Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Entretiens - Page 217

  • Qu'est-ce que la mondialisation ?...

    Vous pouvez regarder ci-dessous un entretien avec l'économiste hétérodoxe Frédéric Lordon, extrait du documentaire de Gilles Perret, Ma mondialisation,et conseillé avec brio par Fortune, le blog économique de Fdesouche.  Il explique ce qu'est concrètement la mondialisation dans le domaine économique... 

     

    Lien permanent Catégories : Décryptage, Economie, Entretiens, Multimédia 0 commentaire Pin it!
  • Une alternance, mais pas d'alternative...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien avec Alain de Benoist, cueilli sur Polémia et initialement publié sur Agoravox, dans lequel l'auteur de Mémoire vive (Editions de Fallois, 2012) répond à différentes questions de Paul Moffen sur l'actualité politique...

    alain de benoist, paul moffen, gauche, droite, politique

     

    « Les partis politiques, quels qu'ils soient, sont par nature allergiques aux idées »

    A quoi attribuez-vous la défaite de Nicolas Sarkozy à la présidentielle de 2012 ?

    Je pense qu’on l’avait tout simplement trop vu. La vulgarité du personnage, sa façon de vouloir tout faire, d’être partout, d’intervenir sur tout, avaient suscité dans l’opinion une sorte d’overdose. D’où la chute de popularité sans précédent qu’il a connue dans la seconde partie de son quinquennat. Cela dit, il y a aussi des raisons plus sérieuses, sinon plus ponctuelles. Sarkozy a déçu son électorat de droite sans parvenir à séduire la gauche. Il avait proposé de « travailler plus pour gagner plus », mais ceux qui ont travaillé plus ont finalement gagné moins. Insécurité grandissante, baisse du pouvoir d’achat, précarisation de l’emploi, multiplication des délocalisations : les gens ont constaté que rien ne s’est amélioré dans leur vie quotidienne. Ils ont réagi en conséquence. C’est ce qui a donné à leur vote l’allure d’un plébiscite pro ou anti-Sarkozy.

    Faut-il tenir Patrick Buisson – l’ancien conseiller spécial du président sortant – pour responsable du fiasco ? La stratégie de droitisation. Orientation fortement remise en cause par des caciques de l’UMP.

    Je ne le crois pas un instant, tout au contraire. Si Sarkozy a pu passer de 27 % des voix au premier tour à plus de 48 % au second, ce qui représente une progression considérable, c’est bien parce qu’il a verbalement infléchi son discours à droite entre les deux tours. S’il ne l’avait pas fait, il n’aurait pas dépassé 35 %. Les caciques de l’UMP qui se refusent à le reconnaître sont des gens qui s’imaginent qu’on peut séduire la droite en lui tenant un discours centriste, ou qu’un discours plus recentré aurait permis à Sarkozy d’obtenir un plus grand nombre de voix d’électeurs de gauche. Cela aurait pu être vrai s’il avait eu à affronter Mélenchon au second tour, pas François Hollande que personne ne pouvait considérer comme un extrémiste (comme en témoigne le ralliement de François Bayrou).

    Qu’est-ce que le sarkozysme ? Une idéologie ? Un style de présidence ? Une façon de voir le monde ?

    Rien de tout cela, pour la bonne raison que le « sarkozysme » n’existe pas. Il y a simplement eu un moment Sarkozy dans l’histoire de la Ve République. Ce moment s’est caractérisé par la mise en œuvre d’une sorte de libéralisme autoritaire, par une désacralisation accélérée de la fonction de chef de l’Etat, par une pratique sociale au service des plus riches, par un alignement de fait sur la politique des Etats-Unis d’Amérique, par le règne du paraître et le pouvoir des mots.

    Quel bilan faites-vous du mandat de l’ancien chef d’Etat ? Et y a-t-il des choses positives ? Jean d’Ormesson dans une interview accordée au Figaro Magazine (1) pense que dans quelques années, on se rendra compte qu’il était un grand président. Qu’on l’a mal jugé !

    Aucun régime n’est jamais totalement bon ni totalement mauvais. Mais c’est le bilan général qui compte. Je le trouve pour ma part détestable. Avec Sarkozy, nous avons assisté à la liquidation d’un certain nombre d’acquis sociaux hérités de plus d’un siècle de luttes sociales, à une désindustrialisation grandissante, à une perte d’indépendance dont la piteuse réintégration du commandement intégré de l’Otan a été le point d’orgue, à un engagement militaire dans des guerres qui ne nous concernent en rien (Afghanistan) ou des opérations militaires totalement dépourvues de sens (Lybie). Face à la crise financière mondiale, Sarkozy a déplacé beaucoup d’air, mais n’a rien réglé sur le fond. Le sentiment de Jean d’Ormesson, qui s’y entend en politique à peu près comme moi en mathématiques supérieures, a le mérite du pittoresque, mais je crois qu’il rêve debout. Sarkozy me semble plutôt appelé à connaître le sort de ces présentateurs de télévision qu’on voit tous les soirs, mais auxquels personne ne pense plus dès qu’ils ont définitivement quitté l’écran. Il a abandonné le pouvoir il y a trois mois à peine, mais j’ai l’impression qu’on l’a déjà oublié.

    Nicolas Sarkozy était-il de droite ou à droite ?

    Pour répondre à cette question, il faudrait déjà savoir quel sens on donne au mot « droite », et si ce sens n’est pas aujourd’hui devenu obsolète.

    Quels thèmes auriez-vous souhaité que les politiques abordent pendant cette campagne ?

    J’aurais aimé les entendre parler de géopolitique mondiale, des causes profondes de la crise financière actuelle, de la guerre menée par les marchés financiers contre les Etats, de la mise en place d’un nouveau « Nomos de la Terre », s’interroger sur les finalités de la construction européenne ou sur les fondements de la logique du profit et de l’axiomatique de l’intérêt, discuter de la question des alliances et des rapports de force, évoquer l’Asie centrale et la crise du Proche-Orient, l’épuisement des ressources naturelles, etc.

    Pourquoi cette hémiplégie ?

    D’abord, parce que ce ne sont pas là des sujets qui passionnent les électeurs (ils ne réalisent pas en quoi cela les concerne). Ensuite, parce qu’on ne peut pas en traiter sans se référer à idées, et que les idées, c’est bien connu, divisent l’opinion alors que dans une élection présidentielle on cherche avant tout à rassembler. Enfin et surtout parce qu’aucun des candidats ne se situait dans une perspective de franche rupture par rapport à l’idéologie dominante. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle l’abstention progresse assez régulièrement : les gens comprennent bien que les élections permettent une alternance, mais ne fournissent pas d’alternative.

    La droite française est-elle en pleine crise idéologique, en « décomposition » comme le disent les politologues ? Ou bien s’agit-il d’une mauvaise passe ?

    Toutes les familles politiques, « de droite » comme « de gauche », sont aujourd’hui plongées dans une profonde crise d’identité dont les causes sont nombreuses. L’une de ces causes est le « recentrage » des discours et des programmes, qui donne l’impression (confirmée dans les sondages) qu’il n’y a plus de véritables différences entre la droite et la gauche. Les divers partis apparaissent de plus en plus comme interchangeables, ce qui explique la volatilité électorale : les gens votent pour un parti après l’autre de la même façon qu’ils « zappent » entre des chaînes de télévision. Comme le résultat est toujours plus ou moins le même, ils sont toujours plus déçus. Une autre cause est que le paysage politique actuel continue d’être structuré, surtout dans sa dimension parlementaire, par des références obsolètes. La preuve en est que tous les grands événements de ces quinze dernières années ont créé des clivages nouveaux, qui traversent en diagonale les familles existantes. Le clivage droite/gauche est né avec la modernité, il tend à disparaître avec elle. Quant à la « décomposition » des partis, elle va de pair avec une décomposition plus générale : disparition des repères, incapacité à transmettre, instauration d’un climat sub-chaotique, dé-liaison sociale généralisée.

    Vous avez beaucoup travaillé sur la droite, entre autres. Qu’est-ce qui la différencie aujourd’hui de ce qu’elle était, il y a dix ans, sous l’ère Chirac ?

    Je ne vois guère de différences. La droite se partage toujours entre une composante populaire plus ou moins nostalgique du gaullisme, une petite-bourgeoisie (les classes moyennes inférieures) qui louche vers le Front national, et une grosse bourgeoisie acquise au libéralisme et à la mondialisation. Tout ce que l’on peut dire, c’est que le libéralisme n’a cessé de monter en puissance à l’intérieur de la droite, fût-ce en se conjuguant avec une rhétorique populiste xénophobe qui n’appartient pourtant pas à son héritage historique.

    Le score de Marine Le Pen à la présidentielle, la montée en puissance de ses idées, augurent-t-il des jours sombres pour l’UMP ?

    En théorie, oui. Mais l’UMP reste une machine de guerre dotée de moyens matériels infiniment supérieurs à ceux du FN, qui souffre de surcroît d’un sérieux manque de cadres. La logique des choses voudrait que l’on assiste d’abord à une décomposition politique de la droite suivie d’une décomposition sociale de la gauche, ce qui aurait au moins le mérite de déblayer le paysage. Mais la logique est une chose, la réalité historique en est une autre. Beaucoup de choses dépendent en outre des circonstances extérieures, qui sont aujourd’hui plus incertaines que jamais. L’histoire des hommes est par définition imprévisible, et donc toujours ouverte.

    Vous venez de publier Mémoire vive (2). Une autobiographie dans laquelle vous parlez à cœur ouvert. Pourquoi cet ouvrage maintenant ? Un désir de faire le point sur votre vie et de mieux faire partager votre pensée à un public qui a beaucoup entendu parler de vous mais qui vous connaît peu, finalement !

    Je crois qu’à partir d’un certain âge, on devient toujours un peu chroniqueur de soi-même. On éprouve aussi le besoin de faire au moins un bilan d’étape. Mémoire vive est en fait un livre double. C’est d’un côté un livre strictement autobiographique, où je raconte des choses très personnelles dont je n’avais jamais eu auparavant l’occasion ni le désir de parler. De l’autre, c’est une tentative de reconstruction d’un itinéraire intellectuel, d’un « chemin de pensée » poursuivi depuis déjà un demi-siècle. Chemin faisant, j’évoque les événements et surtout les personnalités que j’ai eu l’occasion de connaître. Il ne s’agit nullement de « mieux faire partager ma pensée », mais seulement de donner à ceux qui me lisent la possibilité de mieux me connaître et à ceux qui ne m’ont pas lu une occasion, peut-être, de rompre avec quelques idées reçues.

    Que reste-il de La Nouvelle Droite en 2012 ? Et d’après vous, quelles sont les idées dans ce courant de pensée que l’UMP a intégrées ?

    Ce que les médias ont appelé à partir de 1979 « Nouvelle Droite » – étiquette dans laquelle je ne me suis jamais pleinement reconnu – a été une grande, belle et durable aventure de la pensée. Cette aventure s’est toujours tenue à l’écart des engagements politiques partisans, pour s’en tenir à un travail engagé dans le domaine des idées, de la culture, de la connaissance et du savoir. Elle se poursuit toujours, non seulement au travers de mon œuvre, mais par l’intermédiaire des revues (Eléments, Nouvelle Ecole, Krisis) dans lesquelles s’exprime cette école de pensée. Quelles sont les idées que l’UMP a intégrées ? Aucune, bien entendu. Je l’ai déjà dit : les partis politiques, quels qu’ils soient, sont par nature allergiques aux idées (ils préfèrent évoquer les « valeurs » dont ils se réclament, sans jamais dire desquelles il s’agit). C’est la raison pour laquelle on ne peut à la fois faire de la politique et prétendre être un intellectuel digne de ce nom. J’ajoute qu’il serait pour le moins paradoxal de voir un parti comme l’UMP mettre en cause la société de marché, dénoncer l’exploitation du travail vivant et la colonisation de l’imaginaire symbolique par les valeurs marchandes, l’arraisonnement généralisé de la planète par l’idéologie de la croissance et la logique du Capital, bref se réclamer d’une pensée critique qui contredit à angle droit ses intérêts de classe !

    Dans votre livre, vous dites que vous êtes « de droite et de gauche ». Concrètement, qu’est-ce que cela veut dire et comment peut-on être des deux à la fois ?

    C’est d’abord une formule qui signifie que je suis indifférent aux étiquettes. Les étiquettes, c’est le paraître, le contenant, alors que seuls les contenus m’intéressent. Cela veut dire aussi qu’en tant qu’historien des idées, ce qui me paraît le plus nécessaire n’est pas tant d’identifier des « idées de droite » ou des « idées de gauche » que de distinguer les idées fausses des idées justes. Au cours des deux derniers siècles, de nombreuses thématiques sont d’ailleurs passées de droite à gauche, ou vice versa. C’est la raison pour laquelle mes auteurs de référence, que j’évoque longuement dans Mémoire vive, appartiennent à des familles politiques ou idéologiques extrêmement variées. Disons que c’est ma façon de voir le monde qui organise ces différentes influences dans un ensemble structuré que je crois cohérent.

    Quelles sont les idées qui à droite sont passées à gauche et vice-versa ?

    Le nationalisme, souvent classé à droite, est né à gauche à l’époque de la Révolution française, qui fut la première à considérer la nation comme une entité politique souveraine. Au XIXe siècle, l’idéologie coloniale fut essentiellement propagée par des hommes de gauche, comme Jules Ferry, tandis que la droite y était en général hostile ; au siècle suivant, ce fut le contraire. Le régionalisme et l’autonomisme se situaient plutôt à droite dans les années 1930, à gauche dans les années 1960. L’idéologie du progrès, associée à la philosophie des Lumières, a d’abord été combattue par la droite contre-révolutionnaire. Elle est aujourd’hui critiquée par la gauche écologiste, qui récuse le productivisme et les diktats de la techno-science. On pourrait donner bien d’autres exemples.

    Vous dites, page 49, qu’il y a « un conformisme de l’anticonformisme. » Pouvez-vous nous donner des exemples ?

    Le style « bobo » en est l’incarnation même. Le libéralisme sociétal (la « liberté des mœurs ») se donne volontiers pour anticonformiste, mais s’intègre pleinement dans un système économique dominant qui tire profit de la tendance des individus et des groupes à vouloir faire reconnaître n’importe quel désir comme une « norme ». La « libération sexuelle » des années 1960-1970 a surtout permis de créer un profitable marché du sexe. D’autres croient « violer des tabous » en s’en prenant à la famille, à la religion ou à l’armée, sans s’apercevoir qu’ils tirent sur des ambulances. Il y a longtemps que ce ne sont plus là des tabous ! Les mêmes prennent d’ailleurs bien soin de ne violer aucune des règles du politiquement correct actuel. Une autre manière de tomber dans le conformisme de l’anticonformisme est de s’engager contre le fascisme à une époque où le fascisme a disparu, ou contre le communisme à une époque où celui-ci s’est effondré. C’est à la fois rentable et sans aucun risque. Ces gens-là n’ont pas la moindre idée du moment historique où ils vivent. Ils cheminent dans l’existence en regardant dans leur rétroviseur, ils croient pouvoir livrer des guerres qui sont déjà terminées. Ils n’ont pas compris que l’époque postmoderne, qui est celle du capitalisme absolu, est à la fois post-fasciste et post-communisme, post-bourgeoise et post-prolétarienne.

    Vous avez déclaré à plusieurs reprises que les valeurs du capitalisme sont plus un danger pour la civilisation occidentale que l’islamisme radical. Que l’impérialisme fait plus de dégâts que l’extrémisme musulman. Pourriez-vous développer ce point qui va à l’encontre des idées reçues ? Quels sont vos critères dans cette analyse ?

    Je viens de le dire, nous vivons à l’époque du capitalisme absolu, qui est bien différent de l’ancien capitalisme marchand ou industriel. Le vieux capitalisme avait encore un ancrage territorial, tandis que le capitalisme actuel est entièrement déterritorialisé. C’est la raison pour laquelle son alliance avec les classes moyennes a pris fin. L’essence du capitalisme réside dans son illimitation (le Gestell dont parle Heidegger), dans cette forme d’hybris qui le porte à la suraccumulation du capital et qui explique son déploiement planétaire dans un monde qu’il rêve de transformer de part en part en marché homogène. Comme Marx l’avait bien vu, tout ce qui risque d’entraver cette perpétuelle fuite en avant (cultures différenciées, valeurs partagées, etc.) devient un obstacle à supprimer. Toutes les valeurs sont rabattues sur la valeur d’échange, ce qui revient à dire que rien n’a plus de valeur, mais que tout a un prix. L’Homo œconomicus est posé comme un être qui se réduit à sa fonction de producteur-consommateur et ne cherche dans la vie qu’à maximiser de manière égoïste son meilleur intérêt personnel. Tout cela me paraît en effet plus grave que l’« extrémisme musulman » car cela met en cause, non pas du tout seulement la « civilisation occidentale », qui n’est pas mon souci prioritaire, mais les modalités mêmes de la présence humaine au monde. Quant à l’« extrémisme musulman », qui n’est qu’un extrémisme politique sous habillage religieux, il faudrait encore savoir comment on le définit et surtout quelles en sont les causes.

    Faut-il intervenir en Syrie comme le demande l’ONU ? Certains, comme Richard Labévière (3) disent que la situation est complexe. Que les médias occidentaux diabolisent le régime de Bachar Al Asaad et que des forces extérieures cherchent à démanteler le pays. Etes-vous d’accord avec lui ? En d’autres termes, à qui profite le crime ?

    La première condition pour ramener le paix en Syrie consisterait, non pas à y intervenir, mais à cesser d’y intervenir, afin de laisser les Syriens décider par eux-mêmes de leur sort. Il y a maintenant des années que les puissances occidentales font tout pour déstabiliser la Syrie dans le cadre d’un programme de balkanisation du Proche-Orient, dont on a déjà vu les résultats en Irak et en Libye. Il s’agit toujours de diviser pour régner. En Syrie, la rébellion a dès le début été soutenue, financée et armée par l’Arabie Saoudite et le Qatar, appuyés par la France, l’Angleterre et les Etats-Unis. Parmi ceux qui combattent dans ses rangs, on trouve un grand nombre de « djihadistes » étrangers. Les médias occidentaux, auxquels le prétendu « printemps arabe » n’a pas servi de leçon, cherchent à faire croire que le conflit oppose un dictateur à des foules désireuses d’instaurer la démocratie et la paix. C’est être aveugle sur la réalité des choses. La fin du régime alaouite en Syrie donnerait le signal du massacre des chrétiens et se traduirait par la montée en puissance de ces mêmes extrémistes musulmans dont vous parliez à l’instant. La Chine et la Russie l’ont bien compris. Ils n’ont pas oublié que, depuis l’époque de la guerre froide, les Etats-Unis ont toujours soutenu les régimes islamistes contre les mouvements laïques du monde arabe. Reste à savoir si Israël veut voir les Frères musulmans s’installer sur sa frontière nord, après avoir déjà pris le pouvoir en Egypte.

    Vous ne niez pas les exactions commises par le régime et le clan Al Assad !

    Dans une guerre civile, il n’y a pas de partie innocente. Le gouvernement syrien combat la rébellion avec une grande brutalité. Les rebelles multiplient eux aussi les massacres et les exécutions sommaires ; les médias occidentaux oublient simplement d’en parler. Les Américains dénoncent Bachar Al Assad, qui est incontestablement un dictateur, mais ils s’accommodaient très bien de Moubarak en Egypte ou de Ben Ali en Tunisie, qui étaient leurs alliés. C’est aussi la raison pour laquelle ils ferment les yeux sur l’application de la sharia en Arabie Saoudite.

    On s’est peu attardé sur la disparition du philosophe Roger Garaudy. Que retenez-vous de son œuvre et comment expliquez-vous ce service minimum ?

    Ce service minimum s’explique apparemment par les polémiques auxquelles il a été mêlé à la fin de sa vie, et notamment à ses prises de position violemment « antisionistes ». Du coup, on a oublié son œuvre philosophique, qui n’est pourtant pas mince. Pendant des décennies, Garaudy a été le principal intellectuel du parti communiste français. Ancien déporté dans un camp d’internement de Vichy en Afrique du Nord, élu après la guerre député, puis sénateur, il fut longtemps membre du comité central du PC, dont il ne fut exclu qu’en 1970. Il est mort quasi centenaire après avoir publié plus de 70 ouvrages. Son livre sur La théorie matérialiste de la connaissance (1953), ses travaux sur la morale marxiste (1963) ou la pensée de Hegel (1966) mériteraient sans doute d’être relus aujourd’hui.

    Qu’est-ce qui caractérise le plus notre époque, notre société ? Le spectacle, la diabolisation de certains intellectuels, la fin des idéologies, l’absence de débats ? Certains auteurs parlent de « liquéfaction » du corps social.

    Difficile de répondre de façon succincte à cette question. Nous sommes actuellement dans une époque de transition. Nous voyons se dissiper les contours de l’ancien monde, sans que se précise nettement celui qui vient. Je ne parlerais certainement pas de « fin des idéologies ». Le thème de la fin des idéologies, très à la mode il y a une trentaine d’années, ne vaut pas mieux que celui de la « fin de l’histoire » lancé par Francis Fukuyama. Toute société humaine a son idéologie dominante. Celle qui domine aujourd’hui est l’idéologie de la marchandise. La diabolisation de certains intellectuels, l’absence de vrais débats, sont surtout des phénomènes propres à la France. Quant à l’approche de la société en termes de spectacle et de consommation, qui remonte pour le moins au situationnisme, elle reste encore insuffisante pour décrire des évolutions plus récentes, comme la montée du technomorphisme dans la vie quotidienne (la dépendance à la télécommande et aux écrans), la féminisation de la vie sociale, la vogue des « victimes », la montée comme type humain de l’individu narcissique immature, la désinstitutionnalisation, la privatisation de la foi (la croyance religieuse n’est plus aujourd’hui qu’une opinion parmi d’autres), etc. La notion de « société liquide » proposée par Zygmunt Bauman me semble intéressante. Elle explique bien comment le transitoire, le changeant, l’éphémère, tend dans tous les domaines à remplacer ce qui, auparavant, paraissait à la fois durable et constant. Les sociétés occidentales actuelles relèvent d’une logique à la fois « maritime » et commerciale : tout y est affaire de flux et de reflux, de communautés et de réseaux.

    Que vous inspirent les nouveaux philosophes ? Gilles Deleuze parlait d’imposture à leur sujet. Il disait qu’il n’y avait aucune philosophie. Etes-vous de cet avis et qu’ont-ils apporté au débat d’idées ?

    Voilà une question qui nous ramène plus de trente ans en arrière ! Deleuze n’avait pas tort de parler d’imposture à propos des ex-nouveaux philosophes, dont la contribution proprement philosophique reste encore à identifier. La « nouvelle philosophie » me paraît surtout avoir constitué une sorte de sas permettant à d’anciens révolutionnaires de se « repentir » à bon compte et, sous couvert de réalisme, de se rallier à un système en place gouverné par l’idéologie des droits de l’homme et celle du marché.

    Comment expliquer leur popularité auprès des médias français ?

    Les médias parlent de ce dont on parle, ce qui signifie qu’ils amplifient tout naturellement les « coups » médiatiques qu’ils ont été les premiers à lancer. Ils ont par ailleurs très vite compris ce qu’il y avait d’utilisable chez les « nouveaux philosophes », disons pour faire bref un nouveau mode de légitimation du désordre institué. Il est notoire, enfin, que les compétences philosophiques de la plupart des journalistes tiennent à l’aise sur un confetti.

    Dans votre livre, vous semblez ne pas tenir grief à Pierre-André Taguieff. Or La Force du préjugé (4) est un essai théorique dans lequel il vous accusait « de racisme masqué ». Cet auteur, relayé par d’autres et qui se sont appuyés sur ses écrits, a contribué, pour une grande part, à votre diabolisation en France. Pourquoi cette mansuétude ?

    Je n’ai pas du tout le sentiment que Pierre-André Taguieff ait joué un rôle majeur dans ce que vous appelez ma « diabolisation ». C’est bien plutôt lui qui a été diabolisé pour avoir tenté d’analyser le phénomène de la « Nouvelle Droite » autrement qu’à coups d’anathèmes et de slogans. Vous citez La force du préjugé, qui est un livre paru il y a plus de vingt ans. Depuis lors, Taguieff a publié nombre d’écrits dans lesquels il a adopté à mon égard des attitudes assez variées. Comme il lit ce dont il parle, il a tenu compte de mon évolution. J’ajoute qu’il a évolué lui-même, sans doute plus encore que moi (il ne fait pas de doute que je suis aujourd’hui beaucoup plus à gauche que lui !). Quant au « racisme masqué » d’un auteur, moi en l’occurrence, qui a publié à ce jour trois livres contre le racisme, la formule a plutôt de quoi faire sourire.

    Il n’a jamais fait partie du GRECE5 (5)? On dit même qu’il participait à certains de vos travaux. Réalité ou légende ?

    Légende, évidemment. Mais vous noterez qu’elle contredit votre question précédente : si Pierre-André Taguieff avait voulu « diaboliser » le GRECE, on ne l’aurait pas accusé d’en faire partie, ou du moins de nourrir à son endroit des sympathies suspectes. Taguieff a parfois assisté à des réunions ou des colloques organisés par le GRECE, comme l’ont fait de nombreux journalistes. J’ai souvent eu des discussions avec lui, et ne l’ai jamais regretté. C’est un interlocuteur d’excellent niveau.

    Votre pensée a évolué au fil du temps et des rencontres. Pouvez-nous dire, néanmoins, les idées, les concepts auxquels vous n’avez jamais renoncé pour expliquer le monde, les rapports sociaux, politiques ?

    Je n’ai d’abord jamais renoncé aux exigences de la pensée critique. Je n’ai jamais renoncé à militer en faveur d’une Europe autonome, politiquement unifiée, qui soit à la fois un pôle de puissance dans un monde multipolaire et un creuset de culture et de civilisation. Je n’ai jamais renoncé à l’idée que la diversité constitue la plus grande richesse du monde, et que toutes les doctrines universalistes, religieuses ou profanes, qui tentent de réduire cette diversité au nom de l’Unique, sont des doctrines nocives qui doivent être combattues sans merci. Mais je ne vais pas entamer ici un petit credo personnel. Pour en savoir plus, il faut lire Mémoire vive !

    Qu’attendez-vous du gouvernement Ayrault et de la présidence Hollande ?

    Quand les hommes politiques arrivent au pouvoir, c’est en général pour découvrir leur impuissance. Pour des raisons qui excèdent leurs personnes, je ne crois donc pas qu’il y ait beaucoup à attendre de François Hollande ou de Jean-Marc Ayrault. Je crains qu’ils n’aient pas la carrure nécessaire pour faire face à la crise généralisée dont la situation présente est un signe avant-coureur. Pour desserrer l’étau du système de l’argent, il faut beaucoup de volonté et beaucoup de moyens. A mon avis, les deux leur font défaut.

    Merci Alain de Benoist. Je rappelle le titre de votre dernier livre, Mémoire vive, avec François Bousquet, aux Editions de Fallois.

    Alain de Benoist

    Notes :

    1. Jean d’Ormesson, « L’injustice faite à Sarkozy » in Le Figaro Magazine, le 03/05/2012.
    2. Mémoire vive, Entretiens avec François Bousquet
    , Editions de Fallois, 2012.
    3. Ancien rédacteur en chef de RFI et TV5 in Eléments,
    n°143, 2012, pp.6 et 7.
    4. Pierre-André Taguieff, La Force du préjugé. Essai sur le racisme et ses doubles
    , Editions Gallimard, 1991. 
    5 Groupement de recherches et d’études pour la civilisation européenne.

    Lien permanent Catégories : Entretiens 0 commentaire Pin it!
  • "Il n'y a de pensée que lorsqu'il y a risque"...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien avec le sociologue Michel Maffesoli à l'occasion de la sortie de son livre Homo eroticus aux éditions du CNRS, cueilli sur le site de l'Express. Un penseur, qui, s'il est parfois contestable ou irritant, n'en reste pas moins toujours stimulant...

    michel maffesoli, modernité, post-modernité, sarkozy, droite

    "Il n'y a de pensée que lorsqu'il y a risque"

    Vous venez, du côté de votre père, d'une lignée de libertaires italiens ; votre mère comptait de nombreux Cévenols dans sa famille. Est-ce de cette filiation plutôt épicée que vous vient votre goût de la provocation ?

    Je l'ignore. Ce qui est certain, c'est que je n'aime pas penser droit. Dès 1982, lorsque j'ai fondé à la Sorbonne le Centre d'études sur l'actuel et le quotidien, j'ai choisi des sujets qui contrevenaient au politiquement correct. Ce pouvait être le Minitel rose, le poids et la fonction de l'image, la cuisine... A l'époque, la sociologie s'occupait des institutions, de l'établi, comme la politique ou la famille. Mon pari à moi consistait à dire que la vraie vie se trouve dans le quotidien, dans ce que l'on considère comme sans importance, dans le "banal". On l'a oublié, mais le jour du four banal, dans de nombreux villages, était celui du pain commun. Puis on a appelé banal ce qui n'est rien du tout. Je pense au contraire que c'est grâce à cette banalité que croît la société. 

    Vous brocardez le "conformisme intellectuel" de l'époque. De quel conformisme parlez-vous ?

    De celui qui nous empêche de penser la postmodernité. Nous avons une frousse terrible du mot lui-même, alors que c'est pourtant bien lui qui définit la période actuelle. La France a inventé la modernité à partir du XVIIe siècle, avec le cartésianisme et la philosophie des Lumières. Sans doute est-ce pour cela qu'elle éprouve une énorme difficulté à aborder le changement de paradigme en jeu aujourd'hui. Nous ne voulons pas voir que les valeurs modernes - raison, progrès, travail - ne constituent plus une matrice féconde. Alors, on parle de "modernité seconde", de "modernité tardive", de "modernité avancée". Prenez la crise : selon moi, elle est bien plus qu'une crise financière. Elle est crise au sens étymologique de "crible". Nous sommes en train de vivre le passage au tamis des valeurs de la modernité. 

    Est-ce par non-conformisme que vous avez dirigé en 2001 la thèse d'Elizabeth Teissier, qualifiée de "non-thèse" par les membres du jury qui l'ont examinée?

    Cela fait dix ans que cette histoire me poursuit ! [Il sourit]. En trente ans d'enseignement à la Sorbonne, j'ai fait passer 170 thèses, dont trois sur l'astrologie. Je suis, en ce domaine comme en beaucoup d'autres, un mécréant absolu. Ma règle en sociologie est la suivante : un fait, s'il est social, devient un fait sociologique. Il est là, on le traite. 50 % des Français consultent leur horoscope, et il ne me paraît pas infamant qu'une personne directement impliquée dans le sujet en question en parle. Le tout est de savoir comment elle doit en parler. A l'encontre de l'idée dominante en France - traiter les faits sociaux comme des choses -, je pense qu'il est possible d'intégrer la subjectivité. D'ailleurs, personne ne connaît le titre de cette fameuse thèse : "Situation épistémologique de l'astrologie à travers l'ambivalence fascination-rejet dans les sociétés postmodernes". Autrement dit, il s'agissait d'analyser comment les médias se comportaient par rapport à l'astrologie, et non de faire l'apologie de celle-ci. 

    Vous vous êtes également fait remarquer, l'an dernier, avec votre livre Sarkologies, où vous présentiez Nicolas Sarkozy comme un président "postmoderne", en phase avec le peuple et son époque. C'est pourtant François Hollande qui a été élu !

    A quelques centaines de milliers de voix près, je vous le rappelle. Sarkozy, pour qui je n'ai pas d'appétences politiques, a un côté "enfant qui ne grandit jamais", un côté mafieux, qui sont en effet pour moi l'un des reflets de la postmodernité. La modernité, c'est l'adulte sérieux ; la postmodernité, c'est Dionysos, l'enfant éternel et créatif, qui s'appuie sur sa famille, ses proches, s'ajuste au coup par coup. L'élection de François Hollande montre que la France n'est malheureusement pas en phase avec l'esprit du temps. Je reviens à ce que je disais : notre pays a peur de la postmodernité. Il vit un processus de rétraction. Nous sommes retournés aux grandes valeurs du XIXe siècle : l'Etat providence, le fonctionnariat, la crainte de devoir se débrouiller avec la vie. 

    Hollande incarnerait le cocon protecteur ?

    L'enfant éternel trafique parce qu'il n'y a plus de solution globale, juste des pistes à explorer sur le moment. Il est dans la "combinazione" permanente, ce qui est le propre du tragique contemporain - au sens étymologique de tragos, la trachée-artère, ce qui est rugueux par rapport à la veine. Le sale gosse Sarko "tchatchait", il réagissait à tout, à tel meurtre, tel incendie, en disant : "On va régler ça." Mais il ne pouvait que colmater puisqu'il n'y a pas de solution. Le Parti socialiste, lui, est un parti "dramatique" : il considère qu'il y a une solution morale pour la société dans son ensemble, qu'une issue est possible. La France, avec Hollande, a voté la normalité. Alors oui, nous trouverons une solution : un pays de fonctionnaires avec, à la clef, la production de normes. La "normopathie" est en marche ! Seulement, notre pays risque de passer à côté de l'évolution du monde actuel, qui exige de l'audace, des prises de risques. Même si je pense que nous serons, par la force des choses, contraints de revenir à une conception non sécurisante de l'existence, en laissant par exemple une flexibilité dans le travail. L'un de mes étudiants a réalisé une étude sur les jeunes, qui préfèrent les CDD aux CDI. Pourquoi ? Parce qu'ils savent que même les CDI peuvent s'arrêter, et parce qu'ils préfèrent conserver leur liberté. Nous avons devant nous une population franchouillarde de vieux cacochymes, qui ne mesure pas la vitalité et l'intensité juvénile de la société actuelle. 

    En quoi l'époque serait-elle vitaliste ?

    Regardez dans quelle ambiance émotionnelle nous baignons - musicale, sportive, culturelle, religieuse, etc. Les affects sont omniprésents, et même dans des domaines d'où ils avaient été exclus : la politique, l'économie. Il suffit de voir les meetings actuels avec musique et cotillons ! La vie sociale est remplie de rumeurs, de buzz, d'irruptions des humeurs. On voit émerger de nouvelles formes de solidarité et de générosité - il s'agit là de deux liens essentiels, car ce sont eux qui font société. Le couch surfing ou la colocation, par exemple : les études montrent que leurs adeptes éprouvent le désir d'être ensemble pour être ensemble et pas seulement pour des raisons économiques. La vieille lune de l'hospitalité revient aujourd'hui, renouvelée grâce aux technologies. 

    Certains de ces mouvements restent encore assez confidentiels...

    Ce qui n'est pour le moment réductible qu'à une classe de jeunes tend à se répandre dans l'ensemble du corps social par un processus de contamination. Au XIXe, le jeune qui arrivait sur le marché du travail n'avait d'autre choix que de s'habiller comme le bourgeois, en costume trois pièces. Aujourd'hui, le vêtement de l'enfant éternel, c'est le jean, et le bourgeois se met au denim. On veut rester jeune, parler jeune. On voit désormais des colocations intergénérations ou des colocations entre vieux. 

    Réjouissons-nous, alors : la société serait beaucoup moins individualiste qu'on ne le pense ?

    Parler d'individualisme contemporain est une ineptie propagée par les journalistes, les hommes politiques et certains universitaires. Il suffit de sortir, d'allumer son portable, pour se rendre compte que nous sommes toujours "en relation avec", qu'il y a toujours autour de nous une communauté, et que les émotions font le lien. Au "cogito ergo sum, in arcem meum" de Descartes - "je pense donc je suis, dans la forteresse de mon esprit" - qui fonde l'individualisme moderne a succédé le "je m'éclate avec". Les gens se structurent en tribus, autour d'un goût partagé - sexuel, musical, religieux, sportif, etc. -, dans une volonté de vivre le présent plutôt que de se projeter. C'est pour cela que la res publica est devenue une mosaïque, et que nous devons en faire l'apprentissage, même si celui-ci est douloureux. Par un processus de balancier, l'individu a été remplacé par la personne. L'individu est un ; la personne est plurielle. Chacun de nous est plusieurs choses, en fonction des circonstances, de l'âge, etc. Aujourd'hui, je n'existe que par et sous le regard de l'autre. Dans la modernité, on se créait par soi-même, on cherchait à être sa propre loi, à être autonome, selon l'idéal rousseauiste. Voyez la mode : en fonction de la tribu à laquelle j'appartiens, je vais m'habiller, parler, me cultiver de telle ou telle manière. Ces lois de l'imitation se sont exprimées à la fin du XIXe, mais elles n'étaient pas contemporaines par rapport à leur temps. 

    De quand datez-vous la naissance de ce phénomène ?

    Des années 1950, avec l'apparition du design, qui a esthétisé le quotidien. Est venue ensuite, dans les années 1960, l'effervescence des grands rassemblements. A partir de l'an 2000, ce qui s'était un peu perdu dans les sables a commencé à renaître. Regardez l'essor des communications horizontales grâce à Internet. Face à ce bouillonnement, notre intelligentsia reste décalée, alors que le grand public, lui, sent bien qu'il a envie d'"être avec", je dirais même de "coller" à l'autre, beaucoup plus que d'être autonome ! Il colle aux autres sur la plage, dans les concerts de musique, les apéritifs festifs, etc. 

    Ce que vous décrivez ressemble à l'ère prémoderne, médiévale, les technologies en plus.

    Il n'y a rien de nouveau sous le soleil, mais, à un certain moment, tel phénomène prend plus ou moins d'importance. Je pense que l'histoire de l'humanité obéit à une logique cyclique. C'est mon côté nietzschéen. Mais je suis aussi du peuple - notre entretien est parti de là. Si je dois quelque chose à mes origines populaires, c'est bien l'idée de la relativité du progrès.  

    "La réalité mesurable, quantifiable et statistiquement délimitée : voilà quel est l'alpha et l'oméga de l'idéologie positiviste qui a contaminé l'université", écrivez-vous dans votre dernier ouvrage. Tout de même : la réalité chiffrée reste encore un bon moyen de ne pas dire n'importe quoi !

    Je n'en suis pas du tout sûr. Le chiffre est la religion moderne. Il nous sécurise. Ce n'est pas dire n'importe quoi que de mettre l'accent sur le qualitatif, pour voir ce qui meut en profondeur une manière d'être soi et avec l'autre, tout en veillant à ne pas laisser trop de place au subjectif. Les entretiens non directifs que nous pratiquons dans mon Centre, et qui m'avaient valu des critiques dans les années 1980, sont désormais fréquemment utilisés en sociologie ! 

    On vous accuse d'être un sociologue de droite, bien servi par le pouvoir précédent.

    Ça m'est complètement égal. Je pense, c'est vrai, que l'époque se prête plus au modèle de la débrouille incarné par Sarkozy, mais je ne partage pas les valeurs de la droite, pas plus que je ne suis de gauche. Il n'y a de pensée comme d'amour que lorsqu'il y a risque. J'ai toujours accepté la prise de risques. Et vous avez compris que je l'assumais. 

    Michel Maffesoli, propos recueillis par Claire Chartier (L'Express, 20 août 2012)

    Lien permanent Catégories : Entretiens 0 commentaire Pin it!
  • Richard Millet répond à ses détracteurs...

    "En dix-huit pages, Richard Millet déroule avec rage la litanie des haines qu'il a déjà déversées dans d'autres écrits, notamment Opprobre, paru chez Gallimard en 2008. Inscrit dans une pensée d'extrême droite qui n'hésite pas à esthétiser la violence, Millet n'en est pas à ses débuts, en matière d'anathème." Raphaëlle Rérolle (Le Monde, 28 août 2012)

    "Au seuil de ce livre abject où Millet sonne l'Angélus, une phrase de Drieu la Rochelle suggère que nous allons assister à un suicide littéraire." Jérôme Garcin (Le Nouvel Observateur, 17 août 2012)

    "Il a des pensées qui sont nauséabondes." Tahar Ben Jelloun (France Inter, 28 août 2012)

    Sévèrement attaqué dans les médias bien-pensants par les chiens de garde du système à l'occasion de la sortie de ses deux essais intitulés De l'antiracisme comme terreur littéraire et Langue fantôme, suivi de Eloge littéraire d'Anders Breivik, qui sont tous les deux publiés aux éditions Pierre-Guillaume de Roux, Richard Millet fait face à ses détracteurs dans cet entretien réalisé sur I Télé le 29 août 2012 et cueilli sur le site de F.Desouche.

    Lien permanent Catégories : Entretiens, Multimédia 2 commentaires Pin it!
  • A propos de Nietzsche...

    Nous reproduisons ci-dessous le point de vue de Guillaume Faye, qui répond aux questions d'Olivier Meyer, sur Nietzsche, cueilli sur  Nietzsche Académie. Figure de la Nouvelle Droite dans les années 70-80, mouvance dont il s'est, par la suite éloigné, Guillaume Faye a récemment publié un essai intitulé Sexe et dévoiement (Editions du Lore, 2011).

    Nietzsche 2.jpg

     

    Nietzsche vu par Guillaume Faye

    - Quelle importance a Nietzsche pour vous ?

    - La lecture de Nietzsche a constitué la base de lancement de toutes les valeurs et idées que j’ai développées par la suite. Quand j’étais élève des Jésuites, à Paris, en classe de philosophie (1967), il se produisit quelque chose d’incroyable. Dans ce haut lieu du catholicisme, le prof de philo avait décidé de ne faire, durant toute l’année, son cours, que sur Nietzsche ! Exeunt Descartes, Kant, Hegel, Marx et les autres. Les bons pères n’osèrent rien dire, en dépit de ce bouleversement du programme. Ça m’a marqué, croyez-moi. Nietzsche, ou l’herméneutique du soupçon... C’est ainsi que, très jeune, j’ai pris mes distances avec la vision chrétienne, ou plutôt christianomorphe du monde. Et bien entendu, par la même occasion, avec l’égalitarisme et l’humanisme. Toutes les analyses que j’ai développées par la suite ont été inspirées par les intuitions de Nietzsche. Mais c’était aussi dans ma nature. Plus tard, beaucoup plus tard, récemment même, j’ai compris, qu’il fallait compléter les principes de Nietzsche par ceux d’Aristote, ce bon vieux Grec au regard apollinien, élève d’un Platon qu’il respecta mais renia. Il existe pour moi un phylum philosophique évident entre Aristote et Nietzsche : le refus de la métaphysique et de l’idéalisme ainsi que, point capital, la contestation de l’idée de divinité. Le « Dieu est mort » de Nietzsche n’est que le contrepoint de la position aristotélicienne du dieu immobile et inconscient, qui s’apparente à un principe mathématique régissant l’univers. Aristote et Nietzsche, à de très longs siècles de distance, ont été les seuls à affirmer l’absence d’un divin conscient de lui-même sans rejeter pour autant le sacré, mais ce dernier s’apparentant alors à une exaltation purement humaine reposant sur le politique ou l’art. Néanmoins, les théologiens chrétiens n’ont jamais été gênés par Aristote mais beaucoup plus par Nietzsche. Pourquoi ? Parce qu’Aristote était pré-chrétien et ne pouvait connaître la Révélation. Tandis que Nietzsche, en s’attaquant au christianisme, savait parfaitement ce qu’il faisait. Néanmoins, l’argument du christianisme contre cet athéisme de fait est imparable et mériterait un bon débat philosophique : la foi relève d’un autre domaine que les réflexions des philosophes et demeure un mystère. Je me souviens, quand j’étais chez les Jésuites, de débats passionnants entre mon prof de philo athée, nietzschéen, et les bons Père (ses employeurs) narquois et tolérants, sûrs d’eux-mêmes.     

    - Quel livre de Nietzsche recommanderiez-vous ?

    - Le premier que j’ai lu fut Le Gai Savoir. Ce fut un choc. Et puis, tous après, évidemment, notamment Par-delà le bien et le mal où Nietzsche bouleverse les règles morales manichéennes issues du socratisme et du christianisme. L’Antéchrist, quant à lui, il faut le savoir, a inspiré tout le discours anti-chrétien du néo-paganisme de droite, dont j’ai évidemment largement participé. Mais on doit noter que Nietzsche, d’éducation luthérienne, s’est révolté contre la morale chrétienne à l’état pur que représente le protestantisme allemand, mais il n’a jamais vraiment creusé la question de la religiosité et de la foi catholique et orthodoxe traditionnelles qui sont assez déconnectées de la morale chrétienne laïcisée. Curieusement le Ainsi parlait Zarathoustra ne m’a jamais enthousiasmé. Pour moi, c’est une œuvre assez confuse où Nietzsche se prend pour un prophète et un poète qu’il n’est pas. Un peu comme Voltaire qui se croyait malin en imitant les tragédies de Corneille. Voltaire, un auteur qui, par ailleurs, a pondu des idées tout à fait contraires à cette « philosophie des Lumières » que Nietzsche (trop seul) a pulvérisée.  

    - Etre nietzschéen, qu'est-ce que cela veut dire ? 

    - Nietzsche n’aurait pas aimé ce genre de question, lui qui ne voulait pas de disciples, encore que… (le personnage, très complexe, n’était pas exempt de vanité et de frustrations, tout comme vous et moi). Demandons plutôt : que signifie suivre les principes nietzschéens ? Cela signifie rompre avec les principes socratiques, stoïciens et chrétiens, puis modernes d’égalitarisme humain, d’anthropocentrisme, de compassion universelle, d’harmonie utopique universaliste. Cela signifie accepter le renversement possible de toutes les valeurs (Umwertung) en défaveur de l’éthique humaniste. Toute la philosophie de Nietzsche est fondée sur la logique du vivant : sélection des plus forts, reconnaissance de la puissance vitale (conservation de la lignée à tout prix) comme valeur suprême, abolition des normes dogmatiques, recherche de la grandeur historique, pensée de la politique comme esthétique, inégalitarisme radical, etc. C’est pourquoi tous les penseurs et philosophes auto-proclamés, grassement entretenus par le système, qui se proclament plus ou moins nietzschéens, sont des imposteurs. Ce qu’a bien compris l’écrivain Pierre Chassard, qui, en bon connaisseur, a dénoncé les « récupérateurs de Nietzsche ». En effet, c’est très à la mode de se dire« nietzschéen ». Très curieux de la part de publicistes dont l’idéologie, politiquement correcte et bien pensante, est parfaitement contraire à la philosophie de Friedrich Nietzsche. En réalité, les pseudo-nietzschéens ont commis une grave confusion philosophique : ils ont retenu que Nietzsche était un contestataire de l’ordre établi mais ils ont fait semblant de ne pas comprendre qu’il s’agissait de leur propre ordre : l’égalitarisme issu d’une interprétation laïcisée du christianisme. Christianomorphe de l’intérieur et de l’extérieur. Mais ils ont cru (ou fait semblant de croire) que Nietzsche était une sorte d’anarchiste, alors qu’il prônait un nouvel ordre implacable, Nietzsche n’était pas, comme ses récupérateurs, un rebelle en pantoufles, un révolté factice, mais un visionnaire révolutionnaire. 

    - Le nietzschéisme est-il de droite ou de gauche ?

    - Les imbéciles et les penseurs d’occasion (surtout à droite) ont toujours prétendu que les notions de droite et de gauche n’avaient aucun sens. Quelle sinistre erreur. Même si les positions pratiques de la droite et de la gauche peuvent varier, les valeurs de droite et de gauche existent bel et bien. Le nietzschéisme est à droite évidemment. Nietzsche vomissait la mentalité socialiste, la morale du troupeau. Mais ce qui ne veut pas dire que les gens d’extrême-droite soient nietzschéens, loin s’en faut. Par exemple, ils sont globalement anti-juifs, une position que Nietzsche a fustigée et jugée stupide dans nombre de ses textes et dans sa correspondance, où il se démarquait d’admirateurs antisémites qui ne l’avaient absolument pas compris. Le nietzschéisme est de droite, évidemment, et la gauche, toujours en position de prostitution intellectuelle, a tenté de neutraliser Nietzsche parce qu’elle ne pouvait pas le censurer. Pour faire bref, je dirais qu’une interprétation honnête de Nietzsche se situe du côté de la droite révolutionnaire en Europe, en prenant ce concept de droite faute de mieux (comme tout mot, il décrit imparfaitement la chose). Nietzsche, tout comme Aristote (et d’ailleurs aussi comme Platon, Kant, Hegel et bien entendu Marx – mais pas du tout Spinoza) intégrait profondément le politique dans sa pensée. Il était par exemple, par une fantastique prémonition, pour une union des nations européennes, tout comme Kant, mais dans une perspective très différente. Kant, pacifiste et universaliste, incorrigible moralisateur utopiste, voulait l’union européenne telle qu’elle existe aujourd’hui : un grand corps mou sans tête souveraine avec les droits de l’Homme pour principe supérieur. Nietzsche au contraire parlait de Grande Politique, de grand dessein pour une Europe unie. Pour l’instant, c’est la vision kantienne qui s’impose, pour notre malheur. D’autre part, le moins qu’on puisse dire, c’est que Nietzsche n’était pas un pangermaniste, un nationaliste allemand, mais plutôt un nationaliste – et patriote – européen. Ce qui était remarquable pour un homme qui vivait à une époque, la deuxième partie du XIXe siècle (« Ce stupide XIXe siècle » disait Léon Daudet) où s’exacerbaient comme un poison fatal les petits nationalismes minables intra-européens fratricides qui allaient déboucher sur cette abominable tragédie que fut 14-18 où de jeunes Européens, de 18 à 25 ans, se massacrèrent entre eux, sans savoir exactement pourquoi. Nietzsche, l’Européen, voulait tout, sauf un tel scénario. C’est pourquoi ceux qui instrumentalisèrent Nietzsche (dans les années 30) comme un idéologue du germanisme sont autant dans l’erreur que ceux qui, aujourd’hui, le présentent comme un gauchiste avant l’heure. Nietzsche était un patriote européen et il mettait le génie propre de l’âme allemande au service de cette puissance européenne dont il sentait déjà, en visionnaire, le déclin.    

    - Quels auteurs sont à vos yeux nietzschéens ? 

    - Pas nécessairement ceux qui se réclament de Nietzsche. En réalité, il n’existe pas d’auteurs proprement “nietzschéens”. Simplement, Nietzsche et d’autres s’inscrivent dans un courant très mouvant et complexe que l’on pourrait qualifier de “rébellion contre les principes admis”.Sur ce point, j’en reste à la thèse du penseur italien Giorgio Locchi, qui fut un de mes maîtres : Nietzsche a inauguré le surhumanisme, c’est-à-dire le dépassement de l’humanisme. Je m’en tiendrai là, car je ne vais pas répéter ici ce que j’ai développé dans certains de mes livres, notamment dans Pourquoi nous combattons et dans Sexe et Dévoiement. On pourrait dire qu’il y a du ”nietzschéisme” chez un grand nombre d’auteurs ou de cinéastes, mais ce genre de propos est très superficiel. En revanche, je crois qu’il existe un lien très fort entre la philosophie de Nietzsche et celle d’Aristote, en dépit des siècles qui les séparent. Dire qu’Aristote était nietzschéen serait évidemment un gag uchronique. Mais dire que la philosophie de Nietzsche poursuit celle d’Aristote, le mauvais élève de Platon, c’est l’hypothèse que je risque. C’est la raison pour laquelle je suis à la fois aristotélicien et nietzschéen : parce que ces deux philosophes défendent l’idée fondamentale que la divinité supranaturelle doit être examinée dans sa substance. Nietzsche jette sur la divinité un regard critique de type aristotélicien. La plupart des auteurs qui se disent admirateurs de Nietzsche sont des imposteurs. Paradoxal : je fais un lien entre le darwinisme et le nietzschéisme. Ceux qui interprètent Nietzsche réellement sont accusés par les manipulateurs idéologiques de n’être pas de vrais « philosophes ». Ceux-là même qui veulent faire dire à Nietzsche, très gênant, l’inverse de ce qu’il a dit. Il faut dénoncer cette appropriation de la philosophie par une caste de mandarins, qui procèdent à une distorsion des textes des philosophes, voire à une censure. Aristote en a aussi été victime. On ne pourrait lire Nietzsche et d’autres philosophes qu’à travers une grille savante, inaccessible au commun. Mais non. Nietzsche est fort lisible, par tout homme cultivé et censé. Mais notre époque ne peut le lire qu’à travers la grille d’une censure par omission.

     

    - Pourriez-vous donner une définition du Surhomme ? 

    - Nietzsche a volontairement donné une définition floue du Surhomme. C’est un concept ouvert, mais néanmoins explicite. Évidemment, les intellectuels pseudo-nietzschéens se sont empressés d’affadir et de déminer ce concept, en faisant du Surhomme une sorte d’intellectuel nuageux et détaché, supérieur, méditatif, quasi-bouddhique, à l’image infatuée qu’ils veulent donner d’eux-mêmes. Bref l’inverse même de ce qu’entendait Nietzsche. Je suis partisan de ne pas interpréter les auteurs mais de les lire et, si possible, par respect, au premier degré. Nietzsche reliait évidemment le Surhomme à la notion de Volonté de Puissance (qui, elle aussi, a été manipulée et déformée). Le Surhomme est lemodèle de celui qui accomplit la Volonté de Puissance, c’est-à-dire qui s’élève au dessus de la morale du troupeau (et Nietzsche visait le socialisme, doctrine grégaire) pour, avec désintéressement, imposer un nouvel ordre, avec une double dimension guerrière et souveraine, dans une visée dominatrice, douée d’un projet de puissance. L’interprétation du Surhomme comme un ”sage” suprême, un non-violent éthéré, un pré-Gandhi en sorte, est une déconstruction de la pensée de Nietzsche, de manière à la neutraliser et à l’affadir. L’intelligentsia parisienne, dont l’esprit faux est la marque de fabrique, a ce génie pervers et sophistique, soit de déformer la pensée de grands auteurs incontournables mais gênants (y compris Aristote ou Voltaire) mais aussi de s’en réclamer indument en tronquant leur pensée. Il y a deux définitions possibles du Surhomme : le surhomme mental et moral (par évolution et éducation, dépassant ses ancêtres) et le surhomme biologique. C’est très difficile de trancher puisque Nietzsche lui-même n’a utilisé cette expression que comme sorte de mythème, de flash littéraire, sans jamais la conceptualiser vraiment. Une sorte d’expression prémonitoire, qui était inspirée de l’évolutionnisme darwinien. Mais, votre question est très intéressante. L’essentiel n’est pas d’avoir une réponse “ à propos de Nietzsche ”, mais de savoir quelle voie Nietzsche, voici plus de cent ans, voulait ouvrir. Nietzsche ne pensait pas, puisqu’il était anti-humaniste et a-chrétien, que l’homme était un être fixe, mais qu’il était soumis à l’évolution, voire à l’auto-évolution (c’est le sens de la métaphore du « pont entre la Bête et le Surhomme »). En ce qui me concerne, (mais là, je m’écarte de Nietzsche et mon opinion ne possède pas une valeur immense ) j’ai interprété le surhumanisme comme une remise en question, pour des raisons en partie biologiques, de la notion même d’espèce humaine. Bref. Cette notion de Surhomme est certainement, beaucoup plus que celle de volonté de puissance, un de ces pièges mystérieux que nous a tendu Nietzsche, une des questions qu’il a posée à l’humanité future Oui, qu’est-ce que le Surhomme ? Rien que ce mot nous fait rêver et délirer. Le Surhomme n’a pas de définition puisqu’il n’est pas encore défini. Le Surhomme, c’est l’homme lui-même. Nietzsche a peut-être eu l’intuition que l’espèce humaine, du moins certaines de ses composantes supérieures (pas nécessairement l’”humanité”), pourraient accélérer et orienter l’évolution biologique. Une chose est sûre, qui écrase les pensées monothéistes fixistes en anthropocentrée : l’Homme n’est pas une essence qui échappe à l’évolution. Et puis, au concept d’Ubermensch, n’oublions jamais d’adjoindre celui de Herrenvolk... prémonitoire. D’autre part, il ne faut pas oublier les réflexions de Nietzsche sur la question des races et des inégalités anthropologiques. La captation de l’œuvre de Nietzsche par les pseudo-savants et les pseudo-collèges de philosophie (comparable à celle de la captation de l’œuvre d’Aristote) s’explique par le fait très simple suivant : Nietzsche est un trop gros poisson pour être évacué, mais beaucoup trop subversif pour ne pas être déformé et censuré.   

    - Votre citation favorite de Nietzsche ?

    - « Il faut maintenant que cesse toute forme de plaisanterie ». Cela signifie, de manière prémonitoire, que les valeurs sur lesquelles sont fondées la civilisation occidentale, ne sont plus acceptables. Et que la survie repose sur un renversement ou rétablissement des valeurs vitales. Et que tout cela suppose la fin du festivisme (concept inventé par Phillipe Muray et développé par Robert Steuckers) et le retour aux choses sérieuses.  

    Guillaume Faye (Nietzsche Académie, 3 juin 2012)

     

     

     

    Lien permanent Catégories : Entretiens 0 commentaire Pin it!
  • Demain, l'effondrement des villes ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien avec Piero San Giorgio, auteur de Survivre à l'effondrement économique (Le retour aux sources, 2011), cueilli sur le site de Swisesecurity et consacré à la sortie de Rue barbare - survivre en ville, son prochain livre, écrit en coopération avec un autre spécialiste francophone du survivalisme.

     

    Piero san Giorgio.jpg

    Le premier livre de Piero San Giorgio, Survivre à l’effondrement économique, connaît un succès retentissant. L’auteur, ancien responsable des marchés émergents dans l’industrie high-tech, qui se consacre désormais pleinement au « survivalisme », est persuadé que les problèmes auxquels le monde va devoir faire face dans les dix prochaines années vont entrainer « un effondrement économique massif et global qui ne laissera personne, riche ou pauvre, indemne ».

    Avant la parution de son deuxième livre, « Rue Barbare –  survivre en ville », dont nous présentons un extrait à la fin de l’entretien, nous voulions rencontrer une nouvelle fois Piero San Giorgio. Entretien dans un bistrot genevois.

    AJD : Piero, votre premier livre connaît un succès retentissant, comment vivez-vous cela ?

    Piero San Giorgio : Je suis à la fois surpris, mais finalement pas étonné, car ce succès démontre que je suis en phase avec mon temps, et peut-être même un peu en avance. Sans prétention, je crois pouvoir dire que j’anticipe sur l’état du monde à venir, et si cela peut rendre service, ne serais-ce qu’à une seule personne, je m’en félicite. A titre personnel, je n’ai pas pour autant pris la « grosse tête », comme on dit. Je reste serein, d’une part parce que c’est ma nature profonde, et d’autre par car j’ai devant moi beaucoup de travail à réaliser. Ce premier livre est une introduction et j’ai des nombreux projets pour le futur.

    Vous allez publier une deuxième livre pour le mois de novembre, pour lequel vous nous faites la faveur de nous remettre un extrait, que nous publions en fin d’article. Est-ce la suite du premier ?

    C’est bien plus que ça. Ce livre est écrit à deux mains, en collaboration avec Volwest. Je pense que le titre, « Rue barbare, survivre en ville », est suffisamment évocateur. Nous nous nous sommes rendu compte que, lorsque la situation économique et sociale ne sera plus tenable et engendrera des troubles importants, ce qui ne va pas manquer d’arriver, tout le monde ne pourra pas se réfugier dans des BAD (Base Autonome Durable) à la campagne ou dans les montagnes, ce qui était le sujet de mon premier ouvrage. Nous avons donc rédigé un livre pratique, qui peut permettre à chacun de trouver les moyens de survivre à l’intérieur des villes.

    Certains vous reprochent de surfer sur un climat de peur ambiante, en raison de la crise économique, du chômage, de l’insécurité grandissante… Que leur répondez-vous ?

    Malheureusement, ceux qui me font ces reproches ne viennent jamais débattre avec moi. Je ne suis pas un auteur de science-fiction. Mon premier livre, comme mes conférences, sont sourcées et documentées. Je ne me base que sur des faits établis, des données réelles et vérifiables et, partant de cela, j’anticipe sur un avenir qui ne peut apparaitre qu’inéluctable pour tous ceux qui sont doués d’un minimum de raison et de bon sens.

    Vous pensez-donc que la société telle que nous la connaissons va disparaître au profit d’un chaos généralisé ?

    C’est plus compliqué que cela et je renvoie vos lecteurs à mon premier ouvrage pour en avoir le détail. Mais, pour résumer, c’est une évidence que les flux énergétiques manquent aujourd’hui pour maintenir une société de consommation telle que nous l’avons connue ces quarante dernières années. Il est certain que la restructuration économique mondiale en cours va provoquer des troubles majeurs. On peut feindre de l’ignorer ou se préparer. C’est un choix personnel, mais qui aura ses conséquences.

    Vous démontrez être très disponibles pour vos lecteurs, ce qui est rare pour un auteur. Envisagez-vous, au-delà de l’écriture, une activité de conseil ?

    Je ne tiens pas trop à faire du survivalisme un business. Je vais d’ailleurs lever le pied sur les conférences. Je pense en avoir donné suffisamment, et certaines on parfois été organisées par des groupes dont je ne partage pas forcement les opinions politiques, ce qui m’a valu des étiquettes qui, je crois, ne me correspondent pas. Mais ce n’est pas grave, je vais volontiers là où on m’invite pour convaincre le plus grand nombre de familles à se préparer. Je suis disposé à aider tous ceux qui vont dans le sens de la philosophie de vie que j’essaie de mettre en place: autonomie, liberté, indépendance, retour à la terre. Je suis très sollicité, même dans le domaine qui est le votre, celui de la sécurité électronique. Un système d’alarme anti-intrusion adapté ou de la vidéo-protection ainsi que d’autres nouvelles technologies peuvent être des « multiplicateur de forces » et permettre d’assurer une meilleure protection, à condition qu’ils n’empêchent pas de conserver une autonomie énergétique. J’aime cette activité de conseil, mais toutefois ma priorité est de conserver un maximum de temps afin d’être proche de ma famille et des êtres qui me sont chers.

    Entretien réalisé par Adrien Jacot-Descombes, pour Swisecurity.ch

    Télécharger l’extrait du nouveau livre de Piero San Giorgio

    Lien permanent Catégories : Entretiens 0 commentaire Pin it!