.

     

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    Rideaux de fumée

    De toute ma vie, je n’ai jamais grillé une seule cigarette. Il m’est répugnant de voir ou de toucher un mégot. A ma connaissance, seul l’ayatollah Khomeiny manifestait une horreur du tabac comparable à la mienne.

    Adolescent, j’ai vu mes camarades se mettre à fumer pour la pire des raisons : le conformisme social. Le tabac n’est qu’une fumigation nauséabonde à laquelle on cède sans plaisir, pour faire comme les autres. Les mille additifs/addictifs concoctés par l’industrie se chargent ensuite de transformer les jeunes moutons en vaches à traire.

    Ceci pour attester que ce qui suit n’est pas sponsorisé par ladite industrie.

    Jusqu’à l’âge de trente ans, j’ai dû endurer la fumée sans piper mot. Cette peine est désormais remplacée par une autre : devoir supporter un conformisme contraire encore plus arrogant.

    Sachez donc, tabagistes traqués, que ma maison vous est ouverte. Personne n’y sera relégué sur le balcon. Les brassards jaunes et les crécelles pour lépreux, très peu pour moi !

    La traque à la fumée est symptôme d’une préoccupante folie. Toutes les dérives totalitaires, sans exception, partent d’un souci d’hygiène et de pureté morale, et prospèrent sur des hallucinations.

    Dans le beau film sur « Le mystère Silkwood » (1983), traitant des crimes de la mafia nucléaire, un Kurt Russell goguenard dit à Meryl Streep, dénonciatrice des empoisonneurs mais qui aligne clope sur clope : « Si tu veux éviter le cancer, arrête plutôt de fumer ». Il y a trente ans déjà, la nocivité du tabac était un lieu commun, mais qu’on traitait sur le mode nonchalant. Sa récente montée en épingle n’est pas une question de santé, mais d’idéologie.

    Tout est affaire de probabilités, ou plutôt de leur interprétation. La généralisation du tabagisme correspond aussi, en Occident, à l’explosion de l’espérance de vie moyenne : en conclura-t-on que le tabac prolonge la vie ? Par ailleurs, même une probabilité de 99,99 % ne vous garantit pas qu’une chose va arriver. Or le principe de précaution, qui transforme notre société en un hospice infantile, traite un risque comme une certitude dès le plus infime degré de probabilité. On en arrive ainsi, par un remarquable obscurcissement mental, à traiter le tabac comme du plutonium. La moindre inhalation serait potentiellement mortelle !

    Le cordon sanitaire tendu autour de ce vice bénin est lui-même un rideau de fumée. Si le tabac était du plutonium, il faudrait l’interdire. Or on en est loin. On l’utilise comme arme pour culpabiliser et conditionner la population. La focalisation sur des enjeux secondaires tels que le tabac ou le terrorisme permet de rogner les libertés sans opposition et sans risque. Pendant ce temps, la dissémination massive d’uranium appauvri, les incidences suspectes de l’électrosmog ou de certains vaccins sur le métabolisme sont totalement ignorés.

    Une consolation toutefois : nous assistons à une prolifération rapide des cancers — sans cause apparente selon les autorités. Lorsqu’ils toucheront plus de la moitié de la population, au moins saurons-nous que ce n’est pas à cause du tabac !

    Slobodan Despot ( Despotica, 22 septembre 2012)

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