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Points de vue - Page 283

  • Un triste Hobbit...

    Nous reproduisons ci-dessous la critique éclairée de Ludovic Maubreuil consacrée au deuxième volet du film Le Hobbit, de Peter Jackson, et publiée dans la revue Éléments (n°150, janvier - mars 20014). Si les trois films que Peter Jackson avaient tiré de l’œuvre de J.R.R. Tolkien, Le Seigneur des Anneaux, étaient contestables , voire irritants, ils ne manquaient pas d'un réel souffle épique, avec quelques très belles scènes, et des paysages magnifiques. Le Hobbit, en revanche, n'est qu'un film d'action à la sauce hollywoodienne, dans lequel tout l'esprit de l’œuvre originale a disparu. Dommage...

    On peut lire les critiques de films et de livres de Ludovic Maubreuil sur son blog Cinématique.

     

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    Le Hobbit

    Comme il l'avait fait pour son adaptation du Seigneur des Anneaux (2001-2003), Peter Jackson dans sa nouvelle trilogie inspirée cette fois du Hobbit (2012-2013), invente des personnages et des situations presque autant qu'il en oublie. Ainsi remodèle-t-il l'épopée à sa guise, construisant à force d'ajouts et d'omissions, un tout autre récit que celui inventé il y a plus d'un demi-siècle par l'écrivain britannique JRR Tolkien.

    Dans Un voyage inattendu (2012), apparaît ainsi un certain Radagast, absent du roman. Celui-ci n'est toutefois pas inventé par Jackson, puisqu'il est cité par Tolkien dans Le Seigneur des anneaux et les Contes et légendes inachevés, mais c'est sa présentation qui pose question. Celui-ci appartient en effet, comme Gandalf et Saroumane, à la mystérieuse caste des Mages, lesquels font partie des Maiar, qui comptent parmi les premiers êtres du monde et sont apparentés à des divinités. S'il est à peine décrit chez Tolkien, Radagast rivalise ici de mimiques grotesques et de balbutiements hébétés, des fientes d'oiseaux plein les cheveux. Ce qui a pour conséquence, non pas d'amener un peu de légèreté (car règne ici un redoutable esprit de sérieux et la plupart des scènes gaies ou cocasses du roman sont gommées), mais bien d'altérer la taxinomie de Tolkien et de brouiller ses classifications. Montrer un Mage farfelu au lieu d’imposant, c'est du même ordre que faire d'un Nain comme Thorin, dans La Désolation de Smaug (2013), un individu noble et courageux, plutôt que pompeux et grippe-sou. Et ce, en complète contradiction avec le roman qui n'a jamais fait dire à ce descendant de roi qu'il venait reprendre son royaume, mais bien en premier lieu son trésor ! Là où Tolkien s'est attaché, pour chacune de ses créatures, à établir des caractéristiques et des spécificités, le compresseur hollywoodien ne veut voir que des humains interchangeables, faillibles et attachants, gentiment déguisés. Sur ce principe syncrétiste, l'Elfe Tauriel et le Nain Kili peuvent alors se faire les yeux doux sans grand dommage, alors que ceci demeure inconcevable dans l'univers tolkienien. Selon une logique de complémentarité bien comprise, les différentes communautés n’y coopèrent en effet qu’en fonction de ce qui les sépare. Passer outre la barrière d’espèce ne peut en aucune manière constituer une routine mais bien une dramatique exception, comme en témoigne la tragique histoire d’Arwen et Aragorn. 

    Arrêtons-nous sur Tauriel. Inventée de toutes pièces, sa présence sert évidemment un objectif commercial, puisque si le livre est totalement dépourvu de personnages féminins (exception faite des Araignées voraces), un film de cette ampleur financière doit permettre l'identification du plus grand nombre. Mais cette Elfe des bois est surtout un tribut payé au cinématographiquement correct, lequel tient à ses quotas. Elle s'inclut dans toute une série d'entorses aux descriptions du roman, comme ce Roi des Elfes résolument queer, ce nain obèse (Bombur) décimant ses ennemis non pas malgré son surpoids mais bien grâce à lui, ces visages enfin noirs parmi les Hommes habitant Lacville. Ce dernier détail, rien moins qu'anodin, associé au fait que le plus cruel des Orques est albinos, s'emploie à récuser  tout racisme, accusation qui commençait à poindre devant cette opposition trop systématique au goût de certains, entre la noblesse des «blancs» et l’indignité des «noirs» ! Oui, Tauriel est bien une héroïne idéologique de plus. Reprenant à son compte des attributs classiquement masculins comme la bravoure ou les capacités décisionnelles, tout en conservant des valeurs féminines de protection et de soin, elle prouve que la dé-genrisation des comportements sert avant tout la domination d'un nouveau sexe, et sous une forme inédite : le maternage autoritaire.

    C'est toutefois la place démesurée réservée à Azog qui modifie profondément l'âme du récit. L'anachronique histoire de vengeance entre cet orque et le Nain Thorin qui l'aurait blessé autrefois, transforme les pérégrinations des héros en fuite en avant. En rajoutant cette meute à leurs trousses, l'histoire contée tient alors davantage de la traque que de la quête. Ainsi contrairement au roman, n'y a t-il pas jamais d'attente, d'hésitation ou de rumination avant la Rencontre initiatique, car celle-ci se réduit à une succession d'obstacles, vite surmontés et vite oubliés. Chez Tolkien, la durée du trajet est capitale : c'est par le temps passé à prendre conscience de ce qu’on a perdu ou à espérer en ce qui va renaître, que l'on s'aguerrit. Ce n'est pas pour rien que des combats peuvent y être relatés en quelques lignes et des errances sur plusieurs pages (les films à l'inverse démultiplient les premiers et sacrifient les secondes). Remplacer la quête par la traque, c'est déclasser l'épiphanie du moment présent au nom de la crainte phobique de ce qui pourrait nous rattraper. C'est privilégier l'accumulation maladive qui refoule le passé aux épreuves de maturation qui le cristallise. C'est ne vivre l'événement que selon un principe de diversion, plutôt que d'y goûter une expérience précieuse. Poussée par les conséquences d'une faute (d'un péché?) autrefois commise, la course éperdue des héros jacksonniens leur interdit l’essentiel : considérer avec gravité ce qui s’effondre tout en s’inclinant devant les prévenances du Destin.

    Homogénéisation forcenée sous couvert de diversité parodique, utilitarisme névrotique comme seul manière d’être au monde, voilà donc le Hobbit de Jackson. On ne peut faire plus contraire à l'esprit tolkienien. Privilégiant l'interdépendance entre toutes les manifestations de la Nature, et donc entre le «bien» et le «mal», interdépendance rendue efficiente par la différenciation même de chacune de ses parties, défendant une éthique de l'audace et de la responsabilité, faisant tout autant fi du remords et de la honte que de l'orgueil et de l'envie, celui-ci se révèle tout simplement irréductible à la morale volontariste et manichéenne d'Hollywood.

    Ludovic Maubreuil (Éléments n°150, janvier - mars 2014)

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  • L'oligarchie mondialiste, fléau de l'Amérique et de l'Europe ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Arnaud Imatz, cueilli sur le site du Cercle Aristote et consacré au rôle délétère de l'oligarchie et de son idéologie mondialiste...

     

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    L'oligarchie mondialiste, fléau de l'Amérique et de l'Europe

    Lorsqu’on vit depuis des années à l’étranger un sujet régulier d’étonnement est le mélange de répulsion-fascination que suscitent les États-Unis dans les grands médias de l’Hexagone. Certes, il ne s’agit pas d’une nouveauté. La généalogie de l’américanophobie et de l’américanophilie est bien établie. Les historiens la font remonter au XVIIIe siècle. Mais l’ampleur du parti pris journalistique à l’heure de traiter l’information sur l’ami-ennemi américain, est proprement sidérante. Le matraquage « obamaniaque », à l’automne 2012, quelques jours avant les élections présidentielles, n’en est qu’un exemple criant. Le message était d’un simplicité enfantine : il y avait d’une part, Barack Obama, le « bon », le réformateur, le « créateur » du système de protection sociale, et, d’autre part, Mitt Romney, le « méchant », le réactionnaire-opportuniste, le mormon milliardaire, le capitaliste va-t-en-guerre. Oubliée la loi de protection de la santé adoptée par l’État du Massachusetts, en 2006, sous l’impulsion du gouverneur Romney. Oubliées les interventions répétées de l’armée américaine sous les ordres du président démocrate sortant, les attaques de drones qui violaient le droit international (10 fois plus nombreuses que sous Bush Jr.) en particulier au Pakistan et au Yemen, l’envoi de 33000 hommes en Afghanistan, l’intervention en Lybie… En démocratie, disait le théoricien des relations internationales, Hans Morgenthau, « la propagande est inévitable, elle est un instrument de la politique », et son contrôle ne peut être qu’un travail de Pénélope. On ne supprime pas la propagande, pas plus qu’on n’élimine la conflictivité, au mieux, on la minimise.

    En attendant le prochain déferlement de passion, il n’est peut être pas inutile de s’interroger sereinement sur l’hyperpuissance mondiale, sur son oligarchie et son peuple. Que penser de « l’Amérique et des Américains » ? Vaste question ! J’entends déjà mes amis d’Amérique hispanique s’insurger avec raison : « Ne vivons-nous pas en Amérique ? Ne sommes-nous pas, nous aussi, des Américains ? ». Mais passons. Faute d’espace, et à défaut d’analyses rigoureuses, voici quelques sentiments, opinions et pistes de réflexion.

    Fonctionnaire international à l’OCDE, émanation du célèbre Plan Marshall, j’ai eu la chance de travailler dans l’entourage immédiat du Secrétaire général et de côtoyer moult ambassadeurs et hauts fonctionnaires d’Amérique du Nord et d’Europe. Par la suite, fondateur et administrateur d’entreprise, j’ai entretenu des relations suivies avec un bon nombre de cadres d’universités et d’hommes d’affaires des États-Unis et du Canada. Une expérience restreinte, limitée à la classe directoriale et aux milieux urbains (après plus de trente voyages je reste avec l’envie d’admirer un jour les grands espaces !), mais néanmoins une connaissance directe, tirée de situations vécues pendant trois décennies. Disons le tout de suite, l’image qui en ressort est nuancée, voire ambigüe. Un peuple jeune, dynamique, agressif, violent, sans racines, né de la fusion d’apports les plus divers, a-t-on coutume de répéter. Je dirai pour ma part que les Américains du Nord sont généralement des gens aimables, ouverts, spontanés, simples, sympathiques et très « professionnels ». Ils méritent en cela considération et respect. La cuistrerie, le pédantisme, la suffisance, l’arrogance, le ressentiment, l’esprit de caste et la manie de la hiérarchisation reposant sur les écoles, les titres et les diplômes, ces plaies sociales de notre vieux continent, omniprésentes dans la pseudo-élite française, qu’elle soit intellectuelle, politique ou économique, sont nettement moins répandus outre-Atlantique. À tout prendre, je préfère d’ailleurs l’amabilité commerciale, pourtant très artificielle, du diplômé de Yale, Harvard ou Stanford à la fatuité et la présomption de tant d’énarques, de polytechniciens voire de docteurs d’État de l’Hexagone.

    J’admire sans réserves l’attachement, presque indéfectible, du peuple américain au premier amendement de sa Constitution : « Le Congrès ne fera aucune loi qui touche l’établissement ou interdise le libre exercice d’une religion, ni qui restreigne la liberté de la parole ou de la presse, ou le droit qu’a le peuple de s’assembler paisiblement et d’adresser des pétitions au gouvernement pour la réparation des torts dont il a à se plaindre ». Je sais bien sûr l’aptitude des juristes à réinterpréter un texte constitutionnel, parfois même dans un sens absolument contraire à l’esprit des pères fondateurs, afin de satisfaire les intérêts de la classe politique ou de répondre à ses injonctions. Je ne suis pas non plus naïf au point de croire que cette fidélité au Bill of Rights est appelée à perdurer éternellement sans aucune faille. Mais à ce jour, malgré les accrocs et les accusations répétées de violations, le principe et son application me semblent résister. Et ce n’est pas rien ! Il suffit de comparer la situation états-unienne avec celle de la France pour s’en convaincre. Une loi mémorielle, qui imposerait le point de vue officiel de l’État sur des faits historiques, est tout-à fait inconcevable aux États-Unis.

    J’admire aussi évidemment les découvertes scientifiques et surtout techniques de cette grande nation. Il faudrait d’ailleurs être dépourvu de raison et de cœur pour les ignorer. Je fais en outre le plus grand cas de la littérature nord-américaine. Qui oserait prétendre qu’elle n’a pas souvent atteint les plus hauts sommets ? Même le cinéma hollywoodien ne me semble pas aussi médiocre qu’on le prétend. Quantitativement pitoyable, soit ! Mais il réalise chaque année de véritables chefs d’œuvres. Peut être 1 % de la production, qui a toujours rivalisé en nombre et en qualité avec le meilleur du cinéma européen et qui, depuis déjà près de trente ans et à l’exclusion de quelques rarissimes exceptions, distance ce dernier de très loin. Enfin, dans le domaine qui m’est le plus familier, l’histoire des faits et des idées et les sciences politiques, j’ai la ferme conviction qu’au tournant du XXIème siècle, les travaux d’auteurs aussi différents que Christopher Lasch, Paul Gottfried, Robert Nisbet, John Lukacs ou Paul Piconne, égalent, et parfois dépassent, ceux de n’importe quelle figure intellectuelle européenne.

     

    Les codes de la nouvelle classe dirigeante américaine

    Cela-dit, il y a plus d’une ombre au tableau. Après avoir longtemps structuré la nation nord-américaine, la pensée et le mode de vie des WASP (White Anglo-Saxon Protestant) ont fait long feu. Le puritain, animé par l’idéal abstrait de renoncement personnel et de perfectionnement de soi, l’homme pieux, pour qui la réussite personnelle est secondaire par rapport à l’œuvre sociale, relève du souvenir lointain. Mort !, l’individualiste farouche d’antan, le cow-boy tenté par l’aventure de la vie sauvage. Enterré !, le « self made man », l’archétype du vieux rêve américain, cet être loyal, solidaire, zélé au travail, autodiscipliné, modéré, épargnant, refusant de s’endetter. Il y a belle lurette que la majorité de la société américaine n’accorde plus d’intérêt à ces valeurs et idéaux.

    En cinquante ans, les « codes » de l’élite politico-économico-médiatique « américaine » ont changé considérablement. Le style de vie de la classe directoriale est désormais marqué par l’anomie, le manque de racine, l’anxiété, le changement perpétuel, l’incertitude, le narcissisme, la hantise du « standing », l’obsession de la bonne santé physique, l’assujettissement à la consommation de la marchandise, la complaisance pour les hétérodoxies sexuelles, le mépris des traditions populaires jugées trop « réactionnaires », l’asservissement à la tyrannie de la mode, la fascination pour le marché capitaliste, l’admiration des formes de propriété anonyme, la recherche frénétique du profit, le culte passionné de l’accomplissement personnel, de la performance, du spectacle, de la réussite et de la célébrité.

    Ostensiblement égalitaire, antiautoritaire, cosmopolite, communautarienne et multiculturaliste,  la nouvelle classe dominante se distingue par ses revenus et son train de vie élevés. Elle tourne le dos à la question sociale et au peuple, mais fait le plus grand cas des questions de société telles que la lutte contre l’homophobie, le mariage gay, l’aide à la famille mononucléaire et monoparentale, le soutien de la pratique des mères porteuses, l’enseignement de l’idéologie du genre, la dépénalisation des drogues « douces », l’éloge de la discrimination positive en faveur des minorités ethno-religieuses, etc. Parmi ses membres, se recrutent les adeptes les plus fervents de la libre circulation des marchandises et des personnes. Ils sont les zélateurs du libre-échange et de l’immigration illimités. « Vivre pour soi-même et non pour ses ancêtres et sa postérité » ou « Avant moi le néant après moi le déluge » pourrait-être leur devise. Le conformisme « progressiste », la hantise des « valeurs périmées et dépassées », masque chez eux la diligence empressée à l’égard d’un nouvel ordre social banalisé, une domination reformulée, un contrôle social remodelé.

    Si vous devez négocier avec le représentant d’une grande entreprise ou d’une quelconque bureaucratie publique ou privée, avec un « CEO » (PDG) ou un haut fonctionnaire fédéral et ses conseillers, attendez-vous à toutes les chausse-trapes. Mensonge, félonie, dol, boniment, duplicité, sont permis. La fin justifie les moyens. On me dira bien sûr que j’ai tort de mettre en cause l’ensemble de cette « élite » ou plutôt « pseudo-élite », qu’il est faux de laisser entendre que tout le milieu est à l’image de quelques uns, que c’est ignorer la complexité de la nature humaine, pire, que c’est faire le jeu du « populisme » démagogique. Je ne nie pas qu’il y ait des exceptions remarquables, mais malheureusement, après des décennies d’expérience, je reste dans l’expectative de les rencontrer. La réalité, évidemment contestée par les intéressés, est que la lâcheté, l’hypocrisie et l’opportunisme sont  omniprésents parmi eux. Que pourrait-on d’ailleurs attendre d’autre de la part d’experts en communication, de spécialistes de la désinformation, de la manipulation, de la séduction et de l’impression produite sur les autres ? Exit donc l’idéal de la vieille culture américaine, celui du devoir et de la loyauté. La culture dominante des pseudo-élites modernes états-uniennes est résolument hédoniste, individualiste et permissive.

     

    Un modèle vénéré par les « élites » européennes de droite comme de gauche

    Je me refuse pour autant à reprocher à l’Amérique ou aux Américains du Nord les attitudes d’une caste interlope ou les défauts d’un modèle de société que la majorité de nos oligarques européens développe et vénère au quotidien. Dans le cœur et l’esprit de ces derniers, l’identité culturelle n’est-elle pas aussi ostensiblement remplacée par l’exaltation de la croissance du PNB, la glorification de l’accès massif à la consommation, la volonté d’étendre le mode de vie occidental au reste du monde, l’espoir fou que le développement des forces de production peut se perpétuer partout indéfiniment sans déclencher de terribles catastrophes écologiques ? Les « valeurs universelles », les « droits de l’homme » ne sont-ils pas sacralisés par la classe dirigeante européenne qui magnifie elle aussi la croisade démocratique mondiale et méprise souverainement les circonstances historico-culturelles données ? Le discours /récit des grands médias européens n’a-t-il pas lui aussi pour fonction de revêtir les aspirations et les intérêts matériels des nations « occidentales » sous l’apparence d’objectifs moraux universels ?

    Nul n’en disconviendra, les États-Unis occupent une place exceptionnelle sur la scène internationale. Ils sont les détenteurs du leadership mondial. Ils sont la superpuissance, l’hyperpuissance ou l’Empire (terme le plus exact, bien qu’il soit généralement évité pour prévenir l’accusation d’antiaméricanisme). Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis se voulaient le fer de lance de l’anticolonialisme, mais en réalité, leurs interventions dans le monde pour défendre leurs intérêts se comptent par milliers depuis le XIXe siècle. Pour le seul cas de l’Ibéro-Amérique, on n’en compte pas moins de 50 majeures et 700 mineures. L’application historique de la doctrine Monroe (1823) a montré que la devise « L’Amérique aux Américains » signifiait en réalité « L’Amérique aux Américains du Nord ».

    Dans la phase actuelle de recomposition des pôles politico-économico-culturels mondiaux, l’Empire thalassocratique perd de l’influence, mais il n’en conserve pas moins une position hégémonique. Au tournant du XXIe siècle, aucune puissance émergente n’est en mesure de surpasser les États-Unis. Ils produisent un peu moins du quart de la richesse mondiale, peuvent exploiter de fabuleux gisements de gaz de schiste et disposent d’une force militaire écrasante. Leur décadence, leur déclin, est semble-t-il inéluctable, mais la chute peut être ralentie durablement.

    L’hybris états-unienne, la démesure dictée par l’orgueil des pseudo-élites nord-américaines, constitue néanmoins un redoutable danger pour la stabilité de la planète. La guerre économique, dont ils sont un fauteur majeur depuis plusieurs décennies, est une réalité planétaire. La guerre du pétrole et du gaz n’en est qu’un des aspects les plus criants. Nier ou ignorer tout ce qui est en jeu : le contrôle des réserves énergétiques et agroalimentaires mondiales, la domination de l’information, des communications, de l’intelligence civile et militaire, est le signe de l’aveuglement, de l’incompétence ou de la trahison.

    Mais cela dit, l’honnêteté intellectuelle impose de souligner la complicité active ou la collaboration bienveillante dont bénéficie la nouvelle classe dirigeante américaine en Europe, sans oublier le rôle très discutable et la marge d’action considérable des managers des multinationales. Patriotes ou nationalistes sans complexes, les présidents Américains, démocrates ou républicains, nous répètent à l’envi que le peuple des États-Unis est « élu et prédestiné », que « le destin de la nation américaine est inséparable du Progrès, de la Science, de l’intérêt de l’Humanité et de la volonté de Dieu », mais c’est bien l’hyperclasse mondiale dans son ensemble qui reprend à l’unisson : « L’histoire des États-Unis d’Amérique se confond avec celle de la liberté, de la prospérité, de la démocratie et de la civilisation ».

     

    L’espoir d’une recomposition et d’une relève politique  

    Que les choses soient claires : « l’Amérique » ou les Américains du Nord ne sauraient être tenus pour l’adversaire principal.  L’adversaire est en nous, il est chez nous. L’adversaire, c’est l’idéologie mortifère de la pseudo-élite de gauche comme de droite ; c’est celle des leaders et apparatchiks (non pas des militants et sympathisants) des principaux partis européens au pouvoir, néo-sociaux-démocrates et néolibéraux, si proches des sociaux-libéraux du parti démocrate et des néoconservateurs du parti républicain d’outre-Atlantique ; c’est celle des maîtres de la finance mondiale et de leurs affidés médiatiques gardiens jaloux du politiquement correct ; c’est celle des « intellectuels organiques », contempteurs inlassables du populisme démagogique. Ce populisme, qui, selon eux, mettrait en cause dangereusement la démocratie, alors que, malgré d’inévitables dérapages, il est le cri du peuple, la protestation contre un déficit de participation, l’appel angoissé à la résistance identitaire, à la restauration du lien social, à la convivialité ou à la sociabilité partagée. L’adversaire, c’est bien l’idéologie des néolibéraux et des néo-sociaux-démocrates, et celle de leurs « idiots utiles », les altermondialistes, qui, à leur manière, rêvent de parfaire la transnationalisation des personnes et l’homogénéisation des cultures.

    Soulignons-le encore : le combat culturel ne se livre pas entre l’Europe et l’Amérique du Nord, mais entre deux traditions culturelles qui se déchirent au sein de la modernité. L’une, aujourd’hui minoritaire, est celle de l’humanisme civique ou de la République vertueuse, qui considère l’homme d’abord comme un citoyen qui a des devoirs envers la communauté, et qui conçoit la liberté comme positive ou participative. L’autre, majoritaire, est celle du droit naturel sécularisé, de la liberté strictement négative entendue comme le domaine dans lequel l’homme peut agir sans être gêné par les autres. L’une revendique le bien commun, la cohérence identitaire, l’enracinement historico-culturel (national, régional et grand continental), la souveraineté populaire, l’émancipation des peuples et la création d’un monde multipolaire ; l’autre célèbre l’humanisme individualiste, l’hédonisme matérialiste, l’indétermination, le changement, l’homogénéisation consumériste, l’État managérial et la « gouvernance » mondiale, sous la double bannière du multiculturalisme et du productivisme néo-capitaliste.

    Pour les tenants du « Républicanisme » ou de l’humanisme civique, les néolibéraux, néo-sociaux-démocrates et altermondialistes sont incapables d’engendrer un attachement solide au bien commun. Ils savent que le principal danger de la démocratie vient d’une érosion de ses fondements spirituels, culturels et psychologiques. Avec Aristote, Montesquieu, Rousseau, Jefferson, et tant d’autres, ils reconnaissent que la démocratie est impossible sans un territoire limité et un degré élevé d’homogénéité ou de cohésion socioculturelle. Ils savent qu’il n’y a pas un seul modèle de libre marché, le capitalisme dérégulateur anglo-saxon, et que des légions de défenseurs du libre marché se sont opposés au système de laisser-faire et de marchandisation globale. Ils savent que depuis les pionniers de l’économie politique de l’École de Salamanque au XVIème siècle, jusqu’aux théoriciens de l’ordolibéralisme de l’après-Deuxième-Guerre mondiale, en passant par les non-conformistes des années 1930, de très nombreux et prestigieux économistes considèrent que  le libre marché doit dépendre de la politique, de l’éthique et de la morale.

    Les partisans d’une troisième voie moderne (laquelle ne se confond pas avec les versions décaféinées de Clinton, Blair ou Bayrou), défendent le principe de la petite et moyenne propriété (individuelle, familiale et syndicale) des moyens de production coexistant avec de plus grandes formes de propriété rigoureusement réglementées dans le cadre d’une économie régionale autocentrée. Ils se dressent contre le capitalisme monopolistique et financier, contre les processus de concentration du grand marché néolibéral, contre le collectivisme socialo-communiste, contre toutes les formes de bureaucratisations publiques et privées. Ils considèrent que le protectionnisme entre ensembles régionaux homogènes (non pas entre pays) aux niveaux de vie très différents, est non seulement justifié, mais nécessaire. Enfin, ils accordent une priorité absolue aux mesures de politique démographique et au contrôle de l’immigration qui sont d’une importance vitale pour la survie de l’identité culturelle, de la sécurité et du progrès économique et social.

    Depuis près de 40 ans, à droite comme à gauche, le lobby immigrationniste occupe une position dominante. Pour ne pas être diabolisées, les rares voix discordantes des partis majoritaires ont été contraintes au silence ou à manier la litote. Après avoir défendu « la limitation de l’immigration » et plaidé pour « la réduction de l’immigration clandestine », elles ont fini par soutenir du bout des lèvres « l’immigration choisie ». Mais au fil du temps, malgré les efforts désespérés de l’oligarchie « discuteuse » en faveur d’une main-d’œuvre afro-maghrébine abondante et bon marché, une partie croissante de l’opinion a décroché. Les complaisances d’usage pour « l’islamisme pluriel et pacifique », des esprits affaiblis, tétanisés par la peur du conflit, ne font plus recette. Les arguties, les insultes et les réactions passionnées des Fukuyama, Morin, Lévy, Touraine, Habermas et autres gardiens jaloux du temple se révèlent de plus en plus inefficaces. L’influence sur l’opinion du discours politique de l’oligarchie dominante ne cesse de décroître. La bipolarisation droite-gauche, sacralisée par les élites politiques et leurs soutiens que sont les bobos des grandes villes, les fonctionnaires et les retraités, ne correspond plus à rien pour les classes populaires. Ouvriers, employés, petits agriculteurs et petits commerçants prennent conscience que les prétendues « valeurs républicaines ou démocratiques », réduites aux seuls droits de l’homme, signifient en réalité les valeurs du grand marché. Ils ne croient plus à la vieille rengaine : « la mondialisation bénéficie à tous », « l’immigration est une chance  » ou « il n’y a pas trop d’immigrés ».  Ils savent qu’ils sont au contraire et resteront irrémédiablement les exclus du mondialisme et du multiculturalisme. Par ailleurs, un bon nombre de jeunes se rebellent. Pour perdurer, l’oligarchie  doit en tenir compte malgré les vœux et les cris d’Orphée que poussent encore ses membres les plus dogmatiques.

    « Toute vérité franchit trois étapes, disait fort justement Arthur Schopenhauer. D’abord, elle est ridiculisée. Ensuite, elle subitune forte opposition. Puis, elleest considéréecomme ayant toujours étéuneévidence ». C’est un honneur que d’aller contre les modes, les interdits, le « politiquement correct »  de son temps ; que de refuser le chemin de la servitude, du totalitarisme de l’argent et du magma mondialiste. C’est un honneur que de s’inscrire dans la filiation des Charles Péguy, Miguel de Unamuno, Daniel-Rops, Georges Bernanos, Simone Weil, Wilhelm Röpke, Julien Freund, Jules Monnerot, Christopher Lasch, Maurice Allais et tant d’autres résistants au fléau de l’oligarchie mondialiste. Notre Europe n’a jamais été celle des disciples de Jean Monnet, celle des multinationales, sous la tutelle définitive des États-Unis d’Amérique, « l’Europe où, comme disait Charles de Gaulle, chaque pays perdrait son âme ». Notre Europe est celle du meilleur gaullisme, celle des peuples, celle de la « troisième force », celle de l’axe grand-continental ou grand-européen.

    Arnaud Imatz (Cercle Aristote, 28 octobre 2013)

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  • De Big Brother au maternage...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de François-Bernard Huyghe, cueilli sur son site Huyghe.fr et consacré à l'idéologie de la surveillance maternante et de la précaution absolue... François-Bernard Huyghe a récemment publié Think tanks - Quand les idées changent vraiment le monde (Vuibert, 2013).

     

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    De Big Brother au maternage

    L’idée devenue banale que chaque citoyen est surveillé à tout moment réactive des peurs qui ne sont pas nouvelles. Dans 1984 (écrit en 1948) d'Orwell, Big Brother sait tout, il voit tout par des écrans qui fonctionnent dans les deux sens – émettre et voir - ; chacun est conscient qu’il ne pourra lui dissimuler ni ses actes ni ses pensées. Michel Foucault a popularisé la notion de Panoptique (inspiré du Panopticon de Jeremy Bentham 1787) : un modèle d’architecture qui permet à l’autorité centrale de contrôler une population – de fous, de prisonniers ou autres – , placée constamment sous l’œil d’un gardien : ils ne le voient pas et ne savent donc jamais quand ils sont regardés. Dans ces deux cas, un dispositif permet à une autorité de punir des sujets qui n’ignorent pas que leur vie est transparente et qui intériorisent ainsi l’idée d’interdit et de châtiment. Système totalitaire et régime pénitentiaire affichent leur volonté de briser jusqu'à la moindre velléité de résistance.
    Depuis, les critiques dénoncent une société de surveillance (la société de contrôle des flux décrite par Deleuze s'opposant à l’ancienne société disciplinaire basée sur la domestication des comportements) ; elle se caractérise par des atteintes à la vie privée, l’extension du « monitoring » sur la plupart de nos activités et transactions et, bien sûr, les grands dispositifs d’espionnage comme ceux de la NSA. Il semblerait qu’il y ait eu plus qu’un glissement dans la logique de la surveillance. Elle ne sert plus seulement à terrifier par la certitude de la punition, mais fonde un dispositif de prévention des risques. Elle sert au final d'outil de protection des citoyens sensé déceler soit des dangers pour les prévenir au plus vite, soit des « tendances » susceptibles de se transformer en périls.
    Dans le discours qui justifie ces dispositifs la fonction punitive (voire dissuasive : décourager les projets des méchants ou des dissidents) passe au second plan par rapport à la fonction préventive, pédagogique, maternante : tout cela est fait pour notre bien. Qu'il s'agisse de nous empêcher d'attraper un cancer en fumant ou d'aller faire le jihad, nous ne pouvons être protégés contre nous-mêmes que par l'État enregistreur et admonestateur. Qui sait une signalisation précoce et un tour par une cellule de soutien pourraient éviter le pire.
    La reconstitution du passé (traces), la réactivité « en temps réel » aux dysfonctions naissante et l’anticipation des futures atteintes à la sécurité forment une trilogie qui s’appuie à la fois sur une vision idéologique et sur des possibilités technologiques.
    Le discours idéologique fonctionne bien évidemment sur la peur, à commencer par la peur du terrorisme. Du caractère apparemment aléatoire de l’attentat (qui peut nous toucher tous à tout moment) on déduit la nécessité d’un état d’urgence permanent qui permet aux services de sécurité de faire des choses interdites en temps « de paix » ; ainsi se justifient la recherche d’indices dans les énormes flux de données.
    Nous ne pouvons, sur ce point, que souscrire aux procès faits à la dérive de l’après onze septembre (encore que les choses aient commencé bien avant). D’autant que l’argument de la lutte contre les minorités dangereuses – celles qui se placeraient hors du champ de la loi ordinaire par la gravité de leurs crimes- ne cesse d'étendre son champ : terroristes, complices de la prolifération des armes de destruction massive, cyber-criminels, trafiquants et corrompus travaillant à l’échelon international... Sur Internet, il y a longtemps que l’on promeut la lutte contre les cavaliers de l’infocalypse – nazis, pédophiles, dealers en ligne – qui eux aussi s’excluent sinon du genre humain, du moins de la protection de la vie privée. L’étape suivante est la surveillance préventive des « crimepenseurs » qui, par leurs appels à la haine ou le traumatisme qu’ils causent à certaines communautés, (homophobes, racistes, apologistes du jihad chez nous, islamophobes, séparatistes, sectes et blasphémateurs ailleurs) sortent du domaine de l’expression pour rentrer dans celui du crime. Cela permet déjà de ratisser large.
    Outre la lutte contre ces minorités présumées agressives et hors normes, la « société du risque » semble s’être donné pour but non pas de produire demain davantage de prospérité, de connaissance, d’égalité et d’autonomie (cela, c’est le vieil idéal des idéologies du Progrès) et moins encore de réaliser la Cité idéale, mais de diminuer les dangers pour les individus présents, voire pour les générations suivantes. Diminuer les contraintes à l’épanouissement du citoyen et les atteintes à sa sûreté, éliminer l’aléa et l’accident, assurer la précaution absolue autant d’idéaux pour une époque marquée par sa forte réticence au risque. Pour se préserver de tout, il faut tout savoir ; les innombrables lois et dispositifs qui visent à la transparence et à la traçabilité sont sensées garantir notre propre bien, au prix de notre liberté de prendre un risque pour soi ou pour autrui.
    S’ajoute une troisième strate, économique, publicitaire et hédoniste du discours de justification : plus nous vous connaîtrons, mieux nous saurons vos désirs, plus notre offre vous sera adaptée. C’est, en particulier, le discours que tiennent de nombreuses plates-formes en ligne qui nous proposent la gratuité de services utilitaires, ludiques ou « sociétaux » moyennant le droit de conserver, exploiter voire revendre nos données. Notre identité devient une marchandise sensée aider à faire concorder parfaitement offre personnalisée et demande unique sur fond d’idéologie individualiste (« tous uniques, tous différents, tous monnayables ».
    Les trois niveaux – répressif, préventif et commercial – recouvrent d’ailleurs des pratiques mêlées, ainsi, quand on découvre, par exemple que des services de renseignement comme la NSA puisent largement dans les données sensées sécuriser les transports ou dans les Big Data des grands du Net.

    Par ailleurs ces justifications théoriques reposent sur des évolutions pratiques. Il est évident que les techniques de surveillance progressent qu'il s'agisse d'enregistrement (caméras de surveillance, par exemple), de miniaturisation ou de dissimulation des dispositifs, d'enregistrement et de transmission - qu'il s'agisse d'images ou sons, de messages numériques ou autres, et surtout de métadonnées (les données qui informent sur le contenu transmis comme qui a communiqué avec qui, d'où à où, quand, sur quels outils techniques, etc.). Le tout n'a de sens que relayé par d'énormes moyens de calcul pur qui travaillent sur des corrélations entre les milliards de données recueillies par la surveillance. Ici nous nous éloignons de la figure du gardien vigilant constatant les fautes, pour nous approcher de celle de la machine à prédire : le rapprochement de quantités énormes de données permet à la fois de cibler les individus (et d'en savoir, au final, plus sur eux qu'ils n'en savent eux-mêmes) et de prévoir le comportement ou les opinions de foules.
    Qu'il s'agisse de suivre une épidémie de grippe ou de savoir quand une cliente sera enceinte, de materner le consommateur ou de prévenir une émeute urbaine, les grandes bureaucraties moulinet des milliards de données pour trouver des corrélations (ce qui dispense de trouver des causes et des explications) pour savoir quand "cela" se produira. En attendant l'Internet des objets qui transformeront notre rasoir, notre poussette, voire notre kilo de pommes de terres en mini-indicateurs, toujours prêts à renseigner sur ce que nous faisons.

    Même en mettant de côté toute considération morale ou toute considération politique sur ce que pourraient et devraient faire des citoyens - ceci mériterait de longs développements - reste une question cruciale : quelle est l'efficacité de tels dispositifs ? Ne poussons pas à l'absurde : il est évident qu'une caméra incite les délinquants à aller travailler cent mètres plus loin, que les autorités arrêtent de temps en temps quelqu'un qu'ils ont intercepté sur Internet ou que des sociétés commerciales ne dépenseraient pas des millions dans les big data si cela ne leur rapportait rien. Mais le résultat présente-t-il la moindre proportion avec l'énormité des moyens financiers, techniques et humains engagés et les résultats, qu'on les mesure en terme de sentiment de sécurité des citoyens, de nombre d'attentats empêchés ou de prospérité économique. La surveillance est-elle un moyen au service de fins -fussent-elles douteuses - ou une technique qui se développe au point de remplacer les fins : une quête désespérée de la précaution absolue et de l'élimination de tout aléa.

    François-Bernard Huyghe (Huyghe.fr, 23 avril 2014)

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  • J'accuse l'oligarchie !...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue percutant de Michel Geoffroy, cueilli sur Polémia et consacré à l'oligarchie et à ses œuvres...

     

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    J'accuse l'oligarchie

    1) J’accuse l’oligarchie occidentale de provoquer les crises pour mieux mettre en tutelle les peuples afin d’ouvrir la voie à un gouvernement mondial.

    L’oligarchie n’échoue pas à trouver des solutions aux différentes « crises », qu’il s’agisse du chômage, de l’immigration, de la natalité ou de l’insécurité. Ces « échecs » constituent en réalité pour elle autant de succès car le choc et le chaos font partie intégrante de sa stratégie.

    J’accuse l’oligarchie d’avoir systématisé la pratique du choc théorisée par les néo-libéraux de l’Ecole de Chicago dans les années 1970, comme moyen d’imposer des réformes économiques et sociales contre la volonté des peuples.

    J’accuse l’oligarchie d’encourager la succession des « crises » afin de diminuer la résistance du corps social, de propager l’angoisse et de provoquer un état d’hébétude chez ceux qui y sont soumis afin d’inhiber leurs capacités de réaction et d’opposition politiques.

    – L’insécurité conduit ainsi les citoyens au repli sur soi, ce qui contribue à leur démobilisation politique et à affaiblir la légitimité des Etats. Elle permet aussi une privatisation rapide des fonctions souveraines de l’Etat pour le plus grand profit du « marché ».

    – Le terrorisme permet de renforcer le contrôle de la population et notamment d’Internet et des nouvelles technologies de communication.

    – L’immigration profite au patronat mais elle sert aussi à démoraliser les Européens, en leur donnant le sentiment de ne plus se sentir chez eux.

    – Le chômage propage l’inquiétude devant l’avenir et la docilité des salariés vis-à-vis des employeurs.

    – La crise des dettes souveraines permet de mettre en tutelle la politique économique des Etats et de promouvoir toujours plus de solutions libérales pour « rétablir les comptes publics ». Ces politiques libérales en retour déconstruisent les protections sociales, renforçant l’isolement et la dépendance des individus.

    – L’écologisme et la thématique du réchauffement climatique offrent enfin de nouveaux prétextes à propager l’anxiété et légitimer l’augmentation des réglementations, des contrôles et à la réduction des libertés concrètes.

     

    J’accuse l’oligarchie au pouvoir en Occident, non pas de se montrer incapable de résoudre les « crises » mais, au contraire, de les provoquer, de les orchestrer et de les entretenir. Car chaque crise offre de nouveaux prétextes pour avancer dans la voie de la « gouvernance » mondiale qu’elle appelle de ses vœux.

    2) J’accuse l’oligarchie d’encourager tout ce qui favorise l’implosion des sociétés.

    Aux siècles précédents, les révolutions se déroulaient contre les pouvoirs en place. Au XXIe siècle, au contraire, ce sont les pouvoirs établis qui initient le bouleversement constant des sociétés.

    J’accuse l’oligarchie de révolutionner en permanence la société, contre la volonté des peuples, pour mieux la contrôler.

    J’accuse l’oligarchie de favoriser partout l’individualisme et la disparition des traditions et des normes religieuses, morales, culturelles et sociales afin de réduire tous les peuples à l’état d’atomes indifférenciés et indifférents les uns aux autres – à l’état de « ressource humaine » corvéable à merci. Car la mise en place d’un gouvernement mondial exercé sans partage suppose la ruine préalable de tout ordre social, de toutes les traditions, de toutes les institutions et de toute solidarité humaine existante.

    J’accuse l’oligarchie de déclarer ainsi une guerre permanente aux nations, aux souverainetés, aux identités et à la nature humaine pour une seule raison : créer le chaos partout afin d’ébranler tout ce qui pourrait faire obstacle à la réalisation de son rêve eschatologique d’une humanité soumise à une unique loi et au gouvernement de quelques « élus » autoproclamés.

    J’accuse l’oligarchie financière d’encourager tout ce qui peut porter atteinte à l’identité et aux valeurs de chaque peuple. Je l’accuse de promouvoir partout au rang de « valeurs universelles » le cosmopolitisme, le métissage, l’immigration, la « révolution des mœurs », la banalisation de l’usage des drogues, de l’homosexualité, de l’avortement ou du féminisme. Je l’accuse de promouvoir aussi l’égoïsme individuel dépeint comme une vertu « libérale ». Car l’oligarchie s’est ralliée au néolibéralisme, une idéologie de combat qui préconise l’individualisme radical, la déconstruction des Etats et la « société ouverte » –c’est-à-dire désintégrée – et qui prétend que les vices humains seraient des vertus sociales.

    3) J’accuse l’oligarchie de programmer la destruction des cultures et des savoirs.

    A l’inverse des siècles précédents, l’oligarchie n’entend pas faire reposer l’ordre politique sur la diffusion de l’instruction et du savoir dans la société, mais au contraire sur l’abrutissement et le conditionnement médiatique des individus. C’est pourquoi elle programme l’éradication des cultures et des savoirs, projet qu’elle baptise « société de la communication ».

    J’accuse l’oligarchie d’organiser cyniquement l’abrutissement médiatique, sportif et publicitaire de la population.

    J’accuse l’oligarchie de laisser se dégrader pour cette raison les systèmes d’enseignement public. Notamment de faire en sorte que l’enseignement n’assure plus la transmission culturelle ni la sélection des compétences. Car la dégradation de l’enseignement rend la future « ressource humaine » encore plus docile.

    J’accuse l’oligarchie de détruire le langage, de changer la signification des mots et d’imposer la novlangue pour empêcher les gens de penser et de percevoir l’état de sujétion dans lequel ils sont maintenus. J’accuse l’oligarchie de vouloir imposer l’anglais comme sabir du nouvel ordre mondial.

    J’accuse l’oligarchie d’encourager partout la diffusion d’un art cosmopolite déraciné qui contribue à étouffer le génie de chaque peuple.

    J’accuse l’oligarchie d’utiliser les médias et les nouvelles technologies de communication pour conditionner la jeunesse. Car c’est en rééduquant la jeunesse – qui représente la majorité de la population mondiale – que l’oligarchie espère accomplir son projet et changer les peuples.

    J’accuse l’oligarchie de diffuser une culture de la repentance qui a pour fonction réelle de faire en sorte que les Européens renient leurs ancêtres, renient les accomplissements de leur civilisation et renient leur identité. Pour mieux les maintenir en sujétion et en dormition.

    4) J’accuse l’oligarchie de détruire la démocratie.

    L’oligarchie conduit son projet en secret car elle sait que les peuples se révolteraient contre elle s’ils en connaissaient la finalité. Son projet suppose donc d’utiliser en permanence la tromperie, le double langage, la désinformation et la contrainte.

    J’accuse l’oligarchie de tester sur les peuples européens la mise en œuvre de son projet eschatologique.

    Ce que l’on appelle Union européenne constitue le premier laboratoire de ce que l’oligarchie veut pour le monde entier : un système de « gouvernance » où les décisions émanent non des élus mais de décideurs cooptés, de juges inamovibles et des intérêts financiers ; un système qui réduit sans cesse la souveraineté des Etats et des législateurs à un simple rôle de transcripteurs des directives émanant de décideurs invisibles ; un système où la liberté des citoyens va en se réduisant, où l’espionnage, la délation et la répression de ceux qui refusent la pensée unique se généralisent sous les prétextes les plus divers ; un système où l’oligarchie a érigé la « transparence » – comprenons : la surveillance et le contrôle total de l’activité humaine rendus possibles par la technologie – en but vertueux ; un système où le processus électoral se vide progressivement de tout sens puisqu’il n’existe plus de véritable alternance politique et où le recours au référendum a volontairement été diabolisé.

    J’accuse l’oligarchie de vider de son sens la démocratie en Europe : en faisant croire que la démocratie ne serait plus le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple, mais seulement la soumission du peuple aux commandements d’une seule idéologie, celle du libre-échange et des droits de l’homme ; celle qui sert de paravent au projet eschatologique de l’oligarchie. En faisant croire également qu’une seule politique serait possible : celle qui conduit à un gouvernement mondial.

    Or il n’y a pas de démocratie sans souveraineté du peuple ni sans un Etat pour en garantir l’exercice à l’intérieur d’un espace délimité par des frontières. La démocratie mondiale ne sera jamais pour cette raison que le masque de la tyrannie. Le projet de l’oligarchie qui veut détruire les frontières, les Etats et la souveraineté des peuples est donc antidémocratique par essence.

    Il n’y a pas non plus de démocratie sans identité ni sans préférence nationale qui seule permet de se comprendre entre proches : c’est pourquoi l’oligarchie préconise partout l’immigration de peuplement et notamment le « grand remplacement » des Européens, comme moyen de rendre toute démocratie impossible. C’est pourquoi elle instaure partout la préférence étrangère au nom de la « lutte contre les discriminations ».

    J’accuse l’oligarchie de vouloir imposer au monde entier le système qu’elle a mis en place en Europe.

    5) J’accuse l’oligarchie de conduire à la guerre.

    Le projet oligarchique mondialiste implique de soumettre tous les peuples à un seul modèle : les « valeurs » et le mode de vie actuellement incarnés par les Etats-Unis et déjà imposés à tout l’Occident depuis la chute de l’Union soviétique. C’est le sens réel de la formule : « l’expansion de la démocratie dans le monde ». Car l’oligarchie mondialiste a le don de camoufler sous de belles paroles son projet de domination.

    J’accuse l’oligarchie de prendre pour cibles tous ceux qui ne partagent pas son projet, totalitaire, tous ceux qui veulent préserver leur identité, leur religion, leurs traditions, leurs valeurs, leur territoire ou leur manière de vivre et qu’elle désigne comme des ennemis du genre humain. Car l’oligarchie hait, plus que tout, les peuples fiers de leur identité et jaloux de leur souveraineté ainsi que la diversité des civilisations et des hommes.

    J’accuse l’oligarchie d’user de tous les moyens de coercition possibles pour parvenir à ses fins : chantage économique ou sur les ressources naturelles, corruption des élites, déstabilisation des gouvernements jugés hostiles, « révolutions colorées » manipulées, diabolisation et isolement des puissances pouvant faire obstacle à la surpuissance américaine comme la Russie et la Chine, organisation d’attentats et d’assassinats, de guerres civiles et, bien sûr, de guerres tout court.

    J’accuse l’oligarchie de planifier la guerre des civilisations. Les guerres que conduit l’oligarchie – tout en refusant d’utiliser ce mot – lui permettent en effet de détruire les gouvernements hostiles, de propager le chaos, de faire disparaître des populations considérées comme difficilement rééducables. Elles permettent aussi de stimuler la croissance des dépenses militaires et donc les bénéfices des grandes entreprises mondiales et de l’oligarchie financière. Elles permettent enfin de se saisir de matières premières stratégiques, ce qui renforce en retour ses capacités de chantage mondial.

    La guerre a d’ailleurs constitué le moyen par lequel les Etats-Unis ont accédé à la surpuissance mondiale au XXe siècle et toute l’oligarchie a bien retenu la leçon.

    La guerre à l’islamisme ou au terrorisme a ainsi déjà permis de semer le chaos dans les pays musulmans. Mais demain l’oligarchie ouvrira d’autres fronts : en Asie, en Afrique, dans le Pacifique voire contre la Russie ou en Europe même.

    J’accuse l’oligarchie occidentale de comploter tous les jours contre la paix, contre l’identité et contre le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, contre la diversité du monde.

    Peuples et civilisations de tous les continents, unissez-vous contre le projet eschatologique et totalitaire de l’oligarchie occidentale ! Révoltez-vous contre cette petite minorité arrogante qui mène l’humanité sur la voie de la régression et du chaos !

    Michel Geoffroy (Polémia, 13 avril 2014)

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  • La vraie cause de la crise ukrainienne : la guerre économique ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Guillaume Faye, cueilli sur son site J'ai tout compris et consacré aux causes de la crise ukrainienne.

     

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    Vraie cause de la crise ukrainienne : la guerre économique

    Les sanctions économiques stupides contre la Russie prises par les USA et l’Union européenne sont une énorme erreur qui va d’abord nuire à l’Europe et surtout… à la France. Elles sont un moyen pour Washington de casser le lien économique euro-russe en construction. Voilà les vraies raisons, économiques, de la crise ukrainienne, provoquée par l’Occident (USA et EU soumise) à son bénéfice.  

    Les sanctions anti-russes (complètement contraires au droit international, par ailleurs) nuisent d’abord à l’économie russe, qui souffre de son manque de diversification et de sa trop grande dépendance du secteur énergétique pétrogazier, en favorisant une fuite des capitaux russes. La Banque centrale russe a déjà enregistré 50 milliards de dollars d’actifs désertant Moscou. (1)

     Les États-Unis poussent à l’accord de libre-échange avec l’UE, accord inégal qui les favorisera grandement, et que la Commission européenne n’ose pas contrecarrer. Leur but est d’éviter à tout prix  une zone de libre échange euro-russe incluant l’Ukraine, et la naissance d’un espace économique continental euro-russe qui pourrait marginaliser et affaiblir la position économique dominante américaine.

    L’accord d’association entre l’Union européenne et l’Ukraine, concocté par la Commission européenne sans mandat clair, fut la provocation  qui déclencha la crise actuelle (voir autres articles de ce blog). Cet accord était économiquement irréalisable, invivable, l’Ukraine n’étant même pas au niveau économique d’un pays émergent. Il violait des conventions passées entre la Russie et l’Ukraine. La crise fut déclenchée lorsque, sous pression du Kremlin, l’ancien pouvoir de Kiev revint en arrière et renonça à l’accord proposé par Bruxelles. Le nouveau pouvoir ukrainien russophobe par idéologie (illégitime au regard du droit international puisque issu d’un coup d’État) entend reprendre cet accord absurde avec l’UE. Les mesures russes de rétorsion contre l’Ukraine (fin du tarif gazier préférentiel et facturations rétroactives) semblent peut-être dures mais elles sont conformes à toutes les pratiques commerciales internationales, par exemple celles qui ont toujours été pratiquées par l’Opep – Organisation des pays exportateurs de pétrole.

    Petit rappel historique : début 2012, une zone de libre échange euro-russe avait été programmée par Paris et Moscou, avec l’accord du gouvernement Sarkozy et du Kremlin, incluant l’Ukraine et la Communauté des États indépendants (CEI). Berlin était d’accord, vu que l’Allemagne est dépendante du gaz russe et investit énormément en Russie. Mais Washington et Londres étaient très inquiets, vieux réflexe géopolitique anglo-saxon. D’autant plus que la France avait passé des accords d’exportation de navires militaires de type BPC Mistral avec la marine russe, ce qui constitue pour l’Otan une entorse aux règles implicites, une ligne rouge à ne pas franchir.

    La Russie était d’accord pour entrer dans l’Organisation mondiale du commerce en échange d’un partenariat privilégié avec l’UE.  Cet objectif est inacceptable pour Washington : en effet, les Américains exigent la signature de l’accord (inégal) de libre échange avec l’UE qui favorise tous leurs intérêts.

    En décembre 2012, Manuel Barroso, président de la Commission européenne,  a rejeté la proposition de M. Poutine d’une zone de libre-échange euro-russe incluant l’Ukraine ; puis, il a proposé  à l’Ukraine de s’associer à l’UE pour une future adhésion, solution qu’il savait impossible. Mais Manuel Barroso, outrepassant ses fonctions et violant juridiquement son mandat, est-il un simple agent de Washington ? N’aurait-t-il pas volontairement provoqué la crise, afin de briser dans l’œuf une union économique euro-russe ?  

    Les intérêts économiques européens en Russie  dépassent de très loin ceux des USA, ce qui dérange ces derniers. La moitié des investissements en Russie sont européens. Même proportion pour les exportations russes.

    Les sanctions contre Moscou, décidées en fait à Washington et à Bruxelles – l’UE jouant le rôle peu reluisant de filiale des USA –  vont d’abord nuire aux investissements européens et français en Russie et à leurs exportations industrielles et de services. Les sanctions anti-russes risquent de mettre en péril non seulement les importations vitales de gaz russe mais de nombreuses participations françaises dans l’économie russe : industries ferroviaire, automobile, pharmaceutique, travaux publics, luxe, viticulture, aéronautique, agro-alimentaire, grande distribution, défense. Au moment même où la France a un besoin vital d’exporter pour rééquilibrer sa balance des paiements déficitaire et créer des emplois.

    Le gouvernement socialiste français, dont la diplomatie est dirigée par l’atlantiste Laurent Fabius (qui n’a pas de doctrine précise à part la vacuité des ”Droits de l’homme”) a enterré la position gaullienne et indépendante de la France. Il s’est aligné, contre les intérêts de la France et de l’Europe (la vraie, pas celle de l’UE) sur la position de Washington. En réalité, Washington et l’UE ont instrumentalisé l’Ukraine au seul bénéfice des intérêts économiques américains.

    Il existe un autre aspect fondamental : tout se passe, par ces sanctions économiques anti russes,  comme si Washington voulait créer une crise des approvisionnements gaziers russe en Europe, afin d’y substituer les exportations américaines de gaz de schiste liquéfié, nouvelle source d’énergie extrêmement juteuse pour l’économie américaine. 

     D’un point de vue géostratégique, l’axe Paris-Berlin-Moscou est le cauchemar  des milieux atlantistes, ainsi que son corollaire, un espace économique de complémentarité mutuelle ”eurosibérien”, ainsi qu’une coopération militaro-industrielle franco-russe. Le président russe a eu le tort pour Washington de vouloir esquisser cette politique.

    C’est pourquoi la crise ukrainienne – latente depuis longtemps – a été instrumentalisée, entretenue, amplifiée par les réseaux washingtoniens (2) pour tuer dans l’œuf un grand partenariat économique et stratégique euro-russe. Pour découpler l’Europe de la Fédération de Russie.

    N’en voulons pas aux USA et ne sombrons pas dans l’anti-américanisme dogmatique. Ils jouent leur carte dans le poker mondial. Seuls responsables : les Européens, qui sont trop mous, faibles, pusillanimes pour défendre leurs intérêts, qui laissent la Commission européenne  décider – illégalement – à leur place.  De Gaulle doit se retourner dans sa tombe.

     Mais il n’est pas évident que cette stratégie de la tension avec la Russie et que cette réactivation de la guerre froide soient dans l’intérêt des USA eux-mêmes.  Car cette russophobie – qui prend prétexte du prétendu ”impérialisme” de M. Poutine (3), cette désignation implicite de la Russie comme ennemi principal ne sont pas intelligentes à long terme pour les Etats-Unis. Pour eux, le principal défi au XXIe siècle est la Chine, sur les plans économique, géopolitique et stratégique globaux. Pékin se frotte les mains de cette crise, en spectateur amusé.

    Dans l’idéal, il reviendrait à la France et à l’Allemagne (négligeant le Royaume–Uni aligné sur les USA et la Pologne aveuglée par une russophobie émotionnelle et contre-productive) de négocier, seules, avec Moscou, un compromis sur la crise ukrainienne. En passant par dessus la technocratie bruxelloise qui usurpe la diplomatie européenne et qui, comme toujours, marque des buts contre le camp européen. On peut toujours rêver.   

    Guillaume Faye (J'ai tout compris, 20 avril 2014)

    Notes :

    1. AFP, 15/04/2014

    2. Barack Obama, qui est un président faible de caractère et indécis, ne voulait plus impliquer son pays dans les affaires européennes et russes, préférant se tourner vers l’Asie. Ce qui était réaliste. Mais il a dû s’incliner devant les lobbies qui ont toujours  dirigé la politique étrangère américaine, souvent plus pour le pire que pour le meilleur.

    3. ”Impérialisme” minuscule face aux interventions armées des USA et de l’Otan (mais toujours pour la bonne cause) depuis la fin de l’URSS.

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  • Gauche : comment l'immigré a remplacé le prolétaire...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Robert Redeker, cueilli sur le site du Figaro et consacré à la mutation majeure de l'imaginaire de la gauche...

     

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    Comment l'immigré a remplacé le prolétaire aux yeux de la gauche

    Le vocabulaire de la gauche a profité des trois dernières décennies pour évincer les termes de prolétariat et de prolétaire. Exhumés des souvenirs de la Rome antique, ces mots s'étaient imposés, malgré le dégoût qu'ils suscitaient, dans la langue politique au XIXème siècle. Lamartine, pour qui prolétaire reste un terme «immonde, injurieux, païen» résista à ces dénominations. Aujourd'hui, aucun candidat représentant la gauche à une élection au suffrage universel n'oserait les prononcer. A la fin des années 90, Robert Hue, puis Marie-Georges Buffet, pourtant dirigeants du Parti communiste français, pâles porte-paroles d'un parti en déliquescence, parlaient des «gens» au lieu des «prolétaires». Que s'est-il passé pour que ces mots à haute intensité politique, qui furent un temps des maîtres mots, des mots vaisseaux amiraux de la gauche, sombrent dans la caducité?

    La conscience de classe qui soudait le monde ouvrier s'est évaporée. Elle était conscience que l'avenir sommeillait en réserve dans une partie des peuples laborieux. Il existait déjà, cet avenir, il était là, tout prêt à éclore, au milieu des souffrances et des luttes. Embryon, il se développait dans le ventre du monde ouvrier, préformé, il n'avait qu'à sortir, qu'à devenir le monde. Un grand soir ou un petit matin, il naîtrait. Tel était le songe de l'espérantisme ouvrier! La conscience de classe est, par analogie avec le préformationnisme anatomique, un préformationnisme historique. Mais à la fin, l'accouchement n'est pas venu, le monde nouveau est mort dans le ventre de sa mère, la classe ouvrière, si bien qu'au XXIème prolétaire est un mot qui ne dit plus rien aux prolétaires eux-mêmes.

    La première explication à cette fin du prolétariat tient dans l'épuisement de la croyance en un sens de l'histoire. Est défunte la foi selon laquelle l'histoire s'orienterait dans le temps avec une boussole, qui lui indiquerait son nord et son orient. Elle restait présente jusque dans les pires moments: les révolutions et les guerres. Les fondements philosophiques et scientifiques de la croyance au progrès sont tombés en ruine. L'évolution de l'épistémologie, de l'ethnologie des sciences humaines, et la réflexion spécifiquement philosophique elle-même, ont précipité cette décadence dont Nietzsche le premier, en médecin de la civilisation, avait proposé un pronostic lucide. La découverte de la réalité du stalinisme et l'écroulement du système du communisme historique, ont mis fin à l'opinion selon laquelle le socialisme pourrait remplacer le capitalisme en constituant un progrès par rapport à lui.

    Les mots prolétaire et prolétariat en sont venus à passer de vie à trépas aussi pour une autre raison: les prolétaires - comprenons: les prolétaires autochtones, européens - n'étaient pas au rendez-vous. Dans les années 70 une formule devenue cliché méprisant s'est répandue chez les intellectuels de gauche: «le peuple manque». Il n'est jamais au rendez-vous que la théorie a fixé pour lui. En mai 68, puis dans les années 70, les prolétaires, ces ingrats, ont manqué. On - c'est-à-dire les battus de mai - a commencé dès lors à le haïr, le peuple! On a commencé dès lors à le désaimer, le prolétaire. De héros, d'idole, de substitut du Christ pour assurer le salut de l'homme dans l'histoire, il devint le Beauf, il devint Dupont-Lajoie, il devint le sujet méprisé du populisme. La formule des bourgeois apeurés par les partageux d'autrefois était reprise, implicitement, par ceux qui allaient donner naissance au nouvel antiracisme: «salauds de pauvres!» Salauds de prolétaires au gros rouge qui tache! Salauds de souchiens pue-la-sueur! Ils n'ont pas voulu de la révolution, ces Dupont-Ducon! Eh bien nous nous tournerons vers d'autres! Pourquoi ne pas le remplacer, cet ingrat prolétaire autochtone, par de nouveaux levains de l'histoire? Pourquoi pas par le travailleur immigré? Par le sans-papier? Par le jeune de banlieue? Pourquoi pas par le Rom? L'échec de mai 68 a causé la péjoration du peuple.

    Ainsi, l'immigré devint le mime raté du prolétaire. Il en est perçu aussi comme la punition: la promotion de l'immigré est la punition infligée au prolétaire pour avoir manqué à son devoir historique!

    Pour assurer le salut de l'humanité, il y eut, chez Saint-Simon, les savants et les industriels ; les travailleurs et les femmes, chez Auguste Comte ; les prolétaires, chez Marx ; les étudiants, chez Marcuse. Nous rencontrons dans la gauche actuelle les immigrés comme étant la nouvelle figure du groupe chargé d'opérer le basculement de l'histoire. Auprès de ce fantôme de la gauche qu'est la gauche morale et sociétale contemporaine, l'immigré, le sans-papiers, le Rom, endossent le double rôle d'ersatz et de Père Fouettard du prolétaire.

    Robert Redeker (Le Figaro, 18 avril 2014)

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