Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Xavier Raufer, cueilli sur le site de Valeurs actuelles et consacré à la naïveté dont fait preuve le gouvernement socialiste sur les question de sécurité...
Où mène la naïveté
Le drame des socialistes, c’est leur idéalisme. Et cela ne date pas d’hier ! Entre 1934 et 1935, Léon Blum écrit, dans le Populaire (organe de la SFIO), divers articles sur les nationalisations. À propos de celles-ci, le futur président du Conseil du Front populaire prophétise : quand les ouvriers ne travailleront plus pour un capitaliste mais pour leur propre compte, l’entrain sera tel dans les entreprises nationalisées que la productivité explosera. Seul souci, prévoit alors Blum : que faire des énormes bénéfices ainsi engendrés ? Or on a ensuite vu, dans la vraie vie, ce qu’il en était de la capacité des entreprises nationalisées à faire des profits…
Début 1961, François Mitterrand visite longuement la Chine. À son retour, il déclare à l’Express (23 février 1961) que Mao « n’est pas un dictateur », mais un « humaniste », et que « le peuple chinois n’est en aucun cas au bord de la famine ». Rappel : le paradis maoïste subit alors un génocide au cours duquel renaît le cannibalisme, plus de 36 millions de Chinois périssent alors de faim. Quand, en 1981, le même François Mitterrand accède au pouvoir, un idéalisme identique pousse son gouvernement à libérer les terroristes d’Action directe – qui, bien sûr, recommencent à tuer peu après.
Même idéalisme aujourd’hui chez les dirigeants socialistes, en matière de criminalité.
D’abord, ils adhèrent toujours à l’absurde “culture de l’excuse”, idéologie pour laquelle la misère sociale engendre le crime, les bandits n’étant que d’innocentes victimes de l’exclusion et du racisme. Or cette inepte doctrine est aujourd’hui délaissée partout sur la planète – même l’Union européenne (pourtant bienséante en la matière) a fini par réaliser qu’à l’inverse le crime provoque bien plus sûrement la misère : « L’insuffisance des possibilités de croissance est aussi la conséquence de la présence criminelle, dans la mesure où la criminalité organisée s’approprie illégalement les ressources de l’économie locale, ce qui nuit à la volonté normale d’entreprendre puisque les logiques prédatrices de la malhonnêteté viennent remplacer celles de la libre concurrence et du marché », explique le dernier rapport de commission pour la prévention du crime et la justice pénale du Parlement européen (octobre 2012).
Même irréalisme quand il s’agit de définir quel type de criminalité ravage aujourd’hui la Corse. Récemment, une pléthore de ministres – et de médias bien sûr à leur suite, dépourvus de toute nuance critique – a ainsi dénoncé la présence en Corse de la Mafia.
Or il n’y a pas de mafia en Corse, mais un milieu criminel (certes exubérant). Et même, la présence dans l’île de Beauté d’une mafia est impossible, voici pourquoi. Dans la décennie 2000, le criminologue italien Pino Arlacchi, récent sous-secrétaire général de l’Onu pour les drogues et la prévention des crimes, a brillamment développé une cruciale distinction entre, d’un côté, le Mezzogiorno agricole (Sicile, Campanie, Calabre) et, de l’autre, celui voué aux pâturages et bergeries (Sardaigne). Or chacun sait que l’on trouve des mafias dans le premier (respectivement Cosa nostra, Camorra, N’Dranghetta) – mais jamais en Sardaigne – et pas plus en Corse, précisément pour le même motif ethnologique.
Irréalisme enfin – et là, superlatif – chez Mme Taubira, que l’idéologie assourdit à tel point qu’elle est incapable d’entendre ce que même ses affidés politiques lui disent les yeux dans les yeux. Au début de l’automne, Mme Taubira rencontre, à Marseille, ce que Libé Marseille(du 21 septembre 2012) décrit comme des « personnes passionnantes, responsables d’associations, de centres sociaux, d’éducateurs de rue, de structures s’occupant d’emploi, de citoyenneté, d’éducation populaire, etc. ». Au fait : sont-ce vraiment des saints laïcs que rencontre Mme Taubira, ou plutôt des amis du président du conseil général socialiste Jean-Noël Guerini, chargés de distribuer des prébendes et de pousser leurs ouailles à “bien” voter dans leur fief ? Passons…
Mais écoutons quand même l’un d’entre eux, Mohamed B., avertir le garde des Sceaux : « Le bracelet électronique n’est pas une solution lorsqu’il devient une fierté dans les quartiers. L’été, ceux qui le portent sont en short et cela leur permet de montrer qui ils sont. »
Vous avez bien lu. Mme Taubira et son entourage gauchiste ont pour programme de vider les prisons, de renvoyer chez eux des bandits équipés, pour toute sanction, d’un bracelet électronique – qui n’est en fait qu’une Légion d’honneur pour racailles ! Irréalisme, donc. Mais aussi sévères erreurs dans le registre de la nomination et des diagnostics : rien de cela n’est innocent ni anodin. Les unes après les autres, les digues cèdent. Pour finir, un inquiétant rapport de force : face aux criminels, une police de terrain démoralisée, consciente de ne plus inspirer la moindre crainte aux voyous des cités, ni le plus minime des “respects”.
Tels sont d’usage les prémices d’une vague criminelle. La dernière déferla sous Lionel Jospin. Attendons 2013.
Xavier Raufer (Valeurs actuelles, 6 décembre 2012)