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Géopolitique - Page 56

  • Quelques réflexions sur l'islamisation de la France...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue intéressant de Thierry Mudry sur l'islamisation de la France, publié sur Realpolitik.tv. Avocat, Thierry Mudry est un spécialiste de la géopolitique des Balkans, et est , notamment, l'auteur de Histoire de la Bosnie-Herzégovine (Ellipse, 1999) et de Guerres de religions dans les Balkans (Ellipse, 2005).

     

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    Quelques réflexions sur l'islamisation de la France
    La visibilité sociale accrue de l’Islam en France, avec la multiplication des lieux de culte musulmans, l’accroissement du nombre des femmes voilées, l’apparition du voile intégral, la prolifération des restaurants servant exclusivement de la nourriture halal, etc., suscite un évident et bien compréhensible malaise chez nombre de Français non musulmans qui voient leur paysage familier transformé par cette nouvelle donne. Ce malaise est manifeste aussi chez certains Français d’origine musulmane qui ne souhaitent pas que la France reproduise un modèle d’outre-Méditerranée que leurs parents ou eux-mêmes ont laissé sans regret derrière eux.

    La visibilité sociale accrue de l’Islam a conduit beaucoup à évoquer une « islamisation » de la France. Mais deux questions se posent ici.

    Peut-on parler d’une véritable islamisation, en ce que cette visibilité de l’Islam traduirait son influence grandissante, religieuse, voire politique, en France ? Deuxième question : les musulmans eux-mêmes sont-ils à l’origine de ce phénomène d’islamisation ?

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    Du fait de la poursuite de l’immigration qui s’est transformée, comme l’a observé Hervé Juvin, en « immigration de peuplement », le nombre de musulmans tend bien évidemment à s’accroître chaque année en France.

    Pour autant, il convient de distinguer ces deux réalités que sont l’immigration et l’islamisation.1

    En effet, tous les immigrés ne sont pas musulmans, loin s’en faut. Une partie non négligeable d’entre eux provient de l’Extrême-Orient ou de l’Afrique sub-saharienne, chrétienne et animiste. D’autre part, l’immigration musulmane elle-même ne relève bien évidemment pas d’un projet pan-islamiste de conquête de l’Europe, mais bien plutôt de la volonté séculaire du patronat français de disposer sur place d’une main d’œuvre bon marché, et de la volonté des immigrés de trouver en France, pour eux-mêmes et leur famille, des conditions de vie meilleures que dans leur pays d’origine.

    En outre, les citoyens ou les résidents français d’origine musulmane sont loin d’être tous pratiquants, voire croyants, et, dans l’immense majorité des cas, leur pratique religieuse, alignée sur les traditions familiales, se limite à consommer de la viande halal (ou, à tout le moins, à ne pas manger de porc) et à observer, plus ou moins rigoureusement, le jeûne du ramadan . Selon un sondage CSA réalisé pour l’hebdomadaire catholique La Vie du 17 avril au 30 août 2006, 88% des musulmans de France affirmaient faire le ramadan2, 43% faire les cinq prières quotidiennes, 20% lire le Coran au moins une fois par semaine, 17% aller à la mosquée au moins une fois par semaine, et 4% être déjà allés à La Mecque. Il convient de préciser que ce sondage a été réalisé auprès de personnes se déclarant de confession musulmane, ce qui exclut les personnes d’origine musulmane qui s’affirment incroyantes ou qui adhèrent à un credo religieux non musulman, dont la proportion reste à déterminer !

    Plutôt que d’une islamisation « en profondeur », sans doute convient-il de parler ici d’une islamisation apparente. Cette dernière n’est toutefois pas innocente et sans portée comme l’a montré l’exemple de la Bosnie-Herzégovine, dont le paysage rural et urbain s’était ré-islamisé à partir des années de la fin des années 1960 avec la construction massive de mosquées et de lieux de culte musulmans financée par les pays arabes avec l’assentiment des dirigeants communistes locaux3.

    Le renouveau symbolique de l’Islam en Bosnie-Herzégovine servait la politique étrangère de la Yougoslavie titiste, qui avait pris la tête du mouvement des non-alignés et se montrait soucieuse de se ménager l’appui diplomatique des Etats musulmans.

    Mais, alors même que les nouvelles mosquées étaient fort peu fréquentées, au grand dam des autorités islamiques locales, cette ré-islamisation du paysage bosniaque favorisa une polarisation identitaire de la société qui s’avéra plus tard lourde de conséquences.

    Au bout du compte, peut-on parler d’une influence religieuse grandissante de l’Islam en France ? Cela reste à prouver : la multiplication des mosquées est, en effet, moins le signe du dynamisme de l’Islam en France que celui de son atomisation, les pratiquants se répartissant en associations cultuelles distinctes, qu’il n’est pas abusif de qualifier pour certaines de « sectes », s’opposant vivement sur l’interprétation du corpus islamique.

    En revanche, le poids politique de l’Islam se fait sentir en France, quoi qu’indirectement, avec le Conseil français du culte musulman, volontiers consulté par le pouvoir politique, au même titre toutefois que les représentants des autres confessions de France, chrétiennes et juive.

    - 2 -

    Cette visibilité sociale, ce poids accrus de l’Islam en France sont-ils imputables aux musulmans eux-mêmes ? Ne sont-ils pas plutôt le fait de l’État français, des collectivités publiques et des grandes entreprises, qui manifestent ainsi un parti-pris idéologique en faveur du multiculturalisme (ou de « la diversité », pour reprendre le jargon en vigueur) – un parti-pris favorable qui ne s’étend toutefois pas aux cultures et aux langues régionales – et la volonté de contrôler, ou d’encadrer, les nouvelles populations implantées en France?

    Notons d’abord que le Conseil français du culte musulman créé en 2003 à l’instigation des autorités françaises, en particulier de Nicolas Sarkozy alors ministre de l’Intérieur chargé des cultes, n’apparaît guère représentatif de la population musulmane de France. Ses membres sont d’ailleurs élus par un collège électoral restreint composé de délégués des associations cultuelles largement soumises à l’influence des Etats étrangers (Algérie, Maroc et Turquie surtout) et des groupes proches des Frères musulmans.

    En outre, si l’État et les collectivités publiques ne peuvent financer le culte musulman, il apparaît que les communes, depuis plusieurs années, interviennent largement dans la création de lieux de cultes, à travers notamment les subventions accordées aux associations culturelles musulmanes (ces dernières servant de support aux associations cultuelles) ou la mise à disposition de locaux, ou de terrains concédés parfois sous la forme de baux emphytéotiques. Il est certes tout à fait normal que des lieux de culte musulmans puissent voir le jour, mais on constate que les largesses publiques bénéficient bien souvent à de petites minorités activistes au sein de la population musulmane.

    Précisons ici que, contrairement à une idée reçue, ce ne sont pas les musulmans qui éprouvent le plus de difficultés à ouvrir des lieux de culte en France, mais certaines églises chrétiennes, en particulier les églises évangéliques, celles-ci se heurtant à l’hostilité affichée des municipalités communistes de la banlieue parisienne. La journaliste Stéphanie Le Bars soulignait dans Le Monde que « de nombreux responsables d’églises évangéliques, dont la vitalité ne se dément pas, notamment en région parisienne, rencontrent des difficultés pour offrir à leurs fidèles des « lieux de culte dignes ». A la recherche d’entrepôts ou de cinémas désaffectés, ils passent d’une localité à l’autre, parfois pendant plusieurs années, avant de trouver un point de chute. « Lorsqu’elles visent un local, les communautés évangéliques se heurtent souvent au droit de préemption des mairies ou à leur refus de changer la destination des locaux » ». « Comparativement, les musulmans jouissent désormais d’une relative facilité pour ouvrir une salle de prière ou une mosquée. Si des besoins demeurent en termes de surface, notamment, « l’islam des caves » est en passe de disparaître. « Un lieu de culte ouvre en moyenne par semaine », indique M. Leschi [alors chef du bureau des cultes au ministère de l'Intérieur]. Plus de 2000 lieux de culte musulman fonctionnent aujourd’hui. Et les responsables musulmans le reconnaissent eux-mêmes, il est devenu électoralement payant pour un élu d’assister à la pose de la première pierre d’une mosquée ».4

    Quant aux grandes entreprises, en accordant des salles de prière sur le lieu de travail, des aménagements des horaires de travail en fonction des fêtes religieuses et des repas halal à leurs employés, sans même que des exigences dans ce sens aient été formulées par leurs employés musulmans ou par une majorité de ceux-ci, elles entendent clairement développer une stratégie « identitaire » de gestion des ressources humaines dans le droit fil du multiculturalisme ambiant.

    C’est là qu’il apparaît clairement que l’islamisation de la France, voire de l’Europe, s’accorde parfaitement avec leur américanisation, avec la transposition locale du modèle américain.

    Il n’y a à cela rien d’étonnant quand on sait que, loin d’être nécessairement hostile aux États-Unis, l’Islam, dans certaines de ses expressions dont la Turquie de l’A.K.P., la fraction moderniste des Frères musulmans et les Etats du Golfe offrent l’exemple le plus éclairant5, peut se révéler parfaitement américano-compatible, géopolitiquement et économiquement parlant, et même sur le plan civilisationnel, ainsi qu’en témoignent la reconnaissance et l’approbation par ces courants islamistes de l’hégémonie états-unienne, leur adhésion au néo-libéralisme mondialisé décrit comme profitable aux élites musulmanes, et leur promotion du consumérisme de masse à peine amendé par quelques interdits alimentaires et prescriptions vestimentaires.

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    L’ampleur de la responsabilité des décideurs politiques et économiques français dans ce phénomène d’« islamisation » se donne également à voir dans des cas particuliers, apparemment anodins, tirés du quotidien. On évoquera ici, pour illustrer notre propos
    - celui des Quick halal, et
    - celui de l’abattage rituel des animaux de boucherie.

    La chaîne de restauration Quick a décidé, au début de l’année 2010, de bannir toute viande de porc dans huit de ses établissements et de ne servir à la clientèle de ces établissements que de la viande de bœuf halal. Leur nombre a été porté quelques mois plus tard à 22. Mais la qualité halal des produits vendus a été partiellement mise en doute par les mosquées de Paris et d’Evry, qui se livraient, semble-t-il, à une féroce concurrence sur le marché de la certification, et par les rédacteurs du site internet Al Kanz voué à la défense des consommateurs musulmans.

    Cette stratégie du tout halal a été initiée par Quick dans le but de séduire les banlieues mais également (et surtout) de conquérir le marché nord-africain.

    Il n’est pas indifférent de savoir que le capital de Quick appartient pour 95% à la Caisse des dépôts et consignations, personne morale de droit public dont la mission est définie par le code monétaire et financier.

    On voit donc que l’État, à travers la Caisse des dépôts et consignations, joue un rôle majeur dans un processus d’islamisation, dont l’authenticité est cependant contestée par les musulmans eux-mêmes.

    Une directive européenne du 18 novembre 1974 avait imposé le principe de l’étourdissement des animaux de boucherie avant leur abattage. Ce principe, repris dans une directive du 22 décembre 1993, connaissait cependant une dérogation, fondée sur le respect de la liberté de religion: celle de l’abattage rituel.

    Les dispositions de ces directives ont été transposées dans le droit français, et incluses dans le code rural, où figurent également les dispositions prévoyant l’exception de l’abattage rituel.

    Cependant, le Rapport d’enquête sur le champ du halal, rendu en septembre 2005 par le Comité permanent de coordination des inspections, relevait (page 33) que « l’abattage sans étourdissement préalable tend à devenir la norme pour certaines espèces ». « En France, 80% des ovins, 20% des bovins et 20% des volailles seraient abattus selon le rite halal ».

    L’existence d’une telle dérive a été confirmée par la direction générale de l’alimentation du ministère de l’Agriculture en 2007 et par le ministre de l’Agriculture lui-même dans sa réponse à la question posée à ce sujet par le député du Nord Christian Vanneste en 2009. Les enquêtes de terrain de l’Oeuvre d’assistance aux bêtes d’abattoirs réalisées ces dernières années montrent l’ampleur de cette dérive, l’abattage rituel concernant, selon les constatations faites, 62% des ovins et caprins tués en abattoirs, 43% des veaux et 28% des gros bovins (en 2006 et 2007).

    L’abattage sans étourdissement présente un double attrait aux yeux des entrepreneurs de la filière: il est plus économique, et il permet de pouvoir exporter de la viande vers des pays musulmans. Un tel attrait justifie pour eux qu’on puisse en imposer, sans les informer, la consommation à des non musulmans en France.

    Les législations européennes et françaises sont ainsi bafouées dans les abattoirs français, avec l’assentiment du ministre de l’Intérieur, supérieur hiérarchique des préfets compétents pour délivrer les agréments aux activités d’abattage des animaux, et du ministre de l’Agriculture, supérieur hiérarchique des directeurs départementaux des services vétérinaires chargés de contrôler les abattoirs.

    Mettant en avant la complicité de ces ministres dans ces violations du code rural, qui pouvaient également tomber sous le coup de l’article 521-1 du code pénal punissant la cruauté envers les animaux, Brigitte Bardot avait saisi d’une plainte dans ce sens la Cour de justice de la république en février 2011. Mais cette dernière n’a pas voulu y donner suite.

    Là encore, la responsabilité des dirigeants politiques et économiques dans la généralisation de l’abattage rituel (que beaucoup de musulmans disent à juste titre conditionnée par des impératifs de rentabilité et non par des motifs religieux) est sans commune mesure avec celle des musulmans eux-mêmes.

    On voit bien que, si islamisation de la France il y a, celle-ci, même si elle répond aux vœux d’une minorité des musulmans, est essentiellement le résultat de l’action des décideurs – des décideurs non musulmans.

    Thierry Mudry (Realpolitik.tv, 5 septembre 2011)

     

    1 – S’agissant des problèmes liés à l’immigration, le lecteur se reportera aux analyses d’Hervé Juvin et aux propositions qu’il formule sur ce site (Realpolitik.tv).

    2 – En revanche, le port du voile, en particulier du voile intégral, marque plutôt une rupture avec les traditions familiales. Il répond, chez les femmes qui l’assument, à des motivations complexes, et procède le plus souvent d’un choix individuel, volontiers provocateur (cf. Raphael Liogier, « L’islamophobie, symptôme de la décadence européenne », article paru sur le site de l’Observatoire du religieux : www.world-religion-watch.org.)

    3 – La Bosnie-Herzégovine comptait 969 mosquées et lieux de culte musulmans en 1960. Elle en comptera 1437 en 1970 et 1661 en 1976 (Cf. Thierry Mudry, Histoire de la Bosnie-Herzégovine. Faits et controverses, Paris, Ellipses, 1999, p. 217-218).

    4 – « Les évangéliques, en plein essor, peinent à trouver des lieux de culte », in Le Monde, 8 mars 2007.5 – On lira sur la Turquie les articles de Tancrède Josseran. Il faut cependant souligner que l’Islam, pluriel par essence, est loin d’être uniformément américano-compatible.

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  • Quel avenir pour la Libye ?...

    Nous reproduisons ci-dessous le point de vue éclairé de Bernard Lugan, publié sur son blog,  à propos de la situation en Libye et de ses probables conséquences.

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    Quel avenir désormais pour la Libye ?

    Première remarque : personne ne regrettera le « guide satrape » libyen, ni les attentats qu’il commandita pas plus les provocations devant lesquelles cédèrent avec faiblesse tant de responsables politiques mondiaux. Pour autant, la chasse à l’homme, « mort ou vif », lancée contre lui et ses fils, prime à l’appui, par certains de ceux qui, hier encore, rampaient à ses pieds est insupportable autant que nauséabonde. Elle en dit long sur l’ « ancrage » éthique des futurs responsables libyens…

    Cette mise au point étant faite, venons-en aux considérations politiques. Le CNT (Conseil national de Transition) qui a fini par l’emporter grâce à l’Otan étant un volapuk idéologique, l’avenir de la Libye paraît bien sombre. En effet :

    - Il s’est agi au départ du mouvement d’une dissidence régionaliste arabo-musulmane née en Cyrénaïque, donc à l’est du pays, renforcée d’une manière opportuniste et tout à fait artificielle par le soulèvement de la minorité berbère vivant dans le djebel Nefusa, à cheval sur la frontière tunisienne, donc à l’ouest. A la différence de la Tunisie et de l’Egypte, rien n’est parti de la capitale, mais de deux régions excentrées.

    - L’épicentre de la « révolution » fut la région de Benghazi qui avait des comptes à régler avec le régime depuis la féroce répression d’un précédent soulèvement islamiste. Cette Cyrénaïque dissidente à l’époque ottomane, rebelle durant l’Impero italien et insoumise depuis les années 1990, présente plusieurs originalités : elle est le fief des partisans de l’ancienne monarchie islamo-senoussiste, le phénomène jihadiste y est fortement ancré et la contestation y a reçu le renfort des mafias locales dont les ressources étaient coupées depuis plusieurs mois à la suite de l’accord italo-libyen concernant la lutte contre les filières de l’immigration africaine clandestine.

    - Toujours à la différence de la Tunisie et de l’Egypte, et cela a constamment été caché à l’opinion française afin de ne pas écorner l’image « positive » des insurgés, ce soulèvement fut extrêmement violent. Il fut en effet, dans certaines villes tombées aux mains des rebelles, accompagné de la mise à mort d’une manière cruelle et rappelant les méthodes des islamistes algériens, des partisans du régime et parfois même des membres de leurs familles.

    - Ce fut donc dans une atroce guerre civile que la France s’immisça pour des raisons officiellement éthiques. Sans son intervention, le colonel Kadhafi aurait repris le contrôle de la situation.

    Quel avenir désormais pour la Libye ? Par Bernard Lugan

    A la date du vendredi 26 août, l’avenir de la Libye est pour le moins incertain. Le CNT qui a annoncé qu’il allait quitter Benghazi pour venir s’installer à Tripoli demande des sommes astronomiques à la « communauté internationale » pour reconstruire le pays prospère qu’il vient de détruire. Pour mémoire, avant les « évènements », la Libye était le pays d’Afrique le plus développé et le chômage des jeunes qui fut un des leviers des évènements tunisiens y était inexistant.

    Politiquement, la tâche qui attend ce mystérieux CNT est immense. Reconnu par la France comme « le seul représentant légitime des populations libyennes » le 10 mars 2011, soit à peine 5 jours après qu’il se fut lui-même pompeusement auto proclamé « seul représentant du Peuple libyen », il s’agit d’un mélange instable et explosif rassemblant des monarchistes senoussistes, des républicains laïcs, des islamistes jihadistes, des islamistes modernistes, des démocrates, des fédéralistes berbères et d’anciens responsables du régime ayant fait défection au gré de leurs intérêts fluctuants. Sa première tâche va être de prendre en compte les véritables rapports de force existant en son sein. Ensuite, il va lui falloir, et cela très rapidement, tenter de trouver une solution constitutionnelle permettant de concilier les constantes tribales, régionales et religieuses avec la définition d’un véritable Etat libyen. Comment s’organisera la Libye de demain ? Là est en effet toute la question. La Tripolitaine et la Cyrénaïque se combattront-elles, partageront-elles le pouvoir ou bien l’une l’emportera t-elle sur l’autre ? Comment va réagir la minorité berbère quand elle constatera qu’elle aura une fois de plus été flouée ?

    Avant de se lancer dans cette guerre les autorités françaises ont-elles pris en compte l’hypothèse de l’apparition de guerres tribales et claniques, comme en Somalie ? Ont-elles bien évalué le risque islamiste, éventualité qui ouvrirait un espace inespéré pour Aqmi qui prospère déjà plus au sud dans la région du Sahel ? Vaincre dans une guerre aérienne et électronique sophistiquée un dictateur usé et anachronique dont l’état-major était incapable de coordonner la moindre action militaire interarmes et dont les blindés à bout de souffle manœuvraient quasiment au fanion, presque comme en 1916, est une chose. Gérer une situation géopolitique instable née de cette guerre va en être une autre…

    Bernard Lugan (Blog de Bernard Lugan, 26 août 2011)

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  • La crise nous interpelle !...

    Hervé Juvin analyse dans cet chronique donnée à Realpolitik.tv au cours du mois d'août 2011 les derniers rebondissements de la crise. Il évoque notamment la mise en oeuvre, au travers de la crise financière, d'une stratégie indirecte de démolition de l'euro et de l'union européenne... Intéressant, comme toujours !...

     


    Hervé Juvin : "la crise nous interpelle" par realpolitiktv

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  • Vers la fin du pétrole ?...

    Vous pouvez visionner ci-dessous une conférence sur le thème du pic pétrolier (le fameux "peak oil") et de ses conséquences, donnée à l'école normale supérieure de Paris par le journaliste indépendant Matthieu Auzanneau, qui anime le blog Oil man - Chronique du début de la fin du pétrole. Un exposé très clair qui n'incite pas à l'optimisme et à l'attentisme...

     

    Ni Dupes Ni Devins - Première édition - Matthieu Auzanneau from Le Blog du DD on Vimeo.

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  • Couple franco-allemand et Europe fédérale...

    Nous reproduisons ci-dessous un article de Jean-Paul Baquiast, cueilli sur le site De Defensa. L'auteur, animateur du site Pour une Europe intelligente, y défend l'idée de l'importance vitale d'un couple franco-allemand fort pour construire une Europe fédérale puissante ; une importance que les Anglo-saxons ont bien comprise depuis longtemps...

     

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    Couple franco-allemand et Europe fédérale

    L'urgence à renforcer le couple franco-allemand viendra-t-elle en contradiction avec une autre urgence, donner à l'Union européenne le statut d'un Etat fédéral?

    Nous sommes de ceux qui pensent que les deux nations, l'Allemagne et la France, ont manqué le rendez-vous de l'histoire il y a quelques années lorsque l'idée de renforcer les liens institutionnels entre l'Allemagne et la France, y compris en partageant des responsabilités politico-administratives, avait été évoquée. Faute d'hommes d'Etat visionnaires, dans les deux pays, ce projet n'a pas été encouragé. Aujourd'hui, nous allons le voir, le besoin s'impose plus que jamais. Mais ceux qui reprendraient une telle initiative viendraient-ils en contradiction avec une exigence beaucoup plus pressante, transformer progressivement l'Union européenne en Etat fédéral? On pourrait craindre en effet que si un pôle de puissance se constituait autour de l'Allemagne et de la France, les 25 autres Etats redouteraient de voir le cadre fédéral amputer leurs autonomies au profit de ce pôle. Nous croyons pour notre part qu'à condition de déployer un peu de diplomatie, il n'en serait rien. Toute Fédération juxtapose sans conflits des Etats fédérés inégalement puissants. Des dispositifs constitutionnels existent pour la défense des partenaires moins importants. Encore faudrait-il convaincre les opinions publiques de leur efficacité.

    Le couple Franco-allemand. Les Allemands en veulent-ils encore?

    Partager avec l'Allemagne des politiques communes, voire des institutions communes, devrait être généralement bien vu en France. Les Allemands sont appréciés et admirés, même s'ils suscitent moins de sympathies spontanées que d'autres voisins, Espagnols ou Italiens par exemple. Ces partages pourraient se faire dans des domaines où les deux pays disposent d'atouts semblables qui pourraient ainsi être renforcés. Il en serait ainsi par exemple des programmes de recherche scientifique ou des budgets d'éducation. Ils pourraient parallèlement être encouragés dans des domaines où les défaillances d'un pays seraient compensées par les avancées de l'autre. Evoquons par exemple la Défense, point fort de la France ou les coopérations stratégiques avec la Russie ou la Chine, point fort de l'Allemagne.

    Beaucoup d'observateurs considèrent par contre que des mises en commun avec la France seraient aujourd'hui refusées par les Allemands, que ce soit par les grands intérêts industriels qui font aujourd'hui la loi à Berlin ou par l'opinion publique, laquelle se sent plus spontanément proche de l'Europe du Nord et de l'Est. Les Français seraient considérés avec la méfiance condescendante qui caractérise les relations de l'Europe centrale “sérieuse”, avec l'Europe méditerranéenne plus insaisissable. Les changements de pied continuels et le culte de l'égo ayant caractérisé Nicolas Sarkozy ces dernières années n'auraient rien fait pour revaloriser l'image de la France.

    De nombreuses analyses récentes, d'origine anglo-saxonne, vont plus loin. Elles visent à démontrer que l'Allemagne a désormais choisi d'une part de s'imposer en leader sans partage dans l'Union européenne et d'autre part de constituer, avec un groupe de pays suiveurs dans lequel la France n'aurait pas sa place, un axe de puissance intégrant la Russie et tourné vers la coopération d'égal à égal avec les pays asiatiques, notamment la Chine. Un article récent du New York Times, «Europe's Economic Powerhouse Drifts East», montre avec des exemples précis comment de grandes entreprises allemandes ont décidé de concentrer au profit de l'Est, notamment de la Chine, leurs efforts commerciaux et surtout leurs investissements. Elles ne tournent pas systématiquement le dos avec l'Europe, qui continue à jouer un rôle important pour elles, mais ce sera dorénavant l'Asie qui sera leur champ de bataille principal.

    Ces entreprises et le gouvernement allemand à leur suite ne craignent apparemment pas la concurrence chinoise ni même des mesures unilatérales visant à les exclure du marché chinois. Elles font confiance pour cela à leur avance technologique qui les rendra incontournables à l'avenir, quels que soient les investissements de recherche/développement des entreprises chinoises. On conçoit que dans ces perspectives, le rapprochement avec des entreprises françaises poussives, n'investissant pratiquement pas et voyant se réduire leurs marchés, n'intéresse plus les Allemands. Ils craindraient par ailleurs comme la peste les tentations de protectionnisme que pourraient avoir le gouvernement français en cas d'aggravation de la situation économique intérieure.

    Les mêmes think-tanks atlantistes opérant sans contrainte en Europe même font valoir qu'un éventuel couple franco-allemand renforcé (dont ces think-tanks ne veulent pas) terrifierait les autres pays européens. Ces pays ne craindraient pas dans ce couple le leadership allemand, au contraire. Selon l'image du New York Times, beaucoup seraient prêts à reprendre le refrain du Deutschland über allés. Mais ils craindraient par dessus tout l'influence et les initiatives françaises, présentées comme franco-centrées, irresponsables et politiquement aventureuses. A cet égard, il est certain que la France aurait beaucoup à faire pour mieux faire admettre à ses voisins les politiques ambitieuses dont elle pourrait rêver et dont le couple franco-allemand pourrait être un des acteurs. L'arrogance supposée de la “Grande Nation” n'a pas fini de faire des ravages.

    Il faut prendre garde cependant que les analyses évoquées ci-dessus, même si elles reposent sur des observations incontestables, ont tendance à dramatiser la montée en puissance de l'Allemagne et sa volonté de devenir une sorte de nouveau führer au sein d'une Europe réduite aux tâches mineures. Elles émanent en effet de sources anglo-américaines pour qui traditionnellement la constitution en Europe d'un axe franco-allemand fort a toujours été considéré comme le risque absolu. Le capitalisme industriel allemand, sur le modèle dit rhénan, comme les politiques économiques régaliennes et interventionnistes traditionnelles en France, contredisent en effet directement le modèle néo-libéral anglo-saxon reposant sur la prédominance des intérêts financiers dans un monde systématiquement voulu sans frontières. Il y a donc intérêt pour les Etats-Unis à maximiser les différentiels de civilisation entre l'Allemagne et la France et présenter par ailleurs comme dangereux pour le rêve toujours vivace d'un “grand marché nord-atlantique” les stratégies allemandes d'ouverture à l'Est (voir sur ce “rêve”, notre “brève” ) .

    Concernant l'avenir des projets allemands en Asie, il faudrait en Europe même rester prudent. Bien que la Chine accepte encore volontiers des partenariats avec le capitalisme industriel allemand, elle sera tentée en cas de renforcement de ses difficultés intérieures de se recentrer sur ses propres ressources, privant ainsi à l'avenir l'économie allemande d'un de ses moteurs. Si l'Europe, et plus particulièrement la France, savaient au contraire sortir de leur atonie et offrir à l'Allemagne, comme d'ailleurs à la Russie, de nouvelles opportunités de développement, ces grandes nations cesseraient de se détourner des enjeux de la coopération intra-européenne. C'est sur un tel pari que reposerait un ambitieux projet fédéral européen, lui même axé sur un couple franco-allemand renforcé.

    Un ensemble franco-allemand fort dans une Fédération européenne forte.

    Si l'on voulait que les deux exigences résumées dans ce sous-titre puissent progresser en parallèle, il faudrait convaincre les intérêts économiques mais aussi les opinions publiques, dans les deux pays comme dans le reste de l'Europe, que la chose serait possible et bénéfique. Autrement dit, il faudrait montrer que des partenariats stratégiques accrus entre l'Allemagne et la France bénéficieraient à tous les pays européens, voire à des pays non-européens voisins, autour de la Méditerranée notamment.

    Les exemples de tels bénéfices possibles ne manquent pas. D'ores et déjà la coopération historique qui s'était établie autour d'un pôle franco-allemand dans les industries aéronautiques et spatiales a entrainé de nombreux partenaires européens. Aujourd'hui, si Daimler semble bouder ce secteur pour lui préférer la mécanique, l'avenir devrait rester prometteur, à condition de savoir se garder des abandons prématurés de savoir-faire. Il pourrait en être de même du ferroviaire et des grandes technologies intéressant les réseaux terrestres, l'aménagement du territoire, le traitement des déchets et la protection des littoraux. Concernant les industries de défense et leurs applications duales, la France et l'Allemagne disposent d'une compétence sans égale dont pourront un jour bénéficier tous les pays européens, s'ils acceptaient de se rallier au concept d'une défense européenne s'émancipant de la tutelle politique et technologique américaine.

    De la même façon, sans mentionner le cas particulier du nucléaire, on pourrait admettre qu'en ce qui concerne toutes les énergies non productrices de CO2, la nécessité d'une concurrence interne entre industries européennes, à laquelle tient beaucoup l'Allemagne, ne devrait pas exclure des coopérations entre l'Allemagne, la France et les autres pays. Il en serait de même dans le domaine des industries chimiques, pharmaceutiques et du vivant, du numérique, de la robotique et de l'intelligence artificielle.

    Dans tous ces cas, et bien d'autres que nous ne citerons pas ici mais qui sont très connus de nos lecteurs, le projet fédéraliste que nous avons présenté par ailleurs, visant à constituer un grand fonds stratégique d'investissement financé par les épargnes européennes, pour un montant cumulé d'au moins 1000 à 1500 milliards, permettrait d'ouvrir de larges espaces de développement aux champions industriels et scientifiques allemands, français ainsi qu'à ceux existant ou à créer dans l'ensemble des autres pays européens, petits ou grands.

    Ceci pourrait permettre, sans rien retirer à la puissance propulsive du moteur industriel allemand, de mieux assurer ses échanges avec des concurrents/partenaires européens. Le moteur allemand pourrait ainsi contribuer plus qu'aujourd'hui au développement de l'Union toute entière, ainsi qu'au couple franco-allemand au sein de celle-ci.

    Mais il faudrait pour que tout ceci se produise que la France, l'Allemagne et les autres Etats européens adhérent au projet fédéraliste que nous avons décrit dans plusieurs articles (voir notamment récemment cet article). Il faudrait aussi que les nains qui nous gouvernent cèdent la place, sous la pression d'opinions populaires enfin convaincues, à des dirigeant(e)s de très grande stature. Ce serait sans doute là le pas le plus difficile à franchir. Mais les crises font parfois surgir des ressources humaines inattendues.

    Jean Paul Baquiast (De Defensa, 21 juillet 2011)

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  • L'infiltré...

    Nous vous signalons la parution en DVD, chez Studio Canal, de L'infiltré, un film remarquable du réalisateur italien Giacomo Battiato, consacré à l'infiltration par les services français, dans les années 80, du groupe palestinien, dissident de l'OLP, Abou Nidal. Basé sur des faits réels (le personnage central, le colonel Carrat est un double du général Rondot), le film nous fait pénétrer dans le fonctionnement d'un service de renseignement et au coeur d'un groupe terroriste avec un réalisme impressionnant. C'est aussi une réflexion forte sur la raison d'état et sur la paranoïa auto-destructrice propre à l'extrêmisme violent. Le film est servi par des acteurs remarquables : l'excellent Jacques Gamblin, Jean-François Balmer, Mehdi Dehbi et Salim Daw... Si vous avez apprécié Carlos, d'Olivier Assayas, ou Les patriotes, d'Eric Rochant, ce film est fait pour vous !

    Une scène à ne pas rater : celle de l'accueil à la DST, par le policier joué par Laurent Lucas, d'un envoyé du Mossad...

     

    L'infiltré.jpg

    "Pendant les années 1980, alors que le terrorisme se déchaîne en Europe, les services secrets français tentent d'éviter que la France et les intérêts français soient attaqués, et d'endiguer la dérive terroriste de la Palestine. Le devant de la scène est occupé par Abou Nidal (le «père de la lutte"), un patriote palestinien devenu chef d'une organisation terroriste responsable d'attentats et d'assassinats dans le monde entier ; sa carrière meurtrière finira par discréditer son propre peuple tout en aidant indirectement la droite sioniste israélienne."
     
     
     
     
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