Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

- Page 6

  • Couple franco-allemand et Europe fédérale...

    Nous reproduisons ci-dessous un article de Jean-Paul Baquiast, cueilli sur le site De Defensa. L'auteur, animateur du site Pour une Europe intelligente, y défend l'idée de l'importance vitale d'un couple franco-allemand fort pour construire une Europe fédérale puissante ; une importance que les Anglo-saxons ont bien comprise depuis longtemps...

     

    defile-de-la-brigade-franco-allemande.jpg

     

    Couple franco-allemand et Europe fédérale

    L'urgence à renforcer le couple franco-allemand viendra-t-elle en contradiction avec une autre urgence, donner à l'Union européenne le statut d'un Etat fédéral?

    Nous sommes de ceux qui pensent que les deux nations, l'Allemagne et la France, ont manqué le rendez-vous de l'histoire il y a quelques années lorsque l'idée de renforcer les liens institutionnels entre l'Allemagne et la France, y compris en partageant des responsabilités politico-administratives, avait été évoquée. Faute d'hommes d'Etat visionnaires, dans les deux pays, ce projet n'a pas été encouragé. Aujourd'hui, nous allons le voir, le besoin s'impose plus que jamais. Mais ceux qui reprendraient une telle initiative viendraient-ils en contradiction avec une exigence beaucoup plus pressante, transformer progressivement l'Union européenne en Etat fédéral? On pourrait craindre en effet que si un pôle de puissance se constituait autour de l'Allemagne et de la France, les 25 autres Etats redouteraient de voir le cadre fédéral amputer leurs autonomies au profit de ce pôle. Nous croyons pour notre part qu'à condition de déployer un peu de diplomatie, il n'en serait rien. Toute Fédération juxtapose sans conflits des Etats fédérés inégalement puissants. Des dispositifs constitutionnels existent pour la défense des partenaires moins importants. Encore faudrait-il convaincre les opinions publiques de leur efficacité.

    Le couple Franco-allemand. Les Allemands en veulent-ils encore?

    Partager avec l'Allemagne des politiques communes, voire des institutions communes, devrait être généralement bien vu en France. Les Allemands sont appréciés et admirés, même s'ils suscitent moins de sympathies spontanées que d'autres voisins, Espagnols ou Italiens par exemple. Ces partages pourraient se faire dans des domaines où les deux pays disposent d'atouts semblables qui pourraient ainsi être renforcés. Il en serait ainsi par exemple des programmes de recherche scientifique ou des budgets d'éducation. Ils pourraient parallèlement être encouragés dans des domaines où les défaillances d'un pays seraient compensées par les avancées de l'autre. Evoquons par exemple la Défense, point fort de la France ou les coopérations stratégiques avec la Russie ou la Chine, point fort de l'Allemagne.

    Beaucoup d'observateurs considèrent par contre que des mises en commun avec la France seraient aujourd'hui refusées par les Allemands, que ce soit par les grands intérêts industriels qui font aujourd'hui la loi à Berlin ou par l'opinion publique, laquelle se sent plus spontanément proche de l'Europe du Nord et de l'Est. Les Français seraient considérés avec la méfiance condescendante qui caractérise les relations de l'Europe centrale “sérieuse”, avec l'Europe méditerranéenne plus insaisissable. Les changements de pied continuels et le culte de l'égo ayant caractérisé Nicolas Sarkozy ces dernières années n'auraient rien fait pour revaloriser l'image de la France.

    De nombreuses analyses récentes, d'origine anglo-saxonne, vont plus loin. Elles visent à démontrer que l'Allemagne a désormais choisi d'une part de s'imposer en leader sans partage dans l'Union européenne et d'autre part de constituer, avec un groupe de pays suiveurs dans lequel la France n'aurait pas sa place, un axe de puissance intégrant la Russie et tourné vers la coopération d'égal à égal avec les pays asiatiques, notamment la Chine. Un article récent du New York Times, «Europe's Economic Powerhouse Drifts East», montre avec des exemples précis comment de grandes entreprises allemandes ont décidé de concentrer au profit de l'Est, notamment de la Chine, leurs efforts commerciaux et surtout leurs investissements. Elles ne tournent pas systématiquement le dos avec l'Europe, qui continue à jouer un rôle important pour elles, mais ce sera dorénavant l'Asie qui sera leur champ de bataille principal.

    Ces entreprises et le gouvernement allemand à leur suite ne craignent apparemment pas la concurrence chinoise ni même des mesures unilatérales visant à les exclure du marché chinois. Elles font confiance pour cela à leur avance technologique qui les rendra incontournables à l'avenir, quels que soient les investissements de recherche/développement des entreprises chinoises. On conçoit que dans ces perspectives, le rapprochement avec des entreprises françaises poussives, n'investissant pratiquement pas et voyant se réduire leurs marchés, n'intéresse plus les Allemands. Ils craindraient par ailleurs comme la peste les tentations de protectionnisme que pourraient avoir le gouvernement français en cas d'aggravation de la situation économique intérieure.

    Les mêmes think-tanks atlantistes opérant sans contrainte en Europe même font valoir qu'un éventuel couple franco-allemand renforcé (dont ces think-tanks ne veulent pas) terrifierait les autres pays européens. Ces pays ne craindraient pas dans ce couple le leadership allemand, au contraire. Selon l'image du New York Times, beaucoup seraient prêts à reprendre le refrain du Deutschland über allés. Mais ils craindraient par dessus tout l'influence et les initiatives françaises, présentées comme franco-centrées, irresponsables et politiquement aventureuses. A cet égard, il est certain que la France aurait beaucoup à faire pour mieux faire admettre à ses voisins les politiques ambitieuses dont elle pourrait rêver et dont le couple franco-allemand pourrait être un des acteurs. L'arrogance supposée de la “Grande Nation” n'a pas fini de faire des ravages.

    Il faut prendre garde cependant que les analyses évoquées ci-dessus, même si elles reposent sur des observations incontestables, ont tendance à dramatiser la montée en puissance de l'Allemagne et sa volonté de devenir une sorte de nouveau führer au sein d'une Europe réduite aux tâches mineures. Elles émanent en effet de sources anglo-américaines pour qui traditionnellement la constitution en Europe d'un axe franco-allemand fort a toujours été considéré comme le risque absolu. Le capitalisme industriel allemand, sur le modèle dit rhénan, comme les politiques économiques régaliennes et interventionnistes traditionnelles en France, contredisent en effet directement le modèle néo-libéral anglo-saxon reposant sur la prédominance des intérêts financiers dans un monde systématiquement voulu sans frontières. Il y a donc intérêt pour les Etats-Unis à maximiser les différentiels de civilisation entre l'Allemagne et la France et présenter par ailleurs comme dangereux pour le rêve toujours vivace d'un “grand marché nord-atlantique” les stratégies allemandes d'ouverture à l'Est (voir sur ce “rêve”, notre “brève” ) .

    Concernant l'avenir des projets allemands en Asie, il faudrait en Europe même rester prudent. Bien que la Chine accepte encore volontiers des partenariats avec le capitalisme industriel allemand, elle sera tentée en cas de renforcement de ses difficultés intérieures de se recentrer sur ses propres ressources, privant ainsi à l'avenir l'économie allemande d'un de ses moteurs. Si l'Europe, et plus particulièrement la France, savaient au contraire sortir de leur atonie et offrir à l'Allemagne, comme d'ailleurs à la Russie, de nouvelles opportunités de développement, ces grandes nations cesseraient de se détourner des enjeux de la coopération intra-européenne. C'est sur un tel pari que reposerait un ambitieux projet fédéral européen, lui même axé sur un couple franco-allemand renforcé.

    Un ensemble franco-allemand fort dans une Fédération européenne forte.

    Si l'on voulait que les deux exigences résumées dans ce sous-titre puissent progresser en parallèle, il faudrait convaincre les intérêts économiques mais aussi les opinions publiques, dans les deux pays comme dans le reste de l'Europe, que la chose serait possible et bénéfique. Autrement dit, il faudrait montrer que des partenariats stratégiques accrus entre l'Allemagne et la France bénéficieraient à tous les pays européens, voire à des pays non-européens voisins, autour de la Méditerranée notamment.

    Les exemples de tels bénéfices possibles ne manquent pas. D'ores et déjà la coopération historique qui s'était établie autour d'un pôle franco-allemand dans les industries aéronautiques et spatiales a entrainé de nombreux partenaires européens. Aujourd'hui, si Daimler semble bouder ce secteur pour lui préférer la mécanique, l'avenir devrait rester prometteur, à condition de savoir se garder des abandons prématurés de savoir-faire. Il pourrait en être de même du ferroviaire et des grandes technologies intéressant les réseaux terrestres, l'aménagement du territoire, le traitement des déchets et la protection des littoraux. Concernant les industries de défense et leurs applications duales, la France et l'Allemagne disposent d'une compétence sans égale dont pourront un jour bénéficier tous les pays européens, s'ils acceptaient de se rallier au concept d'une défense européenne s'émancipant de la tutelle politique et technologique américaine.

    De la même façon, sans mentionner le cas particulier du nucléaire, on pourrait admettre qu'en ce qui concerne toutes les énergies non productrices de CO2, la nécessité d'une concurrence interne entre industries européennes, à laquelle tient beaucoup l'Allemagne, ne devrait pas exclure des coopérations entre l'Allemagne, la France et les autres pays. Il en serait de même dans le domaine des industries chimiques, pharmaceutiques et du vivant, du numérique, de la robotique et de l'intelligence artificielle.

    Dans tous ces cas, et bien d'autres que nous ne citerons pas ici mais qui sont très connus de nos lecteurs, le projet fédéraliste que nous avons présenté par ailleurs, visant à constituer un grand fonds stratégique d'investissement financé par les épargnes européennes, pour un montant cumulé d'au moins 1000 à 1500 milliards, permettrait d'ouvrir de larges espaces de développement aux champions industriels et scientifiques allemands, français ainsi qu'à ceux existant ou à créer dans l'ensemble des autres pays européens, petits ou grands.

    Ceci pourrait permettre, sans rien retirer à la puissance propulsive du moteur industriel allemand, de mieux assurer ses échanges avec des concurrents/partenaires européens. Le moteur allemand pourrait ainsi contribuer plus qu'aujourd'hui au développement de l'Union toute entière, ainsi qu'au couple franco-allemand au sein de celle-ci.

    Mais il faudrait pour que tout ceci se produise que la France, l'Allemagne et les autres Etats européens adhérent au projet fédéraliste que nous avons décrit dans plusieurs articles (voir notamment récemment cet article). Il faudrait aussi que les nains qui nous gouvernent cèdent la place, sous la pression d'opinions populaires enfin convaincues, à des dirigeant(e)s de très grande stature. Ce serait sans doute là le pas le plus difficile à franchir. Mais les crises font parfois surgir des ressources humaines inattendues.

    Jean Paul Baquiast (De Defensa, 21 juillet 2011)

    Lien permanent Catégories : Géopolitique, Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • Sur l'archéofuturisme...

    Les éditions de L'AEncre viennent de rééditer L'Archéofuturisme, un essai de Guillaume Faye paru initialement en 1998. Figure de la Nouvelle Droite dans les années 70-80, auteur d'essais importants, servis par un style étincellant, comme Le système à tuer les peuples (Copernic, 1981) ou L'Occident comme déclin (Le Labyrinthe, 1984), Guillaume Faye revenait avec cet essai au combat idéologique après dix années d'errance dans les milieux de la radio et du show-businness. Premier d'une nouvelle série d'écrits de combat, il est d'évidence le plus intéressant, le plus travaillé et le le plus percutant avec ses idées-force d'archéofuturisme, de constructivisme vitaliste et de convergence des catastrophes. Par la suite, l'auteur s'est enfermé dans un anti-islamisme rabique qui semble lui avoir fait perdre de vue l'ennemi principal et l'avoir amené à opérer des rapprochements surprenants.

    Nous reproduisons ci-dessous la critique de L'Archéofuturisme qu'avait publiée la revue Eléments dans son numéro de juin 1999, sous la plume de Charles Champetier.

     

    guillaume faye,archéofuturisme,convergence des catastrophes,constructivisme vitaliste,nouvelle droite,ennemi principal,éléments,nd

     

    Sur l'archéofuturisme

    Après treize années passées dans le milieu du show business et de la presse populaire, Guillaume Faye, ancien animateur de la Nouvelle Droite, revient au combat des idées en publiant un essai, L'archéofuturisme. A tout seigneur tout honneur: le livre s'ouvre sur une critique de la Nouvelle Droite, critique qui a pour principal mérite d'être formulée sur un ton amical et constructif. Que reproche sur le fond Guillaume Faye à la ND?

    a) De s'être coupée du politique, alors qu'un gramscisme bien compris l'invitait à se faire l'école de pensée d'un parti (en l'occurrence, le FN);

    b) de s'être soumise à la censure en renonçant à développer des thèses « provocatrices» et « radicales»;

    c) de se réclamer de l'ethnopluralisme, du différentialisme et du communautarisme à l'heure où le clivage principal opposerait non plus l'Est et l'Ouest, mais le Nord et le Sud.

    Nous sommes en désaccord sur ces trois points. La métapolitique, travail de défrichage du champ intellectuel et de cristallisation de clivages idéologiques dans la société, n'a jamais été un autre moyen de faire de la politique, mais autre chose que la politique: 1'« intellectuel de parti » produit des slogans vides et des idées creuses. Quant aux mouvements politiciens (la bande des six, sept, huit ou neuf), ils n'ont aujourd'hui d'autres perspectives que la vaine conquête d'un État réduit à la gestion (sociale-libérale, libérale-conservatrice voire nationale-conservatrice) de la mondialisation médiatique, technologique et financière. Le forme-parti est épuisée et la dissémination du politique appelle d'autres modes d'action - ce qu'une certaine gauche impliquée dans les « nouveaux mouvements sociaux» a compris depuis longtemps.

    La « provocation» et la « radicalité », loin d'être les adversaires de la censure (dont Faye sous-estime par ailleurs la puissance) et plus généralement du système, en sont les meilleurs alliés: le raciste, l'eugéniste, l'antisémite, l'intégriste, le nazi ou le stalinien servent tour à tour de repoussoirs imaginaires à une modernité intellectuellement essoufflée, réduite à fantasmer sur ses errements et ses refoulements, prête à récupérer médiatiquement toutes les contestations dans la case « déviance» ou « folklore » de son spectacle permanent. Accessoirement, un discours est d'autant plus « radical» qu'il ne s'affiche pas comme tel, et vice-versa: une partie de l'extrême gauche antifasciste, par exemple, utilise aujourd'hui ce thème de la « radicalité » pour sublimer son ralliement à un système dont elle se veut le plus fidèle chien de garde. 

    La thèse du méga-affrontement Nord-Sud et l'analyse de l'immigration (en fait des immigrés) comme ennemi principal de l'Europe, thèse qui parcoure l'ensemble de l'essai, relèvent à mon sens de l'erreur de jugement (sur le plan analytique) et de la fausse conscience (sur le plan psychologique). Erreur de jugement car l'immigration actuelle n'est pas tant une colonisation que le dernier revers de la colonisation, c'est-à-dire l'ultime conséquence de l'occidentalisation du monde, de la réduction de l'homme à l'état de producteur-consommateur anonyme et de l'imposition d'un mode unique de développement fondé sur le mythe de la croissance perpétuelle. On ne résoudra certes pas les problèmes du tiers-monde en le faisant venir en Europe; mais on n'évitera pas qu'il y vienne en surfant sur le fantasme de la forteresse assiégée et en s'épargnant ainsi une critique des sources mêmes des déséquilibres planétaires. Fausse conscience car la focalisation des esprits sur 1'« immigration-invasion» évite de dési­gner le libéralisme comme ennemi principal de tous les enracinements (autochtones et immigrés), alimente l'imaginaire réactif et conspirationniste (« l'islamiste au sabre entre les dents» et la « cinquième colonne» comme béquilles de la pensée), décerne trop souvent un faux « brevet d'enracinement» à ceux qui tirent alibi du refus de la différence ethnique pour entériner l'indifférenciation de leur monde vécu. Définir l'immigré comme la « victime innocente de la société» (à gauche) ou comme le « virus pervers de la décadence » (à droite) sont deux lignes de fuite devant la réalité.

    La solution communautarienne a bien sûr ses limites: mais parce qu'elle part du principe de défense de toutes les identités face à l'uniformisation mar­chande, parce qu'elle refuse la reproduction du Même indifférencié, elle me paraît toujours plus porteuse de rupture cr de sens que le double mirage de l'assimilation et de l'exclusion. Au-delà de cette critique de la ND, la thèse centrale de l'ouvrage concerne l'implosion de la modernité et les contours du monde qui lui succédera. Pour Faye, la modernité se voit menacée pour la première fois par des lignes convergentes de catastrophes: financière (éclatement de la bulle spéculative mondiale), économique (impossibilité de généraliser le niveau de vie occidental à la planète), écologique (confrontation de l'exploitation marchande aux limites de la biosphère), démographique (chute de la natalité, allongement de la durée de vie) ou encore ethnique (Nord vieillissant et opulent face à un Sud prolifique et pauvre). Ainsi appelée à s'écraser sur le mur du réel, la modernité sera supplantée par un système « archéofuturiste », où se conjugueront les réflexes archaïques et les fulgurances futuristes, les technologies libérées des préventions humanistes cr les systèmes sociaux traditionnels. Pour faire bref, et en s'inspirant de la nouvelle de science fiction qui clôt l'essai, une société à deux vitesses où se superposent une élite confisquant les avancées de la technoscience et des peuples revenus à un mode de vie néolithique - des hoplites transgéniques partant à la conquête de Mars et des paysans revenus au rythme des saisons et des jours.

    La modernité est effectivement arrivée à saturation, et l'essai de Guillaume Faye a le mérite de rompre avec l'optimisme niais des mondialisateurs béats pour pointer quelques-unes des crises majeures qui la menacent. Son propos est surtout convaincant dans les domaines économiques et écologiques. Mais l'hypothèse archéofuturiste appelle quelques critiques. On peut douter du caractère convergent de ces catastrophes : Faye, qui vitupère fort justement la « croyance au miracle», verse à son tour dans la « croyance en l'apocalypse» et indexe l'avenir des peuples européens à un « grand soir » que l'histoire pourrait fort bien différer de quelques décennies, voire de quelques siècles. La convergence des catastrophes est un « mythe négatif» séduisant, mais dont il ne faut pas sous-estimer la portée incapacitante pour ses adeptes : si la fin du monde moderne est pour 2010-2020, pourquoi ne pas l'attendre en se crosant les bras et en se persuadant que l'on comptera parmi les élus ? 

    Si l'on ne partage donc pas la structure de la prophétie fayenne, soulignons pour conclure que nombre de ses micro-analyses, servies par un sens remarquable des formules-choc et animées d'une saine volonté polémique, stimulent souvent l'esprit et enflamment parfois l'imagination. En ce sens, l'essai parvient à son but : ouvrir des débats dans l'esprit du « et si? » plutôt que de les clore dans la logique du « il faut! ».

    Charles Champetier (Eléments n°95, juin 1999)

     

     

    Lien permanent Catégories : Livres, Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • L'Europe de Weimar...

    Nous reproduisons ci-dessous un article d'Alain de Benoist publié dans le Figaro magazine en 1978 et consacré à l'Allemagne de Weimar...

    Weimar.jpg

    L’EUROPE DE WEIMAR

     

    Il y a décidément une fascination pour Weimar ! Une fascination qui emprunte à l'expressionnisme, au Bauhaus, à Bertolt Brecht, à Marlène Dietrich, au Docteur Mabuse et à L’ange bleu. Mais aussi à Stefan George et à Georg Lukács, à Spengler et Rosa Luxemburg, Alfred Weber et Theodor Adorno, au putsch de Berlin et à la Commune de Bavière, au communisme et aux corps-francs. Pourquoi cette fascination ? Walter Laqueur, professeur d'histoire à Tel-Aviv, directeur de l'Institut d'histoire contemporaine et de la Wiener Library, donne peut-être la réponse quand il dit de la culture de Weimar qu'elle fut la « première culture authentiquement moderne ».

    C'est en effet dans cette République née de la défaite et de l'humiliation nationale produite par le Diktat de Versailles, qui commence en novembre 1918 avec la mutinerie de la flotte de la Baltique pour s'achever en 1933 avec le défilé des chemises brunes sous la Porte de Brandebourg, c'est dans cette société dominée par les partis, marquée par la violence (354 attentats politiques recensés entre 1919 et 1922), l'inflation et le chômage, c'est dans ce tourbillon politique, dans ce chaos économique, que semblent être apparus la plupart des grands courants de pensée, intellectuels et politiques, artistiques et littéraires, dont se nourrit encore notre époque, qu'il s'agisse de l'existentialisme, de l'écologisme, du néo-nationalisme et du néo-marxisme, des mouvements de jeunesse et de la microphysique, du nietzschéisme et de l'Ecole de Francfort, de l'art abstrait et de la musique atonale.

    Mais la République de Weimar n'est pas seulement « moderne » en raison de son extraordinaire densité historique et intellectuelle, qui fait que son nom est désormais associé à ceux, si différents, d'Einstein, Spengler, Brecht, Gropius, Thomas Mann, Moeller Van den Bruck, Fritz Lang, Ernst Jünger, Max Reinhardt, Gottfried Benn, Paul Klee ou Heidegger. Elle l'est aussi, et surtout, par la transformation générale des idées dont elle a été le lieu.

    A partir de 1918-20, on assiste en effet, en Allemagne, à des redéfinitions radicales. Une pléthore d'idées nouvelles font leur apparition, aussi bien parmi les intellectuels « de droite » (dont « à très peu d'exceptions près, souligne Laqueur, aucun ne se rallia plus tard au nazisme ») que parmi ceux « de gauche », tandis qu'en l'espace de quelques mois, les mêmes électorats passent massivement d'un bout à l'autre de l'échiquier politique. Le vocabulaire associe alors les termes les plus contradictoires. On parle de « Révolution Conservatrice » et d'athéisme religieux, de néopaganisme et de marxisme mystique, de Règne et d'Empire, de classe et de nation, de pouvoir et d'utopie. Des hommes classés « à droite », comme Jünger et Moeller Van den Bruck, rêvent d'une alliance des « peuples jeunes » : l'Allemagne et la Russie soviétique. Le gouvernement social-démocrate fait appel aux « ultras » des corps-francs pour rétablir l'ordre à Berlin. Leo Schlageter, jeune résistant exécuté par l'occupant (français) de la Ruhr, est tout à la fois célébré par la droite nationaliste et le parti communiste. « Conservateurs » et « progressistes » se disputent l’idée de révolution et critiquent avec la même virulence l'univers plat et banal (entzaubert, « désenchanté ») de la bourgeoisie. Le tonnerre gronde sur fond de « décadence » et d'« avant-garde ». Berlin s'amuse, mais on se bat aux frontières. Tout s'effondre et tout renaît. C'est l'inter-règne.

    Les hommes eux-mêmes suivent les itinéraires les plus surprenants. Citons le cas d'Edgar J. Jung (né en 1894), ancien des corps-francs, membre du cercle jeune-conservateur de Munich, auteur d'un vigoureux pamphlet contre le « règne des médiocres » (Die Herrschaft der Minderwertigen, 1927), proche collaborateur de von Papen à partir de 1932, assassiné par les nazis en juillet 1934 au moment de la « nuit des longs couteaux ». Ou celui d'Ernst Niekisch (1889-1967), membre du parti social-démocrate en 1917, directeur à partir de 1926 de la revue « nationale-bolchevique » Widerstand, à laquelle collabore Ernst Jünger, condamné sous Hitler à la détention à vie, communiste orthodoxe après la guerre, professeur à Berlin-Est de 1948 à 1954.

    Telle fut la République de Weimar, époque de contrastes et de désespoir, de surenchères et de contradictions, que Georg Lukács, dans sa Théorie du roman, décrira comme le temps de la « culpabilité parfaite » (das Zeitalter der vollendeten Sündhaftigkeit), dans laquelle le poète Gottfried Benn verra en 1955 « les plus merveilleuses années de l'Allemagne », et dont Ernst von Salomon, cité par Dominique Venner dans son remarquable ouvrage sur les corps-francs, dira : « Ce que nous voulions, nous ne le savions pas, et ce que nous savions, nous ne le voulions pas. Pourtant, nous étions heureux dans la confusion, car nous avions la sensation de ne faire qu'un avec notre temps… » (Les réprouvés).

    Si la République de Weimar reste aujourd’hui encore si mal connue, et surtout si mal comprise, c'est précisément – de pair avec ce que Joseph Rovan appelle « l'ignorance des réalités allemandes qui persiste en France » (L'Allemagne n'est pas ce que vous croyez, Seuil, 1978) – parce que cette période ne laisse pas ramener aux schémas classiques auxquels nous sommes habitués, et que pour apprécier et analyser les hommes, les partis, les idées ou les événements qui l’ont illustrée, ces schémas se révèlent inadaptés.

    Mais en même temps, c'est aussi parce qu’elle constitue une sorte d’énigme historique que Weimar reste au cœur de nos préoccupations. Ce n'est pas un hasard si le « culte de Weimar », pour parler comme Laqueur, atteint aujourd’hui son apogée, de Paris à Tokyo et de Rome à New York, au moment où notre univers politique et intellectuel est affecté par de puissants reclassements. Ce n'est pas un hasard non plus si l'on n'en finit plus, en « redécouvrant » Marcuse, Adorno, Rosa Luxemburg ou Wilhelm Reich, de constater que l'essentiel du débat d'idées actuel avait déjà été dit dans le courant des années 1920. Certes, il ne faut pas abuser des analogies historiques. Tout se passe néanmoins comme si Weimar constituait le parfait modèle d’un « entre-deux-temps » à venir. Comme si Weimar était le signe avant-coureur d'un nouvel inter-règne, plus étendu cette fois dans l'espace et dans le temps. Peut-être est-ce le sentiment que l'Europe contemporaine commence à ressembler à une vaste République de Weimar qui crée chez nos contemporains, autour de cette époque, une atmosphère mythique, dépassant de beaucoup les modes et les nostalgies, et qui, séduisant en même temps qu'elle affole, mobilise la sensibilité plus encore que la raison.

    Alain de Benoist (Le Figaro magazine 30 septembre-1er octobre 1978)

    Walter Laqueur, Weimar. Une histoire culturelle de l’Allemagne des années vingt, Robert Laffont, 323 p. ; Dominique Venner, Les corps-francs de la Baltique, Livre de poche, 509 p. ; Volker Hentschel, Weimars letzte Monate, Droste, Düsselforf, 180 p.

     

    Baltikum.jpg

     

     

    Lien permanent Catégories : Archives, En Europe 0 commentaire Pin it!
  • Mon traître...

    Disponible au Livre de poche,  Mon traître est un magnifique roman de Sorj Chalandon, dont nous vous vous recommandons la lecture. Amoureux de l'Irlande et sensible au combat de son peuple pour la liberté, l'auteur, qui a couvert le conflit nord-irlandais pour Libération, nous livre aussi une belle réflexion sur l'amitié et l'engagement.

    Vous pouvez lire en lien un entretien avec l'auteur : interview de Sorj Chalandon

     

    Mon traître.jpg

     

    "Mon Traître est l’histoire d’Antoine, luthier parisien qui découvre l’Irlande des violons. Il ne sait rien du Nord. Peu lui importe. Ses héros sont archetiers, grands luthiers de légende. La guerre n’est pas encore passée par lui puis, un jour, elle s’impose. Antoine va devenir Tony, pour les gens de Belfast, parce qu’il les verra vivre et souffrir et se battre. Et qu’ils l’aimeront en retour comme un fils. Et puis il y a Tyrone Meehan. L’Irlande est sa bataille. Il boit, il chante, il vous enlace, il vous prend le bras pour parler en secret. Il est engagé à jamais, sans que jamais rien ne le trahisse. Il est l’insoupçonnable. Tyrone donc, l’ami d’Antoine, son frère, son traître à lui. Tyrone n’est pas Denis (le personnage réel qui a inspiré Tyrone). Leurs regards se ressemblent pourtant. Sorj Chalandon n’est pas Antoine, leur douleur est pourtant la même. Denis Donaldson a été exécuté le 4 avril 2006, alors que Sorj Chalandon écrivait l’histoire de Tyrone Meehan. Il a été tué par une arme de chasse, dans le petit cottage familial qui le cachait. Nous ne savons pas qui tenait le fusil. Personne n’a été accusé ce jour."

    Lien permanent Catégories : Livres 0 commentaire Pin it!
  • Qu'est-ce que la décroissance ?...

    Qu'est-ce que la décroissance ?... Serge Latouche, auteur notamment du Petit traité de la décroissance sereine (Mille et Une Nuits, 2007) , s'explique dans cette vidéo que vous pouvez visionner ci-dessous.

     


    Qu'est ce que la décroissance? par Sinelefilm

    Lien permanent Catégories : Multimédia, Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • L'homme qui voulait le retour du roi...

    Dans le numéro 71 de Flash, le journal gentil et intelligent, on s'intéresse à Maurras et... à Ségolène Royal, mais aussi à Bernard Hinault, à la menace que fait peser internet sur les journaux papier ou encore au sport spectacle... Bonne lecture !

     

    Flash 71.jpg

    Au sommaire :

    Charles Maurras, l'homme qui voulait le retour du roi. Que reste-t-il de son héritage? Alain de Benoist le juge incontournable... Yves Chiron lui est fidèle... Georges Feltin-Tracol est critique... Nicolas Gauthier le trouve rock and roll... Arnaud Guyot-Jeannin le tient pour paradoxal... Sylvain Roussillon, "gauchiste" d'Action française?...

    Le sport spectacle? Parlons en avec Pierre le Vigan.

    Ségolène Royal, tube de l'été ? Philippe Randa se pose la question.

    La révolution numérique finira-t-elle par clouer le bec aux canards de papier ? L'essayiste Bernard Poulet tire la sonnette d'alarme.

    Bernard Hinault à la sauce Jacques Dutronc : le "Blaireau" sort de son terrier, par Pierre Gillieth.

    Le Moine ou comment filmer un  clerc torturé avec sobriété. Topoline lève la soutane.

    Lien permanent Catégories : Revues et journaux 0 commentaire Pin it!