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  • La séparation des pouvoirs en question...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Eric Delcroix, cueilli sur Polémia et consacré à la question de la nécessaire séparation des pouvoirs, que vient mettre en lumière le procès dans l'affaire des assistants parlementaires du RN.

    Juriste et ancien avocat, Eric Delcroix a publié notamment Le Théâtre de Satan- Décadence du droit, partialité des juges (L'Æncre, 2002), Manifeste libertin - Essai révolutionnaire contre l'ordre moral antiraciste (L'Æncre, 2005) et Droit, conscience et sentiments (Akribéia, 2020).

     

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    Marine Le Pen face à la justice : la séparation des pouvoirs en question

    Les réquisitions du Parquet du 13 novembre devant le tribunal correctionnel de Paris, au procès dit des assistants parlementaires européens du Rassemblement national (Front national à l’époque), ont éclaté comme un coup de tonnerre.

    Des peines très lourdes demandées

    Il est demandé, pour s’en tenir au cas de Marine Le Pen, contre la cheftaine du RN, cinq ans de prison dont trois fermes, une lourde amende et une peine d’inéligibilité de cinq ans. Et ceci, avec exécution provisoire, comme si la prévenue risquait de réitérer l’infraction présumée, au su et au vu de tous, ou de se teindre en brune pour aller se cacher, sous une fausse identité, au Kamtchatka pour ne pas affronter l’appel qu’elle ne manquerait pas d’interjeter si le Tribunal suivait lesdites réquisitions.

    Coup de tonnerre dans le ciel bas et gris de la politique française, mais surtout le prix d’un État de droit accepté au lieu et place de l’État légal républicain. En effet, pourquoi avoir accepté le procès tel quel, pourquoi cette défense de connivence jusqu’ici, comme un voleur à la tire, alors que le rupture s’imposait dès l’origine ? Avec ou sans succès judiciaire direct, mais avec un retentissement politique autre et pas seulement pour pleurer a posteriori sur le lait répandu.

    « Je suis la République ! »

    Jean-Luc Mélenchon s’était opposé à la perquisition de son bureau de député français au siège de son parti (LFI), criant de façon spectaculaire aux policiers instrumentaires, et sous les caméras, « Je suis la République ! » (2018). Le parquet avait reculé, mais devant le Tribunal M. Mélenchon n’avait malheureusement pas repris cette défense politique et radicale, abandonnant l’État légal républicain à son absorption par l’État de droit (Rechtsstaat made in Germany [1]).

    Dans l’État légal, de la tradition républicaine française historique, la loi est au-dessus du juge et non l’inverse, contrairement à qui prévaut dans cet État de droit, que nous avons connu avant la lettre en France comme vice de l’Ancien régime (hors la trop courte parenthèse Maupeou de 1771-1774). Ou bien on s’y fait et on doit cesser de nous bassiner avec la République, ou bien on regimbe et on revendique la restauration de notre régime dans son essence spécifique.

    L’ordre légal républicain, jamais remis en cause avant l’émergence de l’État de droit dans la Vème république de l’après De Gaulle, supposait une stricte séparation des pouvoirs, l’article 127 de l’ancien Code pénal (1810-1994) édictant que le magistrat qui refusait d’appliquer une loi commettait le crime de forfaiture. Toutefois, avant même l’abrogation de ce code au profit du Code Badinter (1994), l’article 55 de la Constitution, énonçant la supériorité des traités sur la loi nationale, avait déjà servi de palliatif pour contourner l’interdit criminel. Selon l’historien de droit Jacques Krynen [2] cet article ne visait alors qu’à rassurer les Alliés de la France quant à ses engagements vis-à-vis d’eux (Guerre froide).

    Mais la Cour de cassation, en 1975 [3], puis le Conseil d’État, en 1989 [4], ont pris leurs aises jurisprudentielles devant l’indifférence distraite de nos politiciens qui n’aiment pas tant le pouvoir que son apparence (n’ont-ils pas abandonné récemment leur compétence en matière d’avortement au profit du Conseil constitutionnel de composition non démocratique ?).

    La séparation des pouvoirs, un droit et deux ordres

    Dès son origine, la république française, précisément pour en finir avec l’État de droit encore innomé de l’Ancien régime, avait établi, sous l’autorité suprême de la Loi formelle, une stricte séparation des pouvoirs, au point de connaître une postérité originale typiquement française. En effet, l’interdiction faite à l’autorité judiciaire de s’immiscer dans les fonctions des pouvoirs législatifs et exécutifs finira par conduire à la création d’un droit administratif autonome (1873) avec un ordre juridictionnel parallèle, mis sous l’égide du Conseil d’État afin de laisser l’ordre judiciaire, et donc la Cour de cassation, absolument en dehors du jeu.

    Or, si le Front national/Rassemblement national a donné aux fonds parlementaires qui lui étaient dus par le Parlement européen une affectation tout ou partie étrangère à leur objet, est-ce à un juge de l’ordre judiciaire de le sanctionner ? Que dirait-on si, symétriquement, une commission parlementaire perquisitionnait le cabinet d’un juge pour voir s’il fait bien son travail et utilise à bon escient l’argent du contribuable ? Là, on entendrait glapir à la « violation de la séparation des pouvoirs ! ». Et à juste titre ! Certes, mais alors il appartient aux assemblées d’établir leurs systèmes disciplinaires distincts, comme nous sûmes établir historiquement nos juridictions administratives, au nom du respect de la séparation des pouvoirs. Que reste-t-il de cette séparation des pouvoirs si le juge peut dire aux députés ce qui est ou n’est pas un travail parlementaire ?

    Bon. Vous allez m’opposer que ce n’est pas le parlement de la République qui est en cause ici, contrairement au précédent (avorté) Mélenchon. Peut-être. Peut-être, mais nous faut-il céder nos valeurs historiques devant le parlement croupion de Bruxelles et Strasbourg, lieux de jeux de rôles pour entretenir le personnel politique des 26 ou 27 (et plus si affinité) en mal de sièges et de prébendes, et qui n’a guère de pouvoirs d’initiatives démocratiques et pas même l’initiative des lois ?

    Ou alors, soumis et en connivence comme le RN devant le Tribunal, ayons le bon sens d’acter la fin de la République et de reconnaître notre dissolution dans l’Union européenne que l’ancien dissident Vladimir Boukovsky (« … je viens de votre futur ») décrivait comme une nouvelle URSS en devenir.

    Éric Delcroix (Polémia, 19 novembre 2024)

     

    Notes :

    [1] Voyez mon ouvrage Droit conscience et sentiments, Akribeia, 2020.
    [2] Voyez son ouvrage Le Théâtre juridique, une histoire de la construction du droit, Gallimard, 2018.
    [3] Arrêt Société des Cafés Jacques Vabre.
    [4] Arrêt Nicolo.

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  • La dédiabolisation, un piège à c...?

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Julien Dir cueilli sur Breizh-Info, qui, à l'occasion de la victoire de Donald Trump, obtenue malgré l'hostilité de la quasi-totalité du système politico-médiatique, évoque la faute grave que constitue la stratégie de dédiabolisation du RN...

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    Victoire de Trump aux USA : la preuve que la dédiabolisation est un piège à c…

    La réélection fracassante de Donald Trump à la présidence américaine, face à une gauche agonisante et empêtrée dans ses contradictions, sonne comme un avertissement tonitruant. Le peuple américain, fatigué par des décennies de soumission aux dogmes du gauchisme, du wokisme, et de l’immigration incontrôlée, a finalement pris position, préférant un dirigeant droit dans ses bottes, imperméable aux injonctions du politiquement correct et aux sourires mielleux du système. Contrairement à Marine Le Pen et au Rassemblement National, qui persistent à s’aplatir devant les médias bien-pensants et à caresser les élites dans le sens du poil, Trump, lui, n’a fait aucune concession. Et cette posture de confrontation, loin de lui nuire, l’a mené à une victoire historique.

    L’illusion de la dédiabolisation

    Qu’est-ce que le Rassemblement National n’a pas encore tenté pour « adoucir » son image ? La dédiabolisation, ce concept creux qui n’est qu’un piège tendu par les médias et les élites progressistes, a réduit le RN à une pâle imitation de ce qu’il était. Convaincu que se conformer aux codes de la bienséance politique lui offrirait la clef du pouvoir, le RN s’est trahi, désarmant son propre électorat, brouillant son message, édulcorant son discours. Ce qui devait être une stratégie de conquête s’est révélé un aveu de faiblesse. Trump, en revanche, a pris le chemin inverse, choisissant l’affrontement, la confrontation frontale. Loin de chercher l’approbation du système, il s’est lancé dans une guerre ouverte contre le gauchisme et le wokisme, refusant toute compromission.

    Trump et Musk : la guerre contre le système

    Trump a compris que le monde est en guerre idéologique, une guerre totale menée contre les peuples par une élite cosmopolite et ses alliés gauchistes. Dans cette lutte, il a trouvé un allié puissant en la personne d’Elon Musk, visionnaire libre-penseur, qui, lui aussi, a osé s’affranchir des dictats du progressisme et du politiquement correct. Ensemble, ils ont entrepris de démanteler les piliers du système gauchiste : Musk avec ses positions radicales en faveur de la liberté d’expression, Trump avec sa promesse de démanteler les politiques d’immigration qui menacent les fondements mêmes de la civilisation occidentale. Cette alliance électrise, et elle inquiète aussi. Elle effraie les chiens de garde du système, car elle met en lumière leur impuissance face à un homme qui n’a pas peur de dire ce qu’il pense et de faire ce qu’il dit.

    Gauche et wokisme : les armes de la destruction civilisationnelle

    Le gauchisme et le wokisme, masques d’un progressisme destructeur, sont des outils de subversion, une arme idéologique massive dont l’objectif est clair : saper les bases de la nation, fragmenter l’identité, éradiquer l’héritage. En Amérique, le peuple l’a compris, préférant se tourner vers un leader qui incarne la résistance et la fermeté. Trump ne recule pas devant les accusations, les invectives, et les tentatives de diabolisation. Il ne cherche pas à plaire, il vise à dominer. C’est cette approche qui a galvanisé les électeurs, fatigués de voir leur pays devenir le laboratoire des folies progressistes, envahi par une immigration sans frein, où la morale traditionnelle est bafouée au nom d’une tolérance perverse.

    RN : un contresens historique

    Marine Le Pen, Jordan Bardella et le RN devraient tirer une leçon de cette élection. Le « trumpisme » a triomphé non pas parce qu’il s’est couché devant le système, mais parce qu’il a attaqué ses fondations sans peur ni honte. La dédiabolisation est une soumission masquée, une erreur de calcul qui, loin de séduire, aliène les vrais patriotes. À force de vouloir être aimé, on finit par se renier. Mais le RN persiste dans ce contresens historique, convaincu que des courbettes et des concessions lui ouvriront les portes du pouvoir. C’est une impasse. Trump, lui, montre la voie : rester droit, frapper fort, et ne jamais transiger.

    La victoire de Trump nous rappelle qu’il est possible de vaincre sans se travestir, sans édulcorer son message. Le RN doit cesser de chercher l’aval des médias et des élites, et redevenir une opposition implacable aux dérives du gauchisme. Trump et Musk, en s’attaquant frontalement aux fondements mêmes de ce système, montrent qu’il n’est pas nécessaire de faire des compromis pour s’imposer. Ce duo atypique a réussi en affirmant haut et fort leurs convictions, en rejetant le politiquement correct et en combattant chaque tentative de censure. Leur approche n’a pas divisé leur base : elle l’a renforcée.

    Le RN devrait s’inspirer de cette leçon : il faut pourfendre le gauchisme sans relâche, dénoncer l’immigration massive comme une menace existentielle, défendre sans concession l’identité nationale. Les peuples ne veulent pas des demi-mesures ni des compromis ; ils aspirent à un leader qui prenne des positions claires et radicales, sans peur du jugement des élites. Le moment est venu de trancher avec le statu quo et de renouer avec une ligne résolument anti-système, un nationalisme sans concession, un discours sans filtre.

    La victoire est à ceux qui osent

    L’élection de Trump prouve que la victoire appartient à ceux qui osent : oser défier les tabous, oser briser le mur de la censure médiatique, oser incarner une alternative sans compromis. Trump a fait le choix de ne pas plaire, et c’est précisément cette audace qui l’a rendu irrésistible aux yeux des électeurs fatigués des trahisons et des promesses non tenues. Si le RN persiste dans la dédiabolisation et les courbettes, il continuera à tourner en rond, incapable de canaliser la colère légitime de ceux qui voient leur pays sombrer.

    À l’heure où la France est minée par les mêmes maux que les États-Unis — le wokisme, l’immigration incontrôlée, la perte d’identité —, il est temps de cesser les demi-mesures et de passer à l’offensive. Le RN, pour s’imposer, devra rompre avec la tentation du consensus, reprendre son rôle de pourfendeur du gauchisme, et surtout, cesser de croire aux mirages de la dédiabolisation. L’Histoire nous enseigne que seuls les plus audacieux, les plus intransigeants, finissent par triompher

    Julien Dir (Breizh-info, 6 novembre 2024)

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  • Le RN ou le « parti du milieu » ?

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de François Bousquet cueilli sur le Figaro Vox et consacré à l'électorat du RN.

    Journaliste, rédacteur en chef de la revue Éléments, François Bousquet a aussi publié Putain de saint Foucauld - Archéologie d'un fétiche (Pierre-Guillaume de Roux, 2015), La droite buissonnière (Rocher, 2017), Courage ! - Manuel de guérilla culturelle (La Nouvelle Librairie, 2020), Biopolitique du coronavirus (La Nouvelle Librairie, 2020) et Alain de Benoist à l'endroit - Un demi-siècle de Nouvelle Droite (La Nouvelle Librairie, 2023).

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    «Au cœur du vote RN, le sentiment tenace d'être lésé et de travailler pour les autres sans contrepartie»

    On n'en finit pas de buter sur la définition du populisme. La vérité, c'est qu'il y a une immense difficulté – et pour l'heure personne n'en est formellement venu à bout – à lui donner un sens clair et sans équivoque. C'est depuis toujours un phénomène politique ambivalent, à l'unité problématique. Sa labilité sémantique se prête à toutes les réinterprétations. Cela ne tient pas seulement à la polysémie du mot, mais à son indéfinition même. S'il y a néanmoins un dénominateur commun à la pluralité des populismes, sinon même un invariant, quel que soit le contenu idéologique, c'est la polarisation politique – clivante, conflictuelle, oppositionnelle – que la dynamique populiste porte avec elle. Eux et nous, les «petits» contre les «gros», le peuple contre les élites, etc. Le populisme ne s'épanouit vraiment que dans ces couples de contraires qui ont la propriété de clarifier le champ politique et de désigner l'ennemi sans détour. L'antagonisme du «producteur» et du «parasite» en fait partie.

    Il y avait la dialectique du maître et de l'esclave chère au philosophe Hegel, peut-être faudra-t-il compter à l'avenir avec celle qui se noue entre la morale du «producteur» et l'amoralité du «parasite». C'est un autre philosophe, contemporain lui, qui a mis le doigt dessus : Michel Feher, qui vient de publier un livre particulièrement stimulant : Producteurs et parasites. L'imaginaire si désirable du Rassemblement national  (La Découverte). En dépit d'un parti pris hostile, il renouvelle notre approche du populisme en plaçant en son centre la question du travail productif et de sa juste rétribution, mise à mal par la «plus-value imméritée», celle-là même que prélève la figure du «parasite» : en haut, les «accapareurs» ; en bas, les «fraudeurs», selon les termes de l'auteur.

    Dès lors, l'antagonisme moteur du populisme n'est pas entre le travailleur et le capitaliste, mais entre le «producteur» (ouvriers, employés, travailleurs indépendants, chefs d'entreprise, etc.) et le «parasite» qui détourne la richesse produite par le travail, soit parce qu'il ne s'acquitte pas de l'impôt, soit parce qu'il bénéficie de ses largesses. «Parasite» ? Le mot est fort et frappe délibérément les esprits. C'est manifestement un choix polémique de l'auteur, quelque peu effarouché par ce qu'il découvre en tirant le fil du «parasitisme». On imagine que c'est la raison pour laquelle il nazifie, un peu commodément, son sujet en brandissant la figure-repoussoir du «Volksschädling», le parasite du peuple sous le Troisième Reich. Pour ne pas être en reste, il aurait pu convoquer les «parasites sociaux» que l'Union soviétique assimilait à des dissidents et jetait dans des camps. Qu'à cela ne tienne, les oreilles trop délicates peuvent recourir à un concept plus neutre, familier des économistes et des sociologues : la théorie du «passager clandestin». Le passager clandestin est celui qui profite d'une ressource ou d'un bien sans en payer le prix ou en le sous-payant.

    La colère populaire, un impensé politique

    À notre connaissance, nul n'aime les resquilleurs qui vous doublent dans la file d'attente ou les mufles qui hurlent dans leur téléphone en mode haut-parleur. C'est la même chose ici. En ne payant pas leur dû à la société, les «passagers clandestins» entretiennent le foyer de la colère du peuple, frustré des fruits de son travail par une fiscalité confiscatoire, qui serait tolérée si les mécanismes de solidarité n'étaient pas dévoyés. La colère populaire, autre impensé politique ! C'est pourtant une passion qui a toute sa place dans la cité, nous apprend Aristote, qui, en amont (et à rebours) de notre tradition philosophique, s'est livré à un éloge non pas des emportements violents, mais de la juste colère, parce qu'elle fait ressortir un sentiment d'injustice réel et pose une demande légitime de réparation. C'est ce sentiment d'injustice et cette demande de réparation qui commandent nombre de comportements électoraux qualifiés de populistes, parmi lesquels il n'est pas interdit de ranger les «fâchés pas fachos», comme les a appelés Mélenchon, pour une fois inspiré.

    Ni racistes présumés, ni fascistes fantasmés donc. Voilà qui nous change des analyses condescendantes qui réduisent le vote populiste à ses seules dimensions protestataires ou démagogiques, sinon xénophobes, en le corrélant à un faible niveau d'études. Grave erreur, nous prévient Michel Feher : «On ne naît pas lepéniste, mais on le devient» – et on le devient au terme d'une démarche volontaire, réfléchie, objective. N'y voir qu'une réaction de type épidermique revient à occulter l'attractivité électorale du populisme en général et du lepénisme en particulier. Au cœur de ce vote, il y a le sentiment têtu, tenace, insistant, d'être lésé, de travailler pour les autres sans contrepartie et de voir ainsi la norme méritocratique foulée aux pieds.

    «Si quelqu'un ne veut pas travailler, qu'il ne mange pas non plus», morigénait Saint Paul dans sa deuxième épître aux Thessaloniciens. C'est là une sentence quasi universelle. Elle a pu ne pas s'appliquer dans les sociétés où il y avait une «classe oisive», comme l'a baptisée l'inclassable sociologue américain Thorstein Veblen (1857-1929), que Raymond Aron a contribué à faire connaître auprès du public francophone. L'étymologie du mot travail fait d'ailleurs écho à un monde où l'oisiveté de quelques-uns était rendue possible par la mobilisation de presque tous. Le travail était alors une punition, ce dont porte trace la racine du mot : tripalium, «instrument de torture». Mais en dehors de ces sociétés, où une aristocratie pouvait se livrer à la guerre, à la dépense inutile ou au loisir studieux (l'otium gréco-romain) – rendus possibles par l'esclavage –, le travail est la règle. Dès lors qu'une société cesse de végéter dans un état stationnaire, le «producteur» en est l'élément moteur (quitte à ce qu'il devienne ensuite esclave d'un travail aliénant – mais c'est là un autre sujet).

    Celui qui se soustrait à cette obligation – le «parasite», pour rester dans notre registre sémantique – est stigmatisé, parce qu'il bafoue les lois de justice et qu'il transgresse le principe de réciprocité qui veut que l'on reçoive à hauteur de ce que l'on donne. Que celui qui ne travaille pas ne mange donc pas. Sans cela, il prélève sur le travail des autres une plus-value indue. La sagesse populaire est intarissable sur le sujet : «Un prêté pour un rendu, œil pour œil…» L'historien Christopher Lasch en a eu l'intuition dans son chef-d'œuvre, Le seul et vrai Paradis (1991, pour l'édition originale), quand il rappelle combien la philosophie puritaine, qui a fécondé le très riche populisme américain, condamnait toute tentative d'obtenir quelque chose sans en payer le prix, assimilant ce gain abusif à une forme de fraude fiscale.

    Le RN comme «parti du milieu»

    Ainsi raisonne la morale majoritaire, car morale il y a ici. Michel Freher l'appelle de son nom savant, le «producérisme», francisation de l'anglais producerism dont on voit mal comment il pourrait s'imposer dans le débat public. Il fait remonter cette idéologie, pour s'en tenir au cas français, à l'abbé Sieyès et à son Qu'est-ce que le Tiers-État ?, qui ciblait à la veille de la Révolution française l'aristocratie d'origine franque (étrangère) qui ne participait pas à l'effort de production et n'était pas soumise à l'impôt, ce qui lésait l'autochtone gaulois (un débat alors assez vif). Dans cette histoire vieille de plus de deux siècles, Michel Feher détache un premier noyau programmatique : lutte contre les propriétaires absents, contre les rentes de monopole, contre les intermédiaires improductifs et contre les étrangers. Le néolibéralisme a considérablement élargi ce noyau initial, en faisant jouer le ressort du contribuable spolié. Ses cibles : le fonctionnaire surnuméraire, le chômeur volontaire, le bénéficiaire des programmes sociaux, le syndicaliste et les élites culturelles (songeons à Javier Milei, le président argentin). Mais les néolibéraux épargnent dans leur critique les «parasites» d'en haut. Ce qui n'est pas le cas des électeurs du RN.

    S'est développée chez eux une «conscience sociale triangulaire» brillamment analysée par le sociologue Olivier Schwartz, qui a montré comment la conscience sociale de cette France ne se construit pas seulement dans l'opposition à ceux d'en haut – les écolos, les citadins, les bobos, les riches, etc. –, mais aussi à ceux d'en bas, principalement les immigrés, mais aussi les «cassos», figure incontournable de la France rurale et pavillonnaire («cassos» pour «cas sociaux», à qui il est principalement reproché d'être des allocataires abusifs, sans entrer dans le folklore descriptif de cet univers).

    Pour toutes ces raisons (et non sans regret), Michel Freher voit dans le RN le «parti du milieu», ni droite ni gauche, ni l'individualisme des libéraux ni le collectivisme des marxistes, ouvrant une troisième voie, dont ce parti est la synthèse, au sens où les socialistes parlaient de synthèse. Ses électeurs appréhendent une libéralisation à tout crin qui transformerait le marché du travail en struggle for life, comme ils craignent un État panier percé qui distribuerait l'argent sans compter aux catégories non méritantes. Ils veulent des protections, pas des entraves ; des libertés, pas du laisser-aller. Se dessine ainsi un moyen terme entre employés et employeurs, où se lit le souci de transcender les clivages de classe, caractéristique des troisièmes voies, en veillant à ne pas brider la dynamique entrepreneuriale, tout en garantissant la demande de dignité salariale et de protection sociale, pour peu qu'elle ne soit pas «parasitaire».

    François Bousquet (Figaro Vox, 30 octobre 2024)

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  • Le RN va-t-il devenir un parti néolibéral comme les autres ?...

    Pour cette nouvelle édition de "Cette année-là",  sur TV Libertés, Patrick Lusinchi, avec François Bousquet, Olivier François, Christophe A. Maxime et Rodolphe Cartremonte à décembre 2019, quand Éléments titrait "Et si tout basculait en 2022", avec un long entretien de Jérôme Sainte-Marie : "Il n’y a pas de plafond de verre pour Marine Le Pen". Qu’en est-il 5 ans après ? Le RN n’a certes pas brisé ce plafond, mais il semble de plus en plus fragile. Que faire pour le percer ? Le RN doit-il élargir son socle électoral au risque de désorienter sa base ? Les volte-face du parti de Jordan Bardella sur l’économie, lors de la séquence des législatives, peuvent laisser penser que c’est le choix du RN. Comment réagira demain son électorat populaire face à ces changements de cap ?...

     

                                           

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  • Feu sur la désinformation... (484) : francocide, le déni médiatique ?

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un nouveau numéro de l'émission I-Média sur TV libertés consacrée au décryptage des médias et animée par Jean-Yves Le Gallou et Lucas Chancerelle.

     

                                             

     

    Au sommaire cette semaine :

    L'image de la semaine :  un nouveau francocide après celui de Philippine, cette fois il s’agit de Killian, un jeune boxeur tué par un Algérien à coups de couteau devant une boîte de nuit.

    Dossier du jour : le style médiatique du nouveau gouvernement avec le discours de politique générale et la stratégie bulldozer de Bruno Retailleau contre le politiquement correct.

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    Pastilles de l’info :

    1) Liban/Moyen-Orient : le début de la 3ème guerre mondiale ?
    2) Musk dénonce la possible fraude des élections américaines !
    3) L'affaire des assistants parlementaires du RN
    4) Quotidien, Léon Marchand bon géniteur ?
    5) Un candidat LFI violeur et pédophile

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    Portrait piquant (en partenariat avec l’OJIM) : Yann Barthès , le prince des bobos !

    Lien permanent Catégories : Décryptage, Manipulation et influence, Multimédia 0 commentaire Pin it!
  • Feu sur la désinformation... (483) : francocide, le déni médiatique ?

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un nouveau numéro de l'émission I-Média sur TV libertés consacrée au décryptage des médias et animée par Michel Geoffroy et Lucas Chancerelle.

     

                                             

     

    Au sommaire cette semaine :

    L'image de la semaine :  le meurtre de Philippine et son traitement médiatique.

    Dossier du jour : la transition ministérielle et déjà les premiers dérapages de communication !

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    Pastilles de l’info :

    1) Plus d’Opinel, plus de champignons !
    2) Interdire le RN : en dehors de l’arc républicain ?
    3) Les locaux de l’ISSEP incendiés : le silence médiatique
    4) Burn-out chez les salariés de Quotidien

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    Portrait piquant (en partenariat avec l’OJIM) : Geoffroy Lejeune, le Rastignac de la droite !

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