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Géopolitique - Page 59

  • Halte à la diplomatie émotionelle !...

    Nous reproduisons ci-dessous un communiqué d'Aymeric Chauprade, publié ce jour sur le site Realpolitik et consacré à l'affaire Florence Cassez... 

     

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    Affaire Cassez : halte à la diplomatie émotionnelle !

    Le président de la République et sa ministre des Affaires étrangères ont choisi de sacrifier ala relation entre la France et l’un des pays les plus importants d’Amérique Latine, le Mexique, officiellement au nom de « l’innocence d’une Française », en réalité au nom d’une pitoyable stratégie de communication émotionnelle à usage purement intérieur.

    L’instrumentalisation du sentiment s’est désormais complètement substituée, dans tous les domaines (sécurité, justice, économie…), à la vraie politique, laquelle consisterait à traiter en profondeur la racine des problèmes. Nos gouvernants ne savent plus que larmoyer, devant des micros, tout en s’agrippant aux caméras des familles de victimes.

    Attardons-nous un instant sur le fond de cette lamentable affaire Cassez. En décembre 2005, l’arrestation d’Israel Vallarta Cisneros et de sa compagne française, Florence Cassez, sonne le glas d’un terrible gang de kidnappeurs, « Los Zodiacos » lequel s’est rendu coupable de dizaines d’enlèvements, d’assassinats, de tortures et de viols. Plusieurs victimes, hommes, femmes et enfants témoignent et accusent Florence Valdez d’avoir participé aux séquestrations d’otage (qui se passaient dans le ranch où elle vivait avec son compagnon).

    Voici un extrait du témoignage écrit de la dernière victime du clan « Los Zodiacos », paru dans la presse mexicaine et bien sûr occulté par la presse française :

    « Mon nom est Cristina Rios Valladares. J’ai été victime d’une prise d’otage, aux côtés de mon époux Raul et de mon fils Christian qui avait 11 ans (…) Nous avons appris la nouvelle de la peine de prison que Florence Cassez méritait, cette femme dont j’avais écouté la voix à maintes reprises pendant ma captivité. Une voix d’origine française qui bourdonne encore aujourd’hui dans mes oreilles. Une voix que mon fils reconnaît comme celle de la femme qui lui a pris du sang pour l’envoyer à mon époux, avec une oreille qui lui ferait penser qu’elle appartenait à mon fils (…) Maintenant j’apprends que cette Florence réclame justice et clame son innocence. Et moi j’entends dans ces cris la voix de la femme qui, jalouse et furieuse, hurlait sur Israel Vallarta, son petit ami et chef de la bande, que s’il recommençait à s’approcher de moi, elle se vengerait sur ma personne ».

    Contrairement aux partis dominants qui, à l’unisson, semblent vouloir faire de Florence Cassez un nouveau Dreyfus, nous ne voulons pas être définitifs sur cette affaire. La reconstitution spectaculaire devant les caméras de la télévision mexicaine, au lendemain de l’arrestation, en 2005, obéissait sans doute à une volonté de la part du gouvernement mexicain de médiatiser son action de répression de ce qui est un véritable fléau au Mexique : les enlèvements de personnes privées avec demande de rançon et mutilations. N’oublions pas que le président mexicain est confronté à des gangs criminels et des cartels qui, depuis 2006, ont fait plus de 30 000 morts dans ses forces de sécurité. Il s’agit d’une véritable guerre, et c’est la raison pour laquelle le petit caprice émotionnel du Tout-Paris n’impressionne guère les Mexicains. Il n’en demeure pas moins que cette reconstitution a contribué à ternir la procédure judiciaire mexicaine ; mais il faut raison garder : elle ne doit pas en effacer le contenu.

    La vérité, c’est que le Mexique, grand pays membre de l’ALENA, et puissance importante de l’Amérique Latine, dispose d’un vrai système judiciaire, et que les faits sont accablants pour Florence Valdez. Les témoignages sont là, et il est difficile par ailleurs (simple remarque de bon sens) de faire croire que Florence Cassez ait pu vivre pendant autant de temps dans un ranch où s’activaient une bande de tueurs, avec des armes et des munitions partout, des otages cachés et souvent torturés, ceci sans n’avoir jamais rien remarqué ! On la sent en tout cas beaucoup moins naïve depuis qu’elle s’occupe de sa défense et que, de derrière les barreaux et depuis son téléphone mobile, elle dicte au Président de la France la politique qu’il faut suivre.

    Au moment où la diplomatie française semble définie par la famille Cassez, il convient de remarquer que celle-ci n’a pas toujours dit la vérité. Ainsi, les parents de Florence Cassez ont-ils affirmé à la presse française qu’ils ne connaissaient pas le compagnon de Florence, Israel Vallarta. Manque de chance, la presse mexicaine a publié les photos de Bertrand Cassez, le père, en train de trinquer avec Israel Vallarta dans le ranch Las Chinitas, à 29 km de Mexico !

    Cette affaire me fait penser à celle des deux Françaises, Sarah Zaknoun et Cécile Faye, emprisonnées en 2008 en République dominicaine pour trafic de drogue, et graciées en décembre 2009 par le président dominicain à la suite d’une campagne médiatique puis politique, depuis Paris. Je suis personnellement bien placé pour savoir que dans cette affaire, le même impératif médiatique et émotionnel faisait office de politique et écrasait le fonds du dossier. Heureusement pour les deux gentilles « vacancières », le Président dominicain voulait faire plaisir à la France et à son président. Mais la justice dominicaine n’avait pourtant pas été prise d’hallucination collective, pas plus que celle du Mexique et des victimes qui ont témoigné !

    Il semble donc que dans notre pays, il y a des théories du complot autorisées et d’autres qui ne le sont pas. Il est par exemple autorisé et même encouragé de penser (reprenez les chroniques de pseudo-experts de la Russie après le récent attentat de l’aéroport de Moscou) que les Russes s’infligent des attentats tout seul, comme il est manifestement souhaitable de penser qu’une Française puisse être victime d’un gigantesque complot hier dominicain, aujourd’hui mexicain. Décidément, ne sont pas forcément xénophobes ceux que l’on croit. A lire la presse aujourd’hui, l’Amérique Latine c’est Tintin chez les Picaros ou l’Oreille cassée, au choix. Ah ces Mexicains, tous des « sergents Garcia » corrompus !

    Je pense aussi à l’affaire Cesare Battisti, ce terroriste italien d’extrême-gauche, que les médias français s’étaient mis en tête de faire libérer, au mépris de la justice italienne et des relations avec ce pays ami. On y a retrouvé les traditionnelles leçons de morale française, le mépris pour nos voisins et amis, le déni de justice et de souveraineté d’un partenaire de l’Union européenne.

    Je pense aussi à la gestion de l’affaire Bettancourt (la première, celle d’Ingrid), qui fut lamentable pour nos relations avec la Colombie.

    Nous avons tout faux dans ces affaires ! Non seulement, à chaque fois, il est beaucoup plus probable que nous nous préoccupions de coupables que d’innocents, mais qui plus est, nous affichons devant le monde entier une arrogance sans nom, un mépris pour la justice et la souveraineté de ces pays, comme si d’ailleurs notre justice et notre démocratie étaient exemplaires !

    En définitive, le problème fondamental de notre diplomatie en Amérique Latine ne tient-il pas au fait que nos gouvernants n’y aient aucune habitude de vacances ? S’ils avaient des villas en Colombie, ou s’ils se doraient sur les plages du Mexique, plutôt qu’en Tunisie ou en Egypte, peut-être feraient-ils preuve de moins d’arrogance ? Avec beaucoup d’humour, Elisabeth Levy suggérait que Florence Cassez avait la chance que le Mexique ne s’intéresse pas à l’avion Rafale, sinon elle serait oubliée depuis longtemps, par le pouvoir… et aussi par les médias !

    Ces opérations médiatiques à usage intérieur, qui visent ici, notamment pour la Ministre des affaires étrangères, à se refaire à bon compte une image émotionnelle positive après l’affaire de Tunisie, ne sont pas dignes du gouvernement de la France. Cette politique émotionnelle, « du coup médiatique », qui contamine jusqu’à notre politique étrangère, est devenue absolument insupportable ; elle finira d’ailleurs pas se montrer contre-productive pour ceux qui en usent. Car si les Français ont des émotions et peuvent tomber dans ce genre de piège, ils comprennent par ailleurs de plus en plus que le pays est gouverné dans l’instant, sans vision stratégique, et que sa tête se pose de moins en moins la question du Bien commun.

    Aymeric Chauprade (15 février 2011)

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  • La "rue arabe", un exemple pour le Nord ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Georges Corm, publié dans le quotidien Le Monde (12 février 2011). L'auteur économiste et ancien ministre des finances de la République libanaise, est l'auteur de nombreux ouvrages, dont Le Proche-Orient éclaté 1956-2010 (Folio, 2010) et, récemment, Le nouveau gouvernement du monde (La Découverte, 2010).

     

     

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    Quand la "rue arabe" sert de modèle au Nord

    A partir de la Tunisie, la divine surprise qui a touché la rive sud de la Méditerranée n'est pas aussi simple qu'elle peut apparaître de prime abord. Elle n'est évidemment pas issue de l'Irak. Envahi par l'armée américaine en 2003, sous prétexte de supprimer un tyran et d'y établir une démocratie, l'Irak a, au contraire, connu une involution outrageante dans le communautarisme et l'ethnisme, assortie d'une paupérisation encore plus grave que celle amenée par treize années d'embargo économique onusien, implacable sur ce malheureux peuple.

    La surprise n'est pas plus venue du Liban, où, en 2005, la "révolution du Cèdre", appuyée par l'Occident, n'a servi qu'à aggraver le communautarisme et les dissensions internes. Une commission d'enquête internationale sur l'assassinat de Rafic Hariri, puis la constitution du Tribunal international spécial pour le Liban n'ont fait que jeter encore plus le trouble entre les deux grandes communautés musulmanes du pays (sunnite et chiite) et aggraver les dissensions internes.

    L'attaque israélienne d'envergure de 2006 sur le sud du pays pour éradiquer le Hezbollah n'aura pas non plus été les "douleurs d'enfantement" du nouveau Moyen-Orient de George Bush, suivant les termes scandaleux employés à l'époque par Condoleezza Rice, sa ministre des affaires étrangères. En bref, tous les essais d'imposer la démocratie de l'extérieur n'auront eu pour effet que d'aggraver les tensions et instabilités de la région.

    En revanche, c'est un pauvre Tunisien désespéré socialement et économiquement qui, en s'immolant par le feu dans une zone rurale, déclenche la vague de protestations populaires qui secouent le sud de la Méditerranée. Les immolations par le feu se multiplient.

    Dans cette vague, il faut bien identifier l'alchimie qui en a fait jusqu'ici le succès : de fortes revendications d'équité sociale et économique, couplées à l'aspiration à la liberté politique et à l'alternance dans l'exercice du pouvoir. Soutenir uniquement la revendication politique que portent les classes moyennes et oublier celle de justice et d'équité socio-économique que portent les classes les plus défavorisées conduira à de graves désillusions. Or, le système qui a mené au désespoir social est bien celui de "kleptocraties" liant les pouvoirs locaux aux oligarchies d'affaires qu'ils engendrent et à des grandes firmes européennes ou à de puissants groupes financiers arabes, originaires des pays exportateurs de pétrole. C'est ce système qui a aussi nourri la montée des courants islamistes protestataires.

    La vague de néolibéralisme imposée aux Etats du sud de la Méditerranée depuis trente ans a facilité la constitution des oligarchies locales. La façon dont ont été menées les privatisations a joué un rôle important dans cette évolution, ainsi que les redoutables spéculations foncières et le développement des systèmes bancaires, financiers et boursiers ne profitant qu'à cette nouvelle oligarchie d'affaires. Or, de nombreux observateurs ont naïvement misé sur le fait que ces nouveaux entrepreneurs seraient le moteur d'un dynamisme économique innovant et créateur d'emplois qui entraînerait l'émergence d'une démocratie libérale.

    La réalité a été tout autre. Le retrait de l'Etat de l'économie et la forte réduction de ses dépenses d'investissement pour assurer l'équilibre budgétaire n'ont pas été compensés par une hausse de l'investissement privé. Ce dernier était supposé créer de nouveaux emplois productifs pour faire face aux pertes d'emplois provoquées par les plans d'ajustement structurels néolibéraux et à l'augmentation du nombre de jeunes entrant sur le marché du travail. Le monde rural a été totalement délaissé et la libéralisation commerciale a rendu plus difficile le développement de l'agroalimentaire et d'une industrie innovante créatrice d'emplois qualifiés.

    Face aux fortunes considérables qui se sont constituées ces dernières décennies, le slogan "L'islam est la solution" a visé, entre autres, à rappeler les valeurs d'éthique économique et sociale que comporte cette religion. Ces valeurs ressemblent étrangement à celles de la doctrine sociale de l'Eglise catholique. C'est pourquoi, si la question de l'équité et de la justice économique n'est pas traitée avec courage, on peut penser que les avancées démocratiques resteront plus que fragiles, à supposer qu'elles ne soient pas habilement ou violemment récupérées.

    Au demeurant, les organismes internationaux de financement, tout comme l'Union européenne, portent eux aussi une certaine responsabilité. Les programmes d'aides ont essentiellement visé à opérer une mise à niveau institutionnelle libre-échangiste, mais non à changer la structure et le mode de fonctionnement de l'économie réelle. Celle-ci, prisonnière de son caractère rentier et "ploutocratique", est restée affligée par son manque de dynamisme et d'innovation.

    Partout, le modèle économique est devenu celui de la prédominance d'une oligarchie d'argent, liée au pouvoir politique en place et aux pouvoirs européens et américains et à certaines grandes firmes multinationales. Le Liban en est devenu un modèle caricatural où des intérêts financiers et économiques servent à perpétuer des formes aliénantes de pouvoir en s'abritant derrière des slogans communautaires scandaleux tels que celui de "bons" sunnites opposés aux "dangereux" chiites.

    Pour que les choses changent durablement en Méditerranée pour qu'un ensemble euro-méditerranéen dynamique, compétitif et pratiquant l'équité sociale puisse émerger, ne faut-il pas que la société civile européenne suive, à son tour, l'exemple de ce qui a été jusqu'ici dédaigneusement appelé dans les médias la "rue arabe" ? Qu'elle élève à son tour le niveau de contestation de la redoutable oligarchie néolibérale qui appauvrit les économies européennes, n'y crée pas suffisamment d'opportunités d'emplois et précarise chaque année un plus grand nombre d'Européens de toutes les nationalités. Cette évolution négative s'est, elle aussi, faite au bénéfice de la petite couche de "manageurs" dont les rémunérations annuelles accaparent toujours plus la richesse nationale.

    Au nord comme au sud de la Méditerranée, ces "manageurs" soutiennent les pouvoirs en place et dominent la scène médiatique et culturelle. Il nous faut donc repenser en même temps le devenir non plus d'une seule rive de la Méditerranée, mais bien de ses deux rives et de leurs liens multiformes.

    L'exemple de la rive sud devrait stimuler aujourd'hui sur la rive nord la capacité de penser sur un mode différent un autre avenir commun.

    Georges Corm (Le Monde, 12 février 2011)

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  • Sociologie de la domination...

    Comprendre l'empire, le nouveau brûlot d'Alain Soral, sort aujourd'hui aux éditions Blanche ! L'auteur d'Abécédaire de la bêtise ambiante, de Jusqu'où va-t-on descendre ? ou de Sociologie du dragueur s'attaque au système oligarchique qui domine sans partage l'Occident depuis près de 50 ans...

     

     

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    "Composé de textes clairs et incisifs racontant ce combat d’idées qu’est l’Histoire, sans omettre de resituer ces idées dans l’Histoire qui les a vues naître, Comprendre l’Empire aurait tout aussi bien pu s’intituler Sociologie de la domination ou Sociologie du mensonge, tant Empire et domination par le mensonge sont liés.

    Peu universitaire dans sa forme, mais fruit de cinquante années d’expériences combinant lectures et engagements, cet essai retrace le parcours historique de la domination oligarchique engagé depuis plus de deux siècles en Occident : instrumentalisation de l’humanisme helléno-chrétien, noyautage de la République par les réseaux, exacerbation des antagonismes de classes et manipulation de la démocratie d’opinion.

    Un long processus initié au XVIIIe siècle par le cartel bancaire qui approche de son épilogue avec le Nouvel ordre mondial. Une tentative d’imposer par la ruse un pouvoir dictatorial qui met, à l’horizon 2012, le monde occidental face à un choix qui l’engage tout entier : la dictature de l’Empire ou le début du soulèvement des peuples ; la gouvernance globale ou la révolte des Nations.

    Essayiste à scandale autant qu’à succès, Alain Soral – auteur de Sociologie du dragueur, Vers la féminisation ?, Misères du désir et autres Abécédaires de la bêtise ambiante – nous propose avec Comprendre l’Empire son livre le plus profond, le plus complet et le plus polémique de tous !"

     

    Ci-dessous, Alain Soral présente le projet du livre dans un court entretien vidéo.


    Comprendre l'Empire - Interview Soral
    envoyé par alexishassler. - Plus de vidéos de blogueurs.

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  • Une démocratie en Egypte : Adler, BHL et Finkielkraut anxieux...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Pascal Boniface, tiré de son blog Affaires stratégiques, à propos de la révolution égyptienne et des mises en garde qui sont diffusées à son propos par certains intellectuels favorables à Israël...

     

     

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    Adler, BHL et Finkielkraut anxieux face à la perspective d’une Egypte démocratique

    Tout le monde devrait se réjouir de la contestation du régime répressif de Moubarak en Égypte. Mais la joie de voir la mise en place d'une véritable démocratie dans ce grand pays arabe est gâchée par une sombre perspective : la prise du pouvoir par les Frères Musulmans. Mais alors que The Economist qui n’est pas précisément un organe islamo-gauchiste se réjouit d’une révolte pacifique, populaire et séculière, trois des principaux intellectuels médiatiques français sont heureusement là pour mettre en garde les naïfs qui stupidement sont toujours prêts à applaudir à la chute des dictateurs.

    Dans le Figaro des 29 et 30 janvier, Alexandre Adler est le premier à tirer la sonnette d'alarme dans sa chronique intitulée « Vers une dictature intégriste au Caire ? » dans laquelle il qualifie au passage Mohamed El Baradei, l'une des figures de proue de l'opposition à Moubarak de « pervers polymorphe ».

    Alain Finkielkraut prend le relais dans Libération du 3 février. Il se demande si Mohamed El Baradei sera « l'homme de la transition démocratique ou l’idiot utile de l'islamisme » et doute de la possibilité de l'instauration d'un régime démocratique en Égypte à cause des Frères musulmans. Selon lui, il y avait une tradition démocratique en Europe de l’Est mais il doute qu’il y en ait une en Egypte. C’est faux et stupide à la fois. Seule la Tchécoslovaquie avait été une démocratie avant l’instauration du communisme en Europe de l’Est. Et il est curieux d’exiger le préalable d’une tradition démocratique pour une nation qui veut justement faire chuter une dictature. Dans Le Point (dont la couverture est sobrement intitulée « le spectre islamiste »), BHL avoue sa crainte de voir les fondamentalistes bénéficier de la chute de Moubarak avec la perspective d'une Égypte qui suivrait l'exemple iranien.

    Ces trois intellectuels relaient en fait les craintes israéliennes face au changement politique en Égypte. Ce qui est assez amusant c'est que les mêmes qui ont dénoncé pendant des lustres l'absence de régimes démocratiques dans le monde arabe s'inquiètent désormais de la possibilité qu'il en existe. Cela ferait tomber leur argument de « Israël la seule démocratie du Proche-Orient » qu'ils psalmodient. Mais surtout cela pourrait signifier la mise en place de régimes moins accommodants avec Israël. Or c’est leur principale pour ne pas dire unique préoccupation.

    Il n'est d'ailleurs pas étonnant qu'ils soient passés complètement à côté de la révolution tunisienne ; ils n'ont ni soutenu la révolte populaire comme ils ont pu le faire pour l'Iran, (la Tunisie n’est pas hostile à Israël donc on n’y soutient pas les revendications démocratiques) ni ne se sont inquiétés de ses conséquences comme ils le font pour l'Égypte (la Tunisie n’a pas un rôle clé au Proche Orient).

    Ils font un parallèle entre la mise en place d'un régime répressif islamiste en Iran après 1979 et ce qui pourrait se produire en Égypte. Comparaison n'est pas raison ; si le régime des mollahs a pu s’imposer en Iran, c'est en grande partie du fait des craintes d'interventions extérieures américaines (et du précédent Mossadegh) et face à l'agression à partir de 1980 de Saddam Hussein, à l'époque soutenu unanimement par le monde occidental. Le sentiment de menace extérieure a largement servi le régime iranien pour se maintenir en place. C'est d'ailleurs une règle générale qui ne vaut pas que pour l'Iran.

    Curieusement nos trois vedettes médiatiques qui s'inquiètent fortement de l'arrivée au pouvoir d'un mouvement intégriste religieux n'ont jamais rien dit contre le fait qu'en Israël un parti de de cette nature soit membre depuis longtemps de la coalition gouvernementale. Le parti Shass un parti extrémiste religieux (et raciste) est au pouvoir en Israël avec un autre parti d'extrême droite celui-ci laïc et tout aussi raciste, Israel Beiteinu. Ces deux partis alliés au Likoud essaient d'ailleurs de restreindre les libertés politiques et mettent une très forte pression sur les différentes O.N.G. de défense de droits de l'homme sans que nos trois intellectuels s'en émeuvent particulièrement.

    Les Frères musulmans peuvent-ils prendre seul le pouvoir ? C'est fortement improbable pour ne pas dire impossible. Un gouvernement auquel éventuellement participeraient les Frères musulmans pourrait lever le blocus sur Gaza. Il ne se lancerait pas dans une guerre contre Israël du fait du rapport de forces militaires largement favorable à Israël sans parler de l'appui stratégique américain. Ce qui pourrait se produire par contre, c'est qu’un autre gouvernement égyptien soit moins accommodant avec l'actuelle coalition de droite et d'extrême-droite au pouvoir en Israël. Mais est-ce si grave qu'un pays démocratique d'une part ait une politique indépendante et d’autre part ne laisse pas carte blanche à un gouvernement de droite et d'extrême-droite ?

    Les masques tombent. Nos trois intellectuels dénoncent un éventuel extrémisme en Egypte mais soutiennent celui au pouvoir en Israël. Ils critiquent l’absence de démocratie dans le monde arabe mais s’émeuvent dès qu’elle est en marche. Leur priorité n'est pas la démocratie mais la docilité à l'égard d'Israël, fut-il gouverné avec l'extrême droite.

    Pascal Boniface (Affaires stratégiques, 7 février 2011)

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  • Radicalisation et misère politique...

    Vous pouvez visionner ci-dessous la dernière chronique d'Hervé Juvin sur Realpolitik.tv, en date du 20 janvier 2011.


    Radicalisation et misère politique
    envoyé par realpolitiktv. - Regardez les dernières vidéos d'actu.

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  • De l'emploi des forces armées au XXIe siècle...

     

    Patrick Péhèle, Lucien Valdes, Grégoire Gambier et Philippe Christèle, les animateurs des Chroniques de la Vieille Europe, recevront dans leur émission du mardi 8 février 2011, diffusée à 21 heures 30, le colonel Michel Goya, auteur de plusieurs ouvrage de réflexion stratégique et de polémologie.

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    Entretien avec Michel Goya, sur son dernier ouvrage “De l’emploi des forces armées au XXIe siécle

     Le Colonel Michel Goya, docteur en histoire et l’une des têtes pensantes de l’état-major des armées, Président d’une chaire créée pour lui au Centre de recherche des Ecoles de Saint-Cyr-Coëtquidan. Ses thèmes de recherche sont “l’homme au combat, le commandement, l’innovation tactique et la guerre actuelle au travers des conflits étrangers”. Michel Goya, issu des corps des sous-officiers, passé par l’Ecole militaire interarmes, est l’auteur de deux livres remarqué : “la chair et l’acier” (Tallandier 2004) et “Irak, les armées du chaos” (Economica, 2008).

     

    De l’emploi des forces armées au XXIe siècle

    Depuis la brillante victoire de 1991 contre l’armée irakienne, les armées occidentales ont vu leur efficacité relative décliner face aux organisations armées du grand Moyen-Orient, pour des coûts humains et financiers qui, au contraire, se sont envolés. Les forces armées françaises n’ont pas échappé à ce phénomène de «stagflation tactique» et une réflexion en profondeur s’est imposée afin de mieux accorder l’outil de défense, les nécessités stratégiques du temps et les ressources de la nation. Res militaris regroupe l’ensemble des fiches rédigées, en toute liberté d’esprit pendant deux ans, pour le Général d’Armée Jean-Louis Georgelin, Chef d’état-major des Armées (CEMA).

     

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