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Points de vue - Page 351

  • « Le quota de Robert Ménard est dépassé »...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Francis Richard, cueilli sur le site suisse Les Observateurs, qui revient en détail sur l'"affaire Ménard"... Bienvenue en Normalie !... 

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    « Le quota de Robert Ménard est dépassé »

    En France, sur 36 000 journalistes professionnels, 2 000 à 3 000 osent se dire de droite. Parmi ces journalistes anormaux – puisqu’ils ne sont pas de gauche –, une poignée, qui ne se compte pas sur les doigts des deux mains, fait parler d’elle plus que de raison. Ce qui est proprement intolérable et ne sera donc plus toléré en Normalie, ce nouveau régime inauguré par le camarade-président Hollande.

    Ces quelques suspects, à qui il convient de clouer le bec, qu’ils ont trop grand ouvert, s’appellent, dans l’ordre alphabétique, Jean-Jacques Bourdin, Eric Brunet, Philippe Cohen, Elisabeth Lévy, Robert Ménard, Ivan Rioufol et Eric Zemmour. Ils n’ont bien sûr aucun talent et ne doivent leur audience qu’à leurs piètres provocations de droite.

    Ces journalistes anormaux, qui, en d’autres temps et en d’autres lieux, auraient été enfermés, comme de juste, dans des asiles psychiatriques pour les empêcher de nuire à autrui, doivent progressivement disparaître du paysage audiovisuel français, où ils font taches.

    Comme ils travaillent sur des chaînes de télé ou des stations de radio privées, les patrons de ces dernières ont tout de même bien le droit de se séparer de leurs services quand bon leur semble, sans avoir à subir la moindre pression.

    Le scénario d’éviction est d’une simplicité biblique. Une émission d’un de ces anormaux déplaît aux censeurs de la gauche bien-pensante. Pour leur complaire, les patrons de la chaîne de télé ou de la station de radio en question, sous couvert de concertation, proposent alors au coupable, qui est « libre » d’accepter ou de refuser, une émission de rechange, où sa capacité de nuisance sera réduite, voire anéantie.

    Vous avez aimé ce scénario, où Eric Zemmour a récemment tenu la vedette. Vous adorerez maintenant celui, dont Robert Ménard est le protagoniste.

    Petit rappel. Pour son émission Z comme Zemmour du 23 mai dernier, sur RTL, consacrée au favoritisme pénal du nouveau Ministre de la Justice, Christiane Taubira, le journaliste Zemmour a été sanctionné. Sa chronique quotidienne sera remplacée à la rentrée de septembre par une chronique bihebdomadaire. Na!

    Que RTL vienne d’être rappelée à l’ordre au sujet de cette émission par le CSA, l’autorité de censure audiovisuelle du régime, n’est que pure coïncidence…

    Robert Ménard, fondateur de Reporters sans frontières, s’est déjà signalé dans un passé récent par son indocilité répréhensible et son anormalité. Dans un livre intitulé Vive Le Pen, il n’a certes pas invité à voter Front National, mais il a écrit, tenez-vous bien, que ce parti était un parti comme les autres puisqu’il n’était pas interdit et que ses électeurs ne devaient pas être ostracisés…

    Cette fois, dans son émission quotidienne du 18 juin dernier, à 17h45, Ménard sans interdit, sur I-Télé ici, la chaîne d’informations en continu du groupe Canal+, le journaliste a franchi la ligne rouge, couleur qui lui est interdite, comme à tous ses semblables. Il recevait Louis-Georges Tin, président du CRAN, le Conseil représentatif des associations noires, qui veut faire voter par le Parlement français une loi pour imposer la représentation de la « diversité » à l’Assemblée nationale.

    Qu’entend par « diversité » ce brave homme dont la rondeur sereine doit tout au fait qu’il est maintenant du côté du manche? Selon lui, les noirs, les arabes et les asiatiques sont la « diversité ». Or ils ne sont que dix à la représenter à l’Assemblée nationale – moins deux, Kader Arif et George Pau-Langevin, devenus, depuis, membres du gouvernement Jean-Marc Ayrault – alors que dans le pays la « diversité » représenterait de 10% à 12% des citoyens français.

    Louis-Georges Tin prétend que sa religion n’est pas faite sur la manière dont la « diversité » pourrait parvenir à être représentée à l’Assemblée nationale. Des quotas? Pourquoi pas? Mais dans l’audiovisuel les quotas n’ont pas été nécessaires pour obtenir à la télé un grand nombre de journalistes de la « diversité ». Comment cela s’est-il produit? Grâce à un outil statistique, le baromètre de la diversité, mis en place en 2009 par le CSA, « qui compte clairement le nombre de personnes noires »…

    Louis-Georges Tin préconise donc la création d’une commission composée d’élus de gauche comme de droite, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, pour en débattre. Robert Ménard n’arrive toutefois pas à obtenir de lui une réponse nette à la question: « Que fait-on concrètement? », parce que son interlocuteur prétend n’avoir pas d’idées derrière la tête…

    Au cours de l’entretien Robert Ménard dit que l’important, pour lui, n’est pas qu’un journaliste-télé soit noir, mais qu’il soit excellent et que la seule chose qui l’intéresse est que « la télé nous dise la vérité ». Pour lui le mot race n’est pas choquant, c’est le racisme qui l’est.

    Au cours de l’entretien, surtout, Robert Ménard ose souligner, ou obliger à reconnaître, les contradictions de Louis-Georges Tin:

    • Pour ce dernier la non-représentation des blancs en outre-mer n’est pas la même chose que la sous représentation des noirs dans l’hexagone…
    • Le CRAN refuse les statistiques ethniques, mais verrait d’un bon œil les statistiques de la « diversité »…
    • Le CRAN dit que les races et les ethnies n’existent pas, mais qu’il existe des gens de couleur « qui sont discriminés à cause de ça » (Robert Ménard avec son franc-parler parle de « truc de faux-cul »)…et que c’est de la « discrimination raciale ».
    • Louis-Georges Tin dit: « Je pense que ce n’est pas en changeant les mots qu’on change les choses » à propos de la suppression par Hollande du mot race dans la Constitution, mais utilise à la place le terme de « diversité ».
    • Vouloir que la « diversité » soit représentée n’est-ce pas « mettre le doigt dans un engrenage terrible »: les homosexuels, les pieds-noirs ne vont-ils pas « nous dire la même chose »?

    Robert Ménard reconnaît qu’il fait du mauvais esprit quand il remarque, à propos de quotas, que, parmi les trois premiers pays où il y a le plus de femmes au Parlement, figurent le Ruanda et Cuba, ces « dictatures de merde »…Louis-Georges Tin lui demande alors de ne pas être arrogant à l’égard des pays du Sud (sic) et ajoute que « cela veut dire qu’il y a des dictatures qui font mieux que nous »…

    A la fin de l’entretien qui dure un peu moins de 10 minutes, Louis-Georges Tin dit que le seul fait d’énoncer le problème peut faire changer les choses. A quoi Robert Ménard lui répond:

    « En tout cas, je vous souhaite bonne chance, même si, vous l’avez compris, je pense que c’est une connerie. »

    Un peu plus tôt, comme Robert Ménard est pied-noir et comme il a osé parler de revendication possible des 4 millions de pieds-noirs à vouloir être représentés, Louis-Georges Tin lui a fait cette réponse prémonitoire:

    « Je crois que le quota de Ménard est déjà dépassé.»

    Quoiqu’il en soit, le bruit court que c’est cet entretien, diffusé au lendemain de la victoire de la gauche aux législatives, qui a scellé le sort de Robert Ménard à I-Télé.

    La direction de la chaîne donne sa version tout à fait lisible:

    « Il y a une semaine, nous avons expliqué à Robert Ménard qu’il y avait un problème de lisibilité avec son émission qui mélangeait l’interview et l’opinion. Nous lui avons proposé une chronique en tant qu’éditorialiste où il pourrait exprimer son point de vue. Il vient de nous donner sa réponse par l’intermédiaire des médias. Mais nous n’avons jamais voulu nous séparer de lui. »

    Le scénario prévisible était bouclé…

    Dieu soit loué, Robert Ménard ne pourra plus mettre ses interlocuteurs en difficulté ! La Normalité pourra régner à la rentrée sur cette chaîne télé!

    Francis Richard (Les Observateurs, 19 juillet 2012)

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  • Une mémoire instrumentalisée...

    Nous reproduisons ci-dessous un excellent point de vue de P.B., l'un des hussard de La Droite strasbourgeoise, consacré au triste exercice de repentance auquel s'est livré François Hollande à l'occasion de la cérémonie de commémoration de la «rafle du Vel d'hiv»...

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    A propos du Vel d'hiv : une mémoire instrumentalisée

    Célèbrant le soixante-dixième anniversaire de la rafle du Val d’Hiv du 17 juillet 1942 devenue le symbole de l’extermination des juifs d’Europe, François Hollande a déclaré qu’elle constituait « un crime commis en France par la France« . Désignant ainsi la France, notion atemporelle et décontextualisée il est allé plus avant que son prédécesseur Jacques Chirac qui s’était contenté de faire porter la responsabilité de cette ignominie sur « l’État français », dénomination officielle de l’autorité de fait exercée par Vichy. 

    Cette nuance a son importance car elle fait passer la nation de complice plus ou moins zélée d’un projet qu’aucun fonctionnaire de police n’imaginait criminel à l’époque, au statut de concepteur et d’auteur principal du génocide. Hollande bousille ce qui reste du roman national que l’on sait bien fait de mythes suggestifs et de légendes pieuses. Bien sûr celui gaulliste et mitterrandien d’une France globalement résistante face à une poignée de traîtres collabos à la solde des nazis n’était plus tenable, mais cela justifiait-il un tel dérapage sémantique ?

     

    Pétain incarnait-il la France ? Oui, assurément si l’on en croit François Hollande. Jean-Pierre Chevènement sur son blog signifiant son désaccord avec le président de la République faisait remarquer que ce faisant Hollande confirmait que si Pétain c’était la France il reconnaissait du même coup la légitimité du « véritable coup d’État opéré le 10 juillet 1940 par un gouvernement de capitulation« . Le moins que l’on puisse dire c’est que les propos de François Hollande ne font pas l’unanimité dans la classe politique.

     

    Ainsi le gaulliste Henri Guaino, toujours attaché à l’orthodoxie gaullo-mitterandienne dans ce domaine a-t-il suggéré lundi, avec une pointe d’ironie, que le président de la République tirant les conséquences de ces déclarations supprime la commémoration du 18 juin désormais caduque. Comme lui, pour beaucoup de nos compatriotes la France authentique était depuis cette date repliée à Londres. Mais l’ancienne plume de Sarkozy n’oublie-t-il pas un peu vite qu’en 2007 son mentor après avoir salué, à ce propos, le discours de son prédécesseur Jacques Chirac de 1995, avait précisé : « Il n’y a rien à ajouter, rien à retrancher à son très beau discours« . Sa conformité au gaullisme parait taillée sur mesure et il en retranche volontiers ce qui l’arrange. 

    Paul-Marie Coûteaux, souverainiste de tradition gaullienne, membre du Rassemblement Bleu Marine explore quant à lui la chaîne des responsabilités pour innocenter la France de toujours de cette forfaiture. À la version des faits proposée par Chirac et Hollande, il oppose une autre version des faits pas moins « historique » que celle qui se taille aujourd’hui la part du lion chacun sachant que les problèmatiques historiques dépendent des rapports de force et qu’elles reçoivent des inflexions différentes selon qui dispose de l’hégémonie culturelle dans la société.

    Selon Coûteaux donc, « Aucune des autorités que reconnaissaient alors les Français, celle de Vichy pas plus que celle de Londres ne gouvernait la zone occupée. Faut-il rappeler que, odieux rouage de la folie criminelle que l’impérialisme allemand imposait alors à presque toute l’Europe, le général Oberg, commandant la place de Paris, avait ordonné à la police parisienne, dont les agents étaient arrêtés ou instantanément fusillés s’ils n’obéissaient pas, la livraison de 25000 juifs étrangers réfugiés en France mais que des policiers français ont, au péril de leur vie, supprimé des fichiers ou prévenu dans la nuit des milliers de familles juives, en sorte que la moitié de ce qu’exigeait l’Occupant furent arrêtés ? Faut-il rappeler que c’est la France qui accueillit le plus grand nombre de réfugiés de confession juive, et en France qu’en furent sauvés le plus grand nombre ? » 

    C’est vrai, comme Serge Klarsfeld l’a mainte fois évoqué, à cette différence près que Karl Oberg n’était pas commandant de la place de Paris mais général SS dirigeant la police allemande dans toute la zone occupée. De même sont vraies les dispositions arrêtées par le chef de la police française, le très radical-socialiste René Bousquet, pour agir à partir du 8 août, en toute autonomie sans réquisition des autorités allemandes. Mais le 8 août n’est pas le 17 juillet, date à laquelle la police française dépendait encore entièrement de l’arbitraire allemand. Ceci étant dit, nous ne retiendrons pas la conclusion de Coûteaux qui à la fin de sa péroraison ne peut s’empêcher, en bon souverainiste patriotard, de donner le coup de pied de l’âne à la construction européenne la « direction allemande ».C’est pour le moins hors sujet mais reste qu’on ne peut lui donner tort lorsqu’il conclut qu’une « part croissante de notre peuple s’accuse de crimes qui ne lui sont nullement imputables, érodant sa mémoire, par là sa fierté, par là sa volonté« . 

    L’autodiffamation, la flagellation permanente à laquelle nous nous livrons sous la conduite de nos censeurs semble être devenue un sport national, non dépourvu d’une certaine arrogance d’ailleurs (que l’on songe au Misanthrope de Molière), alimentant en permanence une véritable industrie de la repentance.

    Spinoza disait que que « le repentir est une deuxième faute » (pour autant que l’on ait commis la première). Si François Hollande se vautre dans la liturgie des confiteor et des mea culpa (sur la poitrine des morts), il y a à cela une raison. Comme le faisait remarquer Paul Yonnet dans son Voyage au centre du malaise français (Gallimard, 1993), ce sont les silences longtemps entretenus par le discours officiel autour de Vichy qui expliquent le retournement des années soixante-dix et la progressive reconstruction de notre histoire sur des bases judéocentrées. 

    L’héroïque roman de la France résistante cédait progressivement la place à une France de la collaboration, un ramassis de crapules d’où émergeaient seuls quelques « justes ». Selon Yonnet c’est sur cette image peu flatteuse que s’est construit à la même époque un antiracisme occupant rapidement tout le champ de la légitimité idéologique.

    Si la France est une infamie, rien d’elle ne mérite d’être défendue et seule une immigration massive peut nous donner une chance d’être régénérés.

    C’est ce qu’on appelle un antiracisme de résignation.

    P. B. (Le blog des hussards de la Droite strasbourgeoise, 25 juillet 2012)

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  • Être ou ne pas être (réac) ?...

    Le nouveau numéro d'Eléments est en kiosque. il est aussi disponible sur le site de la revue.  Vous pouvez lire ci-dessous l'éditorial de Robert de Herte, alias Alain de Benoist, consacré à la polémique sur les "nouveaux réacs".

     

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    Être ou ne pas être (réac) ?

    On parlait autrefois de" terrorisme intellectuel ". On a parlé ensuite de" pensée unique ", et aussi de " police de la pensée ". C'est un fait que depuis trente ans, il n'y a plus en France de véritable débat d'idées. Les lobbies, les ligues de vertu, les médias au service de la bienpensance s'efforcent de décourager toute pensée critique. Depuis quelques années, cependant, des fissures semblent se faire jour dans la chape de plomb. Un certain nombre d'esprits libres, dont l'influence ne se limite plus à quelques cercles confidentiels, se rebellent contre la discipline imposée. D'où les anathèmes lancés contre eux par ceux qui veulent avant tout défendre leurs positions acquises et entretenir leurs fonds de commerce. Pour stigmatiser les impertinents et les rebelles, on dit désormais qu'ils sont « réacs ». En clair: qu'ils représentent les" nouveaux réactionnaires ».

    Convoqués à comparaître devant le tribunal médiatique, les" nouveaux réactionnaires » font en permanence l'objet d'un grotesque procès au sein du grand club socialo-libéral-libertaire, le " club des conformistes heureux » (Pierre-André Taguieff). On leur reproche d'avoir le front de ne pas penser comme il faut, de préférer le débat contradictoire au débat entre gens du même avis. Et surtout de mettre en cause, avec plus ou moins d'audace, les grandes idoles de notre temps: la croyance au " progrès », l'idéologie du " genre", 1'" antiracisme » de convenance, l'impératif de " métissage », le culture de masse ou bien encore 1'" art contemporain ". Spécialistes en cordons sanitaires et dénonciations édifiantes, les défenseurs du monothéisme du marché, les nouveaux curés des droits de l'homme qui dispensent leurs sermons moralisateurs, se veulent les défenseurs du Bien contre une hydre toujours renaissante, jamais plus vivante que depuis qu'elle a été vaincue. Ils remplissent ainsi leur rôle de chiens de garde du système en place.

    Notre société célèbre la " transgression", mais passe son temps à traquer les pensées non conformes, faisait observer Élisabeth Lévy, qui ajoutait qu'il est" paradoxal de célébrer la diversité en toute chose, sauf dans le domaine des idées ». Dans les anciens régimes communistes, déjà, les dissidents étaient régulièrement dénoncés comme des" réactionnaires ». Le terme, aujourd'hui, continue d'être employé sans aucune rigueur, comme une formule polémique susceptible de recevoir n'importe quel contenu. Hier encore, par exemple, être réactionnaire, c'était en tenir pour l'élitisme et les vieilles hiérarchies. Aujourd'hui, le réactionnaire est devenu" populiste ». Condamner le foulard islamique serait réactionnaire, mais le défendre le serait tout autant. Il peut aussi y avoir des réactionnaires de gauche: dans ses Réflexions sur la violence, Georges Sorel ne classait-il pas parmi les réactionnaires" les amis de Jaurès, les cléricaux et les démocrates ». L'ennemi peut donc avoir tous les visages. Mais que faut-il entendre par ce terme?

    Dans l'histoire des idées, le courant réactionnaire se confond plus ou moins avec le courant légimiste et contre-révolutionnaire. Les grands auteurs n'y manquent pas, de Joseph de Maistre et Donoso Cortés jusqu'à Nicolas Gomez Davila. Les écrivains y sont tout spécialement bien représentés, depuis Chateaubriand, Villiers de l'Isle-Adam ou Barbey d'Aurevilly, mais aussi Morand et Giono, Montherlant, Jacques Perret, Marcel Aymé et tant d'autres. Les grands réactionnaires sont des conservateurs restaurationnistes. Ils veulent retourner à un état de choses jugé meilleur, mais qui n'existe plus.

    C'est une première limite. Face aux adeptes de la table rase, le passé est la grande affaire du réactionnaire, qui s'arc-boute sur une mémoire souvent fictive. Les réactionnaires sont des nostalgiques d'un passé réel ou fantasmé. Ils s'y rattachent d'une façon souvent pathétique, ou simplement puérile. Puisque" c'était mieux avant », ils proposent toujours d'en revenir à quelque chose, sans comprendre que l'histoire ne repasse pas les plats. Comme le disait Marx, ils cherchent à " faire tourner à l'envers la roue de l'histoire ". C'est ce qui explique leur inintelligence politique. Un brave réactionnaire, interviewé récemment dans le journal de l'Action française, à la question" Pourquoi selon vous faut-il un roi à la France? », répondait tout simplement: " Parce que c'est joli! », et aussi parce que la France « a été vouée à la Sainte Vierge, nous reliant ainsi au Golgotha ». On voit le niveau. Mais de ce point de vue, ceux qui critiquent les « nouveaux réacs » pourraient tout aussi bien être considérés comme des réactionnaires, puisque qu'ils se refusent à voir le monde comme il est et cherchent par tous les moyens à escamoter ce qui crève les yeux. Le réactionnaire est aussi le contraire du révolutionnaire. Se réfugiant dans le passé par refus du présent, le réactionnaire rechigne aux solutions radicales. Il préfère le pire des" ordres" en place à l'idée même de révolution. Réactionnaire est celui qui croit pouvoir faire face à la crise financière mondiale en prônant un retour au bon vieux" capitalisme rhénan". Réactionnaire encore celui qui, lors de la dernière élection présidentielle, choisissait de voter pour un président sortant qu'il n'avait cessé de critiquer pendant cinq ans au motif qu'il représentait le " moindre mal" - sans réaliser que c'est en fait ainsi qu'il pratiquait la politique du pire. A cela s'ajoutent les préjugés et les intérêts de classe. Dans l'éternel affrontement entre les Versaillais et les Communards, les réactionnaires sont évidemment du côté de Monsieur Thiers et de la bourgeoisie. Le réactionnaire est du côté de l'" union sacrée", du" sursaut national ", de l'" union des patriotes" et autres calembredaines qui, depuis cent cinquante ans au moins, l'ont fait constamment voler de défaite en défaite.

    Comme son nom l'indique, le réactionnaire a certes le mérite de réagir. Il vaut mieux réagir que rester passif et subir en silence -l'avion à réaction, c'est bien connu, va généralement plus vite que les autres. Mais la réaction s'oppose aussi à la réflexion. La droite réactionnaire est réactive, et non pas réflexive. Elle marche à l'indignation à l'enthousiasme, au sentiment. Ce n'est pas toujours une faute, mais cela en devient une dès que l'émotion interdit l'analyse des situations, rendant du même coup aveugle à l'exacte nature du moment historique que l'on vit. De ce point de vue, le mouvement des" indignés" est lui aussi" réactionnaire ". L'indignation, n'est pas une politique.

    Une droite antilibérale et non réactionnaire serait tout naturellement faite pour s'entendre avec une gauche purgée de l'idéologie de progrès. C'est sans doute aussi cette conjonction que veulent interdire ceux qui s'affairent à rafistoler la digue, à remettre une couche sur la chape de plomb. Mais jusqu'à quand?

    Robert de Herte (Éléments n°144, juillet - septembre 20112)

     

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  • Vers une Union carolingienne ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Marc Rousset, cueilli sur le site de Metamag et consacré à l'avenir de l'Europe qui passe selon lui par la constitution d'un noyau carolingien fort. Marc Rousset, qui a exercé pendant près de vingt ans des fonctions de direction dans de grands groupes européens, a publié en 2001 un ouvrage intitulé La Nouvelle Europe :Paris-Berlin-Moscou - Le continent européen face au choc des civilisations, aux éditions Godefroy de Bouillon.

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    Europe : vers une Union carolingienne ?
     
    « Charlemagne a encore de l’avenir » a pu dire Charles de Gaulle !  « Il ne faut pas moins d’Europe, mais plus d’Europe » a déclaré de son côté  la chancelière Angela Merkel  tout en appelant «  à donner un signal et à nous rapprocher dans une union politique ».
     
    Ne pas se fier aux apparences 
     
     Dans l’immédiat, il est certain qu’avec « François, le cauchemar des entreprises » titre d’un article dans  le quotidien Süddeutsche Zeitung,  l’Europe  n’en prend pas le  chemin. François Hollande cherche à nier les réalités économiques et à finasser avec l’Italie et l’Espagne ; il  ne trouve grâce en Allemagne que dans le parti « die Linke » l’équivalent du Front de gauche de Jean Luc Mélenchon .

    François Hollande ne connait pas suffisamment l’Allemagne et commence à réaliser qu’il va lentement mais sûrement à «  l’échec et mat », au-delà de son petit jouet sur la croissance de 120 milliards d’euros (emprunts de la Banque Européenne d’investissements ,fonds européens non encore utilisés) . 
    L’Allemagne aurait bien tort de ne pas lui permettre de  garder la face et de continuer à  illusionner ses électeurs. La Chancelière allemande a préféré ne pas s’attarder à Rome  pour voir à Gdansk  la « Mannschaft » triompher  au football contre la Grèce (tout un symbole). Mario Monti  adhère sur le fond, aux  thèses d’Angela  Merkel .  Les sociaux -démocrates du SPD  qui auraient eu tort pour des raisons de politique interne allemande, de refuser l’invitation à l’Elysée,  se sont empressés  de rallier le pacte budgétaire européen lors du vote  au Bundestag. 
     
    Le chef de la diplomatie allemande Guido Westerwelle souligne qu’on ne peut pas combattre une crise des déficits avec de nouvelles dettes et qu’il n’est plus possible d’acheter de la croissance avec des dettes. La croissance doit être le résultat de réformes structurelles qui améliorent la compétitivité. Au delà des obstacles apparents que représente  François Hollande, l’Europe, dans son malheur  et son déclin actuel tant politique, militaire, démographique, moral qu’économique  ne se dirige-t- elle pas à terme vers une UnIon carolingienne, noyau dur d’une Europe Puissance à construire pour survivre dans le monde multipolaire du XXIème siècle ?
     
    Faire du mal économique  européen de l’euro  un bien  politique 

    Milton Friedmann a prétendu  à juste titre que l’Europe, sans harmonisation budgétaire, fiscale et sociale  a mis la charrue avant les bœufs en introduisant l’euro. Le laxisme socialiste français et des pays de l’Europe du sud  aura également beaucoup contribué à l’intenable situation actuelle car la France était même  légèrement plus compétitive que l’Allemagne lors de l’introduction de l’euro. La  Chancelière apporte cependant  une réponse qui n’est pas sans rappeler les propositions passées  de Karl Lamers et Wolfgang Schaüble à Edouard Balladur : « Nous devons créer une structure politique qui va de pair avec notre monnaie unique ». La France, beaucoup plus forte économiquement  à l’époque, offusquée par l’atteinte portée  à son aura politique , avait refusé de les étudier sérieusement .
    Guido Westerwelle souligne que l’Europe est notre meilleure garantie de prospérité dans un monde multipolaire qui se globalise avec de nouveaux centres de pouvoir. A la France de faire en sorte  qu’une véritable préférence communautaire soit établie et que l’Europe passoire ne soit plus l’Europe offerte , le sas de décompression, comme le remarquait Régis Debray, vers le libre échangisme mondialiste .La France doit reprendre l’idée allemande, mais  faire aussi comprendre à l’Allemagne qu’avec des structures compétitives, on peut lutter entre Européens , à armes égales, mais certainement pas avec des salaires trente  fois moins élevés , que ce soit en Chine ou au Maroc, comme le vient de le prouver Renault en implantant une nouvelle usine ultra -moderne  avec des salaires marocains , à quelques heures des côtes françaises , et cela sans aucune protection douanière européenne.
     
    Aux dirigeants français de savoir alors  également dire « Non » au « Nein »allemand, avec menace de ne plus jouer le jeu , et de revenir aux monnaies nationales, voire aux frontières nationales ! « Alles oder Nichts « (tout ou rien), prendre les Allemands à leurs propres mots,  voilà ce que devrait proposer une France responsable à l’Allemagne, en acceptant l’idée allemande, mais sans se laisser rouler pour autant dans la farine, d’autant plus qu’à terme, l’Allemagne elle même ne pourra plus supporter la  concurrence des pays émergents !
     
    De plus pour survivre  économiquement au XXIème siècle, il faut un marché minimum de 150  miIlions de consommateurs, ce qui permet des économies d’échelle avec  des débouchés suffisants, des structures économiques et technologiques compétitives, et ce qui permet aussi de pouvoir financer des projets  technologiques modernes  publics ou privés d’avenir  tels qu’AIrbus,  Galiléo, Ariane, projets spatiaux et aéronautiques, industrie navale, armements terrestres…Pour paraphraser Lénine(« Mieux vaut moins mais mieux  ») , il est donc possible d’affirmer  qu’ avec moins  d’Européens véritablement unis dans une structure carolingienne  on peut donc faire plus qu’avec l’actuelle Union européenne anglo-saxonne, libre échangiste sous protectorat militaire américain

    A quand une véritable défense européenne franco-allemande ?
     
    IL faut faire exactement le contraire de ce que préconise Michel Rocard et tout en gardant la dissuasion nucléaire française, mettre en place une défense européenne crédible, opérationnelle, moderne, crainte, établie sur le Rhin et dont le quartier général serait à Strasbourg et non pas à Bruxelles, tout un symbole !
    Le mythe de la France a toujours été  de se constituer en unique héritière de Charlemagne. Le mythe de l’Allemagne a toujours été celui de la continuation de l’Empire Romain, avec le Saint Empire Romain Germanique. L’Europe n’en finit pas de subir les conséquences du Traité de Verdun en 843 par lequel les fils de Louis Le Pieux réglaient le partage de l’Empire Carolingien : ce qui allait devenir l’Allemagne à Louis Le Germanique, ce qui allait devenir la France à Charles Le Chauve, et ce qui allait devenir l’objet des guerres civiles européennes entre ces deux pays, la Lotharingie pour Lothaire.
    La France et l’Allemagne sont liées par une « communauté de destin ». Edouard Husson remarquait que s’il y a un noyau en Europe, c’est bien celui constitué par la société française et allemande ; l’alliance de l’aveugle et du paralytique garde un sens si chacun sait soigner ses maux (étatisme et laxisme socialiste  d’un côté, pacifisme de l’autre) (Edouard Husson- Une autre Allemagne - Gallimard, 396 p – 2005). A quand un Quartier général européen à Strasbourg puisque ,suite à l’obstruction britannique, celui constitué à Bruxelles n’en finit pas de rester dans les limbes chiraquiennes et  comprend en tout et pour tout  aujourd’hui  8 personnes ! De qui se moque-ton ? Là aussi, ce serait à la France de prendre les Allemands à leurs propres mots  et de mettre en place une véritable structure de défense en dehors de l’OTAN  équidistante de la Russie et des Etats-Unis! L’Europe continentale européenne resterait  dans l’Alliance Atlantique tout en  se rapprochant de la Russie  par une  Alliance Continentale où l’on pourrait reprendre schématiquement le traité  révisé et renégocié de l’Alliance Atlantique en remplaçant tout simplement le mot Etats-Unis par Russie !

    Prenons en considération la proposition de l’Allemagne, mais en nous faisant respecter ,  sans brader les intérêts économiques de la France, sans se laisser  embarquer dans un monde libre échangiste mondialiste  qui convient pour l’instant surtout à Angela Merkel . Exigeons la mise en place d’une défense européenne et gardons toujours en mémoire ces paroles prophétiques du Général de Gaulle ,le 29 Mars 1949,lors de sa conférence de Presse  au Palais d’Orsay « Moi je dis qu’il faut faire l’Europe  avec un accord entre Français et Allemands. Une fois l’Europe faite sur ces bases, alors on pourra essayer, une bonne fois pour toutes, de faire l’Europe toute entière avec la Russie aussi, dût- elle changer de régime. Voilà le programme de vrais Européens". Voilà le mien »
     
    Marc Rousset (Metamag, 16 juillet 2012)
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  • Le contraste...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Jean-Paul Baquiast, animateur du site Europe solidaire, qui souligne le contraste entre les capacités dont dipose encore notre pays (pou combien de temps ?.) et son absence de véritable politique étrangère...

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    Défilé militaire du 14 juillet 2012. Le contraste

    Les images opèrent encore. Ceux qui regardaient les puissants moyens déployés par la République sur les Champs-Elysées, couvrant un vaste domaine d'armes et d'interventions, pouvaient s'imaginer que la France était encore une grande puissance... Ce qui est le cas d'ailleurs quand on la compare aux piètres capacités des autres pays européens, y compris la mirifique Allemagne - pour ne pas mentionner le Royaume Uni, tristement tenu en laisse par les Etats-Unis.
    Or quand on considère la politique étrangère, ou plutôt l'absence de politique étrangère de la France, on mesure le contraste.

    François Hollande, qui applaudissait les troupes, se comporte en fait comme s'il n'avait aucun argument pour élaborer ne fut-ce qu'un semblant de politique étrangère distincte de celle des Etats-Unis.

    Il fait valoir qu'il a décidé de se désengager de la désastreuse campagne en Afghanistan. Mais il n'a guère d'autres raisons pouvant démonter que notre pays ne se comporte pas, comme le fait Royaume-Uni, en fidèle caniche de l'Amérique. Sur tous les théâtres, la France se coule dans les objectifs militaires et stratégiques des Etats-Unis, ceci malgré les signes évidents de la chute accélérée dans laquelle ceux-ci et leurs « alliés » se trouvent dorénavant entrainés.

    C'est le cas en Syrie où la France en rajoute dans l'irréalisme anti-Assad, sans se rendre compte qu'elle pave la voie pour les islamistes de combat. C'est le cas vis-à-vis de l'Arabie Saoudite et du Qatar, que la France n'aurait aucun intérêt à ménager, vu là aussi la contribution de ces deux pays à la propagation du terrorisme islamiste, aucun intérêt sauf celui de complaire aux Etats-Unis et à leur politique pétrolière.


    C'est le cas à propos du BMDE (bouclier européen) que l'Amérique tente d'imposer à l'Otan pour protéger ses propres intérêts, en en faisant supporter le coût aux Européens. A la surprise générale, lors de la dernière réunion de l'Otan, François Hollande a accepté de payer sa part des dépenses, alors qu'il manque d'argent pour renforcer notre propre défense.

    C'est le cas, ce qui est bien plus grave pour l'avenir, dans le domaine des relations avec la Russie. La France de François Hollande, loin de jouer la considérable carte que représenterait, vis à vie de la Russie et plus généralement du BRICS, une diplomatie européenne distincte des Etats-Unis, reprend à son compte les allégations irresponsables de la secrétaire d'Etat Hillary Rodham Clinton, concernant le caractère non démocratique (non soumis) de la politique décidée par Vladimir Poutine.

    Répétons-le, tant que la France, qui pourrait sans doute entraîner avec elle quelques Etats européens où l'atlantisme ne fait plus recette, ne se démarquera pas nettement de Washington, et derrière Washington, de Wall Street et de la City de Londres, elle n'aura rien à espérer en termes de redressement diplomatique. Aussi bien dans ce cas rayer le concept de défense européenne du dictionnaire, renvoyer les militaires français dans leurs casernes et mettre la force de frappe à la casse.

    Jean-Paul Baquiast (Europe solidaire, 14 juillet 2012)

     
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  • Une évolution symbolique de notre temps...

    Au cours de l'été, lors d'un déplacement en train et d'un passage à Paris, certains lecteurs auront peut-être l'occasion (sinon la chance) de passer par la nouvelle gare Saint-Lazare et, ainsi, de se faire une idée des lieux et de la transformation qu'ils ont subie. Pour les autres, nous leur offrons de découvrir ce «lieu de vie ouvert sur la ville» grâce à la plume acérée de Michel Geoffroy, qui a livré son analyse à Polémia.

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    La gare Saint-Lazare change : une évolution symbolique de notre temps

    La gare Saint-Lazare, qui remonte à Louis-Philippe, est l'une des plus anciennes et des plus importantes de Paris pour le trafic de voyageurs. Mais elle n'avait pas fait l'objet d'une rénovation depuis les années 1970. Aujourd'hui c'est chose faite. On l'a « pensée comme un véritable lieu de vie ouvert sur la ville et ses transports, accessible à tous », nous dit la SNCF. Traduisons la novlangue.

    Une gare transformée pour le doux commerce

    La gare, dont le hall et le quai transversal ont été rénovés, est désormais dotée d'un nouvel « espace commercial » : en clair, elle est devenue un centre commercial ! Les travaux ont été conduits par Klepierre, spécialiste des centres commerciaux. C'est dire.

    La gare accueille désormais 80 boutiques environ, bien éclairées grâce à la rénovation de la verrière : des boutiques du genre de celles que l'on trouve partout ; on y vend des fringues, de la restauration rapide, de l'audiovisuel et il y a des supérettes. Le genre de marchandises qui sied à une société déracinée, dans un monde « globalisé ».

    Mais les quais, qui voient chaque jour se déverser 450.000 voyageurs, n'ont par contre pas changé depuis le siècle dernier.

    Chaque matin on piétine donc pour s'extirper de son train et sortir de la gare. Mais que l'on ne s'inquiète pas : la SNCF va de l'avant puisque le doux commerce entre en gare !

    Certes, il y a toujours un haut-parleur pour expliquer qu'en raison d'une avarie de matériel, d'un accident de personne (variante : un accident grave de voyageur), ou d'un mouvement social, tel ou tel train ne fonctionne plus. Mais pas de panique : les usagers, que l'on remercie pour leur « patience et leur compréhension » vont sans doute aller faire un tour dans les boutiques pour patienter. Et on a d'ailleurs rénové la salle d'attente.

    Les distributeurs automatiques ont pris la place des guichets d'antan. Dans ce monde minéral et automatisé il fallait libérer le hall, en effet, pour accéder aux commerces.

    Et puis les écrans, les vrais dieux Lares de notre temps, sont partout, qui remplacent avantageusement les agents de la gare, car en général eux ne suivent pas les fameux « mouvements sociaux ».

    Metropolis, mais en vrai

    C'est le soir que l'on apprécie vraiment ce « lieu de vie ouvert à tous ». Et la nuit plus encore.

    Le matin, en effet, la ressource humaine du système économique, en majorité autochtone, est en retard ou pressée : elle fait de son mieux pour sortir au plus vite de la gare. Elle se précipite vers les bus ou les métros, en attrapant au passage le dernier journal gratuit que lui tendent une armada de gentils distributeurs ambulants, qui font beaucoup d'efforts pour que chacun soit ainsi bien « informé ». Pas le temps de musarder dans les boutiques !

    Les usagers descendent en foule solitaire, leur MP3 vissé dans les oreilles, dans les sous-sols, comme dans le sinistre film de Fritz Lang, Metropolis. Mais ce n'est plus du cinéma.

    La diversité c'est mieux le soir

    La gare s'anime vraiment le soir : car c'est le moment où les « jeunes » et les allogènes, qui ne sont manifestement pas du matin, prennent possession des lieux. Ils s'installent sur les escaliers, hurlent dans leurs portables et palabrent en matant les meufs.

    Assurément ils enrichissent le quotidien des voyageurs, avec leurs tenues bariolées, leurs casquettes mises à l'envers, leurs chaussures Nike rutilantes, leurs scooters vrombissant ou leurs éclats de voix.

    Ils apportent aussi une note d'optimisme, car en les regardant (pas trop quand même : on ne sait jamais ce qui pourrait se passer s'il y avait un réfugié tchétchène parmi eux…) ou en les entendant rire à pleines dents, on n'a pas l'impression de voir les victimes du chômage et de la discrimination dont nous parlent toujours d'un air contrit les médias.

    Peut-être sont-ce des intermittents du spectacle employés par la SNCF pour nous faire voir la vie avec exotisme ?

    Une Babel moderne

    Après une journée de travail, les usagers ont donc la joie de devoir zigzaguer entre les cannettes de bière, les « jeunes » ou les clochards, pour franchir les escaliers, que manifestement la SNCF ne considère plus comme faisant encore partie de l'emprise de la gare. C'est sans doute un « lieu de vie » qu'il faut respecter !

    Il faut aussi éviter les fumeurs qui s'agglutinent aux portes : on appréciera d'ailleurs que dans ces gares conçues au XIXe siècle pour évacuer vers le haut la fumée des locomotives à vapeur, on ne puisse plus fumer aujourd'hui qu'à l'extérieur…

    En soirée, la gare se métamorphose pour notre plaisir en grand aéroport international, les avions et les hôtesses en moins.

    La gare devient le lieu de rencontre de tous les peuples de la terre : une Babel de notre temps, qui doit ravir les bobos. On y entend tous les idiomes, on y croise toutes les tenues et des bambins de toutes les couleurs, avec une nette dominante africaine cependant. On n'a plus l'impression d'être à Paris.

    Merci à la SNCF de nous faire voyager de par le vaste monde pour le prix d'un modeste billet ! Pardon : d'un modeste abonnement – si possible annuel – payé d'avance, car le billet de train est devenu chose rare de nos jours. Ce n'était pas « rentable ».

    Bienvenue dans le meilleur des mondes

    Mais il y a quand même toutes sortes de policiers et vigiles dans cette gare « lumineuse et transparente » et cet espace d'échange : police nationale, gendarmes, police ferroviaire, police du métro, etc., tous pareillement vêtus, genre ninja mais sans cagoule, et en général constitués en patrouilles mixtes, diversité oblige : un blanc patibulaire, un black (pour parler gentiment aux blacks sans doute) et une femme.

    Sans oublier les braves militaires de Vigipirate qui déambulent, fusil à la main, l'air absent. Il y a aussi les contrôleurs de la SNCF qui ne se déplacent qu'en groupe et qui présentent désormais une remarquable diversité de coiffures, d'accoutrements ou d'ethnies, sans doute pour s'adapter à la clientèle du soir.

    Dans ce lieu de vie, on nous explique que tout bagage abandonné sera détruit ou qu'il faut surveiller nos affaires car des « pickpockets sont susceptibles d'opérer dans cette gare ». Tant pis pour vous on vous aura prévenus, semblent vouloir dire ces annonces, qui déchargent par avance la SNCF de toute responsabilité.

    Comme tout cela est rassurant ! On se sent tellement chez soi dans ce temple du voyage et du commerce qu'on a vraiment envie d'être ailleurs : c'est sans doute cela la magie du voyage.

    Merci la SNCF !

    Michel Geoffroy (Polémia, 6 juillet 2012)

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