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  • Guerre totale ?...

    "Dès qu'un pays a décidé de faire la guerre, il met les forces armées, l'économie du pays et le peuple lui-même à la disposition du chef qui aura à conduire cette guerre. La politique doit servir le haut commandement ; le général en chef devient la seule force dirigeante." E. Ludendorff, La guerre totale

    Avec La guerre totale, livre publié en 1935, le général Erich Ludendorff, vainqueur de Tannenberg et quasi-dictateur militaire de l'Allemagne, aux côtés du Maréchal Hindenburg, entre 1916 et 1918, se fait le théoricien d'un certaine hybris militariste, où la guerre devient presque une fin en soi. Les éditions Perrin viennent de rééditer en format poche dans la collection Tempus ce classique de la stratégie avec une copieuse préface de Benoît Lemay, qui a publié chez le même éditeur des biographies de Rommel et von Manstein.

     

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    "Inversant la thèse de Clausewitz dans son ouvrage De la guerre, le général Ludendorff, adjoint de Hindenburg pendant la Grande Guerre et vainqueur de la bataille de Tannenberg, affirme que la politique, en cas de conflit, doit être entièrement subordonnée au militaire. Tout en inscrivant la " guerre totale " dans le cadre d'une dictature, il la définit par la mobilisation de tous les moyens de production du pays et par une stratégie largement offensive, quitte à frapper les civils.
    Publié en 1935, cet essai rencontra d'emblée un succès important en Allemagne. Il apparaît aujourd'hui prophétique dans la mesure où Ludendorff émet des préconisations qui seront reprises par Hitler quelques années plus tard - à commencer par le concept de guerre totale qui devint, pour le malheur de l'humanité, la vulgate du régime nazi."

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  • Le royaume des imposteurs...

    Nous reproduisons ci-dessous une tribune libre de Natacha Polony, cueillie sur le site du Figaro et consacré à l'imposture dans le monde politique français... Journaliste et agrégée de lettres, Natacha Polony est l'auteur de  Nos enfants gâchés. Petit traité sur la fracture générationnelle (Lattès, 2005), L’Homme est l’avenir de la femme (Lattès, 2008) et de Le pire est de plus en plus sûr (Mille et une nuits, 2011).

     

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    France, royaume des imposteurs

    Cela commence par un président qui se fait élire sur la promesse d'imposer les plus riches à 75%. Disposition retoquée par le Conseil constitutionnel. Le même se fait écraser aux municipales et promet des baisses de charges salariales. À nouveau retoqué. Ce président prend aussi des airs compassés pour aligner trois mots effarants de banalité sur «le droit à la sécurité d'Israël» avant de se reprendre, quelques jours plus tard, et d'évoquer les morts palestiniens parce qu'un communicant l'a alerté sur l'effet désastreux de son assourdissant silence. Triste figure de composition qui est la même qu'à peu près tous les politiques, de droite comme de gauche, quand ils veulent montrer au citoyen français qu'ils sont impliqués, conscients, déterminés.

    C'est cet air d'un ancien président interrogé par deux journalistes et qui évoque ce «sens du devoir» qui seul pourrait lui donner l'envie de mettre fin au feuilleton savamment orchestré de son retour pour annoncer qu'il répond à l'appel du peuple. C'est celui d'un ministre des affaires étrangères au visage de circonstance, voulant faire croire que la France a une quelconque position diplomatique qui serait autre que l'alignement pur et simple sur les volontés américaines.

    C'est celui de ces chefs de la droite, grands ou petits, qui proclament à chaque élection leur «conviction européenne» depuis que Jacques Chirac, en 1992, a décrété qu'on ne pouvait avoir de destin présidentiel si l'on avait osé critiquer cette Europe.

    C'est enfin celui de tous ces responsables qui parlent la main sur le cœur du déclassement des classes moyennes inférieures parce qu'ils ont - enfin - compris que leur abandon total les précipitait dans les bras du Front national.

    Quel rapport entre ces personnages disparates? Cette petite gêne que l'on ressent devant ce qui ressemble fort à une simple posture. Le soupçon qu'il n'y a là aucune conviction, pas l'ombre d'une vision, mais un discours calculé suivant les impératifs supposés de la popularité ou de la réussite. La posture, c'est cette façon de ne se positionner que selon les critères du moment et ce que l'on suppose être l'attente de son public.

    C'est ce dommage collatéral généralisé du règne de la communication. Car le phénomène ne frappe pas seulement les politiques. Dans chaque domaine de l'activité humaine, on peut relever ces exemples, non pas d'hypocrisie - ce serait encore un hommage du vice à la vertu - mais de composition d'un argumentaire ponctuel hors sol. Et cela nous raconte un peu de notre monde moderne.

    La communication dont on nous rebat les oreilles comme d'un principe d'efficacité a changé de nature sous l'effet d'une extension de la logique marchande. Elle n'a plus rien à voir avec la vieille réclame qui se contentait de vanter les qualités d'un produit, de «faire savoir». Il s'agit désormais de concevoir le produit en fonction de ce qui va séduire. La communication modifie l'essence même des choses.

    Dans le domaine des idées? Plus un discours qui ne vante l'action merveilleuse des femmes, tellement «indispensables». Posture. Et que dire de ces proclamations sur la tolérance dont le but est moins de changer les choses que de montrer à ses pairs que l'on se situe du bon côté? Posture. Dans le domaine de l'art? Il y a longtemps que nous sommes habitués à ce discours verbeux qui accompagne des œuvres sans âme pour les positionner sur l'échelle de la «rébellion». Posture encore. Dans le domaine du vin? Il n'y a plus de choix qu'entre des vins passés dix-huit mois en barrique neuve, parce que certains œnologues à la mode n'aiment que le goût du chêne, ou les vins oxydés de ceux qui ont fait du vin «bio» une idéologie.

    Le dénominateur commun? Le lecteur, l'électeur ou le buveur sont devenus des clients, plus des citoyens auxquels on s'adresse, des gens à qui l'on offre une émotion ou une vision en partage. Ils sont des parts de marché potentielles. En politique, le tournant date du début des années 1980, quand des publicitaires ont pris en main les campagnes électorales. Un petit village de France sur une affiche et ce slogan: «La force tranquille». Première forfaiture politique. Car malgré l'espoir sincère que soulevait dans une partie du peuple l'arrivée de cette gauche au pouvoir, on entrait dans l'ère du mensonge. Sous prétexte d'aider les politiques à formuler leurs idées et d'offrir un écho à leurs actes, les marketeurs ont peu à peu modifié le discours politique lui-même pour le faire coller aux codes.

    Comme dans le vin, c'est maquillage au bois neuf du techno pinard ou vinaigre imposé par les «purs» autoproclamés. C'est un gaullisme de circonstance par des héritiers perchés sur la croix de Lorraine pour mieux s'asseoir sur les engagements et les choix de l'homme du 18 Juin. C'est une invocation ad nauseam des mânes de Jaurès par ceux-là mêmes qui ont désindustrialisé le pays et abandonné la classe ouvrière pour convenir aux sirènes de la mondialisation.

    Une société de posture ne peut rien produire de durable, rien qui dépasse le simple cadre de notre existence immédiate, puisqu'elle ne cultive que le court terme et la rentabilité. Quitte, pour cela, à tromper un peu le client. Ainsi de la posture sommes-nous passés à l'imposture.

    Natacha Polony (Figarovox, 11 août 2014)

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  • Entretien avec Michel Drac...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un excellent entretien donné par Michel Drac à ERTV à l'occasion de la sortie aux éditions du Retour au sources d'Essais, un volume rassemblant l'ensemble de ses écrits.

     


    Michel Drac - Interview post-conférence du 7... par ErAquitaine

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  • Dominique Venner - Une pensée, une œuvre, un destin... (7)

    Vous pouvez découvrir ci-dessous le deuxième volet d'un long entretien avec Dominique Venner, réalisé par Philippe Conrad, Philippe Milliau et Jean-Yves Le Gallou entre le 27 et le 28 février 2013.

    Dans cette partie, Dominique Venner évoque avec Philippe Conrad les débuts de son parcours d'historien au travers de ses livres Le blanc soleil des vaincus, consacré aux sudistes, Baltikum, consacré aux Corps-francs allemands, et Histoire de l'Armée rouge, consacré à la Révolution bolchévique, ou au travers de sa collaboration à la revue Historia...

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  • La France sous les bombes alliées...

    Nous vous signalons la parution prochaine en DVD chez France Télévision du documentaire intitulé La France sous les bombes alliées et réalisé par Emmanuel Blanchard, Catherine Monfajon et Fabrice Salinié. Diffusé au printemps sur France 3, il est basé sur le livre de l'historien britannique Andrew Knapp, Les Français sous les bombes alliées (Tallandier, 2014).

     

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    " Entre 1940 et 1945, les bombardements alliés ont fait près de 60 000 morts en France. Des centaines de villes furent sinistrées, certaines littéralement rasées. Descentes aux abris, hurlements des sirènes, maisons en flammes : pour tous les Français qui vivaient près des sites stratégiques occupés par les nazis, la guerre fut d’abord l’expérience terrible du bombardement."

    Pour les impatients vous pouvez découvrir le documentaire ci-dessous :

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  • Machiavel contre le machiavélisme...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un article d'Olivier Pironet  cueilli sur Le Monde diplomatique et consacré à la pensée politique de Machiavel.

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    Machiavel contre le machiavélisme

    On ne compte plus les études, biographies, colloques qui ont célébré cette année le cinq centième anniversaire du Prince (1). Dans cet opuscule consacré à l’art de gouverner, Nicolas Machiavel (1469-1527) expose sans détour « ce qu’est la souveraineté, combien d’espèces il y en a, comment on l’acquiert, comment on la perd (2) ». Il dévoile ainsi les rouages du pouvoir et les fondements de l’autorité, ce qui lui a valu une réputation sulfureuse, des interprétations contradictoires, et a fait de son ouvrage « le livre de pensée politique le plus lu et commenté (3) » depuis un demi-millénaire.

    Ecrit en 1513, Le Prince est publié à titre posthume en 1532 — fait rare, c’est donc sa rédaction que l’on commémore — et mis à l’Index par l’Eglise catholique, comme tous les livres du Florentin, de 1559 jusqu’à la fin du XIXe siècle. En 1576, l’auteur huguenot Innocent Gentillet contribue à forger sa mauvaise réputation en inventant le terme de « machiavélisme », promis à un bel avenir. Du penseur Jean Bodin (1529-1596), qui l’accuse d’avoir « profané les mystères sacrés de la philosophie politique », au savant Bertrand Russell (1872-1970), pour qui Le Prince est un « manuel pour gangsters », Machiavel passe communément pour le théoricien cynique du pouvoir et des techniques de manipulation, celui qui murmure à l’oreille des tyrans.

    Pourtant, sa pensée se prête aussi à de tout autres interprétations (4). Le Prince est le « livre des républicains », selon Jean-Jacques Rousseau ; celui où « Machiavel lui-même se fait peuple », pour Antonio Gramsci. A vrai dire, des penseurs de la Contre-Réforme, au XVIe siècle, jusqu’aux libéraux du XXIe siècle, en passant par les auteurs des Lumières, les Jacobins, les marxistes, les fascistes ou les néorépublicains, tous y sont allés de leur lecture. Aujourd’hui, le Florentin inspire tout autant des romans policiers ou des jeux vidéo (5) que des bréviaires de « management entrepreneurial » ou même de « gouvernance familiale » — comme Machiavelli for Moms Machiavel pour les mamans »), de Suzanne Evans (Simon & Schuster - Touchstone, 2013)...

    Dans son autre œuvre majeure, les Discours sur la première décade de Tite-Live, publiés en 1531, Machiavel examine, en relisant l’histoire romaine, les principes du régime républicain, et démontre sa supériorité par rapport aux systèmes despotiques ou autoritaires (principati). Le Prince et les Discours s’articulent autour d’une même problématique : comment instaurer et maintenir un régime d’autonomie et d’égalité — la république — dans lequel les rapports de domination sont exclus ? Comment constituer un Etat libre fondé sur des lois communes, des règles de justice et de réciprocité et la réalisation du bien public ? Le Prince, théorie de la fondation de la république, ou de sa refondation en situation de crise, ainsi que des méthodes adéquates — parfois violentes — pour en construire les piliers, et les Discours, réflexion sur la forme qu’elle doit prendre — la démocratie — comme sur les moyens de la préserver, sont indissociables. Tous deux naissent du contexte historique où Machiavel les rédige et de la tradition intellectuelle dans laquelle il s’inscrit pour mieux s’en détacher.

    Quand il s’attelle au Prince, la République florentine, qu’il a servie pendant quatorze ans en tant que haut diplomate, minée par les divisions et la corruption, vient d’être renversée par les partisans des Médicis avec l’aide des Espagnols (septembre 1512). L’intermède républicain a duré dix-huit ans : une république théocratique, de 1494 à 1498, placée sous l’autorité du moine Jérôme Savonarole, puis une république laïque, de 1498 à 1512. Depuis des décennies, la Péninsule est soumise aux appétits des grandes monarchies qui s’allient au gré de leurs intérêts avec les nombreuses cités-Etats du pays, empêchant l’unification territoriale et nationale que Machiavel appelle de ses vœux. C’est cette situation qui explique l’objet du Prince : il s’agit pour son auteur de réfléchir aux moyens de rétablir la république dans la cité toscane et d’édifier un Etat suffisamment fort pour « prendre » (unifier) l’Italie et la « délivrer » des puissances étrangères. Le Prince s’adresse à celui qui sera capable de réaliser ce double objectif.

    C’est à la fois un manuel d’action pour répondre à l’urgence et une réflexion sur la nature du pouvoir, dans la lignée des ouvrages didactiques en vogue parmi les humanistes. Il rompt néanmoins avec les idéaux classiques. Et édicte les préceptes et méthodes que doit suivre le (re)fondateur d’un Etat, en inversant le rapport traditionnel de subordination de la politique à la morale au nom de la « vérité effective des choses » : l’art de gouverner obéit à des règles spécifiques liées à l’instabilité des relations humaines (les hommes suivent leurs intérêts et leurs passions, dont l’ambition) ainsi qu’à l’irrationalité de l’histoire. Tout dirigeant doit connaître ces règles s’il veut « se préserver » et « maintenir l’Etat ».

    En définissant la politique comme un champ d’action et de réflexion autonome sur lequel la morale n’a pas prise, Machiavel déclenche, pour citer Louis Althusser, une « véritable révolution dans le mode de penser (6) », qui débouchera plus tard sur la constitution de la science politique moderne. C’est cette innovation qui lui vaudra tant d’inimitiés. Les uns lui reprochent d’avoir mis au jour les mécanismes de la domination et enseigné aux gouvernés comment les gouvernants s’y prennent pour asseoir leur pouvoir ; les autres d’avoir détruit, au nom de l’efficacité de l’action, le lien intrinsèque existant selon eux entre la politique, la morale et la religion.

    Machiavel développe cependant une autre problématique essentielle. Selon lui, chaque régime repose sur l’opposition fondamentale entre deux grandes classes, ou « humeurs » (umori) sociales, qui en détermine la forme : le peuple, c’est-à-dire le commun des citoyens, et les grands, ceux qui constituent l’élite sociale, économique et politique. Les seconds, minoritaires, veulent la domination ; le premier, majoritaire, la conteste. « Et de ces deux appétits opposés naît dans les cités un de ces trois effets : ou monarchie, ou liberté, ou licence. »

    Aucun Etat ne peut faire l’économie de cette division sociale : le conflit entre les deux classes, qui recouvre des différences de rang, de richesse et d’aspirations, est universel, et sans résolution définitive possible. Pour diriger, il faut choisir un camp. Pour Machiavel, ce ne peut être que celui du peuple, « car ses buts (…) sont plus honnêtes que ceux des grands, les uns voulant opprimer, l’autre ne pas être opprimé ». La monarchie, ce principato autoritaire que Machiavel voit également dans l’oligarchie, est incapable de résoudre la question sociale. Il faut donc lui préférer un régime républicain, seul système à même de garantir l’égalité des citoyens, la réalisation du bien public et l’indépendance du pays.

    Mais cette république, comme le précisent les Discours, ne peut s’appuyer que sur l’institution de la discorde civile entre les élites et la plèbe, autrement dit sur la reconnaissance politique du conflit inhérent à la cité. L’idée d’une société pacifiée est un mythe, voire une aberration. Machiavel estime ainsi que la République romaine « n’arriva à [sa] perfection que par les dissentiments du Sénat et du peuple ».

    Par là, il s’écarte radicalement du modèle classique, selon lequel l’Etat doit reposer sur des rapports de concorde. Pour lui, au contraire, l’institution de cette discorde civile est le fondement même de la liberté : « Dans toute république, il y a deux umori (…) et toutes les lois favorables à la liberté ne naissent que de leur opposition. » C’est pourquoi il est essentiel de mettre en place un dispositif légal par lequel le peuple puisse faire entendre ses revendications et ses droits.

    Une fois admise la participation commune du peuple et des grands au pouvoir par le biais de leur opposition, la question se pose de savoir à qui confier la « garde de la liberté » et le soin de veiller au bon fonctionnement des institutions. Ce problème est d’une importance capitale, car du contrôle de l’intérêt public par l’une ou l’autre de ces deux catégories dépendent la solidité et l’unité de l’Etat. Quelle forme la république doit-elle donc prendre : aristocratique ou démocratique ? Alors que la grande majorité des penseurs républicains de son époque prônent une oligarchie, le Florentin préconise l’instauration d’une république populaire (stato popolare) fondée sur l’autorité suprême d’une assemblée au sein de laquelle le peuple peut participer, au même titre que les grands, à la direction des affaires de la cité. Il qualifie ainsi, dans le Sommaire des choses de Lucques, de « bonne disposition » le fait qu’un « conseil général ait autorité sur les citoyens, parce que c’est un frein efficace contre les ambitions de certains. (…) Le grand nombre sert à sévir contre les grands et contre l’ambition des riches ». Est plus à même de protéger la liberté et l’égalité, celui qui a intérêt à les voir se maintenir : « Il faut toujours confier [le dépôt de la liberté] à ceux qui ont le moins le désir de la violer. »

    En revanche, quand ce ne sont pas « ceux qui [ont] le plus de mérite, mais ceux qui [ont] le plus de puissance » qui occupent les fonctions élevées de l’Etat, un autre conflit apparaît : la division entre groupes d’intérêts rattachés le plus souvent à des clans familiaux, à des systèmes clientélistes ou à des monopoles financiers — ce que Machiavel range sous le nom de sette (factions, lobbys). Dès lors que « les riches seuls et les puissants propos[ent] des lois, bien moins en faveur de la liberté que pour l’accroissement de leur pouvoir », l’Etat est miné à sa racine même, corrompu. C’est ainsi que la République romaine se perdit, comme la République florentine. Que faire alors ? Les citoyens « doivent examiner la force du mal, et, s’ils se sentent capables de le vaincre, l’attaquer sans considération ».

    Olivier Pironet (Le Monde diplomatique, octobre 2013)

     

    Notes :

    (1) Signalons l’étude d’Emmanuel Roux, Machiavel, la vie libre, Raisons d’agir, Paris, 2013, 267 pages, 20 euros. Filippo Del Lucchese, auteur de Tumultes et indignation. Conflit, droit et multitude chez Machiavel et Spinoza (éd. Amsterdam, Paris, 2010), a coordonné un site Internet autour du Prince, « Machiavelli : A multimedia project ». Cf. également John P. McCormick, Machiavellian Democracy, Cambridge University Press, 2011.

    (2) Lettre à Francesco Vettori, 10 décembre 1513.

    (3) Emmanuel Roux, op. cit.

    (4) Sur les différentes interprétations de la pensée du Florentin, cf. Claude Lefort, Le Travail de l’œuvre Machiavel, Gallimard, Paris, 1986 (1re éd. : 1972).

    (5) Cf. Ranieri Polese, « Machiavel mène l’enquête », Books, n° 46, Paris, septembre 2013.

    (6) Louis Althusser, L’avenir dure longtemps, Flammarion, coll. « Champs essais », Paris, 2013 (1re éd. : 1992).

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