Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

- Page 7

  • Méditerranée orientale : la mer de tous les dangers...

    Le nouveau numéro de la revue Conflits (n°31, janvier-février 2021), dirigée par Jean-Baptiste Noé, vient de sortir en kiosque. Le dossier central est consacré à la Méditerranée orientale.

     

    Conflits 31.jpg

     

    Au sommaire de ce numéro :

    ÉDITORIAL

    Mare nostrum, par Jean-Baptiste Noé

    CHRONIQUES

    LE GRAND ENTRETIEN

    L'amiral Alain Coldefy. Confidences d'un guerrier de haute mer

    IDÉES

    Quand l'Italie découvrait la géopolitique, par Florian Louis

    PORTRAIT

    Avec Ursula von der Leyen, l'ordolibéralisme s'installe à Bruxelles, par Michel Faure

    ART ET GEOPOLITIQUE

    Georges Mathieu le Magnifique (1921-2012), par Aude de Kerros

    ENJEUX

    GRANDE STRATÉGIE

    Richelieu, l'éminente diplomatie française, par Hadrien Desuin

    HISTOIRE BATAILLE

    Lépante (1571) « L'espoir changea de camp, le combat changea d'âme », par Pierre Royer

    CHEMINS DE FRANCE

    GÉOPOLITIQUE ET ENTREPRISE

    RIEN QUE LA TERRE

    VUE SUR LA MER

    CHRONIQUES

    LIVRES

    GÉOPO-TOURISME

    LIRE LES CLASSIQUES

     

    DOSSIER

    Méditerranée orientale : la mer de tous les dangers

    Entretien avec Jacques Deyirmendjan. Gaz : l'Eldorado méditerranéen, propos recueillis par Tigrane Yégavian

    Chypre dans l’œil du cyclone. Jusqu'où peut aller la la Turquie?, par Charalambos Petinos

    Entretien avec Leonidas Chrysanthopoulos. La Grèce face à l'expansionnisme turc, propos recueillis par Tigrane Yégavian

    Ambitions égyptiennes et israëliennes en Méditerranée orientale : convergences d'intérêts ou rivalités ?, par Roland Lombardi

    Aux racines de la crise libanaise et syrienne : la question de l’État, par Frédéric Pichon

    La Russie en Méditerranée : une stratégie défensive, par Philippe Migault

    Entretien avec le contre-amiral Cihat Yayci « La patrie bleue » : quand la Turquie regarde la mer, entretien réalisé par Aurélien Denizeau

     

                                                   

    Lien permanent Catégories : Revues et journaux 0 commentaire Pin it!
  • Immigration : l’Europe submergée ?...

    Vous pouvez ci-dessous découvrir un entretien avec Jean-Yves Le Gallou, réalisé par Victor Lefebvre pour son émission Sputnik donne la parole et diffusé le 8 janvier 2021 sur Sputnik,  à l'occasion de la sortie de l'ouvrage collectif L'invasion de l'Europe (Via Romana, 2020).  

    Ancien haut-fonctionnaire, président de la Fondation Polémia, Jean-Yves Le Gallou a, notamment, publié La tyrannie médiatique (Via Romana, 2013),  Immigration : la catastrophe - Que faire ? (Via Romana, 2016), Européen d'abord - Essai sur la préférence de civilisation (Via Romana, 2018) et Manuel de lutte contre la diabolisation (La Nouvelle Librairie, 2020).

                                           

    Lien permanent Catégories : Entretiens, Multimédia 0 commentaire Pin it!
  • La justice et l'ordre...

    Les éditions Politeia viennent de publier un essai d'Éric Guéguen intitulé La justice et l'ordre. Penseur libre, Éric Guéguen, qui collabore à Causeur et à Boulevard Voltaire, est déjà l'auteur d'un essai, Le miroir des des peuples (Perspectives libres, 2015).

     

    Gueguen_La justice et l'ordre.png

    " Lorsqu'un régime politique devient nuisible, n'est-il pas impératif d'en changer? L'impuissance n'est-elle pas une nuisance majeure ? Or à quoi la Cinquième République se résume-t-elle, si ce n'est à la mise en scène d'oppositions de façade? Il faut le reconnaître : l'autorité ne se décide jamais dans les isoloirs. En l'espace de cinquante ans, les deux formations tour à tour au pouvoir ont, main dans la main, liquidé la souveraineté nationale. Elles l'ont fait au nom d'un projet commun : la dissolution des nations dans un monde globalisé et celle de la politique dans le pur management. Vous attendiez d'Emmanuel Macron une rupture? Il en aura été la synthèse. La rédaction de cet ouvrage coïncide avec les trois premières années de son mandat. Témoin de l'état de grâce du grand vainqueur, des mouvements Gilets jaunes, puis du confinement sanitaire au printemps 2020, l'auteur met en perspective la mort lente mais inéluctable de la Cinquième République. Il s'y emploie par la dénonciation du faux clivage gauche-droite et de ce que celui-ci nous aura longtemps masqué, sournoisement. Le prochain régime n'échappera pas aux clivages. Toutefois, ceux-ci devront être légitimes. Deux visions du monde antagonistes s'affronteront : local contre global. Mais avant cela, deux nécessités sociales complémentaires seront requises : la justice et l'ordre. "

     

                             

    Lien permanent Catégories : Livres 0 commentaire Pin it!
  • " Quand les membres d’une société n’ont plus rien en commun, il est inévitable qu’elle se disloque"...

    Nous reproduisons ci-dessous entretien avec Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire, dans lequel il évoque le triomphe de l'individualisme dans nos sociétés. Philosophe et essayiste, directeur des revues Nouvelle École et Krisis, Alain de Benoist a récemment publié Le moment populiste (Pierre-Guillaume de Roux, 2017), Ce que penser veut dire (Rocher, 2017), Contre le libéralisme (Rocher, 2019) et dernièrement Ernst Jünger entre les dieux et les titans (Via Romana, 2020) ainsi que La place de l'homme dans la nature (La Nouvelle Librairie, 2020).

    Alain de Benoist 2.jpg

    Alain de Benoist : « L’individualisme libéral, c’est quand l’État de droit conteste le droit de l’État… »

    , voici quelques semaines, déclarait vouloir lutter contre le « séparatisme musulman ». Christophe Guilluy évoque, dans ses ouvrages, une coupure radicale entre les grands centres urbains et la « France périphérique », tandis que Jérôme Fourquet parle d’une « archipelisation » de la société française. Pourquoi la France semble-t-elle plus divisée que jamais ?

    Les causes sont nombreuses, mais il y en a une qui est essentielle, c’est que nous sommes désormais entrés dans la société des individus.

    Celle-ci trouve son origine dans l’idéologie libérale, historiquement associée à la montée de l’individualisme, puisque ses fondements théoriques postulent un homme dessaisi de ses appartenances, n’ayant à subir en amont de lui-même aucune « fatalité » historique, culturelle, familiale ou sexuelle, cherchant en permanence à maximiser son meilleur intérêt, entièrement privatisé, c’est-à-dire propriétaire de lui-même, titulaire de droits naturels lui permettant de s’émanciper du lien social et donc de se construire lui-même à partir de rien. La poussée individualiste emporte avec elle une valorisation hédoniste de la sphère privée, un désintérêt, voire une hostilité larvée, vis-à-vis des affaires publiques, un désengagement politique, un mépris des « grands récits » passionnels des deux siècles derniers. L’homme n’est plus un héritier : refusant d’être « assigné » à quoi que ce soit, il est « celui » qu’il veut être – ce qui revient à dire qu’il n’y a plus de singularités que subjectivement choisies, et que la passion de la désappartenance en est le moteur. Il en résulte des transformations civilisationnelles capitales, de nature sociologique, politique, anthropologique et surtout juridique.

    La société des individus est aussi la fille de l’idéologie des droits de l’homme, qui fait du sujet de droit un homme en soi, hors-sol, un homme abstrait, de partout et de nulle part. Le premier de ces droits est celui de faire sécession d’avec ses semblables. L’individu, dit Marcel Gauchet, est « le premier acteur social de l’histoire humaine en droit d’ignorer qu’il est en société, au nom même des droits qui lui sont reconnus par la société ».

    Le terme d’individu fait pourtant parfois l’objet d’appréciations laudatives par opposition au collectivisme. C’est une erreur ?

    Ce n’est pas au collectivisme que s’oppose la société des individus – laquelle s’accommode, par ailleurs, fort bien de toutes les formes de conformisme –, mais au commun. Quand les membres d’une société n’ont plus rien en commun, plus de sociabilité commune, plus de valeurs partagées, que plus rien ne les réunit, il est inévitable qu’elle se disloque. On peut bien alors en appeler au « vivre ensemble », ce n’est au mieux qu’un vœu pieux.

    L’individu ne doit pas être confondu avec la personne, pas plus qu’on ne doit confondre l’individualisation avec l’individuation, cette dernière définissant la capacité pour une personne de juger de sa situation et d’adopter une conduite autonome responsable. Marcel Gauchet écrit encore, très justement : « Individualiser signifie, du point de vue de la logique collective, décharger les acteurs de l’obligation de produire et d’entretenir le lien de société […] L’individu que l’on peut dire “individualisé” est celui qui se pense spontanément comme existant par lui-même, indépendamment de sa société, alors qu’il n’existe que par elle et en elle. » Une telle société produit les individus qui la produisent, en sorte que nous habitons désormais des « sociétés qui travaillent à fabriquer par le droit des individus sans société ». On ne saurait mieux dire.

    Vous parlez de « transformations capitales ». Lesquelles ?

    La société n’étant plus la réalité première, c’est l’individu qui vient en premier. C’est lui qui fonde le droit, et c’est à partir de lui que le social doit être compris (c’est ce qu’on appelle l’« individualisme méthodologique »). Le « holisme » disparaît. Dans la société des individus, nul ne se sent plus partie d’un tout, que ce tout s’appelle un peuple, une culture ou un pays. La société étant vue comme un assemblage aléatoire d’individus, qui ne s’associent volontairement que pour défendre leurs intérêts (c’est le mythe du contrat social), mais restent toujours potentiellement des rivaux les uns des autres, on perd de vue que ce tout possède des caractéristiques qu’il ne possède que parce que le tout excède les parties qui le composent. C’est ce que voulait dire Margaret Thatcher quand elle prétendait que « la société n’existe pas ». Elle aurait bien pu dire que les forêts n’existent pas, puisqu’elles ne sont jamais qu’une addition d’arbres isolés !

    Dans la société des individus, l’économique remplace le politique, le bien-être remplace le bonheur, la « vie en couple » remplace le mariage, le sociétal remplace le social, le consommateur festif remplace le citoyen. L’individu supplante à la fois les personnes et les masses, l’État de droit conteste le droit de l’État. L’être est rabattu sur l’avoir. Sous l’œil intéressé du capital, le sens de la vie se ramène à se distraire et à consommer : Homo œconomicus et festivus. La religion est perçue comme une opinion parmi d’autres, comme une option strictement individuelle, ce qui rend incompréhensible toute idéologie religieuse qui cherche à convertir, ce que le mot « religion » signifiait dans le passé. Mais je ne fais là qu’esquisser à grands traits une réalité qui demanderait à être examinée plus en détail. C’est une révolution silencieuse qui s’est accomplie sous nos yeux.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 6 janvier 2021)

     

    Lien permanent Catégories : Entretiens 0 commentaire Pin it!
  • Vivonne...

    Les éditions La Table Ronde viennent de publier un roman de Jérôme Leroy intitulé Vivonne. Maître de l'anticipation noire, Jérôme Leroy est, notamment l'auteur de Monnaie bleue, de Bref rapport pour une très fugitive beauté , de Big sister, La minute prescrite pour l'assaut ou de La petite Gauloise  ainsi que de l'excellent polar de politique-fiction, Le Bloc.

    Leroy_Vivonne.jpg

    " Alors qu’un typhon dévaste l’Île-de-France, l’éditeur Alexandre Garnier contemple le cataclysme meurtrier depuis son bureau, rue de l’Odéon : une rivière de boue coule sous ses fenêtres, des rats surgissent des égouts. Le passé aussi remonte à la surface. Devant ce spectacle de fin du monde, Garnier se souvient de sa jeunesse et surtout de son ami, le poète Adrien Vivonne, auteur entre autres de Danser dans les ruines en évitant les balles. Garnier a publié ses livres avant que celui-ci ne disparaisse mystérieusement en 2008, il y a presque vingt ans.
    Qu’est devenu Vivonne ? Partout en Europe, la « balkanisation climatique » sévit et les milices s’affrontent tandis que la multiplication des cyberattaques fait craindre une Grande Panne. Lancé à la poursuite de Vivonne, Garnier essaie de le retrouver avant que tout ne s’effondre. Est-il possible, comme semblent le croire de plus en plus de lecteurs dans le chaos ambiant, que Vivonne ait trouvé un passage vers un monde plus apaisé et que la solution soit au cœur de ses poèmes ? "

    Lien permanent Catégories : Livres 0 commentaire Pin it!
  • Que faire lorsque l’État est défaillant ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Lionel Rondouin, cueilli sur le site de la revue Eléments et consacré à la nécessité de surmonter la défaillance de l'Etat moderne en renouant avec l'idéal de l'Etat classique.  Normalien, enseignant en classe préparatoire, Lionel Rondouin est spécialiste des questions de sécurité économique et a travaillé dans l'industrie.

    Guillaume Tell 2.jpg

     

    Fondements philosophiques de l’autodéfense

    À Portet-sur-Garonne, près de Toulouse, le propriétaire d’un terrain vient de prendre des mesures radicales contre les « gens du voyage » qui occupent périodiquement un terrain qui lui appartient. À chaque fois que ces nomades occupent son terrain avec des dizaines de voitures et de caravanes, ledit propriétaire, un citoyen local (en l’espèce un sous-homme, selon la philosophie politique de Jacques Attali, qui tient les sédentaires enracinés pour des arriérés), se rend à la gendarmerie, où on lui explique qu’on n’y peut rien. Il s’adresse ensuite à la justice et entame une procédure coûteuse qui, au bout de plusieurs semaines, aboutit à une décision d’expulsion, laquelle ne prend effet qu’au bout de plusieurs autres semaines ; après quoi, il reste à la charge du propriétaire le nettoyage des lieux…

    Aux grands maux, les grands remèdes

    Le propriétaire a donc choisi d’inverser la logique des choses. Puisqu’on ne peut – paraît-il – empêcher les squatters d’entrer et de résider chez lui, il a fait en sorte de les empêcher d’en sortir. À la dernière intrusion, il a loué une pelleteuse et creusé un fossé entre le terrain et la route d’accès, puis une grue, grâce à laquelle il a déposé un bloc de béton de trois tonnes au milieu du chemin d’accès au terrain. En se serrant sur le bas-côté, les voitures peuvent passer, mais pas les caravanes qui restent bloquées sur le terrain.

    Maintenant, c’est au tour des nomades de se plaindre auprès de la gendarmerie, qui n’y peut rien, comme d’habitude, et renvoie les plaignants vers la justice, comme d’habitude. Ce qui ravit le propriétaire, qui leur dit juste : « Bon courage, chacun son tour ! » Cela me ravit, moi aussi, au passage, mais là n’est pas la question…

    Derrière cette anecdote, qui, de prime abord relève du jeu classique de la réponse du berger à la bergère sous une forme drolatique, se joue un problème de philosophie politique fondamental : la légitimité et le rôle de l’État. 

    Pourquoi l’État ?

    Notre philosophie politique, telle qu’acceptée par la doxa depuis les Lumières, repose sur la notion de pacte ou de contrat social, héritée de Hobbes et de Locke, deux philosophes anglais du XVIIe siècle. Dans le Léviathan, Hobbes réfute la théorie classique d’Aristote, puis de l’Église, comme quoi l’homme est par nature un animal social. Hobbes explique qu’à l’état de nature – c’est bien sûr une uchronie, un mythe non historique – l’homme est violent et égoïste et que la règle de la vie primitive était la guerre de tous contre tous. Lassés de cette anarchie meurtrière, les hommes, un jour, décidèrent de passer entre eux un contrat et d’inventer une entité nouvelle, l’État, en lui déléguant une part de leur liberté, en contrepartie du maintien d’un ordre social. Pour assurer son rôle, il fallait que l’État fût fort, redouté et équitable. C’est pourquoi Hobbes assigna à l’État le nom symbolique de Léviathan, un monstre biblique, cruel dragon des mers qui sortira des eaux pour ravager les cités pécheresses à la fin des temps.

    Cette jolie fable constructiviste (qui nie un ordre naturel des choses, à savoir le caractère essentiellement et originellement social de l’être humain, préexistant à toute projet prétendument rationnel d’organisation sociale) justifie le « monopole de la violence légitime » de l’État qui, par son statut et son action d’entité publique, au service de l’intérêt général, forte, redoutée et équitable, abolit la violence et la vengeance privées. Les forces de l’ordre et la Justice sont en l’espèce les bras armés de l’État dans l’exercice de sa mission de contrainte et de répression. Tout cela est bel et bon. Il faudra au passage expliquer à Christophe Barbier, à Alain Duhamel et aux syndicats de commissaires qu’éborgner les citoyens à coups de lanceurs de balles de défense ne relève que tangentiellement de l’exercice d’une violence légitime, mais on ne va pas s’appesantir. Pour être exercée par un pouvoir légal, la violence n’est pas pour autant légitime.

    L’impuissance de l’État

    Mais allons plus au fond des choses et revenons à notre propriétaire de Portet-sur-Garonne. Admettons, à des fins exploratoires, qu’il y ait un contrat entre l’État et les citoyens.

    S’il y a contrat, il y a échange de services entre eux ou de services contre une compensation financière, par consentement mutuel entre parties librement contractantes, et tout contrat prévoit les raisons et les modalités d’une rupture du contrat en cas de défaillance de l’une des parties. Un contrat, c’est fait pour se marier, mais cela prévoit les conditions du divorce…

    En l’occurrence, à Portet-sur-Garonne, on constate une défaillance de l’État. Il en va de même pour tous les citoyens et entreprises de tout ordre qui se font dévaliser, agresser, cambrioler, avec ou sans violence. L’État manque à ses obligations contractuelles de protection de la propriété ou du droit à la sécurité physique des biens et des personnes, qui restent des droits fondamentaux. Que ce soit par défaillance des forces de l’ordre ou de la Justice, qu’il s’agisse d’incurie, de manque de moyens (ah, le « manque de moyens », la ritournelle des débats télévisés… Le manque de moyens, c’est la balle en touche du syndicaliste…) ou de volonté politique, la faute de policiers incapables, de juges gauchistes ou de ministres de la Justice déviants, c’est là l’objet de débats médiatiques et politiques, mais cela n’a aucune conséquence sur le constat que nous faisons. Il n’y a pas en l’espèce de cas de force majeure à plaider pour exonérer l’État de ses obligations.

    Mon arrière-grand-mère ne fermait pas sa porte à clé

    Permettez-moi une anecdote personnelle pour illustrer mon propos sur la dégénérescence de la fonction régalienne. J’ai bien connu une de mes arrière-grands-mères, morte à 94 ans, en 1964. Cette personne, née sous Napoléon III, était de condition modeste, dans un milieu rural, mais elle a passé toute sa vie dans un luxe extraordinaire dont elle n’a jamais eu conscience et que seules nos générations peuvent comprendre aujourd’hui. Jamais de sa vie elle n’a fermé sa maison à clé, même la nuit, même quand elle s’absentait. Je ne sais même pas si elle avait une clé, on avait dû l’égarer sous la présidence d’Émile Loubet… Il est vrai qu’il n’y avait pas forcément grand-chose à voler, mais aussi l’État-Léviathan remplissait ses obligations contractuelles supposées et une deuxième condamnation pour vol, surtout avec violence, exposait le contrevenant à un séjour en Guyane, jusqu’en 1938. Oui, je sais, c’est réac mais, jeunes lecteurs, imaginez-vous quel sentiment de confort on ressent à ne pas avoir besoin d’antivol pour son vélo ? C’est un luxe dont on jouissait encore dans les années 70.

    Bien entendu, cette société connaissait des crimes et des délits, malgré la répression judiciaire et une grande efficacité de l’État dans l’exercice de ses fonctions régaliennes. Mais, à une époque où le téléphone était rare et le téléphone portable n’existait pas, et où donc le temps d’intervention des agents de la force publique était supérieur à celui d’aujourd’hui, la société, l’État et la Justice acceptaient le principe de l’auto-défense en l’absence de secours publics immédiats. C’était là faire preuve de sagesse et de logique. Seule était bannie l’auto-justice, la vengeance privée. On voit bien là la dégénérescence de l’État régalien (dans ses composantes exécutives, judiciaires et législatives).

    Les impôts en échange de la sécurité

    Pour revenir aux théories de Hobbes, elles recèlent une faiblesse potentiellement très dangereuse pour la légitimité, voire l’existence même de l’État. Elles supposent en effet que l’État est efficace, comme si c’était une vérité d’évidence, un fait de nature.

    Or, l’État contemporain est, de fait, globalement inefficace en termes de rapport entre les services rendus et les coûts (les fameux « prélèvements obligatoires », soit le pourcentage de la richesse produite par la société qui est prélevé par l’État). Une école de pensée états-unienne, les « anarcaps » ou « anarcho-capitalistes », en a développé une théorie qui ne manque pas de pertinence intellectuelle dans l’analyse.

    Rappelons que, dans une société non tyrannique, la liberté inclut parmi ses composantes essentielles le principe du consentement à l’impôt.

    Notre propriétaire de Portet-sur-Garonne, après cinq ou six chemins de croix auprès de la maréchaussée et de l’administration judiciaire, quel est son sentiment ? « Il est sympa, l’adjudant X ; il compatit vraiment à mes problèmes. Le juge est débordé, mais il a pris le temps de m’expliquer pourquoi c’était si long de régler l’affaire, à cause des lois. Ce n’est pas que les personnes soient désagréables. Le problème, c’est que ça ne fonctionne pas. Et après, il faut que je fasse enlever les poubelles et les saletés qu’ils ont laissées. Quand je pense à tout ce que je paye comme impôts… »

    Ensuite, le même loue, à ses frais, une pelleteuse, une grue et un bloc de béton de trois tonnes pour mettre en œuvre la seule méthode qui lui reste, selon lui, pour dissuader à l’avenir les squatters de s’installer chez lui. « Quand je pense à tout ce que je paye comme impôts ! La gendarmerie et la justice, ça ne sert à rien et ça coûte cher. Et après il faut dépenser de l’argent pour régler soi-même les problèmes… »

    Et là commence le chemin qui mène au refus du consentement à l’impôt, refus que les « anarcaps » justifient par la nécessité de recourir, aux frais du citoyen, aux prestations de sociétés privées pour rendre les services nécessaires au bon fonctionnement de la société. C’est la conséquence de la rupture du contrat social par l’État défaillant. D’une manière moins intellectualisée, le phénomène Gilets jaunes dénonce cette même rupture et se révolte contre une oppression fiscale injuste, inégalitaire et mal répartie entre les classes sociales et les territoires.

    L’inefficacité de l’État est hors de prix

    Les « anarcaps » ont-ils tort ? Non, dans la description qu’ils font du phénomène. Comparons, sur soixante ans, la qualité des services rendus par l’État et le montant des prélèvements obligatoires. Quand mon arrière-grand-mère est morte, le taux de prélèvement était de 36 % du PIB. Les villes et les campagnes étaient plus sûres ; la Sécurité sociale remboursait à 100 % ; les cathos mettaient sans problème leurs enfants au lycée public « sans Dieu » où ils recevaient un enseignement de très haute qualité (même de professeurs communistes ou SFIO) ; les trains arrivaient à l’heure et, dans les grandes villes aux activités commerciales et industrielles intenses, le facteur passait deux fois par jour déposer le courrier.

    Aujourd’hui, le montant des prélèvements obligatoires avoisine officiellement les 48 %. Tout augmente…

    En réalité, dans une perspective historique, ce dernier chiffre est faux comme une déclaration d’Olivier Véran. Il faudrait en effet y rajouter les dépenses qu’engagent aujourd’hui les entreprises et les particuliers pour pallier la défaillance de l’État et se garantir une qualité de services égale à celle dont ils jouissaient « gratuitement » il y a quelques décennies. On peut considérer ces dépenses comme des dépenses contraintes assimilables à un impôt transféré au privé. 

    Par exemple : le chiffre d’affaires de l’industrie de la sécurité privée, du fait de la défaillance de l’État régalien. Cette industrie n’existait pratiquement pas, parce qu’on n’en avait pas besoin ou, à tout le moins, pas à l’échelle actuelle, et sa croissance est aujourd’hui exponentielle. Vigiles aux portes des magasins et dans les usines ; industrie de la télé-surveillance des domiciles et des établissements (installations fixes, personnel de veille et d’intervention). On y rajoute l’augmentation du coût des assurances, etc…

    Par exemple : les dépenses de mutuelles médicales aux frais des entreprises et des salariés et retraités.

    Par exemple : la différence de chiffre d’affaires de l’école privée entre 1960 et aujourd’hui, où le choix de l’école privée n’est plus majoritairement une décision confessionnelle, mais la nécessité de protéger ses enfants de la « fabrique du crétin » (l’école publique) ; le chiffre d’affaires d’Acadomia et consorts ; etc…

    Si on réintègre tous les coûts de services privatisés du fait de la défaillance de l’État par rapport aux années 60, je ne crois pas me tromper en estimant à 60 % et non 48 %, chiffre officiel, le montant des prélèvements obligatoires tels qu’on les définissait alors, à services comparables rendus par l’État. Et là, on commence à trouver que ça fait cher… 

    Alors, les « anarcaps » ont-ils raison sur tout ?

    Non, leur conclusion, la nécessaire et souhaitable extinction de l’État, est erronée de bout en bout. Bon diagnostic, mauvaise thérapeutique… Il s’agit en effet pour nous de définir les conditions et les modalités de restauration d’un État capable et efficace, alors que les anarcaps « jettent le bébé avec l’eau du bain ».

    Les « anarcaps », en tant qu’ils sont anars, cultivent une vision « micro » de la société, basée sur la proximité, et croient effectivement que le groupe est régi par des systèmes de relations et d’échanges interpersonnels, de type libertaire, égalitaire et contractuel. Ils n’envisagent pas l’origine, la nature, la profondeur historique et les intérêts collectifs des grands groupes humains comme les peuples et les nations. En tant que capitalistes, ils réduisent la relation entre les individus et les groupes à l’échange intéressé et à la maximisation du profit, dans une approche matérialiste et court-termiste de la société où rien n’existe que le quantifiable dans l’instantané du temps. L’histoire n’entre pas dans les catégories mentales de l’« anarcap ». On peut rompre le contrat préexistant et tout privatiser.

    Là est la faille. Les sociétés ne sont pas des agrégats d’individus indifférenciés contractant librement et, si l’on peut souscrire au diagnostic d’un État contemporain tout aussi obèse qu’inefficace, l’État classique reste le seul instrument connu qui, convenablement mené, garantisse la sécurité et la pérennité des communautés humaines organiques. L’homme – zoon politikon, dit Aristote – est l’animal social et politique à la fois, social et socialisé parce que politique, inscrit dans une cité qui n’est ni un groupe auquel tel ou tel viendrait s’agréger sans contrainte, ni un simple marché où s’échangent des services.

    Alors que le monde contemporain (y compris aux États-Unis, pays des « anarcaps ») et les populations sont soumises à trois angoisses simultanées, à trois menaces perçues comme mortelles – sécuritaire, économique et identitaire, ou culturelle si vous préférez –, l’État reste la seule réponse connue. Lui seul peut préserver la frontière et l’identité, ainsi que les lieux de débat et de prises de décisions collectives qui engagent l’avenir de la communauté.

    En revanche, et l’on donnera raison à Hobbes sur ce point, l’État doit être fort, respecté parce que respectable, et équitable. Nous en sommes loin aujourd’hui. 

    La bonne nouvelle est économique. Les « anarcaps » auraient dû y réfléchir. C’est qu’un État efficace, minimal parce que centré sur le régalien, fort, respecté et équitable, revient beaucoup moins cher aux contribuables qu’un État incapable, obèse, faible, décrié et injuste.

    Lionel Rondouin (Site de la revue Éléments, 7 janvier 2021)

    Lien permanent Catégories : Points de vue 0 commentaire Pin it!