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  • Le citoyen-soldat, le seul système d'arme apte à restaurer la cité...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Bernard Wicht à l'Académie de géopolitique de Paris dans lequel il évoque l’articulation entre puissance militaire et légitimité politique et le rôle du citoyen-soldat. Universitaire, historien des idées et spécialiste en stratégie, Bernard Wicht a récemment publié Une nouvelle Guerre de Trente Ans (Le Polémarque 2011), Europe Mad Max demain ? (Favre, 2013), L'avenir du citoyen-soldat (Le Polémarque, 2015), Citoyen-soldat 2.0 (Astrée, 2017) et Les loups et l'agneau-citoyen - Gangs militarisés, État policier et citoyens désarmés (Astrée, 2019).

     

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    L’entretien de Géostratégiques : Bernard Wicht

    Question : Pourriez-vous nous expliquer pourquoi votre démarche de stratégie prospective se place le plus souvent au niveau des problématiques fondamentales de l’articulation entre puissance militaire et légitimité politique, et la question récurrente dans vos analyses du citoyen-soldat ?

    Bernard Wicht : Au plus tard avec les travaux de Clausewitz, la stratégie moderne a opéré une distinction stricte entre armée / gouvernement / population. Cette dernière est alors complètement passive ; elle n’est plus un sujet mais seulement objet de protection. Cette distinction trinitaire fonctionne tant que l’Etat-nation demeure la forme d’organisation politique la plus appropriée pour faire la guerre, c’est-à-dire pour combattre un autre Etat, un ennemi extérieur commun au moyen d’armées régulières. Cette réalité est codifiée par la formule clausewitzienne, « la guerre est la poursuite de la politique par d’autres moyens ». En d’autres termes, la guerre est alors un acte politique à la disposition exclusive de l’Etat. Ce dernier est désormais pacifié à l’intérieur, toute forme de justice privée est bannie et le crime est poursuivi par la police et la justice – l’ennemi est à l’extérieur et le criminel à l’intérieur.  Mais une telle situation est aujourd’hui caduque : avec l’effondrement des nations européennes au cours de la tragédie Verdun-Auschwitz-Hiroshima et, ensuite à partir de 1945, avec le développement exponentiel de la guérilla, des guerres révolutionnaires et des mouvements de libération populaire, le peuple maoïste ou marxiste-léniniste fait son grand retour comme acteur central de la stratégie. Il importe dorénavant de l’encadrer, de lui montrer la voie de sa libération, de lui expliquer les raisons de son combat et de lui fournir le récit idéologique correspondant. Il serait faux de croire que la chute du Mur de Berlin, puis l’implosion du bloc soviétique ont mis fin à ce tournant « populaire » de la stratégie et que celle-ci peut revenir « tranquillement » au modèle clausewitzien de la guerre comme acte étatique au moyen d’armées professionnelles, voire de mercenaires (contractors, sociétés militaires privées). Daech et ses épigones, les gangs latino-américains et les milices ethniques de tout poil en ont fait malheureusement la « brillante » démonstration aux yeux du monde entier : les techniques maoïstes ou marxistes-léninistes de prises en main des populations se sont franchisées (au sens du franchising commercial), elles se sont dégagées du message révolutionnaire, elles sont au service du djihad ou tout simplement d’un contrôle des populations (des favelas, des bidons-villes, des banlieues) par la terreur. On a pu penser un temps que tout ceci ne concernait que le « Sud », que les sociétés n’ayant pas le niveau de modernisation des pays occidentaux. Avec les attentats, les fusillades et les tueries en France, au Royaume-Uni, en Belgique, en Espagne et ailleurs, il a fallu déchanter. Cette réalité a désormais franchi la Méditerranée ; elle est désormais présente chez nous en Europe occidentale, dans les banlieues des grandes métropoles et c’est la principale menace qui pèse aujourd’hui sur nous …. et sur nos enfants – l’ennemi est à l’intérieur !

    Après cette longue entrée en matière, je peux répondre assez simplement à votre question en disant que le paradigme clausewitzien n’est absolument plus pertinent et qu’il est impératif d’en trouver un autre remettant au centre de la réflexion stratégique l’interface armée/cité. C’est pourquoi j’insiste tant sur l’articulation entre puissance militaire et légitimité politique et, surtout, sur ce système d’arme qu’est le citoyen-soldat parce qu’il est un acteur politique et militaire incontournable, le seul et unique apte à restaurer la cité. On le retrouve chez des auteurs aussi différents que Machiavel, Locke, Rousseau, Mirabeau ou Jean Jaurès. En ce qui me concerne, je suis plutôt machiavélien : la res publica, la liberté comme droit de participer à la gestion des affaires de la cité et le peuple en armes. Je suis convaincu que le paradigme machiavélien peut nous apporter des outils de raisonnement décisifs dans le contexte actuel. N’oublions pas que le Chancelier florentin vit une période assez semblable à la nôtre avec la lutte entre factions rivales au sein de la cité, l’importance des intérêts privés au détriment du bien commun et une importante fracture sociale entre citadins riches et paysans pauvres.

    Question : Comment expliquez-vous la difficulté pour les Etats européens de canaliser par la motivation et la mobilisation, le capital guerrier des jeunes générations ?

    Bernard Wicht : L’Etat-nation est en panne de cause. Le récit national est clôt ; il n’est plus en mesure de fournir les repères nécessaires pour se projeter « en avant » et, surtout, il n’est plus adapté pour opérer la distinction ami/ennemi. L’Etat ne parvient donc plus à mobiliser les énergies autour d’un projet commun. Par ailleurs, l’économiste italien Giovanni Arrighi le dit clairement : « L’Etat moderne est prisonnier des recettes qui ont fait son succès », c’est-à-dire l’Etat-providence. Mais, il ne s’agit plus de l’Etat providence au sens bismarckien, garantissant à chacun sa place dans la pyramide sociale sur le modèle des armées nationales. La révolution de 1968, les crises économiques des années 1970, la disparition de l’ennemi soviétique et la globalisation financière ont complètement ébranlé cette pyramide. Aujourd’hui, l’Etat-providence ne parvient plus à garantir « à chacun sa place » ; il n’est plus qu’un distributeur d’aides et de subventions cherchant à maintenir un semblant de stabilité sociale. Tout ceci explique que le capital guerrier des jeunes générations ne s’investit plus dans les institutions étatiques (l’armée notamment). L’historien britannique John Keegan en faisait le constat dès le début des années 1980. De nos jours, le capital guerrier des jeunes a plutôt tendance à migrer vers des activités et des groupes marginaux, là où ils retrouvent un code de valeurs, une forte discipline, la fidélité à un chef et d’autres éléments similaires de socialisation. Le phénomène de radicalisation et de départ pour le djihad en est une illustration particulièrement frappante.

    Question : Pourquoi l’organisation militaire actuelle des Etats est de moins en moins adaptée à la nouvelle donne stratégique ? Et pourquoi affirmez-vous que l’émergence de nouvelles forces sociales est une rupture civilisationnelle ?

    Bernard Wicht : Les différents groupes armés qui s’affirment depuis la fin du XXème siècle, représentent un modèle d’organisation politico-militaire en adéquation parfaite avec la mondialisation parce qu’ils savent 1) se brancher sur la finance globale (en particulier le trafic de drogue), 2) s’adapter à la révolution de l’information en diffusant un récit et une mobilisation des énergies via internet et les médias sociaux, 3) se déplacer furtivement en se fondant dans les flux migratoires. Face à cela, les armées régulières apparaissent comme des dinosaures d’un autre temps : elles sont incapables de fonctionner sans infrastructures lourdes (bases, aéroports, etc.), leurs chaînes de commandement sont à la fois lourdes et excessivement centralisées. Elles n’ont aucune liberté d’action au niveau stratégique. En revanche, les groupes armés bénéficient d’une flexibilité remarquable leur permettant d’agir aussi bien de manière criminelle que politique : c’est ce qu’on appelle l’hybridation de la guerre. Ainsi, un groupe armé subissant des revers sur le champ de bataille conventionnel est capable de basculer très rapidement dans la clandestinité pour entreprendre des actions terroristes. Il ne s’agit pas là d’un simple avantage tactique ou technique, mais d’une mutation en termes structurels. En effet, la formation de ces nouvelles formes d’organisation politico-militaire que sont les groupes armés, relève d’une dynamique d’ensemble à contre-pied de la mondialisation libérale : c’est la réponse-réaction des sociétés non-occidentales qui n’ont pas réussi à accrocher le train de la mondialisation – là où les structures étatiques se sont affaissées (les Etats faillis) – et qui, par réflexe darwinien de conservation, se sont retournées vers des modes d’organisation politique simplifiés et pré-étatiques aussi rustiques que la chefferie et l’appartenance à une forme de « clan » assurant protection. Cette dynamique n’est donc ni irrationnelle, ni passagère ; elle révèle une mutation de l’ordre mondial, une vague de fond. Forgés ainsi à l’aune de la survie, ces groupes armés sont les nouvelles machines de guerre à l’ère de la mondialisation, au même titre que la chevalerie a façonné le Moyen Age et que les armées révolutionnaires françaises ont façonné l’époque moderne. C’est pourquoi il est possible de parler de rupture civilisationnelle. En outre, ces nouvelles machines de guerre ne représentent pas qu’une adaptation réussie de l’outil militaire aux conditions de la mondialisation. Elles s’inscrivent dans une dialectique empire/barbares traduisant la résistance à l’ordre global.

    Question : Pourquoi pensez-vous que la nouvelle forme de conflit n’est plus celle du choc classique de puissance mais bien une longue suite de conflits de basse intensité conduisant à l’effondrement progressif des sociétés européennes ?

    Bernard Wicht : Selon les théories du système-monde proposées par Immanuel Wallerstein et d’autres auteurs à sa suite, les successions hégémoniques d’une grande puissance à une autre sont généralement le fruit de ce qu’ils appellent « une grande guerre systémique ». Typiquement, les guerres de la Révolution et les guerres napoléoniennes accouchent de l’hégémonie anglaise qui se maintiendra jusqu’en 1914. De même, la Première- et la Deuxième Guerre mondiale accouchent de l’hégémonie étatsunienne. Ceci présuppose cependant que le système international soit dominé par plusieurs grandes puissances en concurrence les unes avec les autres. Une telle situation disparaît au plus tard avec la désintégration du bloc soviétique. Et, si aujourd’hui la super-puissance américaine est en déclin, il n’y a aucun challenger digne de ce nom capable de disputer l’hégémonie mondiale et, par conséquent, susceptible de déclencher une guerre systémique de succession hégémonique comme l’Allemagne l’a fait en 1914. De nos jours en effet, la Chine est économiquement très dynamique, mais elle reste un nain en termes financiers et son outil militaire n’est en rien comparable à celui des Etats-Unis. C’est pourquoi, dans ces circonstances, certains historiens de la longue durée émettent l’hypothèse que la prochaine grande guerre systémique pourrait être, en fait, une longue suite de conflits de basse intensité (guérilla, terrorisme épidémique, guerres hybrides, etc.). Or cette hypothèse me paraît particulièrement plausible compte tenu de la réalité actuelle de la guerre. A titre d’exemple, depuis la guerre civile libanaise (1975-1990) le Proche- et Moyen-Orient s’est peu à peu complètement reconfiguré sous l’effet de ce type de conflits : d’anciennes puissances militaires (Syrie, Irak, Lybie) sont en pleine déconstruction tandis que de nouveaux acteurs locaux-globaux (Hezbollah, Hamas) s’affirment avec succès dans la durée ; longtemps acteur stratégique central de cette région, Israël est aujourd’hui totalement sur la défensive. A moyen terme, l’Europe risque fort de subir le même sort. Car j’interprète les actes terroristes intervenus à partir de 2015 comme des signes avant-coureur d’un phénomène semblable ; la dynamique enclenchée au sud de la Méditerranée a atteint dorénavant sa masse critique. Pour reprendre une comparaison tirée de la médecine, la tumeur cancéreuse moyen-orientale commence à diffuser ses métastases. C’est la vague de fond, la mutation à laquelle je faisais référence précédemment.

    Question : Qu’est-ce que la « guerre civile moléculaire » ?

    Bernard Wicht : Pour tenter de conceptualiser la menace susmentionnée à l’échelle de l’Europe, nous avons utilisé la notion de « guerre civile moléculaire » empruntée à l’essayiste allemand Hans-Magnus Enzensberger. Il me semble qu’elle est bien adaptée pour décrire la forme de violence qui touche nos sociétés, à savoir au niveau de la vie quotidienne (sur les terrasses, dans des salles de spectacle, dans des trains), en plein cœur de la foule, employée par des individus seuls ou par de très petits groupes (des fratries dans plusieurs cas) à la fois complètement atomisés dans- et en complète rupture avec le corps social : d’où la pertinence de cette notion mettant en évidence, d’une part, la dimension civile de cette nouvelle forme de guerre et, d’autre part, l’échelle moléculaire à laquelle elle se déroule. Ceci permet également de re-positionner l’équilibre de la terreur. Ce dernier se place désormais non plus au niveau étatique (équilibre militaro-nucléaire), mais à celui immédiat du citoyen qui est devenu tant la cible que l’acteur de cet affrontement. Autrement dit, le couteau, la hache ou le pistolet remplacent l’arme atomique comme outil de dissuasion : d’où l’urgence de repenser le citoyen-soldat dans ce contexte, non plus comme conscrit, mais comme système d’arme à part entière, comme la nouvelle unité militaire de la société. En ce sens, la diffusion du port d’armes et l’échelle du citoyen armé ayant une existence politique et étant acteur stratégique, redeviennent pertinentes face à la nouvelle menace C’est ce que nous nous sommes efforcés d’expliquer dans ce petit ouvrage.

    Question : Du constat terrible que vous faites de la situation des sociétés européennes, ne devrions-nous pas en tirer la conclusion de la nécessité du « tout sécuritaire » ?

    Bernard Wicht : Selon la doctrine classique de l’Antiquité grecque, seul l’hoplite peut restaurer la cité, c’est-à-dire dans notre cas le citoyen-soldat. Comme je l’ai dit plus haut, c’est lui le système d’arme, c’est lui le dépositaire des valeurs civiques de la communauté politique. Aujourd’hui malheureusement, l’Europe prend exactement le chemin inverse ; on assiste à une dérive pénal-carcéral de l’Etat moderne dont la principale préoccupation est précisément le désarmement de ses propres citoyens (voir la nouvelle Directive européenne à ce sujet, élaborée rappelons-le à la demande expresse de la France suite aux attentats de 2015). C’est une réaction typique, mais aussi une grossière erreur que l’on retrouve presque systématiquement lorsque l’Etat se sent menacé de l’intérieur. Plutôt que de chercher l’appui de ses concitoyens, celui-ci se centralise au point de devenir un Etat policier qui finit par s’aliéner toute la population précipitant ainsi, à terme, son propre effondrement. Le spécialiste australien de la contre-guérilla et du contre-terrorisme David Kilcullen qui a fait ses classes sur le terrain au Timor oriental puis en Irak, souligne dans un de ses derniers livres que l’Etat voulant absolument éradiquer le terrorisme, va obligatoirement détruire l’essence même de sa substance, à savoir la société civile et la démocratie. C’est aussi l’analyse que fait le politologue israélien Gil Merom dans son ouvrage, How Democracies Lose Small Wars. Signalons que l’historien français Emmanuel Todd n’est pas très éloigné de telles considérations dans son étude intitulée, Après la démocratie.

    Question : Votre ouvrage ne réduit-il pas exagérément le rôle de la relation politique dans la Cité ?

    Bernard Wicht : Permettez-moi une réponse que vous jugerez sans doute iconoclaste. Hormis les utopies pacifistes du type flower power considérant chaque individu comme un « petit flocon unique et merveilleux », toute forme d’organisation politique viable est généralement basée sur la relation protection contre rémunération. Hobbes est probablement le philosophe qui a le mieux décrit cette équation dans le cas de l’Etat moderne. Dans le Léviathan, il poursuit sa réflexion en rappelant toutefois que le droit à la légitime défense est un droit naturel de la personne humaine que celle-ci récupère immédiatement si l’Etat ne remplit plus son obligation de protection. Or c’est précisément la situation qui se met en place à l’heure actuelle. Le problème, à mon avis, est que le discours politique contemporain brouille complètement les cartes à ce propos : le citoyen n’est plus présenté que comme un contribuable, le peuple qui vote contre l’avis de sa classe politique est victime des sirènes du populisme, toute solution durable ne peut venir que du niveau supra-national et, last but not least, le défi sécuritaire posé par le terrorisme nécessite une limitation drastique des libertés. Répétées en boucle, ces affirmations créent un brouillard suffisamment dense pour laisser croire que la relation politique dans la cité est devenue si complexe, si délicate à gérer, que le citoyen n’est plus en mesure de la saisir et doit, par conséquent, se contenter de payer ses impôts.

    Bernard Wicht (Académie de Géopolitique de Paris, 10 juillet 2018)

     

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  • La place de la femme dans l'art européen...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous une vidéo de l'Institut Iliade consacrée à la représentation de la femme dans l'art européen.

     

                                        

    " Par delà la contingence des époques qui se succèdent demeurent des permanences esthétiques qui nous rappellent ce que nous sommes. L’art européen porte un regard anthropologique sur la femme qui lui est propre. Aucune autre civilisation n’a autant célébré la féminité dont les expressions sont multiples. Que la femme soit représentée comme figure cosmique, divinité, muse, miroir de sagesse, maîtresse du foyer ou encore combattante, nous faisons le constat que la tradition européenne a toujours donné un rôle central à la femme."

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  • Se battre pour sauver l'Europe !...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un entretien donné par Julien Rochedy à Sunrise au cours duquel il aborde quelques grandes questions métapolitiques qui conditionnent l'avenir de l'Europe. Publiciste et essayiste, Julien Rochedy est une figure montante de la mouvance conservatrice révolutionnaire.

     

                                          

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  • Le non du peuple

    Les éditions du Cerf viennent de publier un essai de Gabriel Robin et de Benjamin Demeslay intitulé Le non du peuple. Journalistes les deux auteurs publient notamment des articles dans L'Incorrect.

     

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    " Pourquoi la France et l'Europe sont-elles en crise ? Quels antagonismes paraissent aujourd'hui insurmontables ? Comment expliquer la partition sociale et culturelle de notre continent ?
    Pour répondre à ces questions, Gabriel Robin et Benjamin Demeslay racontent et analysent l'histoire de la formation des nations en Occident en identifiant les étapes au cours desquelles les fragmentations au sein des peuples se sont produites : du traité de Westphalie en 1648 à l'avènement de l'Union européenne, en passant par l'éclosion des Lumières au XVIIIe siècle ou encore l'effondrement des empires après la Première Guerre mondiale. Étude historique mais aussi politique, ce livre traite des bouleversements contemporains, comme la fin du clivage gauche-droite, la montée des populismes, la lente disparition de la classe moyenne sous les effets conjoints de la mondialisation et de la globalisation.
    Géopolitique, philosophie, littérature, histoire et même pop culture, voici un ouvrage pour saisir les enjeux du présent à la lumière des événements du passé. "

     

     
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  • «Le déclin de l’Occident n’est pas un accident de parcours» ...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un entretien donné par David Engels au Figaro Vox et consacré au déclin de la civilisation occidentale moderne. Historien, spécialiste de l'antiquité romaine et président de la Société Oswald Spengler, David Engels est l'auteur d'un essai intitulé Le Déclin. La crise de l'Union européenne et la chute de la République romaine (Toucan, 2013), sa seule œuvre traduite en français, qui vient de ressortir en format de poche.

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    David Engels: «Le déclin de l’Occident n’est pas un accident de parcours»

    FIGAROVOX.- Votre livre Que Faire? Vivre avec le déclin de l’Europe relève plus du témoignage personnel que de l’essai politique. Pourquoi avez-vous voulu partager ces réflexions intimes?

    David ENGELS.- La situation est grave: ce n’est pas seulement un modèle politique, économique ou social qui est graduellement en train de disparaître, mais l’entièreté de ce qui fut, pendant mille ans, «l’Occident». Cette évolution est tout sauf un fait divers dont il suffirait de prendre bonne note avant de continuer comme si de rien n’était: le déclin massif de l’Europe en tant que civilisation est une véritable tragédie historique qui nous concerne tous, non seulement en tant que collectif, mais aussi en tant qu’individus. Personnellement, je souffre énormément de la fin annoncée de la civilisation occidentale que j’aime de tout mon cœur, et je sais que je suis loin d’être le seul dans ce cas, bien que beaucoup de contemporains ne se rendent pas encore tout à fait compte de la nature gravissime de cette évolution ou n’osent pas en tirer les conséquences qui s’imposent. C’est pour eux que j’ai écrit ce livre, afin de partager avec eux mes réflexions pour savoir comment nous, amoureux de l’Occident, de son histoire, de son patrimoine et de ses traditions, pouvons faire pour rester fidèle, dans un monde post-européen, à nos convictions intimes, et pour les léguer à nos descendants.

    Vous rappelez l’analogie entre le déclin actuel du monde occidental et le déclin du monde gréco-romain que vous aviez étudié dans l’un de vos livres précédents. En quoi la comparaison tient-elle?

    En effet: le déclin de l’Occident, comme l’ont montré de nombreux historiens comme Oswald Spengler ou Arnold Toynbee, n’est pas un accident de parcours: il est inscrit dans la logique de l’Histoire elle-même qui a déjà connu la montée et le déclin de nombreuses autres civilisations. Dans mon livre Le Déclin , d’ailleurs tout juste sorti en édition de poche avec une nouvelle préface il y a quelques semaines, j’ai tenté de montrer à quel point la crise actuelle de l’Europe rappelait celle de la République romaine du premier siècle, quand, atteinte par une crise politique, économique, démographique, ethnique et sociale sans précédent, elle fut déchirée par des émeutes endémiques se muant en véritables guerres civiles avant de basculer vers un État autoritaire stabilisant, certes, la crise, mais au prix d’une réduction drastique de la liberté politique et d’une certaine stagnation culturelle. Je suis convaincu que cette évolution nous attend également durant les deux prochaines décennies et ne peux qu’appeler mes lecteurs à se préparer à ces événements.

    Vous pointez du doigt le fait que peu de gens osent vraiment évoquer un «déclin». Mais ne craignez-vous pas qu’en parler puisse avoir un effet performatif?

    C’est comme en médecine: aimeriez-vous être soigné par un médecin qui traitera votre cancer comme un rhume, de peur de l’impact psychosomatique de vous faire part de la véritable situation? Ainsi, je crois surtout que l’honnêteté avec elle-même doit être la vertu suprême pour toute civilisation qui se respecte. Taire volontairement la réalité des processus culturels qui se déroulent actuellement - que ce soit l’immigration de masse, le vieillissement de la population, l’islamisation, l’intelligence artificielle, la dissolution des États Nations, l’auto-destruction du système scolaire et universitaire, l’immense retard de l’Europe sur la Chine, la transformation de la démocratie en technocratie - revient, à mon avis, à un acte de haute trahison avec des conséquences durables. Car quand la vérité - c’est-à-dire la nature de plus en plus irréversible du processus - éclatera au grand jour, même les derniers restes de confiance en notre système politique se trouveront fracassés, tout comme la solidarité sociale entre les différents groupes sociaux et culturels qui composent notre société. Ce n’est qu’en analysant sincèrement et froidement la situation actuelle que nous pouvons déterminer les marges de manœuvre (de plus en plus réduites) qui nous restent et tenter d’envisager les réformes nécessaires pour sauver et stabiliser ce qui persiste de notre civilisation, comme l’a d’ailleurs très bien remarqué Michel Houellebecq quand il a écrit son appréciation de mon livre pour la quatrième de couverture.

    Ce déclin civilisationnel semble plus vous inquiéter que les discours qui nous alarment quant à l’urgence climatique…

    Au contraire: bien que je reste sceptique concernant la prétendue urgence climatique et encore plus de l’impact de l’humain dans le cadre de cette théorie, l’exploitation outrancière de nos ressources naturelles et la spoliation de la diversité et de la beauté de la nature à tous les niveaux font partie intégrale de notre déclin civilisationnel, comme ce fut d’ailleurs le cas vers la fin de la République romaine. C’est aussi pourquoi je suis convaincu qu’il est essentiel de ne pas s’attaquer à des symptômes, mais aux véritables causes: ce n’est pas seulement en diminuant le CO2 ou d’autres matières problématiques, mais en travaillant sur l’idéologie matérialiste, consumériste, égoïste du monde moderne que nous pouvons espérer trouver un nouvel équilibre avec la nature - tout en sachant que le véritable danger pour notre environnement ne vient plus de l’Europe qui a déjà fait des immenses progrès, mais plutôt de l’Asie… D’ailleurs, dans ce contexte, je m’étonne toujours du double langage de nombreux écologistes: alors que, sur le plan écologiste, ils préfèrent défendre un «conservatisme» de plus en plus radical, sur le plan culturel, ils défendent un constructivisme extrême: on dirait que, pour beaucoup d’entre eux, la disparition d’une espèce de grenouille est plus importante que celle de la civilisation européenne… C’est aussi pour sensibiliser l’opinion publique sur la richesse de notre culture et le risque de la voir diluée ou disparaître définitivement que j’ai écrit ce livre.

    Le Brexit serait-il le premier signe concret du délitement de l’Europe que vous redoutez?

    Entre nous, j’avoue n’être toujours pas convaincu que le Brexit aura véritablement lieu, bien que la nomination de Boris Johnson puisse faire changer la situation. Mais il ne faut pas confondre «Europe» et «Union européenne»: pendant des siècles, l’Occident a été politiquement et culturellement plus uni que maintenant. Une disparition ou transformation de l’Union européenne en tant que telle ne signifierait donc nullement un délitement de l’Europe en tant que civilisation. Ce délitement vient surtout de l’intérieur, non de l’extérieur. La destruction de la famille traditionnelle, le relativisme culturel, le masochisme historique, la pensée politiquement correcte, la tendance à censurer tout avis déplaisant, le remplacement de communautés homogènes et donc solidaires par une juxtaposition de groupements cherchant uniquement leur propre profit, la polarisation sociale, le cynisme avec lequel toute notion de vérité absolue est remplacée par des «compromis» négociés - voilà les véritables raisons du délitement de l’Europe. Les événements politiques que nous voyons aujourd’hui - la transformation de l’Union européenne en le défenseur principal de ce que je viens d’énumérer ainsi que la volonté non seulement des Britanniques, mais aussi des «populistes» partout en Europe, de sacrifier l’unité européenne afin de protéger, au moins, leur propre identité - n’en sont que les conséquences déplorables. Car la véritable réponse vient d’ailleurs: l’Occident ne pourra stabiliser son déclin actuel que s’il renoue à la fois avec ses racines et reste solidaire et uni. Malheureusement, ce message ne sera entendu que quand il sera trop tard.

    Vous dites ne pas vouloir vous laisser aller au catastrophisme. Pour autant vous n’êtes pas ce que l’on pourrait appeler un optimiste…

    En premier lieu, je me considère comme historien et ne peux éviter le constat que toutes les grandes civilisations humaines connaissent des cycles historiques plus ou moins analogues. Pourquoi l’Occident serait-il une exception à cette règle millénaire? Puis, je crois être un observateur assez sensible des processus qui affectent actuellement notre société: il suffit de se promener à travers les banlieues de Paris, de Londres ou de Bruxelles ; de voyager à travers les campagnes de plus en plus désertes ; de voir de ses propres yeux le niveau d’éducation des écoles et universités ; d’étudier l’évolution des taux d’intérêt ; de discuter avec les administrateurs politiques nationaux et européens de plus en plus déconnectés des réalités ; de sentir le désarroi et le désamour de plus en plus d’Européens pour leur système politique, pour voir que l’Occident est en train de se transformer radicalement, et pas pour un mieux. L’éclatement de la grande crise que nous attendons tous pourra peut-être, être encore repoussé, à grands frais, de quelques mois ou années. Mais une fois que les caisses seront vides et que la sécurité sociale s’écroulera, nous verrons que les «gilets jaunes» n’auront été que le prélude à des conflits nettement plus violents. L’Europe qui en émergera n’aura plus grand-chose à faire avec celle dont nous connaissons actuellement les derniers soubresauts. Si nous voulons commencer à conserver du moins quelques restes de ce qui nous tient à cœur de cette civilisation déclinante, le moment, c’est maintenant…

    Finalement, ce petit livre peut se lire comme un guide de survie à usage individuel (vous y tenez). N’y a-t-il vraiment plus de moyens d’action collective pour contrer un déclin qui, à vous lire, semble inéluctable?

    Si, absolument! D’ailleurs, j’insiste plusieurs fois sur le fait que ce petit guide ne remplace nullement l’activité politique et collective ; tout au contraire: «vita activa» et «vita contemplativa» doivent se compléter pour former une société véritablement stable. Mais il faut bien se rendre compte que l’Europe va très mal et que même dans le meilleur des cas, elle se retrouvera radicalement changée par rapport à l’Europe dans laquelle la plupart d’entre nous avons été socialisés. Si nous voulons vraiment conserver notre identité à travers les crises qui nous attendent, il est grand temps de ne pas renvoyer la responsabilité vers un monde politique largement indifférent, voire hostile à la véritable culture européenne - et qu’il ne sera pas facile de déboulonner du jour au lendemain -, mais de commencer par défendre et renforcer notre propre identité au quotidien. En effet, nous constatons de plus en plus la force interne de ces «sociétés parallèles» qui dominent désormais nos métropoles: si nous n’œuvrons pas rapidement à raffermir notre propre identité, nous n’aurons bientôt même plus droit à notre propre «société parallèle»… Désormais, le temps où nous pouvions compter sur la stabilité à la fois de notre système politique et culturel est révolu ; si nous voulons protéger notre héritage, la lutte doit désormais être double: d’un côté, nous devons transformer chaque individu, chaque famille, chaque groupe d’amis en une petite forteresse aux valeurs et identités soudées ; d’un autre côté, nous devons développer une nouvelle idéologie politique alliant conservatisme culturel et lutte pour une Europe unie (non nécessairement identique à l’Union européenne). C’est d’ailleurs le sujet de mon dernier livre Renovatio Europae, paru il y a quelques semaines en version allemande et, durant les prochains mois, en traduction française, anglaise, polonaise, italienne et espagnole, et qui fait diptyque avec Que faire?.

    David Engels (Figaro Vox, 2 août 2019)

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  • Un peu de nuit en plein jour...

    Les éditions Calmann-Lévy viennent de publier un nouveau roman d'Erik L'Homme intitulé Un peu de nuit en plein jour. Connu comme l'auteur de plusieurs séries de qualité dans les collections de littérature de jeunesse, voyageur méditatif, grand marcheur et esprit libre, Erik L'Homme a marqué ses lecteurs adultes avec un premier roman, Déchirer les ombres (Calmann-Lévy, 2018).

     

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    " « Il ne reste plus que ça aujourd’hui, la communion des caves, cette sauvagerie qui seule subsiste une fois quittée la grisaille de la surface où les clans survivent dans des boulots plus pourris qu’une charogne oubliée sur un piège. »

    Ce pourrait être le monde de demain. Paris est envahi par une obscurité perpétuelle et livré aux instincts redevenus primaires d’une population désormais
    organisée en clans. Dans ce monde urbain terriblement violent, Féral est un des derniers à avoir des souvenirs des temps anciens. Il est aussi un as de la « cogne»,
    ces combats à mains nues qui opposent les plus forts des clans dans des sortes de grand-messes expiatoires. C’est lors d’une de ces cognes qu’il rencontre
    Livie, qui respire la liberté, l’intelligence, la force. Leur amour est immédiat, charnel, entier. Mais le destin de Féral va se fracasser sur cette jeune femme qui n’est pas libre d’aimer.
    Bijou littéraire, Un peu de nuit en plein jour parle de notre monde qui s’abîme, de la part de sauvagerie en l’homme, de l’inéluctabilité des destins. "

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