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Entretiens - Page 222

  • Jean-Yves Le Gallou à propos de "La tyrannie médiatique"...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous la présentation par Jean-Yves Le Gallou de son nouveau livre, La tyrannie médiatique, qui paraît cette semaine aux éditions Via Romana.

    La tyrannie médiatique de Jean-Yves Le Gallou peut être commandé dès maintenant aux éditions VIA ROMANA, 5 rue du Maréchal-Joffre – 78000 Versailles – 06 87 53 96 45, ou à Polémia 60 ter rue Jean-Jacques-Rousseau – 92500 Rueil-Malmaison, 01 47 49 74 16, au prix de 23 euros, franco de port.

     


    Jean-Yves Le Gallou : "La Tyrannie Médiatique" par MrPierreLegrand

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  • La criminalité a explosé !...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien avec Laurent Obertone, cueilli sur le site de Causeur et consacré à son livre La France Orange mécanique (Ring, 2013).

     

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    La criminaité a explosé

    Entretien avec Laurent Obertone


    Votre essai s’appuie sur des chiffres différents de ceux du ministère de l’Intérieur. En quoi sont-ils plus fiables que les statistiques officielles ?

    En France, toutes les 24 heures, on compte 13 000 vols, 2 000 agressions et 200 viols. Ces chiffres sont ceux de l’Office national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP), institut public qui réalise depuis plusieurs années des enquêtes de victimisation auprès de 17 000 personnes. Ces enquêtes jugées fiables par les criminologues (et désormais par Manuel Valls) recensent 12 millions de crimes et délits, soit trois fois plus que les chiffres avancés par le ministère de l’Intérieur, basés uniquement sur les plaintes, et sujets à quantité de manipulations. L’enquête de l’ONDRP y échappe, et échappe donc aux indécentes petites querelles politiciennes autour d’oscillations infimes d’un taux de criminalité qui a explosé depuis les années 60, et qu’aucune politique n’a su ou voulu contenir.

    Vous semblez nourrir une très mauvaise opinion des médias français. Sont-ils vraiment tous aveugles et angéliques face à l’insécurité ?

    L’immense majorité des journalistes (94% selon une enquête de Marianne) et des étudiants en journalisme (jusqu’à 100% d’entre eux dans certaines écoles) se revendiquent de la gauche et de l’extrême gauche. Ils ont un logiciel idéologique dans la tête, qui n’est pas compatible avec le devoir d’informer. Par réflexe, ils nient la réalité, l’édulcorent, la minimisent, éventuellement méprisent, culpabilisent ou insultent ceux qui osent la montrer du doigt. Entre grands médias, c’est une compétition à celui qui ira le plus loin dans l’excuse et la compréhension du criminel. Les gens le savent, donc ils ne lisent plus cette presse-là, qui est maintenue en vie par des subventions publiques plus ou moins déguisées, pour donner l’illusion qu’une information indépendante existe encore et que notre démocratie se porte bien. Tout ça est un théâtre et même, hélas, une tragédie.

    Mais la presse parle de votre livre…

    Une certaine presse. Valeurs actuelles, Atlantico, Éric Brunet, Éric Zemmour… La plupart des grands médias se taisent, et nous font parfois savoir, comme La Croix ou Le Parisien, qu’ils le font pour des raisons idéologiques. Or des milliers de victimes témoignent que l’insécurité n’est pas une idéologie.

    En pointant le multiculturalisme comme source de la délinquance, ne redoutez-vous pas de radicaliser certaines personnes, soit vers l’extrême droite soit vers un fanatisme de type salafiste ?

    L’hétérogénéité d’une nation est non seulement un facteur de criminalité, mais aussi un facteur d’incivisme, de précarité, d’effondrement du “capital social”, comme l’a démontré le célèbre sociologue – de gauche – Robert Putnam, duquel je parle longuement dans La France orange mécaniqueC’est un constat : les pays hétérogènes sont plus violents que les pays homogènes. Il n’est pas question de réécrire cette réalité sous prétexte qu’elle pousserait des gens à se radicaliser. Aujourd’hui, dans notre pays, des milliers de criminels radicaux agressent, violent et tuent d’honnêtes gens sans que ça n’intéresse personne. Ceux qui fuient cette réalité en brandissant le fantasme de l’extrême droite se font les complices de ces criminels. Mais ils n’ont plus le choix : leur idéologie est boiteuse, et ce fantasme de l’extrême droite est leur seule béquille.

    Quid de la dérive islamiste ?

    Je note que cette radicalisation est consubstantielle aux populations musulmanes installées en Europe. Elle est un accélérateur identitaire de la tribalisation de certaines communautés.

    À vous lire, certains délinquants sont parfaitement de bonne foi lorsqu’ils pensent ne transgresser aucun interdit en commettant des délits ou des viols…

    En effet. Leur morale est celle de leur groupe, hiérarchisé selon des règles qui ne sont pas les nôtres. C’est une loi anthropologique : tuer un membre de son groupe est interdit, tuer un étranger est admis, parfois encouragé. En témoigne le soutien sans faille des “proches” de “jeunes” interpellés par la police, quoi qu’ils aient fait.

    Vous expliquez que, contrairement à une idée bien ancrée, la délinquance et la criminalité ne sont pas liées à des facteurs économiques. Mais peut-on sérieusement comparer des départements ruraux, certes classés parmi les plus pauvres et des zones hyper urbanisées comme le 93?

    Je constate que les villes aux populations homogènes, qui comportent leur lot d’habitants pauvres, sont très peu criminelles. Le Paris du début  du XXe siècle ou même du XIXe était particulièrement pauvre et surpeuplé. Pourtant, il était beaucoup moins violent qu’il ne l’est depuis les années 60. La ville ne fait pas le criminel, disons qu’elle lui sert de refuge. Ce qui fait le criminel, c’est la sous-adaptation culturelle, la tribalisation du pays, le laxisme judiciaire, la morale de l’excuse.

    D’où vient la quasi-impunité que vous dénoncez ? De la police ou de la justice?

    Entre la paperasse, la politique du chiffre, la barbarie de la rue, les consignes pour ne pas “provoquer”, le mépris médiatique, la colère populaire, les policiers, désabusés, font ce qu’ils peuvent, avec courage et efficacité. En revanche, la justice ne suit plus depuis longtemps. 53 000 places de prison, 67 000 détenus. 82 000 peines non exécutées chaque année, faute de place. Construire des prisons ? “Ça coûte cher”, nous explique-t-on sans trembler du côté du syndicat de la magistrature. Pas un seul gouvernement n’a eu le courage de mettre au pas son administration pour construire des prisons. Pourquoi ? Parce que construire des prisons serait reconnaître l’explosion de la criminalité depuis l’ordonnance de 1945 et la généralisation du laxisme judiciaire. Idéologiquement, les progressistes ne peuvent pas admettre l’échec de leurs utopies. Ils préfèrent couler à la barre du navire. Ce qu’ils décident n’a rien à voir avec la réalité empirique, ce sont des “avancées” morales sur lesquelles personne ne doit jamais revenir. C’est un comportement suicidaire.

    Ce n’est donc pas de la responsabilité de Christiane Taubira, l’actuelle Garde des Sceaux ?

    Taubira est autant responsable de la situation que ses prédécesseurs, elle a l’immense mérite de passer pour ce qu’elle est.

    Plus que le niveau de sécurité, n’est-ce pas notre seuil de tolérance face à la criminalité et à la délinquance qui a fléchi au cours des dernières décennies ?

    Si les médias tentaient d’amplifier ce phénomène, ils commenceraient sans doute par ne plus parler de “sentiment”, de “jeunes”, ou “d’incivilités”. Dans La France orange mécanique, je montre que la criminalité française était insignifiante des années 1830 aux années 1950. Dans tous les pays d’Europe, la criminalité a explosé à partir des années 1950, avec la mondialisation, l’immigration et la fin de la justice strictement punitive. Ce n’est pas une fatalité : les pays qui ont abandonné le laxisme judiciaire, comme les États-Unis, ont obtenu d’excellents résultats en matière de lutte contre la criminalité. Aujourd’hui, la criminalité des États-Unis est proportionnellement inférieure à celle de la France.

    Votre constat est effrayant, mais quelles solutions préconisez-vous ?

    Aucune, ce n’est pas mon rôle. Je suis un témoin, je pose un constat. Constat de faillite judiciaire, de faillite du multiculturalisme, de faillite de la morale progressiste. Avant de s’attaquer à la réalité, il faut cesser de l’ignorer. C’est tout le thème de mon livre;

    Laurent Obertone, propos recueillis par Sophie Flamand (Causeur, 8 février 2013)

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  • Enracinement et universalisme...

    « Le déracinement intégral (…) constitue bien, pour tout libéral conséquent, l’unique condition préalable de toute société réellement libre et universelle. »

    Vous pouvez lire ci-dessous un extrait d'un entretien avec Jean-Claude Michéa, publié dans le journal espagnol El Confidential, et reproduit sur Ragemag. Auteur de plusieurs essais essentiels, Jean-Claude Michéa a récemment publié Le complexe d'Orphée - La gauche, les gens ordinaires et la religion du progrès (Climats, 2011).

     

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    1/ Pourquoi les élites font-elles l’éloge d’un mode de vie nomade et itinérant ?

    La mobilité perpétuelle du capital et du travail est au cœur même de la logique capitaliste. Elle est le seul moyen – soulignait déjà Adam Smith – de permettre à l’offre et à la demande de s’ajuster de façon optimale. De là, la nécessité libérale d’un monde sans frontières dont l’invitation permanente à la mobilité – géographique ou professionnelle – constitue aujourd’hui la valeur centrale. Dans la mesure où la gauche occidentale contemporaine considère désormais ce cadre du capitalisme mondialisé comme historiquement indépassable – au nom de l’idée, médiatiquement imposée par Bernard-Henri Levy et les « nouveaux philosophes », selon laquelle toute volonté de rompre avec le capitalisme ne pourrait conduire qu’au goulag – il est donc logique que la célébration du caractère émancipateur de la mobilité généralisée soit devenue un rouage essentiel de son nouveau programme. Le problème c’est que ce mode de vie « nomade » (qui est d’abord, on l’oublie trop souvent, celui des élites globales et du monde médiatique) ne saurait être universalisé sans contradiction.

    Contrairement à l’illusion que s’efforcent de répandre les classes dirigeantes, il faut rappeler, en effet, que le fameux « tourisme de masse » ne met en jeu que 4% de la population mondiale et que l’immigration, au sens strict, n’en concerne que 2% (même en comptabilisant les nombreux « expatriés » des pays riches). Si ce nouveau mode de vie sans frontière devait devenir la norme – comme le capitalisme global l’exige à présent – on se heurterait donc rapidement à des problèmes écologiques et énergétiques insurmontables (sans même prendre en considération le fait qu’il rendrait impossible tout investissement affectif durable et tout lien social solide). L’ONU elle-même reconnaissait, dans un rapport récent, que d’ici 2050 il sera absolument indispensable de réduire de façon drastique « les transports automobile et aérien et le commerce international à longue distance ». Avec cet éloge du mode de vie migratoire et de la mobilité généralisée on retrouve donc, sous une autre forme, l’éternel problème que posera toujours le projet libéral d’une croissance infinie dans un monde fini.

     

    2/ Comment articuler enracinement et universalisme ?

    La question de l’enracinement est particulièrement complexe, ne serait-ce que parce qu’elle autorise bien des dérives. Il faut donc d’abord rappeler – conformément aux enseignements de base de l’anthropologie et de la psychanalyse – que l’aptitude à donner, recevoir et rendre (c’est-à-dire l’aptitude à dépasser son idéal de toute-puissance infantile et à s’inscrire sous les chaînes humanisantes de la réciprocité) ne s’acquiert habituellement que dans ces relations en face à face qui définissent la socialité primaire (la famille, le village, le quartier, le lieu de travail etc.). Il est, en effet, extrêmement difficile d’accéder au sens des autres – ou d’intégrer une quelconque « loi symbolique » (Lacan) – quand on n’a jamais connu la moindre relation un peu stable ou, a fortiori, quand son seul partenaire est un écran d’ordinateur. Bien entendu, cela ne signifie pas que les dispositions à la solidarité qui auront pu prendre naissance dans ce cadre local s’appliqueront ensuite automatiquement aux autres groupes humains (nous savons bien, malheureusement, qu’une communauté n’est jamais si unie que lorsqu’elle a su s’inventer des boucs émissaires). Le processus d’universalisation critique qui permettra éventuellement d’élargir à d’autres communautés les relations de confiance et de réciprocité forgées au sein de ces « groupes primaires » (Charles Cooley, 1864-1929) ne saurait être « naturel » (même si on ne doit pas négliger le fait que toutes les sociétés connaissent, par ailleurs, les principes de l’alliance et de l’hospitalité). Il exigera toujours un travail de remise en question éthique et politique, fondé sur la prise de conscience – comme l’écrivait Levi-Strauss – que l’humanité ne s’arrête pas aux frontières de la tribu. Et aucun « sens de l’histoire » ne rend un tel travail « inéluctable » ni même « irréversible »

    De ce point de vue, la critique des limites d’une vie purement locale – de son étroitesse culturelle et des risques de « repli identitaire » qu’elle inclut par définition – est forcément au cœur de toute démarche universaliste qui – à l’image de celle qui sous-tend le projet socialiste – entend bien élargir à des groupes humains toujours plus vastes, voire à l’humanité toute entière, le bénéfice de ces habitudes premières de loyauté, de générosité et de reconnaissance. Toute la question est alors de déterminer quelle conception des rapports dialectiques entre l’universel et le particulier est la plus à même de favoriser l’avènement d’une société véritablement « ouverte » et qui ne renoncerait pas pour autant à encourager cet esprit du don et ces pratiques de solidarité qui ne peuvent surgir qu’à partir d’un enracinement culturel particulier. Or pour les libéraux (et particulièrement pour les libéraux de gauche) la réponse ne saurait faire aucun doute. Leur philosophie utilitariste les amène toujours, en effet, à saisir les impératifs traditionnels du don et de la réciprocité sous leur seul aspect « étouffant » et « culpabilisant» (un psychanalyste verrait sans doute dans cette forme d’affectivité un effet classique des ravages exercés dans l’enfance par une mère possessive et castratrice ou par un père absent).

    D’un point de vue libéral, l’idée même de dette symbolique – ce que nous devons, par exemple, à nos parents, nos voisins ou nos amis – ne peut être comprise que dans sa dimension contraignante (il suffit de relire Adolphe de Benjamin Constant) et jamais dans ce qu’elle peut aussi avoir d’humainement enrichissant et donc d’émancipateur. C’est pourquoi, aux yeux des libéraux, l’individu ne saurait connaître de liberté effective que s’il parvient à s’arracher définitivement au monde étouffant des appartenances premières (on songe à tous ces films hollywoodiens qui diabolisent les modes de vie de l’« Amérique profonde ») et à placer sa nouvelle existence – celle du self made man qui ne doit plus rien à personne – sous la seule protection tutélaire des mécanismes impersonnels du marché autorégulé et du droit procédural. Deux institutions censées être « axiologiquement neutres » et qui ne font appel, par définition, qu’à l’« égoïsme rationnel » du sujet (Ayn Rand), sans jamais exiger de lui la moindre implication psychologique ou morale. En ce sens, le déracinement intégral (dont la figure platonicienne de l’ « intellectuel sans attache » de Karl Mannheim représente une forme extrême) constitue bien, pour tout libéral conséquent, l’unique condition préalable de toute société réellement libre et universelle (et c’est ce qui explique, au passage, que le mépris de la vie paysanne ait toujours formé le noyau dur de l’imaginaire capitaliste).

    Tout le problème est ainsi de déterminer dans quelle mesure un monde sans frontière, qui se serait émancipé de toutes les contraintes traditionnelles du don et de l’échange symbolique, pourrait encore être dit véritablement humain. S’il est clair, en effet, que l’expérience locale ne peut jamais constituer que le point de départ de l’aventure humaine, il est non moins clair que c’est le développement dialectique des acquis moraux et culturels liés à cette expérience première – et non leur négation abstraite – qui seul pourra conduire à un monde effectivement commun, autrement dit à un monde dont les valeurs universelles ne seront jamais séparables du cheminement concret qui aura permis à chaque peuple – à partir de ses traditions culturelles particulières – de se reconnaître en elles et de se les approprier (rien n’est donc plus absurde, de ce point de vue, que l’idée qu’on pourrait exporter les « droits de l’homme » par la seule force des baïonnettes). C’est ce que Miguel Torga avait su formuler de façon admirable lorsqu’il écrivait, en 1954, que « l’universel, c’est le local moins les murs » (le penseur occitan Felix Castan évoquant, quant à lui, l’idéal d’un monde situé « à mi-chemin du tout abstrait et du tout enraciné »). C’est pourquoi le célèbre avertissement que Rousseau avait placé au début de l’Emile s’applique plus que jamais au monde uniformisé du marché-roi et du droit abstrait. « Défiez vous – écrivait-il – de ces cosmopolites qui vont chercher au loin dans leurs livres les devoirs qu’ils dédaignent de remplir autour d’eux. Tel philosophe aime les Tartares pour être dispensé d’aimer ses voisins ». C’était assurément une critique lucide et prophétique de ces nouvelles élites globales (et de tous ceux qui en ont intériorisé l’imaginaire touristique) qui entendent désormais décider du destin de tous les peuples de la terre en fonction de leur seul intérêt égoïste. Il est à craindre, en effet, qu’un « citoyen sans frontière » ne puisse jamais devenir un véritable citoyen du monde.

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  • Le point de vue d'Alain de Benoist sur la situation en Egypte...

    Alain de Benoist, directeur des revues Nouvelle Ecole et Krisis et éditorialiste de la revue Eléments, répond aux questions de la radio iranienne francophone, IRIB, à propos de la situation insurrectionnelle en Egypte, dans un entretien diffusé le 31 janvier 2013.

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  • Mai 68, le retour ?...

    Le philosophe et sociologue Jean-Piere Le Goff a répondu aux questions du site Atlantico à propos du mariage homosexuel. Nous reproduisons ci-dessus le texte de cet entretien. Jean-Pierre Le Goff a récemment publié La fin du village (Gallimard, 2012) ainsi que La gauche à l'épreuve : 1968 - 2011 (Tempus, 2011).

     

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    Réformes sociétales : mai 68, le retour ?

    Atlantico : Dans son discours mercredi à l’Assemblée nationale, Christiane Taubira a déclaré : "Depuis des siècles, l’évolution du mariage va vers l’égalité. Aujourd’hui, nous parachevons l’égalité et nous en sommes fiers". A rejeter leurs opposants du mauvais côté de l'Histoire, les partisans du mariage homosexuel s'inscrivent-ils dans la tradition soixante-huitarde ?

    Jean-Pierre Le Goff : Ils s’inscrivent en partie dans cette tradition tout en la détournant et en l’orientant vers de nouveaux horizons qui n’ont plus grand chose à voir avec la logique de subversion de l’époque. Dans les années qui suivent mai 1968, le courant de la libération du désir qui s’opposait à l’extrême gauche traditionnelle entendait « disposer librement de son corps » en renversant tous les interdits et les tabous de l’époque. Dans ce cadre, l’homosexualité s’affirmait dans une logique de transgression et de subversion qui s’assumait comme telle, remettait en question l’idée même de normalité ou de norme en s’affrontant directement avec les institutions et les pouvoirs en place. Le Front homosexuel révolutionnaire (FHAR) mettait en cause le culte de la virilité, la famille et le patriarcat monogamique… Un slogan comme « le mariage pour tous » n’aurait pas eu de sens puisque la famille était considérée comme le lieu central de la répression du désir et de reproduction de la normalité.

    On peut mesurer les différences et le chemin parcouru depuis lors. Sous l’effet de la révolution culturelle de mai 68, la société a profondément changé, la mentalité hédoniste et libertaire s’est répandue, la société est devenue moins autoritaire et globalement plus tolérante vis-à-vis de l’homosexualité. La revendication du mariage homosexuel et de l’adoption des enfants s’affirme dans une logique communautaire de victimes ayant des droits. Elle participe du nouvel air du temps victimaire qui n’a de cesse de mettre en avant la souffrance et l’authenticité des sentiments pour faire valoir des idées et des conceptions qui ne vont nullement de soi, pratiquant une sorte de chantage affectif, exigeant de l’État et des institutions qu’ils répondent au plus vite à leurs revendications particulières. On est loin de la logique révolutionnaire des années post-68.

    Nous sommes passés d’une dynamique de catharsis et de transgression à une  banalisation paradoxale qui entend jouer sur tous les plan à la fois : celui de la figure du contestataire de l’ordre établi qui prend souvent les traits d’un nouvel antifasciste festif, celui de la minorité opprimée, celui de la victime ayant des droits et exigeant de l’État qu’il satisfasse au plus vite ses revendications, celui du Républicain qui défend la valeur d’égalité, celui des bons pères ou des bonnes mères de familles selon les normes traditionnelles et qui, comme tels,  ne peuvent pas faire de mal aux enfants… Mai 68 est loin et, en partie sous l’effet de son « héritage impossible », nous sommes entrés dans un nouveau monde bariolé et confus où l’irresponsabilité domine.

     

    En refusant tout débat au motif que ce serait aller contre le sens de l'Histoire, font-ils preuve du même sectarisme et du même aveuglement que leurs prédécesseurs ? Tombent-ils dans les mêmes dérives ?

    Jean-Pierre Le Goff :  Historiquement, la gauche est inséparable de la question sociale ; son attention particulière à la classe ouvrière et aux couches populaires est un facteur central de son identité. Ce que j’ai appelé la « gauche morale » ou plus précisément le « gauchisme culturel », a pénétré la gauche traditionnelle dans le sillage de la « révolution culturelle » de mai 68, et plus précisément au début des années 1983-84, quand la gauche a opéré un tournant dans sa politique économique, tournant qui n’a jamais était clairement assumé. Alors que l’ancienne doctrine socialiste tombait en morceaux, la gauche s’est alors de plus en plus affirmée comme moderniste et branchée dans le domaine des mœurs et de la culture. Ce qui n’a pas manqué de provoquer des contradictions en son sein.

    La gauche aujourd’hui au pouvoir a pris très vite le tournant de la rigueur et le chômage de masse continue d’exercer ses effets démoralisateurs et destructeurs dans la société. Dans le même temps, la gauche monte en exergue une question qui divise profondément le pays, en croyant qu’on l’oubliera vite une fois la loi votée. Bien plus, elle érige désormais une question sociétale, comme celle de l’homoparentalité, comme un élément central de démarcation politique entre droite et gauche, alors que cette question est en partie transversale. Elle reporte en fait sur ces questions sociétales les restes d’une sorte de « progressisme » qu’elle a, pour le moins, le plus grand mal à faire valoir dans le champ économique et social. Les schémas de l’antifascisme, de la lutte des classes, se réinvestissent sur les questions sociétales avec un le dogmatisme et un sectarisme d’autant plus accentués que la doctrine antérieure est en morceaux, ne subsistant que sous la forme de restes éparpillés que l’on monte en exergue selon les circonstances (« Faire payer les riches », « Mon ennemi c’est la finance »…) Un pas nouveau me semble avoir été franchi quand un responsable socialiste a tout bonnement déclaré qu’on ne pouvait dissocier la gauche sociale et la gauche sociétale. Désormais, le « progressisme » se mesure à l’adaptation au plus vite des évolutions dans tous les domaines, fussent-elles problématiques. Ce « progressisme » nouveau se retrouve également au sein d’une partie de la droite, elle aussi mal en point.

    En officialisant ce nouveau tournant moderniste et en se faisant en quelque sorte le propriétaire attitré, la gauche prend un risque important : celui de se couper d’une partie de ses électeurs, notamment les chrétiens de gauche, et de ses élus de terrain qui ne partagent pas cette orientation et se trouvent aujourd’hui réduits au silence. En faisant voter cette nouvelle loi, la gauche au pouvoir accentue les fractures sociales et culturelles qui traversent la société française et que l’extrême droite se fait fort d’exploiter. Elle donne l’image d’un État partisan, d’hommes d’États transformés en militants, d’un Président qui, sur cette affaire de l’homoparentalité, n’est pas celui de tous les Français. Concernant les questions relatives à l’écologie ou les question sociales, la gauche prend par contre beaucoup plus son temps en ne cessant de mettre en avant la « participation citoyenne » et la concertation. La façon dont cette loi, qui concerne des questions anthropologiques, a été promulguée, discutée et votée au plus vite, contribue un peu plus à la dégradation du climat politique. Enfermée dans un « entre soi » politico-médiatique, jouant sur un électoralisme à courte vue et ne sachant plus trop où elle va, la gauche opère une nouvelle fuite en avant, qui risque de la couper un peu plus des couches populaires, d’une bonne partie de la population qui ne partage pas ces orientations et pour qui cette nouvelle loi constitue un seuil qui ne fallait pas franchir. 

     

    Mai 68, qui à l’origine était un mouvement de contestation de la société de consommation, semble surtout avoir marqué son triomphe. Le mariage homosexuel, présenté par ses partisans comme un combat pour l'égalité, pourrait, s’il ouvrait la voie à la PMA et la GPA, conduire à la marchandisation des corps et de l’enfant. Finalement, les défenseurs du mariage homosexuel sont-ils les "idiots utiles" de la société de marché ?   

    Jen-Pierre Le Goff : Il s’agit de ne pas tout confondre. Dans le domaine politique, l’égalité citoyenne fait que la voix de chaque citoyen compte dans l’élection des représentants de la nation et pèse sur les orientations et les choix politiques. Dans le domaine économique et social, la réduction des inégalités s’inscrit dans une perspective de justice sociale. Appliquée à des domaines qui relèvent de l’anthropologie, cette exigence d’égalité change radicalement de registre et ouvre une boîte de Pandore. Elle concerne de fait, qu’on le veuille ou non, une donnée de base fondamentale de la condition humaine. Ce n’est pas l’homosexualité comme telle qui est en question. Elle a toujours existé, elle a été plus ou moins bien tolérée ou réprimée selon les sociétés, les civilisations, les époques historiques. Aujourd’hui la lutte contre ce qu’on appelle désormais l’« homophobie » demeure d’actualité. Mais les partisans du « Mariage pour tous » font tout pour esquiver, rendre hors sujet ou secondaire une question essentielle pour notre avenir commun : la façon dont les êtres humains conçoivent la transmission de la vie et la filiation. Ce qui me frappe le plus, c’est la légèreté et la précipitation avec lequel on traite cette question au nom d’une lutte contre les inégalités et les discriminations qui fait fi de toute dimension anthropologique ou qui  considère cette dernière comme une simple « superstructure », une « construction sociale de la réalité » qu’il s’agit simplement d’adapter aux évolutions, alors qu’elle met en question une donnée fondamentale de la condition humaine. En l’affaire le « principe de précaution »  – qui est devenu un leit-motiv dès qu’il s’agit des espèces en voie de disparition ou de certaines recherches et expérimentations scientifiques et techniques  – est mis hors champ concernant l’humain, au nom d’une passion de l’égalité, d’un hubris qui se veut doux et décomplexé dans un climat de confusion intellectuelle et éthique.

    Jean-Pierre Le Goff (Atlantico, 31 janvier 2013)

     

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  • Un entretien avec Jean-Claude Michéa...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un entretien de Jean Cornil, essayiste belge, avec Jean-Claude Michéa, réalisé par le CLAV de Bruxelles. Philosophe non-conformiste, critique subtil et impitoyable du libéralisme, qu'il soit politique, économique ou culturel, Jean-Claude Michéa a récemment publié en 2011, Le complexe d'Orphée - La gauche, les gens ordinaires et la religion du progrès (Climats, 2011).

     

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