Vous pouvez regarder ci-dessous un entretien avec Vincent Coussedière, réalisé par Jean Robin pour son site Enquête&Débat. Vincent Coussedière, professeur de philosophie, est l'auteur d'un essai intitulé Eloge du populisme. Des idées intéressantes, mais bien entendues discutables sur certains points...
Entretiens - Page 219
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"Le populisme, c'est le retour du refoulé des peuples"...
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Vers la Tiers-mondialisation ?...
Nous reproduisons ci-dessous un entretien avec Bernard Conte, professeur d'économie politique à l'université Montesquieu de Bordeaux, cueilli sur Atlantico et consacré au phénomène de « Tiers-mondialisation» qui frappe de plein fouet les classes moyennes...
Le Tiers-Monde, c'est (ici et) maintenant ?
Atlantico : Les pays occidentaux sombrent dans la crise et le chômage tandis que des pays du sud émergent. Est-ce que la division Nord/Sud a toujours un sens aujourd’hui ?
Bernard Conte : Partout dans les pays du Nord, le chômage augmente, c’est une réalité. En revanche, l’émergence des BRICS (Le Brésil, la Russie, l'Inde, la Chine et l'Afrique du Sud) est un trompe l’œil, un roman qu’on nous vend. Le mix de développement de la Chine repose principalement sur les exportations vers les marchés des pays occidentaux. Il est évident que la crise dans les pays développés va avoir un impact majeur sur les économies des BRICS car ces pays ne sont pas, pour l’instant, en mesure de mettre en œuvre un développement centré sur leur marché intérieur. La crise est mondiale. Il n’ y a pas de havre de développement qui perdurerait alors que dans les pays du Nord tout s’effondre. C’est la crise finale du système fordiste de la production de masse et de la consommation de masse. Ce système a fonctionné durant les trente glorieuses parce que les marchés de production et de consommation coïncidaient géographiquement. A partir des années 70, on a déconnecté les marchés de production et de consommation pour prolonger le système fordiste. C’est le processus de la mondialisation et des délocalisations vers les pays à bas salaire. Aujourd’hui la crise vient balayer ce système. La tiers-mondisation qui était présente au Sud s’étend désormais au Nord.
C’est le concept de « Tiers-Mondialisation » de la planète que vous avez inventé. De quoi s’agit-il exactement ?
Oui, il s’agit de lier « Tiers-Monde » et « mondialisation ». Depuis la fin des années 80, on assiste à l’extension de la structure sociale fortement déséquilibrée du tiers-monde à l’ensemble de la planète : quelques très riches en haut de la pyramide, beaucoup de pauvres en bas et rien au milieu, plus de classe moyenne. La Tiers-mondialisation c’est l’euthanasie des classes moyennes à l’échelle mondiale, l’appauvrissement généralisé des populations : montée du chômage, désindustrialisation, dégradation des services publics.
La politique d’austérité menée actuellement est-elle comparable à celle qui a été imposée aux pays du Sud dans les années 80 ?
Le FMI a été remplacé par le mécanisme européen de stabilité, mais les ajustements structurels exigés sont les mêmes. On est en train d’imposer l’appauvrissement de l’ensemble des populations d’Europe sous la contrainte de la dette. C’est le serpent qui se mord la queue car s’il n’y a plus de demande, les capitalistes ne pourront plus vendre leurs produits. On le voit bien à travers la situation de la Grèce qui préfigure la tiers-mondisation de toute l’Europe.
La répartition des richesses ne se fait plus entre le Nord et le Sud mais au sein même des nations entre les populations…
A partir du moment où la classe moyenne disparaît, mécaniquement les inégalités se creusent. Ce délitement des classes moyennes est voulu depuis les années 70. A cette époque, les démocraties occidentales étaient devenues quasiment ingouvernables car la classe moyenne détenait les rênes du pouvoir et utilisait l’Etat à son profit. Il fallait refermer la parenthèse des Trente glorieuses des salariés pour ouvrir celle des Trente glorieuses des financiers. Si, on éliminait les classes moyennes, les démocraties devenaient plus facilement gouvernables. Malgré tout, les néolibéraux restent favorables à un revenu minimal de subsistance, ne serait-ce que parce que les jacqueries ne sont pas bonnes pour la poursuite du business.
Comment voyez-vous les grands équilibres mondiaux dans prochaines années ?
La mondialisation a atteint ses limites. Je pense qu’on va assister à un retour en arrière avec un recentrage sur les économies nationales ou régionales. Cela passera peut-être par des politiques protectionnistes sans pour autant aboutir à des autarcies. Des pays comme L’Argentine ou l’Equateur ont réussi à s’en sortir après avoir touché le fond en s’opposant aux politiques néolibérales du FMI. Si on veut de nouveau arriver à produire de la croissance, il faudra peut-être suivre cet exemple et se mettre en retrait du processus de mondialisation.
Bernard Conte, propos recueillis par Alexandre Devecchio (Atlantico, 6 juin 2012)
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Michéa, Finkielkraut et le complexe d'Orphée...
Samedi 2 juin 2012, Alain Finkielkraut recevait dans son émission Répliques, sur France Culture, Jean-Claude Michéa, pour parler de son livre Le complexe d'Orphée (Climats, 2011). Vous pouvez écouter ci-dessous l'enregistrement de cette émission.
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La croissance mondiale va s'arrêter...
Nous reproduisons ci-dessous un entretien passionnant avec le physicien américain Dennis Meadows, publié dans le quotidien Le Monde daté du 26 mai 2012. Pour ce chercheur qui a participé aux travaux du Club de Rome dans les années 70, nous allons au devant d'une crise systémique majeure...
"La croissance mondiale va s'arrêter"
En mars 1972, répondant à une commande d’un think tank basé à Zurich (Suisse) – le Club de Rome -, des chercheurs du Massachusetts Institute of Technology (MIT) publiaient The Limits to Growth, un rapport modélisant les conséquences possibles du maintien de la croissance économique sur le long terme. De passage à Paris , mercredi 23 mai, à l’occasion de la publication en français de la dernière édition de ce texte qui fait date (Les Limites à la croissance, Rue de l’Echiquier, coll. « Inital(e)s DD », 408 p., 25 euros), son premier auteur, le physicien américain Dennis Meadows, 69 ans, a répondu aux questions du Monde.
Quel bilan tirez-vous, quarante ans après la publication du rapport de 1972 ?
D’abord, le titre n’était pas bon. La vraie question n’est pas en réalité les limites à la croissance, mais la dynamique de la croissance.Car tout scientifique comprend qu’il y a des limites physiques à la croissance de la population, de la consommation énergétique, du PIB, etc. Les questions intéressantes sont plutôt de savoir ce qui cause cette croissance et quelles seront les conséquences de sa rencontre avec les limites physiques du système.
Pourtant, l’idée commune est, aujourd’hui encore, qu’il n’y a pas de limites. Et lorsque vous démontrez qu’il y en a, on vous répond généralement que ce n’est pas grave parce que l’on s’approchera de cette limite de manière ordonnée et tranquille pour s’arrêter en douceur grâce aux lois du marché. Ce que nous démontrions en 1972, et qui reste valable quarante ans plus tard, est que cela n’est pas possible : le franchissement des limites physiques du système conduit à un effondrement.
Avec la crise financière, on voit le même mécanisme de franchissement d’une limite, celle de l’endettement : on voit que les choses ne se passent pas tranquillement.
Qu’entendez-vous par effondrement ?
La réponse technique est qu’un effondrement est un processus qui implique ce que l’on appelle une « boucle de rétroaction positive », c’est-à-dire un phénomène qui renforce ce qui le provoque. Par exemple, regardez ce qui se passe en Grèce : la population perd sa confiance dans la monnaie. Donc elle retire ses fonds de ses banques. Donc les banques sont fragilisées. Donc les gens retirent encore plus leur argent des banques, etc. Ce genre de processus mène à l’effondrement.
On peut aussi faire une réponse non technique : l’effondrement caractérise une société qui devient de moins en moins capable de satisfaire les besoins élémentaires : nourriture, santé, éducation, sécurité.
Voit-on des signes tangibles de cet effondrement ?
Certains pays sont déjà dans cette situation, comme la Somalie par exemple. De même, le « printemps arabe », qui a été présenté un peu partout comme une solution à des problèmes, n’est en réalité que le symptôme de problèmes qui n’ont jamais été résolus. Ces pays manquent d’eau, ils doivent importer leur nourriture, leur énergie, tout cela avec une population qui augmente. D’autres pays, comme les Etats-Unis, sont moins proches de l’effondrement, mais sont sur cette voie.
La croissance mondiale va donc inéluctablement s’arrêter ?
La croissance va s’arrêter en partie en raison de la dynamique interne du système et en partie en raison de facteurs externes, comme l’énergie. L’énergie a une très grande influence. La production pétrolière a passé son pic et va commencer à décroître. Or il n’y a pas de substitut rapide au pétrole pour les transports, pour l’aviation… Les problèmes économiques des pays occidentaux sont en partie dus au prix élevé de l’énergie.
Dans les vingt prochaines années, entre aujourd’hui et 2030, vous verrez plus de changements qu’il n’y en a eu depuis un siècle, dans les domaines de la politique, de l’environnement, de l’économie, la technique. Les troubles de la zone euro ne représentent qu’une petite part de ce que nous allons voir. Et ces changements ne se feront pas de manière pacifique.
Pourtant, la Chine maintient une croissance élevée…
J’ignore ce que sera le futur de la Chine. Mais je sais que les gens se trompent, qui disent qu’avec une croissance de 8 % à 10 % par an, la Chine sera le pays dominant dans vingt ans. Il est impossible de faire durer ce genre de croissance. Dans les années 1980, le Japon tenait ce type de rythme et tout le monde disait que, dans vingt ans, il dominerait le monde. Bien sûr, cela n’est pas arrivé. Cela s’est arrêté. Et cela s’arrêtera pour la Chine.
Une raison pour laquelle la croissance est très forte en Chine est la politique de l’enfant unique. Elle a changé la structure de la population de manière à changer le ratio entre la main-d’œuvre et ceux qui en dépendent, c’est-à-dire les jeunes et les vieux. Pour une période qui va durer jusque vers 2030, il y aura un surcroît de main-d’œuvre. Et puis cela s’arrêtera.
De plus, la Chine a considérablement détérioré son environnement, en particulier ses ressources en eau, et les impacts négatifs du changement climatique sur ce pays seront énormes. Certains modèles climatiques suggèrent ainsi qu’à l’horizon 2030 il pourrait être à peu près impossible de cultiver quoi que ce soit dans les régions qui fournissent actuellement 65 % des récoltes chinoises…
Que croyez-vous que les Chinois feraient alors ? Qu’ils resteraient chez eux à souffrir de la famine ? Ou qu’ils iraient vers le nord, vers la Russie ? Nous ne savons pas comment réagira la Chine à ce genre de situation…
Quel conseil donneriez-vous à François Hollande, Angela Merkel ou Mario Monti ?
Aucun, car ils se fichent de mon opinion. Mais supposons que je sois un magicien : la première chose que je ferais serait d’allonger l’horizon de temps des hommes politiques. Pour qu’ils ne se demandent pas quoi faire d’ici à la prochaine élection, mais qu’ils se demandent : « Si je fais cela, quelle en sera la conséquence dans trente ou quarante ans ? » Si vous allongez l’horizon temporel, il est plus probable que les gens commencent à se comporter de la bonne manière.
Que pensez-vous d’une « politique de croissance » dans la zone euro ?
Si votre seule politique est fondée sur la croissance, vous ne voulez pas entendre parler de la fin de la croissance. Parce que cela signifie que vous devez inventer quelque chose de nouveau. Les Japonais ont un proverbe intéressant : « Si votre seul outil est un marteau, tout ressemble à un clou. » Pour les économistes, le seul outil est la croissance, tout ressemble donc à un besoin de croissance.
De même, les politiciens sont élus pour peu de temps. Leur but est de paraître bons et efficaces pendant leur mandat; ils ne se préoccupent pas de ce qui arrivera ensuite. C’est très exactement pourquoi on a tant de dettes : on emprunte sur l’avenir, pour avoir des bénéfices immédiats, et quand il s’agit de rembourser la dette, celui qui l’a contractée n’est plus aux affaires.
Propos recueillis par Stéphane Foucart et Hervé Kempf (Le Monde, 26 mai 2012)
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Alain de Benoist sur France Culture...
A l'occasion de la sortie aux éditions De Fallois de Mémoire vive , son livre d'entretien avec François Bousquet, Alain de Benoist a été invité le 13 mai 2012, sur France Culture, dans l'émission «Tête-à-tête», dirigée par Frédéric Taddeï.
Il est possible d'écouter cette émission sur le site des Amis d'Alain de Benoist : Tête-à-tête , avec Alain de Benoist
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Fascismes ?...
Les éditions Dualpha viennent de publier Histoire des Fascismes de François Duprat, un ouvrage dans lequel Alain Renault a rassemblé des études que l'historien nationaliste-révolutionnaire a consacrées aux fascismes allemand, autrichien, roumain, hongrois, néerlandais et norvégien. Nous reproduisons ci-dessous un entretien avec Alain Renault, cueilli sur le site Voxnr...
Beaucoup d’études ont été publiées sur le fascisme, quel est l’intérêt de celles de François Duprat ?
Le terme de « fascisme » recouvre des réalités différentes. Duprat étudie des « fascismes » méconnus dans la perspective des combats d’aujourd’hui car il considère que « des leçons bien précises peuvent être tirés de l’histoire du mouvement nationaliste-révolutionnaire dans le monde ». Ses monographies portent donc moins sur l’idéologie, marquée par le temps et l’espace, de ces différentes formations que sur leur action, leurs rapports face à la « droite » et la « gauche », leur capacité à recruter et à mobiliser, les raisons de leurs échecs ou de leurs succès.
Mais le fascisme ne se confond pas avec le nationalisme-révolutionnaire, étiquette revendiquée par Duprat ?
Non, et d’ailleurs seul un imbécile n’ayant d’ailleurs rien compris à l’essence du fascisme, mènerait aujourd’hui et en France une action politique en s’en réclamant… Comme l’a écrit Duprat « le nationalisme doit être considéré aujourd’hui puisque nous sommes des relativistes et que nous croyons à l’obligation pour les formulations idéologiques de s’adapter aux situations changeantes ». Mais, quelle que soit l’étiquette retenue, il n’en demeure pas moins que certains principes perdurent même si certains font du « fascisme » sans le savoir, voire en s’en défendant.
Les analyses de Duprat restent-elles actuelles, 34 ans après sa mort ?
En tous cas, sa méthode, son logiciel de pensée, sont d’une actualité permanente. J’ai d’ailleurs sélectionné ces monographies, et les enseignements pratiques que l’on peut en tirer, pour l’action de notre temps. Ma préface les inscrit dans le combat actuel et dans l’analyse politique plus générale de Duprat. Celui-ci semble avoir été très en avance dans sa prédiction des crises économique et identitaire qui commence seulement à apparaître.
Quelles leçons générales à tirer de l’ouvrage ?
Chacun peut en tirer des leçons individuelles par ses propres réflexions sachant que « la réflexion est action si elle sait déboucher sur l’amélioration qualitative de l’action pure » en étudiant les erreurs qui mènent à l’échec et, plus positivement, les méthodes qui peuvent mener aux succès sachant que les conditions de ceux-ci ne les garantissent aucunement. « Si nous ne savons profiter des événements historiques en cours ce sera la preuve non pas que l’Histoire ne devait pas aller dans notre sens, mais que nous avons été, au moment voulu, incapables de profiter de notre chance. »
Alain Renault (propos recueillis par Fabrice Dutilleul pour Voxnr, 24 avril 2012)