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Géopolitique - Page 43

  • Pour une alliance stratégique avec la Russie !...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un entretien d'Alexandre Latsa avec Aymeric Chauprade, cueilli sur Ria Novosti et consacré à la place de la Russie dans le monde multipolaire du XXIème siècle.

    Aymeric Chauprade vient de publier un édition mise à jour de ses Chronique du choc des civilisations (Chronique, 2013).

     

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    “Si la Russie s’éloigne de l’Occident ce sera de la faute de l’Occident américain”

    Aymeric Chauprade bonjour, pourriez-vous vous présenter aux lecteurs de RIA-Novosti qui ne vous connaîtraient pas ?

    Je suis géopolitologue. Une formation scientifique d’abord (mathématiques) puis de sciences politiques (docteur) et dix années titulaire de la Chaire de géopolitique de l’Ecole de Guerre à Paris, entre 1999 et 2009. J’ai aussi enseigné la géopolitique et l’histoire des idées politiques en France à la Sorbonne et en Suisse à l’Université de Neuchâtel.

    Je suis maintenant également consultant international et très heureux de travailler de plus en plus avec la Russie. Mais je suis également souvent en Amérique Latine et j’ai des réseaux africains développés.

    Vous êtes considéré comme l’un des fondateurs de la nouvelle géopolitique française, pluridisciplinaire, attentive à décrire le « continu et le discontinu » dans l’analyse des questions internationales, pourriez vous expliquer aux lecteurs de RIA-Novosti ce qu’il en est exactement ?

    Je me rattache au courant dit réaliste qui tient compte de la force des facteurs de la géographie physique, identitaire et des ressources, dans l’analyse des relations internationales. Mais pour autant, je ne néglige pas les facteurs idéologiques. Ils viennent en combinaison des facteurs classiques de la géopolitique que j’évoquais à l’instant à savoir les déterminants liés à l’espace, aux hommes dans leur identité culturelle (ethnie, religion…), et à la quête des ressources. J’insiste sur la multicausalité (il n’y a pas de cause unique mais chaque situation est la combinaison unique, un peu comme l’ADN d’une personne, d’une multiplicité de facteurs déterminants) et sur la multidisciplinarité (je refuse l’idée que ma matière, la géopolitique, puisse rendre compte à elle seule de la complexité de l’histoire ; attention au “tout géopolitique”, au “tout économique” ou “tout sociologique”). La tentation de tout expliquer par sa discipline, comme le font beaucoup les sociologues aujourd’hui, est une dérive née de l’hyperspécialisation qui nous éloigne de l’époque des savants généralistes, ces savants du XVIe siècle qui étaient à la fois philosophes, mathématiciens et souvent hommes de lettres!

    Quant au “continu et au discontinu” c’est ce souci qui me vient de ma première formation scientifique de séparer la dimension continue et même parfois linéaire des phénomènes, de leur dimension discontinue et parfois erratique. Il faut savoir suivre les courbes des facteurs de temps long (la démographie par exemple) mais il faut aussi savoir lire les discontinuités, les sauts, de l’Histoire.

    Vous avez le mois dernier été invité au prestigieux Forum Valdaï, cofondé par RIA-Novosti. Pourriez-vous nous faire part de vos impressions sur ce forum ?

    D’abord j’ai été très honoré de figurer parmi les nouveaux invités du Forum de Valdaï. Ce fut une expérience véritablement passionnante. Les débats sont de qualité, l’organisation rigoureuse. C’est une sorte de Davos russe mais avec une différence notable : il n’y a pas de pensée unique mondialiste unanimement partagée. Des sensibilités différentes sont représentées. Si l’on voulait simplifier d’un côté, les Occidentalistes qui, Russes ou Occidentaux, célèbrent le “modèle démocratique occidental”, essentiellement américain et considèrent que celui-ci doit être l’horizon vers lequel doit tendre la société russe, et de l’autre côté, les partisans d’un modèle original russe, dont je fais partie, bien que n’étant pas russe, qui considèrent que la Russie n’est pas seulement une nation, mais une civilisation, dont la profondeur historique est telle qu’elle permet de proposer aux Russes un modèle original. A Valdai, j’ai beaucoup entendu les Occidentalistes se lamenter du fait que la Russie était encore loin des standards occidentaux, à cause d’un prétendu déficit démocratique et d’une forte corruption. Je n’idéalise pas la Russie sous Poutine qui travaille d’arrache-pied au redressement de ce pays depuis 13 ans ; j’en mesure les maux mais je dis simplement que lorsque l’on parle de corruption il faudrait premièrement rappeler que les indicateurs de mesure sont faits pour l’essentiel par les Occidentaux, et les Américains en particulier, ce qui n’est pas une assurance d’objectivité, et deuxièmement s’intéresser non seulement à la corruption de l’Occident lui-même mais à son fort pouvoir corrupteur dans les pays en voie de développement!

    Par ailleurs je considère que si la Russie court derrière le modèle occidental, elle sera toujours en retard. Bien au contraire, un pays qui a su pousser si loin la création artistique et scientifique, me paraît plus que capable de proposer un contre-modèle, lequel ne devra pas être fondé sur la toute puissance de l’individualisme, mais au contraire sur l’âme russe, sur la dimension spirituelle de ce pays. Il faut faire attention à une chose : le communisme, comme rouleau compresseur de l’esprit critique et de la dimension spirituelle de l’homme, a été un préparateur redoutable pour le projet de marchandisation de l’homme que propose l’individualisme américain.

    Je suis convaincu que le retour à la Sainte Russie, au contraire, peut être un formidable réveil du génie créateur russe, qui seul lui permettra de reconstruire, au-delà des hydrocarbures et d’autres secteurs, une économie performante et innovatrice.

    La question de l’identité a été extrêmement discutée et le président russe a utilisé une rhétorique eurasiatique pour parler de l’Etat Civilisation russe, pensez vous comme certains que le réveil russe l’éloigne de l’Occident, et donc de l’Europe, et devrait intensifier son rapprochement avec la Chine?

    Si la Russie s’éloigne de l’Occident ce sera de la faute de l’Occident américain. La Russie est en effet diabolisée dans les médias américains dominants et par conséquent dans les médias européens qui s’en inspirent. Cette diabolisation est injuste, c’est de la mauvaise foi qui vise à présenter le redressement russe comme agressif alors que celui-ci cherche à consolider sa souveraineté face à l’impérialisme américain qui fait glisser les frontières de l’OTAN aux frontières de la Russie et de la Chine.

    La Russie développe ses relations avec la Chine, dans le cadre notamment du groupe de Shangaï et aussi parce que les Chinois ont compris que les Russes pouvaient être des partenaires solides dans un monde multipolaire. De fait, ces deux puissances partagent la même vision de l’organisation du monde : elles respectent la souveraineté des Etats, refusent l’ingérence chez les autres, veulent l’équilibre des puissances comme garantie de la paix mondiale. Toutes deux s’opposent au projet unipolaire américain qui, il suffit de le constater, a déclenché une succession de guerres depuis l’effondrement soviétique : Irak, Yougoslavie, Afghanistan, Libye, Syrie maintenant… Où avez-vous vu les Russes dans toutes ces guerres?

    Je pense que la Russie ne veut pas se contenter d’un partenariat avec la Chine. Certes la Russie est une puissance eurasiatique, mais il suffit de s’intéresser à son histoire, à son patrimoine culturel, pour voir qu’elle est une puissance profondément européenne et qu’elle n’entend pas se couper de l’Europe. Si les Européens se libéraient de leur dépendance à l’égard des Etats-Unis tout pourrait changer et un fort partenariat stratégique pourrait se nouer entre l’Europe et la Russie.

    Vous aviez lancé le 13 juin dernier un « Appel de Moscou », quel regard global portez vous sur la Russie d’aujourd’hui?

    D’abord j’essaie de ne pas idéaliser la Russie même si je ne vous cache pas que je me sens extrêmement bien dans ce pays, parce que le matérialisme m’y paraît sans cesse équilibré par une sorte de profondeur d’âme insondable. Je pense que quelque chose est en train de se passer dans la Russie de Poutine et j’espère seulement que le Président Poutine pense à la manière de perpétuer son héritage, car la pire chose qui pourrait arriver ce serait le retour des occidentalistes de l’ère Eltsine, qui prennent la Russie pour un pays du Tiers monde qu’il faudrait mettre aux normes occidentales. L’appel de Moscou que j’ai lancé poursuivait deux buts: d’abord montrer mon soutien au refus russe du programme nihiliste venu d’Occident (mariage homosexuel, théorie du genre, marchandisation du corps), ensuite montrer aux Français qui défendent la famille et les valeurs naturelles que la Russie peut être une alliée précieuse dans ce combat. Je suis très surpris et heureux de constater à quel point mon appel de Moscou lancé à la Douma le 13 juin 2013 a circulé en France dans les milieux catholiques qui se sont mobilisés contre le mariage homosexuel.

    Le souverainisme est à vos yeux une notion clef de l’équilibre mondial. Très curieusement ce concept est abandonné en Europe alors qu’en Russie et dans nombre de pays émergents l’affirmation et le maintien de la souveraineté semble au contraire un objectif essentiel. Comment expliquez-vous cette différence d’orientation?

    La souveraineté est une évidence pour tous les peuples du monde, et en particulier pour ceux qui ont pris leur indépendance récemment ou qui aspirent à créer un Etat indépendant. Les Européens de l’Ouest, ou plutôt leur fausses élites gouvernantes, sont les seules du monde à avoir abdiqué la souveraineté de leurs peuples. C’est une trahison dont elles devront répondre devant l’Histoire. Des millions de Français ont péri à travers l’Histoire pour défendre la liberté et la souveraineté du peuple français, sous les monarques comme en République. Mon nom est inscrit sur les monuments aux morts français. Si les Français voulaient s’en souvenir, il n’est pas une famille française qui n’ait son nom inscrit sur ces monuments aux morts, de la Première, de la Deuxième ou des guerres de défense de l’Empire français.

    Imaginez-vous un Américain ou un Russe abdiquer sa souveraineté? Pour eux le patriotisme est une évidence, qui va d’ailleurs tellement de soi que tout parti affirmant un programme nationaliste en Russie est perçu comme extrémiste parce qu’il n’y a nul besoin là-bas d’affirmer l’évidence. Nos amis russes doivent comprendre en revanche qu’en France ce n’est plus l’évidence et par conséquent qu’il est normal qu’un parti politique qui veut rendre au peuple la souveraineté, mette celle-ci au sommet de son programme!

    Aujourd’hui nous assistons à une relative rapide modification des relations internationales, avec le basculement du monde vers l’Asie et la potentielle fin du monde unipolaire. Comment envisagez vous que cette transition puisse se passer?

    Ce que je vois c’est que les Etats-Unis refusent de perdre leur premier rang mondial et peuvent créer de grands désordres, peut-être même des guerres de grande ampleur, dans les décennies à venir, et que les Européens, quant à eux, sont dans la gesticulation kantienne, la proclamation de belles leçons de morale qui s’accompagnent d’un déclin en puissance dramatique et donc pathétique.

    Au sein de cet basculement, la France semble quant à elle pourtant de plus en plus aligner sa politique étrangère sur les intérêts américains, cela est visible avec la crise en Syrie. Comment l’expliquez-vous?

    Je l’explique très simplement. L’oligarchie mondialiste a pris le contrôle des principaux partis de gouvernement français, le PS et l’UMP. La majorité de ses dirigeants ont été initiés dans les grands clubs transatlantiques. Ils ont épousé le programme mondialiste et ne raisonnent plus en patriotes français comme le faisait le général de Gaulle. Lorsque le peuple français l’aura compris, ces fausses élites seront balayés car elles n’ont pour bilan que le déclin en puissance de la France et la perte de sa souveraineté.

    Vous avez soutenu Philippe de Villers en 2004, auriez appelé à Voter pour Nicolas Sarkozy en 2007 et vous venez de vous ranger au coté de Marine Le Pen. Souhaitez-vous désormais entamer une carrière politique?

    Le mot carrière ne me va guère. Si j’avais choisi de faire une carrière dans le système, alors j’aurais choisi de proclamer autre chose que des vérités qui dérangent. Je n’ai qu’une ambition, pouvoir dire à mes enfants, au seuil de la mort, que j’ai fait ce que je pouvais pour défendre la liberté et la souveraineté du peuple français. J’ai soutenu Philippe de Villiers que je respecte.

    Mais je n’ai jamais appelé à voter pour Nicolas Sarkozy, que je vois comme soumis aux intérêts américains. Je ne sais qui a pu dire une chose pareille mais je vous mets au défi de trouver un seul texte de soutien de ma part à Nicolas Sarkozy. C’est d’ailleurs son gouvernement, en la personne de son ministre de la défense Hervé Morin, qui m’a brutalement écarté de l’Ecole de Guerre parce j’étais trop attaché à l’indépendance de la France et que je m’opposait au retour de la France dans les structures intégrées de l’OTAN. Donc de grâce que l’on ne dise jamais que j’ai soutenu ou appelé à voter Sarkozy.

    En revanche, oui je soutiens Marine le Pen et il est possible que je joue prochainement un rôle sur la scène politique à ses côtés. Marine a un caractère fort, une carapace héritée des coups que son père a pris pendant tant d’années, et je la sens donc capable de prendre en main avec courage le destin du pays. Le courage plus que l’intelligence est ce qui manque aux pseudo-élites françaises, lesquelles sont conformistes et soumises à l’idéologie mondialiste par confort.

    Comment envisageriez vous la relation franco-russe?

    Je l’ai dit et je le redis haut et fort. Si le Front national arrive au pouvoir, il rompra avec l’OTAN et proposera une alliance stratégique avec la Russie. Ce sera un tremblement de terre énorme au niveau international et c’est la raison pour laquelle, avant d’arriver en haut des marches, et même avec le soutien du peuple, il nous faudra affronter des forces considérables. Nous y sommes prêts. Et n’oubliez pas que la France est le pays de Jeanne d’Arc. Tout est possible donc, même quand tout semble perdu!

    Merci Aymeric Chauprade.

    Aymeric Chauprade, propos recueillis par Alexandre Latsa (Ria Novosti, 16 octobre 2013)

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  • Pour une écologie des civilisations !...

    Vous pouvez écouter ci-dessous l'émission Les matins, sur France Culture, diffusée le 16 octobre 2013 et animée par Marc Voinchet et Brice Couturier, au cours de laquelle Hervé Juvin présentait les idées de son dernier livre, La grande séparation - Pour une écologie des civilisations, publiée aux éditions Gallimard.

    On notera qu'au cours de l'émission, Brice Couturier compare les idées d'Hervé Juvin à celles de la Nouvelle droite, et notamment à celles développées dans Le système à tuer les peuples (Copernic, 1981), de Guillaume Faye.



    Les matins - Faut –il redécouvrir le vrai sens... par franceculture

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  • Quand les émergents disent non aux "guerres du Bien"...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Jean-Yves Ollivier, cueilli sur Atlantico et consacré à l'échec occidental dans l'affaire syrienne, qui est le signe d'un basculement géopolitique majeur...

     

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    L'Occident mis en échec : quand les émergents disent non aux "guerres du Bien"

    Les relations internationales se limitent-elles au combat manichéen entre le Bien et le Mal que les dirigeants occidentaux, sous la férule des Etats-Unis, vendent à l’opinion publique depuis la première guerre du Golfe ? A cette dynamique binaire, les puissances émergentes opposent systématiquement une vision géopolitique plus traditionnelle (et plus cohérente) axée autour de leurs intérêts stratégiques et de notions-clés telles que alliés/ennemis, grands équilibres, menaces,…

    Mais, des interventions en Irak ou en Lybie, en passant par l’Afghanistan ou le Mali, les protestations des émergents étaient jusque-là restées bien vaines face aux visées bellicistes de l’Occident. Les menaces de veto régulièrement brandies (et parfois exercées) par la Chine ou la Russie au Conseil de sécurité de l’ONU ne faisaient que retarder les projets des guerres civilisatrices de l’axe américano-européen.

    Comment comprendre dès lors l’impressionnant recul américain (et français) sur la question syrienne ? La défiance des opinions publiques nationales des deux pays est certes un élément de réponse, mais la fermeté de la diplomatie russe, associée au front commun anti-guerre des principales puissances émergentes (du Brésil à l’Inde en passant par la quasi-totalité du continent africain) est sans nul doute l’élément décisif qui a fait reculer Barack Obama.

    Pourquoi les Etats-Unis ont-il pour la première fois plié sous la pression des émergents ? L’administration américaine est consciente que le monde a profondément changé et que l’ère de la super-puissance hégémonique US est terminée. Dans un monde multipolaire et globalisé, les Etats-Unis doivent composer avec des partenaires qui ne sont pas toujours des alliés… et accepter d’avaler quelques couleuvres.

    L’Amérique omnipotente des Trente Glorieuses (tout comme l’Europe au demeurant) n’est plus qu’une vieille illusion. Avec un quart de sa dette souveraine détenue par la Chine et la grande majorité de ses outils de production délocalisés dans les pays émergents, les Etats-Unis ne disposent plus de beaucoup de leviers pour faire pression sur des pays avec lesquels ils sont intrinsèquement interdépendants.

    Et encore, à la différence de l’Europe (même si la France et la Grande-Bretagne font encore illusion), l’Amérique peut se prévaloir de sa puissance militaire. Indispensable mais insuffisant quand on prétend incarner l’ordre moral au niveau planétaire.

    La reculade du président Obama sur le dossier syrien démontre d’ailleurs que la suprématie militaire n’est plus suffisante face à des émergents qui prennent progressivement conscience de leur puissance. Et à regarder les courbes respectives de croissance en Occident et dans ces régions, il y a fort à parier que cette tendance ne fasse que s’accroître dans les années à venir.

    Le déclin des uns (Etats-Unis et Europe) et la montée en puissance d’autres puissances (Chine, Russie,…) perçues comme non interventionnistes, servent en réalité les intérêts des dirigeants attaqués qui sortent renforcés de leurs bras de fer avec l’Occident. Avant l’exemple syrien, Américains et Européens avaient déjà fait de Mugabe, Chavez ou Ahmadinejad des héros de l’anti-impérialisme.

    Mais pire encore, lorsque l’axe occidental intervient militairement… puis se retire aussitôt face à une opposition publique allergique à la guerre, ils abandonnent des pouvoirs fragiles qu’ils ont eux-mêmes "mis en place" ; réduisant à zéro leur légitimité et ouvrant la porte à des guerres civiles sans fin (Irak, Afghanistan, Lybie,…).

    Jean-Yves Ollivier (Atlantico, 25 septembre 2013)

    Les relations internationales se limitent-elles au combat manichéen entre le Bien et le Mal que les dirigeants occidentaux, sous la férule des Etats-Unis, vendent à l’opinion publique depuis la première guerre du Golfe ? A cette dynamique binaire, les puissances émergentes opposent systématiquement une vision géopolitique plus traditionnelle (et plus cohérente) axée autour de leurs intérêts stratégiques et de notions-clés telles que alliés/ennemis, grands équilibres, menaces,…

    Mais, des interventions en Irak ou en Lybie, en passant par l’Afghanistan ou le Mali, les protestations des émergents étaient jusque-là restées bien vaines face aux visées bellicistes de l’Occident. Les menaces de veto régulièrement brandies (et parfois exercées) par la Chine ou la Russie au Conseil de sécurité de l’ONU ne faisaient que retarder les projets des guerres civilisatrices de l’axe américano-européen.

    Comment comprendre dès lors l’impressionnant recul américain (et français) sur la question syrienne ? La défiance des opinions publiques nationales des deux pays est certes un élément de réponse, mais la fermeté de la diplomatie russe, associée au front commun anti-guerre des principales puissances émergentes (du Brésil à l’Inde en passant par la quasi-totalité du continent africain) est sans nul doute l’élément décisif qui a fait reculer Barack Obama.

    Pourquoi les Etats-Unis ont-il pour la première fois plié sous la pression des émergents ? L’administration américaine est consciente que le monde a profondément changé et que l’ère de la super-puissance hégémonique US est terminée. Dans un monde multipolaire et globalisé, les Etats-Unis doivent composer avec des partenaires qui ne sont pas toujours des alliés… et accepter d’avaler quelques couleuvres.

    L’Amérique omnipotente des Trente Glorieuses (tout comme l’Europe au demeurant) n’est plus qu’une vieille illusion. Avec un quart de sa dette souveraine détenue par la Chine et la grande majorité de ses outils de production délocalisés dans les pays émergents, les Etats-Unis ne disposent plus de beaucoup de leviers pour faire pression sur des pays avec lesquels ils sont intrinsèquement interdépendants.

    Et encore, à la différence de l’Europe (même si la France et la Grande-Bretagne font encore illusion), l’Amérique peut se prévaloir de sa puissance militaire. Indispensable mais insuffisant quand on prétend incarner l’ordre moral au niveau planétaire.

    La reculade du président Obama sur le dossier syrien démontre d’ailleurs que la suprématie militaire n’est plus suffisante face à des émergents qui prennent progressivement conscience de leur puissance. Et à regarder les courbes respectives de croissance en Occident et dans ces régions, il y a fort à parier que cette tendance ne fasse que s’accroître dans les années à venir.

    Le déclin des uns (Etats-Unis et Europe) et la montée en puissance d’autres puissances (Chine, Russie,…) perçues comme non interventionnistes, servent en réalité les intérêts des dirigeants attaqués qui sortent renforcés de leurs bras de fer avec l’Occident. Avant l’exemple syrien, Américains et Européens avaient déjà fait de Mugabe, Chavez ou Ahmadinejad des héros de l’anti-impérialisme.

    Mais pire encore, lorsque l’axe occidental intervient militairement… puis se retire aussitôt face à une opposition publique allergique à la guerre, ils abandonnent des pouvoirs fragiles qu’ils ont eux-mêmes "mis en place" ; réduisant à zéro leur légitimité et ouvrant la porte à des guerres civiles sans fin (Irak, Afghanistan, Lybie,…)


    Read more at http://www.atlantico.fr/decryptage/occident-mis-en-echec-quand-emergents-disent-non-aux-guerres-bien-jean-yves-ollivier-851513.html#Ek0QDuO69b9OCAES.99
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  • Une triple défaite française...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous une chronique d'Éric Zemmour sur RTL, datée du 17 septembre 2013 et consacrée à la défaite diplomatique française dans l'affaire syrienne. L'analyse, encore une fois, est d'une cruelle lucidité...

     


    Syrie : une triple défaite française par rtl-fr

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  • Merci à la Russie ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Michel Geoffroy, cueilli sur Polémia et consacré à la politique de puissance de la Russie.

     

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    Merci à la Russie !

    Le Système médiatique occidental diabolise en permanence la Russie contemporaine. Quoi qu’il fasse, le président Poutine est systématiquement présenté dans les médias comme un dangereux autocrate, un mafieux ennemi  des droits de l’homme et des Femen, ainsi qu’un fauteur de guerre froide.

    Par exemple, quand la Russie se trouve elle aussi aux prises avec le terrorisme islamique, on nous dit qu’elle terrorise les gentils Tchétchènes. Quand elle met au pas l’oligarchie économique et financière qui bradait les richesses nationales depuis la chute de l’URSS, on nous dit qu’elle menace les libertés. Quand elle encourage la natalité et la famille, on nous dit qu’elle est homophobe. Quand quelques isolés manifestent contre le gouvernement, on nous dit que la rue est contre Poutine et tout à l’avenant.


    La Russie ? Une résistance bénéfique à l’ordre mondial

    Pareil biais, alors que l’URSS ne subissait pas du tout le même traitement médiatique, ne peut signifier qu’une chose : que la Russie incarne une résistance bénéfique à l’ordre mondial que veulent imposer les Anglo-Saxons et les valets qu’ils recrutent dans l’oligarchie occidentale.

    A l’heure du renversement des valeurs, instrument de cette tentative, on peut sans se tromper affirmer que la Russie reste dans le vrai quand l’Occident sombre dans l’erreur et le déclin. C’est pourquoi l’Occident cultive la haine de la Russie.

    Mais cela veut dire aussi que la Russie redevient un modèle à suivre pour les vrais Européens.


    La Russie fière de son passé comme de son identité

    On a un peu vite oublié en Occident que le peuple russe a payé très cher – par des millions de morts – son entrée dans le XXe siècle, l’instauration du communisme et sa victoire dans la seconde guerre mondiale : un sacrifice qui dépasse de très loin celui supporté par les Occidentaux et notamment les Etats-Unis, bien à l’abri dans leur continent-île.

    Pourtant la Russie a su tourner la page et intégrer ce passé tragique dans son histoire comme dans ses monuments, à la différence d’un Occident déboussolé qui ne cesse de ressasser la repentance instrumentée des « heures-sombres-de notre-histoire » et de nous rejouer les drames de la seconde guerre mondiale.

    La Russie a aussi retrouvé son âme orthodoxe, c’est-à-dire chrétienne, alors qu’en Occident, soumis au culte de Mammon et du Veau d’homme, les églises sont vides et les mosquées se remplissent.

    Merci à la Russie de nous démontrer qu’on peut entrer dans le XXIe siècle en restant soi-même.


    Le cauchemar des Anglo-Saxons

    Les Anglo-Saxons ont un cauchemar : celui d’une Europe puissance, d’une « maison commune » de l’Atlantique à l’Oural à laquelle ont rêvé tant de grands Européens. Toute leur diplomatie depuis deux siècles vise à rendre ce rêve impossible.

    En Europe occidentale, l’instrument de cette diplomatie se nomme aujourd’hui Union européenne. C’est-à-dire une machine (un « machin », disait De Gaulle) destinée à détruire la souveraineté et la liberté des Etats, à détruire leur prospérité et à remplacer leur population ; un empire du néant, qui doit s’ouvrir à tous les vents à la condition de rester prisonnier des « liens transatlantiques », c’est-à-dire de rester vassal des Etats-Unis.

    A l’est, l’instrument de cette diplomatie se nomme diabolisation, affaiblissement et isolement de la Russie. Car la Russie a cher payé aussi l’implosion de l’URSS : un pays ruiné, mis en coupe réglée par les oligarques, entouré d’une ceinture d’Etats plus ou moins artificiels mais dans l’orbite occidentale, une armée détruite face à l’OTAN renforcé et agressif.

    A la chute de l’URSS, les Occidentaux sous la direction américaine se sont immédiatement engagés dans une stratégie d’isolement de la Russie, dont l’affaire du Kossovo a constitué le point d’orgue, après la désagrégation de la Yougoslavie. Sans parler de la tentative de s’approprier ses ressources naturelles et de lui injecter les « valeurs » – c’est-à-dire les vices décadents – des Occidentaux.  En clair, les Occidentaux donneurs de leçons n’ont eu de cesse de profiter et d’amplifier la faiblesse de la Russie.

    Toute l’action de la présidence Poutine vise au contraire à recouvrer la puissance et la souveraineté de la Russie. Voilà qui insupporte nos maîtres.

    Merci à la Russie de faire de la puissance une idée neuve en Europe.


    Un monde multipolaire grâce à la réapparition de la puissance russe

    La chute de l’Union soviétique fut, bien sûr, une bonne nouvelle, marquant la fin de la menace communiste en Europe. On ne la regrettera pas. Mais elle a fait aussi disparaître un contrepoids à l’unilatéralisme yankee et à sa prétention, ridicule mais dangereuse, d’imposer un modèle de société humaine indépassable.

    On a vu ce qu’a donné en quelques années un tel unilatéralisme libéré de tout contrepoids : les conflits et les agressions militaires à répétition, la déstabilisation du Moyen-Orient ou la mise en œuvre d’un libre-échangisme débridé aux effets destructeurs.

    Les vrais Européens ne peuvent donc que se réjouir de voir réapparaître la puissance russe. L’Europe manque désespérément de puissance, en effet, dans un monde de plus en plus dur et concurrentiel, face aux grands blocs de l’Asie, de l’Amérique et de l’Afrique.

    La réintroduction de la puissance russe dans le jeu diplomatique mondial aura nécessairement des effets positifs, comme le montre déjà l’affaire syrienne. La Russie a résisté clairement et patiemment en effet aux fauteurs de « frappes »  en vue d’une solution politique en Syrie. C’est-à-dire qu’elle s’est prononcée en faveur de la stabilisation contre l’aventure.

    Il faut que le pouvoir arrête le pouvoir : merci à la Russie de nous rappeler cette antique loi européenne.


    A l’est la liberté

    Contrairement à ce que nous serinent nos médias, la démocratie – c’est-à-dire le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple – et la liberté sont moins menacées en Russie qu’en Europe occidentale.

    Comme il est curieux qu’un Snowden, qui a dévoilé au monde la réalité de  l’espionnage des communications mondiales par les Etats-Unis et leurs alliés, ne puisse trouver refuge qu’en Russie ! Mais pas en Europe de l’Ouest qui se targue pourtant d’accueillir à bras ouverts les réfugiés du monde entier. Comme il est curieux qu’un acteur français célèbre, lassé du fiscalisme et de la médiocrité ambiantes, préfère rejoindre la Russie plutôt que la côte est des Etats-Unis !

    C’est que l’Occident ne vit plus en démocratie mais en post-démocratie : un régime de totalitarisme mou qui vide la nationalité et la citoyenneté de leur sens, un régime où l’Etat se dresse contre la nation et installe la loi de l’étranger. Car les vrais oligarques ne prospèrent qu’en Occident : en Russie ils sont sous contrôle ou ils vont en prison.

    Merci à la Russie de nous rappeler que le salut du peuple – et non celui des banques ou des lobbys – doit rester la loi suprême des Etats.

    Michel Geoffroy (Polémia, 10 septembre 2013)


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  • Le siècle du déclin européen ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Michel Geoffroy, cueilli sur Polémia et consacré au déclin de l'Europe...

     

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    Le XXIe siècle, siècle du déclin européen ?

    La XXIe conférence des ambassadeurs, réunie cet été, avait pour thème « La France puissance d’influence » : un choix bien symbolique qui renvoie à l’ambition de l’Union européenne de jouer les « soft power », posture dont on voit une nouvelle fois les piètres résultats dans la crise syrienne.

    Une manipulation sémantique

    Le fait d’accoler les termes puissance et influence constitue une manipulation sémantique, comme le concept de « soft power ».

    Les puissants sont influents en raison même de leur puissance et de leur capacité de nuisance. Les Etats-Unis et Israël sont donc des nations influentes par exemple.

    Par contre, l’inverse se vérifie beaucoup plus rarement : l’influence ne peut produire les mêmes effets que la puissance, en particulier lorsque des enjeux vitaux se trouvent en jeu.

    Car il en va de l’influence diplomatique comme des arts martiaux : il s’agit d’un succédané à l’emploi de la force, donc une technique à l’usage des faibles. Il n’y a qu’au cinéma que les arts martiaux triomphent des hommes d’armes : dans la vraie vie c’est un peu différent.

    On veut donc nous faire croire que notre influence se maintiendrait quand notre puissance et celle de l’Europe diminuent. C’est une tromperie.

    Le déclin européen

    Car le XXIe siècle se caractérise, au contraire par la marginalisation rapide et profonde de la présence, de la culture, de la puissance et de l’influence européennes dans le monde : un déclin plus profond, en tout cas, que lorsque Oswald Spengler publia en 1918 son célèbre ouvrage Le Déclin de l’Occident. Car même après les hécatombes de la Grande Guerre et de la révolution communiste, l’Europe possédait encore de nombreux atouts. Ce n’est plus le cas aujourd’hui.

    Beaucoup de nos concitoyens n’ont cependant pas conscience d’avoir changé d’époque. On leur a, certes, beaucoup parlé de la mondialisation, mais sans en dévoiler la véritable nature.

    La mondialisation ne se réduit pas à l’ouverture des marchés ni à Internet, en effet. Elle se traduit avant tout par une profonde modification des rapports de forces entre les continents et les civilisations, comme l’avait analysé, parmi d’autres, Samuel Huntington, dans son livre Le Choc des civilisations : une modification qui s’effectue à nos dépens.

    Mais l’oligarchie européenne et française n’a eu de cesse de masquer cette dure réalité, afin de cacher sa propre responsabilité dans le déclin européen. Il est temps d’ouvrir les yeux.

    Marginalisation démographique d’abord

    Le XXIe siècle se caractérise d’abord par la réduction de la part relative des Européens – c’est-à-dire des Blancs caucasiens, comme disent les Américains – à l’échelle de la population mondiale et cela sur tous les continents, y compris l’Europe où se produit leur « grand remplacement » programmé du fait de l’immigration. La natalité et la fertilité des Européens ne cessent de chuter, au contraire des autres ethnies, y compris aux Etats-Unis.

    Or, jusqu’au début du XXe siècle l’Europe restait une zone de forte croissance démographique, dans un monde en général moins peuplé (sauf en Chine et en Inde). L’exemple de l’Afrique est édifiant sur ce plan : hier vaste continent peu peuplé, aujourd’hui bombe démographique.

    Ce déclin démographique signifie qu’à l’aune des Nations unies, la voix des Occidentaux se fait déjà et se fera de moins en moins entendre. En outre, le rayonnement d’une culture ne se dissocie pas de la fertilité de la population qui la porte. Comment les Européens peuvent-ils croire au maintien de leur « influence » et de leurs « valeurs » alors que leur régression démographique –tant absolue que relative – est rapide ?

    Marginalisation économique ensuite

    La croissance économique – c’est-à-dire l’augmentation des dépenses et des richesses globales – n’est plus l’apanage des Européens. La France s’enorgueillit d’un « rebond surprise de la croissance » au second trimestre (Le Monde du 15 août 2013) à… 0,5%. On a les succès que l’on peut !

    Mais l’ascenseur social se bloque et les classes moyennes s’appauvrissent, inversant un mouvement bicentenaire, partout en Europe. Sans parler des taux de chômage structurels élevés que connaissent désormais les Européens et qui n’ont rien à envier à ceux de la Grande Dépression des années 1930, même si les systèmes de « traitement social » les masquent en partie.

    Mais pendant ce temps les usines tournent en Chine, en Asie du Sud-Est ou en Inde et encore en Amérique du Nord. On en vient à envier les taux de croissance de l’Afrique !

    L’Europe n’est plus dans la course

    Comme le soulignait le prix Nobel d’économie Edmund Phelps, ce déclin n’a rien d’accidentel car il recouvre un phénomène culturel plus profond : « L’histoire de l’innovation s’est arrêtée à la fin des années 1960 » en Europe (Le Monde du 29 août 2013), phénomène masqué par la bulle Internet et le développement exponentiel des télécommunications (dont les produits ne sont pas construits en Europe au demeurant).

    E. Phelps relève que ces innovations ne concernent en réalité qu’un petit nombre d’industries. Car les grandes entreprises européennes ont axé leur développement sur l’ingénierie financière et la rentabilité à court terme et non pas sur l’innovation. La faible innovation provoque en outre une baisse de la productivité du travail. Il suffit d’ailleurs de voyager en Asie ou en Inde pour se rendre compte qu’il y règne une tout autre ambiance, un tout autre esprit et une tout autre activité que dans la vieille Europe, même si le niveau de vie y est différent.

    Les Européens avaient jusqu’au début du XXe siècle le monopole de l’innovation et de la technique : ils l’ont perdu au profit de la côte Est des Etats-Unis, de l’Asie et de l’Inde, qui se trouvent aujourd’hui dans la même situation que le Japon au XIXe siècle. Après la phase d’appropriation – et de copie – des techniques utilisées par les « diables étrangers » viendra celle de leur développement propre et rapide.

    Comme hier la marine russe de 1905 se croyait à l’abri dans ses vieux cuirassés poussifs, les Européens vont tranquillement au devant d’un futur Tsushima technologique.

    Marginalisation militaire et stratégique aussi

    On aborde rarement ce sujet car il est au surplus masqué par l’activisme médiatisé des Occidentaux qui adorent aller bombarder de loin et de haut (on est « chef de guerre » courageux, que diable !), à des fins « humanitaires », des pays souverains mais démunis des moyens de riposte, sous l’œil attendri des caméras.

    Mais le recours aux armes hightech et aux drones ne modifient pas durablement les données de la géopolitique et de la puissance, d’autant que le reste du monde s’en dote à son tour rapidement, comme le montrent la prolifération nucléaire ou celle des forces navales.

    Plutôt que d’interroger les candidats à l’élection présidentielle française sur le nombre de nos sous-marins, il serait plus judicieux de leur demander de citer les armements dont dispose le reste de la planète, y compris sur le pourtour de la Méditerranée ! Mais les autruches préfèrent regarder ailleurs…

    Les mains molles

    Car plus que les armements, c’est la volonté et la détermination de les utiliser qui compte finalement. Or l’Union européenne ne sait pas se décider sur des enjeux vitaux. Elle reste à la remorque de tous les événements car elle cumule tous les inconvénients : une multiplicité d’Etats et un « machin » bureaucratique central qui détruit toute souveraineté sans la remplacer par quelque chose de solide.

    En outre, qui, en Europe, voudrait mourir pour la Commission européenne ? ou pour le droit à l‘avortement et le mariage des homosexuels ?

    Il n’y a pas plus de martyrs européens qu’il n’y a de guerriers européens, à quelques rares exceptions près : seulement des professionnels en uniforme qui considèrent maintenant le combat comme une sorte d’accident du travail qu’il conviendrait que le commandement empêche (cf. la plainte déposée par les familles des victimes françaises de l’embuscade d’Uzbin en Afghanistan contre… la hiérarchie militaire).

    Car les jeunes Européens ont désappris le sens du sacrifice et le métier des armes. On confie la défense désormais à des armées mercenaires car composées d’une part croissante issue des « minorités ». Les Européens n’osent même plus dire qu’ils font la guerre.

    Rongée par l’individualisme, l’hédonisme, la repentance et la loi de Mammon, la génération européenne Peace and Love actuellement au pouvoir n’a en réalité plus rien à défendre sinon sa médiocre existence.

    Il n’est que d’entendre les lamentations des bisounours européens devant la façon dont évolue la crise en Egypte pour se rendre compte de leur impuissance ridicule. Mon dieu, les militaires égyptiens ont violenté les islamistes en les expulsant de la Mosquée ! Mon dieu, le sang a coulé ! Peut-être, mais les islamistes paraissent mis hors d’état de nuire alors qu’ils prolifèrent en Europe.

    Machiavel n’est plus italien mais égyptien, manifestement…

    Marginalisation morale enfin

    Les Européens ne savent pas non plus qu’ils se sont isolés du reste de la planète en se cramponnant à ce qu’ils nomment leurs « valeurs », un sport dans lequel l’oligarchie française excelle.

    Les Européens présentent ces valeurs comme universelles mais de moins en moins de terriens les partagent ! D’ailleurs les Européens se révèlent déjà incapables de les faire respecter dans leurs propres banlieues et ils voudraient les imposer à toute la terre !

    Car c’était une chose de prétendre incarner des « valeurs » et des « immortels principes » quand on possédait, seul, des canons et des machines à vapeur, c’est-à-dire quand l’idéologie s’accordait avec le nombre et la puissance. Mais lorsqu’on devient minoritaire, curieusement, le caractère « universel » desdites valeurs n’apparaît plus. Comme c’est bizarre…

    Des valeurs méprisées

    En fait, les valeurs que les Européens présentent toujours comme « universelles », pour se rassurer, sont incomprises par la majorité des terriens.

    Par exemple, notre laxisme pénal étonne parce que la plupart des pays autres qu’européens punissent sévèrement les voleurs, les criminels et les délinquants, ce qui en général les dissuade de recommencer, n’en déplaise à Mme Taubira. Ils ne comprennent pas notre attitude bienveillante vis-à-vis de la drogue et des drogués. Pas plus qu’ils ne comprennent que nous gardions si mal nos frontières et notre nationalité : partout ailleurs qu’en Europe la police des frontières et les douaniers font leur travail scrupuleusement, même et surtout dans les pays touristiques. Ni que nous dégradions nos écoles et nos universités, alors qu’ailleurs on les respecte et que l’on conçoit l’accès au savoir comme un privilège.

    Ils ne comprennent pas non plus notre lubie du mariage homosexuel, comme le montre le fait que la France ait dû renoncer à engager la révision des conventions matrimoniales la liant avec des Etats qui ne reconnaissent pas l’homosexualité comme un droit. Bref, ce mariage ne sera pas « pour tous », ce qui en dit long sur la réalité de la « puissance d’influence » dont se targue tant notre oligarchie ! Que dire aussi de la façon dont les pays musulmans et africains perçoivent notre féminisme obsessionnel…

    Incomprises, ces valeurs apparaissent d’autant plus insupportables quand les Européens les invoquent pour s’ingérer dans la politique des Etats voire les agresser militairement. Et les militaires occidentaux de s’étonner de ne pas être accueillis en libérateurs dans ces pays !

    Ces valeurs ne provoquent plus l’envie comme au XIXe siècle, mais au contraire le mépris : le mépris que l’on a pour la jobardise des Européens si généreux vis-à-vis de tous les étrangers, le mépris pour une Europe d’autant plus portée sur la « moraline » qu’elle est impuissante, le mépris que le tribunal de l’histoire a toujours eu pour les peuples décadents.

    Europe, réveille-toi !

    On pourrait multiplier les exemples de la dégringolade de l’Europe, mais rien n’y ferait.

    Une conclusion s’impose : s’ils veulent continuer d’exister dans l’histoire, les Européens doivent percevoir le XXIe siècle comme un défi à relever et non pas comme la morne fatalité d’un déclin repeint aux couleurs du triomphe des « valeurs universelles ». Les bisounours officiels se trompent et nous trompent : le XXIe siècle sera dur et non pas « soft » pour l’Europe.

    Beaucoup d’Européens ressentent les choses comme cela et enragent de voir dans quelle impasse l’oligarchie, l’œil dans le rétroviseur, les conduit.

    Il est temps qu’ils se mobilisent pour réveiller la belle en dormition, avant qu’il ne soit trop tard.

    Michel Geoffroy (Polémia, 10 septembre 2013)

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