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Made in USA : un bras d'honneur à la religion néo-libérale...

Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Christian Harbulot, cueilli sur Les influences et consacré au retour en grâce du nationalisme économique aux Etats-Unis. Christian Harbulot est directeur de l'Ecole de guerre économique.

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Made in USA : un bras d'honneur à la religion néo-libérale

Le quotidien Le Monde a publié le 7 décembre dernier un article sur les relocalisations aux Etats-Unis, qui semble bien décalé lorsqu’on écoute la plupart des discours des économistes français s’exprimer dans les médias.

Depuis le milieu des années 70, la pensée économique française s’est mise au diapason d’un discours centré sur les réalités compétitives de l’entreprise. A l’époque, le bilan gaulliste sur la politique industrielle du début de la Ve République a été jeté aux oubliettes avec une légèreté sans égal, comme si elle n’avait jamais existée. Oubliée la décision politique de limiter la dépendance pétrolière de la France par rapport aux sept majors anglo-saxonnes (débat relancé aujourd’hui sur la question des dépendances énergétiques), oubliée la volonté de créer une industrie informatique de souveraineté (débat relancé aujourd’hui par des pays comme l’Allemagne), oublié la critique sur la domination excessive du dollar dans les mécanismes financiers de l’économie mondiale (débat relancé par les pays qui ne veulent plus dépendre uniquement du dollar dans leurs transactions financières pétrolières, oublié la volonté de préserver un potentiel de création de richesse économique nationale avec les grands projets comme le nucléaire, le transport ou le spatial (débat relancé à cause de l’érosion dangereuse de notre tissu industriel).

Un demi siècle plus tard, le pays qui se présente comme le plus libéral du monde, les Etats-Unis d’Amérique, prend un cap qui n’est plus conforme à l’orthodoxie de nos économistes libéraux. La journaliste du Monde, Audrey Fournier a des propos révélateurs sur le Made in America qu’elle présente comme un combat qui n’est plus seulement économique mais politique. Largement relayée lors la dernière campagne électorale américaine, cette thématique de la relocalisation industrielle a compté dans la réélection d’Obama. Ce dernier en a usé pour démontrer son rôle dans le sauvetage de General Motors grâce à des fonds publics et lorsqu’il accusa son rival Mitt Romney « d’avoir poussé des entreprises détenues par sa société de private equity à délocaliser massivement dans les années 1980 et 1990  ».
Cette intrusion du politique américain sur le terrain des entreprises a le mérite de rappeler une constante de l’histoire humaine : la survie économique d’un peuple sur un territoire ne correspond pas forcément à l’application dogmatique de critères de rentabilité économique ou financière. En 1914, le principal partenaire économique de la France était l’Allemagne. La problématique de reconquête de l’Alsace-Lorraine l’a emporté sur les intérêts objectifs des industriels et des banquiers impliqués dans les échanges de part et d’autre du Rhin.

Les centres de recherche et les diverses associations d’industriels américains qui s’interrogent ou contestent le bien-fondé de relocalisation sont obligés de tenir compte d’une évidence aussi paradoxale : les entreprises américaines cherchent à faire du business avec la Chine mais le durcissement des rapports de force géoéconomiques entre l’empire du Milieu et les Etats-Unis modifie la donne. Autrement dit, ce n’est pas l’avenir des bénéfices des grands de Wall Street qui est en cause mais c’est aussi et peut-être surtout celui des Etats-Unis.

Quant à la France dans tout cela, il est temps pour elle de s’emparer du débat en laissant les sophistes radoter dans leur coin.

Christian Harbulot (Les Influences, 9 décembre 2012)

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