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  • Pourquoi le Rassemblement national ne livre-t-il pas la bataille culturelle ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de François Bousquet, cueilli sur Figaro Vox et consacré à la guerre culturelle, combat abandonné par le RN/FN depuis plus de vint ans...

    Journaliste, rédacteur en chef de la revue Éléments, François Bousquet a aussi publié Putain de saint Foucauld - Archéologie d'un fétiche (Pierre-Guillaume de Roux, 2015), La droite buissonnière (Rocher, 2017), Courage ! - Manuel de guérilla culturelle (La Nouvelle Librairie, 2020), Biopolitique du coronavirus (La Nouvelle Librairie, 2020) et Alain de Benoist à l'endroit - Un demi-siècle de Nouvelle Droite (La Nouvelle Librairie, 2023).

     

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    Pourquoi le Rassemblement national ne livre-t-il pas la bataille culturelle ?

    «C'est la huitième fois que la défaite frappe le nom de Le Pen.» On se souvient de la petite phrase, assurément maladroite, d'Éric Zemmour après l'échec de Marine Le Pen au deuxième tour de la présidentielle de 2022. Le 7 juillet dernier, Zemmour aurait pu ajouter à cet étrange palmarès une neuvième défaite. La question de savoir si le Rassemblement national vaincra le signe indien de l'élection n'en reste pas moins ouverte. Deux hypothèses se font face ici : celle du plafond de verre et celle du palier. La première postule qu'il y a un seuil incompressible au-dessus duquel le RN ne peut s'élever ; la seconde, au contraire, que ce n'est qu'une question de temps et de gains marginaux pour obtenir une majorité. Pourquoi pas ? Imaginons donc, comme dans les problèmes pour écoliers, que le RN accède aux responsabilités, que se passera-t-il alors ? Pourra-t-il réellement exercer le pouvoir ? Les corps d'État, petits et grands, accepteront-ils d'obéir à un exécutif «bleu Marine» ?Tout le monde a vu, entre les deux tours des législatives, comment la dynamique électorale du RN, qui semblait jusque-là irrésistible, s'est brisée face à un infranchissable tir de barrage «républicain». L'UMPS s'est spontanément reformée, une sorte d'UMPS+++ agrégeant les voix du Nouveau Front populaire avec le concours quasi unanime de la société civile. Qu'adviendra-t-il de ce front, même fissuré, si le RN parvient aux manettes ? S'activera-t-il de nouveau et sous quelles formes ? L'extrême gauche dans la rue ? La désobéissance civile débouchant sur une situation de chaos institutionnel ? Il est trop tôt pour le dire.

    Libre à chacun d'épiloguer sur la nature et la légitimité de ce barrage républicain. Ce sont plutôt ses conditions de possibilité qu'il faudrait interroger. La vérité, c'est qu'il en va de la nature politique comme du reste : elle a horreur du vide. Jamais ce front n'aurait atteint une telle intensité s'il n'avait pu tirer parti de l'isolement du RN et de son incapacité à s'appuyer sur de larges pans de la société civile pour en contrebalancer les effets. Or, c'est à la société civile qu'il appartient de fabriquer du «consensus-consentement», selon le mot d'Antonio Gramsci, le grand théoricien du combat culturel. Comment ? En produisant les énoncés de référence, assurant de ce fait la direction des esprits par le truchement de ce que Gramsci désignait sous le terme d'«appareils d'hégémonie», l'hégémonie n'étant rien d'autre que la faculté à transformer l'idéologie d'un groupe social en croyances universellement reçues et acceptées sans examen par tous.

    C'est ce pouvoir, le pouvoir culturel, qui commande les autres pouvoirs. Pas de victoire politique durable sans hégémonie idéologique. Que serait en effet un pouvoir politique orphelin du pouvoir culturel ? Un pouvoir frappé d'hémiplégie et d'impuissance, singulièrement dans les vieilles démocraties libérales, où la société civile est solidement implantée et coproductrice du pouvoir politique depuis le XVIIIe siècle.

    Depuis quelques années, on voit fleurir des articles soulignant la victoire idéologique du RN. C'est aller un peu vite. Exception faite du campus Héméra, l'école de formation et de culture politique du RN lancée en 2023, le parti de Marine Le Pen n'a pas fait une priorité du combat culturel, au moins depuis le départ de Bruno Mégret, en 1998, imaginant sûrement que l'intendance intellectuelle suivrait. Elle tarde. Où sont les Sartre, les Aragon, les Yves Montand, les Jean Ferrat du RN ? En son temps, le PCF avait su les attirer.

    D'aucuns vous confieront en «off» que s'afficher RN revient à se condamner à la mort sociale. Mais il y a des stratégies de contournement. La première d'entre elles passe par la création d'un écosystème militant. Du temps des mégrétistes, il y a 30 ans, ce qui était alors le FN s'était doté d'un Conseil scientifique. On pouvait y croiser des sociologues de haut vol comme Jules Monnerot et quantité d'universitaires de renom. Le bilan est maigre aujourd'hui, une fois qu'on a fait le tour de l'essayiste Hervé Juvin ou du politologue Jérôme Sainte-Marie. Où sont les intellectuels organiques du RN, ses avocats médiatiques, ses ambassadeurs culturels, ses conférenciers, ses appareils d'hégémonie, ses think-tanks, ses journaux, ses cercles de réflexion, ses maisons d'édition ?Ces structures ont pour mission de créer et d'organiser l'hégémonie culturelle, dont elles sont les médiateurs privilégiés, en faisant émerger une «intellectualité nouvelle», c'est-à-dire une contre-culture. Travail de longue haleine. En attendant, le RN aurait pu s'appuyer sur les «intellectuels traditionnels», conservateurs et catholiques. Ce qu'il n'a guère fait. Il suffit de songer à la fin de non-recevoir adressée aux zemmouriens et aux auteurs nés dans le sillage de la Manif pour tous. Pire qu'un crime, une faute.

    On a souvent cité l'interview que Nicolas Sarkozy a donnée au Figaro Magazine à la veille de la présidentielle de 2007, sous la dictée de Patrick Buisson, où le futur président de la République faisait sienne «l'analyse de Gramsci : le pouvoir se gagne par les idées. C'est la première fois qu'un homme de droite assume cette bataille-là.» Rien de tel du côté du RN. Résultat : il n'y a pas encore eu de moment gramscien pour le RN, parce que ce parti a cru pouvoir faire à l'économie d'un «gramscisme de droite», à la différence d'un Éric Zemmour ou d'une Marion Maréchal, qui, eux, ont toujours assumé cette dimension du combat politique.

    C'est une chose d'être tout-puissant sur TikTok, c'en est une autre d'être producteur d'idées. Nul ne nie la nécessité de communicants, mais ils ne sauraient à eux seuls écrire le scénario. Pour cela, il faut bien d'autres choses, et d'abord une théorie du combat culturel assortie à un dispositif opérationnel ad hoc. Ce dont ne semble pas être pourvue la boîte à outils du RN. Avoir des électeurs suffit à son bonheur, les lecteurs semblent de trop dans cette équation. Depuis ses premiers succès, le RN a fait le choix de passer par-dessus les corps intermédiaires pour s'adresser directement à son électeur, en faisant comme si la société civile n'existait pas. Or, la société civile est une réalité avec laquelle il faut compter et le langage qu'on lui tient est d'abord métapolitique, c'est-à-dire idéologique. Faute de posséder un tel outil, c'est le langage de l'adversaire que l'on est réduit à singer.

    À scruter les insuffisances du RN, on en vient à penser que la principale faiblesse de ses cadres semble tenir à la précarité de leur statut social, comme s'ils avaient intériorisé leur condition de dominés, à peu près dans tous les domaines, dans les médias, dans les hémicycles, dans les universités, etc. En faisant le choix de la furtivité et du profil bas (le «pas-de-vaguisme»), le RN consent à sa domination dans les discours, pareil en cela à son électorat, lui aussi dominé, stigmatisé et infériorisé, n'ayant en réserve aucun contre-récit à opposer au récit dominant.

    Pour comprendre la situation du RN et se donner les moyens de penser la condition historique de ses électeurs, il faudrait faire appel aux concepts développés par les sciences sociales, toutes acquises au wokisme et au gauchisme culturel – pour les retourner contre le wokisme et le gauchisme culturel. Les concepts de «domination», de «discrimination systémique», de «privilège», d'«invisibilité», de «politique de reconnaissance», d'«inclusion» sont taillés sur-mesure pour le RN. De fait, voter pour ce parti n'est associé à aucun prestige social. Ce qui domine au contraire, dans les représentations, c'est la condescendance, sinon le mépris, d'une large part de la société civile, qui regarde ce parti de haut, de loin et de travers.

    Le cœur sociologique de l'électorat du RN appartient aux classes «subalternes» (les «premiers de corvée»). Quel est le propre de ces classes ? Elles n'ont aucune légitimité culturelle tant et si bien qu'elles sont aussi inaudibles qu'invisibles. De la même manière qu'il y a des ondes lumineuses (les infrarouges par exemple) que l'œil humain ne perçoit pas, il y a des catégories sociales que l'œil social ne voit pas. C'est là comme une forme de «daltonisme» (autre concept des sciences humaines qui peut faire l'objet d'un détournement).

    Aucune série Netflix, aucun téléfilm de France Télévisions ne mettent en scène ces catégories sociales. La télévision les snobe avec une bonne conscience qui frise le racisme de classe. L'Arcom est la première à le savoir puisqu'elle diligente des études sur la représentativité des catégories socioprofessionnelles à la télévision (et pas seulement des minorités visibles, même si l'on ne parle que d'elles). Les cadres supérieurs, qui ne représentent que 10% de la population, constituent 65% des personnes qui s'expriment sur les chaînes de la TNT. Alors que les ouvriers, qui représentent pourtant 12% de la population, n'occupent que 2% du temps d'antenne. Les employés et les classes moyennes ne sont guère mieux lotis. On les voyait souvent au premier rang dans les émissions de Cyril Hanouna, mais l'Autorité de régulation a décidé de débrancher C8 et TPMP, non sans inconséquence, puisqu'elle est la première à convenir que «la télévision donne à voir une image très urbaine de la société». La cérémonie d'ouverture des JO nous l'a d'ailleurs amplement rappelé, même si aujourd'hui on ne coupe plus la tête de Marie-Antoinette, seulement son micro. Ce qui aboutit, volens nolens, au même résultat.

    C'est donc la double peine pour les catégories populaires. Privées d'expression politique par le «barrage» républicain, elles se voient privées d'expression médiatique. Ainsi fonctionnent les castors du barrage politique et les Pollux du filtrage médiatique. Ce processus d'invisibilisation opère à tous les niveaux. Étonnamment, les dirigeants du RN y consentent et ne trouvent rien à lui opposer. C'est le revers de la stratégie de la normalisation : une forme de discrétion sociale, d'acquiescement involontaire, de moins-disant doctrinal, qui vient redoubler l'invisibilité subie de la France périphérique. Aucune chance de s'élever à la phase d'hégémonie culturelle dans ces conditions.

    Dans la «dialectique du maître et de l'esclave», le philosophe Hegel a montré que l'esclave peut retourner contre le maître la relation de domination, mais à une seule condition : en étant actif, en travaillant, en transformant le monde, en luttant pour la reconnaissance et la visibilité. Voilà qui recoupe les enjeux du combat culturel pour la droite. Être plus proactive, plus offensive, plus contre-offensive. D'autant que le front républicain finira par apparaître pour ce qu'il est : un affront démocratique, celui d'une caste à bout de souffle («les Français ne feront pas deux fois ce chèque», dixit Macron), qui est en train de brûler ses dernières cartouches. «Les forces réactionnaires au seuil de leur perte, disait Mao Zedong, se lancent nécessairement dans un ultime assaut contre les forces révolutionnaires. »

    François Bousquet (Figaro vox, 31 juillet 2024)

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  • Alain de Benoist : « Il faut s’attendre à une paralysie institutionnelle quasi totale, à de l’instabilité, à de la violence sans doute »...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Alain de Benoist à la revue Monde & Vie, cueilli sur le site de la revue Éléments, dans lequel celui-ci donne sa lecture des résultats des élections législatives.

    Philosophe et essayiste, directeur des revues Nouvelle École et Krisis, Alain de Benoist a récemment publié Le moment populiste (Pierre-Guillaume de Roux, 2017), Contre le libéralisme (Rocher, 2019),  La chape de plomb (La Nouvelle Librairie, 2020),  La place de l'homme dans la nature (La Nouvelle Librairie, 2020), La puissance et la foi - Essais de théologie politique (La Nouvelle Librairie, 2021), L'homme qui n'avait pas de père - Le dossier Jésus (Krisis, 2021), L'exil intérieur (La Nouvelle Librairie, 2022) et, dernièrement, Nous et les autres - L'identité sans fantasme (Rocher, 2023).

     

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    Législatives : « L’incroyable spectacle de centristes faisant élire des communistes ou des fichés S et d’une extrême gauche hystérique appelant à soutenir les fondés de pouvoir du grand capital ! »

    MONDE&VIE. Alain de Benoist, vous êtes chef d’école, mais vous êtes aussi un des meilleurs analystes politiques sur la place de Paris. Avez-vous vécu la soirée électorale du 7 juillet comme une surprise, annonçant éventuellement un grand bouleversement politique, ou bien plutôt avez-vous pris ce scrutin comme un simple effet de tectonique des plaques électorales, au nom de l’impératif antifasciste, toujours de sortie ?

    ALAIN DE BENOIST : J’ai bien sûr été surpris, comme tout le monde. Mais aussi et surtout consterné de voir, dans les réactions qui ont suivi, les affects prendre immédiatement le dessus sur les nécessités de l’analyse scientifique. D’un côté une sorte d’affliction désespérée (« tout est foutu ! »), de l’autre un lâche soulagement assorti de forfanterie (« on a gagné ! »). Or, si l’on regarde les choses d’un peu près, aucune de ces deux réactions ne permettait de comprendre ce qui s’est passé. Ma conclusion personnelle est bien différente. Elle tient plutôt dans les deux constats suivants : le Rassemblement national continue à progresser, et la France est devenue ingouvernable.

    Sur le premier point, les chiffres sont parlants. En 2017 le RN avait seulement 6 députés à l’Assemblée nationale. Aux législatives de 2022, il avait bondi à 89 députés (ce qui avait été considéré, à juste titre, comme un extraordinaire succès). Le 7 juillet dernier, il en a obtenu 143, ce qui est tout le contraire d’un échec (Bardella n’a pas eu tort de parler de « la percée la plus importantes de l’histoire » de son parti) ! Il a également recueilli près de 10 millions de suffrages (en 2022, il n’en avait obtenu que 4,2 millions), contre 7,4 millions pour le Nouveau Front populaire et 6,5 millions pour Ensemble, la coalition électorale du centre macronien. Parler d’un « recul du RN » est, dans ces conditions, parfaitement grotesque.

    Certes, le RN n’est pas parvenu à atteindre la majorité absolue (289 sièges sur 577), contrairement à ce que laissaient prévoir ses excellents résultats (plus de 34 % des voix) obtenu aux dernières élections européennes et au premier tour des législatives, résultats qui s’expliquent avant tout par le sentiment de dépossession des couches populaires toujours plus confrontées aujourd’hui à l’insécurité, à l’immigration, à l’inflation, à la baisse du pouvoir d’achat et à la précarité.

    Cet échec s’explique par les particularités du scrutin majoritaire à deux tours, qui autorise entre les deux tours tout une série de tractations et de marchandages qui ont l’étrange caractéristique de ne pas favoriser les gagnants du premier tout mais la coalition des perdants. Au total, 224 candidats de la gauche et du centre se sont retirés ou désistés dans le seul objectif d’empêcher le RN d’emporter la majorité qui aurait normalement dû lui revenir. On a alors assisté, sous prétexte de « faire barrage à l’extrême droite », et dans un climat d’hystérie entretenu par les grands médias, qui présentaient l’arrivée du RN comme la version moderne de l’Apocalypse, à une série d’alliances contre-nature – Jordan Bardella a parlé d’« alliance du déshonneur » – entre des personnalités et des partis que tout opposait la veille encore, à seule fin de priver le Rassemblement national, arrivé très souvent en tête au premier tour, de la victoire qu’il aurait dû obtenir. Incroyable spectacle des centristes faisant élire des communistes ou des fichés S et d’une extrême gauche hystérique appelant à soutenir les fondés de pouvoir du grand capital !

    Ce sont ces désistements qui expliquent que le RN n’a pu gagner que 93 duels de second tour sur les 353 où il était représenté.

    Ce système profondément antidémocratique, il faut le souligner, est une particularité française : avec les modes de scrutin qui existent en Grande-Bretagne ou en Allemagne, Jordan Bardella, qui a encore battu son record des élections européennes en remportant 37 % des voix, serait aujourd’hui à Matignon !

    On peut comprendre bien sûr la déception de ceux qui, au RN, se voyaient déjà « aux portes du pouvoir ». Mais les portes en question étaient en fait des fourches caudines. Je suis de ceux qui se félicitent que Jordan Bardella n’ait pas eu à assumer la tâche de Premier ministre d’un gouvernement de cohabitation. La cohabitation était un piège très intelligemment tendu par Macron pour amener le président du RN, qui aurait eu à faire face à la fois aux chausse-trappes du chef de l’Etat et aux manœuvres obliques du Conseil constitutionnel, de mesurer son impuissance et d’apparaître comme incapable. La cohabitation revenait à lui confier les clés d’un camion sans roues ni carburant. Pour Macron, c’était le plus sûr moyen d’empêcher le RN de gagner la présidentielle de 2027.

    MONDE&VIE. Peut-on dire qu’Emmanuel Macron, en imposant cette dissolution de l’Assemblée le plus tôt possible après les européennes, a pris de court le RN, qui demeure le premier parti en voix, mais devient le dernier des trois blocs en nombre de sièges. Il paye donc, avec la culture antifasciste, son manque d’ancrage local. Et quoi d’autre ?

    ALAIN DE BENOIST : Le Rassemblement national n’a pas commis de faute majeure, sinon de croire qu’on pouvait vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué. On peut en revanche lui reprocher d’avoir trop vite (et trop mal) sélectionné ses candidats, dont un bon quart, sinon un tiers, n’avaient pas les capacités ou le profil. Gilles Pennelle, qui avait été chargé de ce travail, a d’ailleurs remis sa démission. Il est vrai que la dissolution a pris tout le monde de court, à commencer par ceux qui l’avaient réclamée à grands cris sans y croire, et qu’une campagne aussi courte permettait difficilement de trouver en quelques jours les hommes idoines. Quant à l’ancrage local du mouvement, il est bien meilleur qu’à l’époque du Front national, quand Jean-Marie Le Pen s’en désintéressait complètement, mais il est encore très insuffisant. Ces choses-là prennent du temps.

    Le « front républicain » fonctionne encore, mais de moins en moins. La preuve en est que nombre de candidats RN ont perdu sur le fil, avec des écarts de voix très faibles. Avec le temps, la culture « antifasciste » ne pourra plus qu’apparaître que comme un simulacre. Les gens savent bien que ce n’est pas en agitant le spectre des « années noires », en leur parlant du pétainisme ou du petit peintre bavarois, qu’on va résoudre les problèmes qui empoisonnent leur vie quotidienne.

    MONDE&VIE. Quelles leçons pour l’avenir le RN doit-il tirer de sa défaite ?

    ALAIN DE BENOIST : En tout premier lieu, qu’il doit tout faire pour ramener le centre à sa plus simple expression : le « bloc bourgeois » doit être pour lui l’ennemi principal.  Qu’il doit privilégier l’analyse et la formation plutôt que de ne marcher qu’à l’enthousiasme ou à l’indignation. Qu’il doit comprendre que la recomposition politique entamée il y a quinze ans se poursuit, mais qu’on ne peut pas brûler les étapes. Et surtout que la seule faute qui ne lui sera jamais pardonnée serait de décevoir les classes populaires et les classes moyennes qui ont mis et continuent à mettre en lui tous leurs espoirs. Tous les sondages montrent que sur des questions-clés comme l’insécurité, le pouvoir d’achat et l’immigration, 70 % des Français sont d’accord avec lui.

    MONDE&VIE. A quel avenir politique peut prétendre Eric Ciotti après son coup d’état chez les Républicains ?

    ALAIN DE BENOIST : Son avenir politique va maintenant se confondre avec celui du Rassemblement national, mais il peut jouer un rôle de passerelle non négligeable en direction des membres de LR qui n’ont pas encore fait le même choix que lui.

    MONDE&VIE. Que signifie le succès au second tour de Marine Tondelier ? Un simple feu de paille lié aux manœuvres électorales du Nouveau Front populaire ou un retour de l’écologie sur la scène politique ?

    ALAIN DE BENOIST :L’écologie a conquis tous les esprits, mais les écologistes se sont discrédités. Le cas de Marine Tondelier relève pour l’instant de l’anecdote. Comme Sandrine Rousseau, j’ai tendance à voir en elle un personnage plutôt pittoresque, sinon burlesque.

    MONDE&VIE. Malgré les prophéties, le parti présidentiel sauve les meubles et semble désormais inscrit pour longtemps dans le paysage politique français. Qu’en pensez-vous ?

    ALAIN DE BENOIST : Il ne sauve nullement les meubles !  Il va certes s’efforcer de débaucher quelques LR non ciotistes et quelques sociaux-démocrates modérés, mais je doute que cela lui serve à grand-chose. Je le vois plutôt comme le grand perdant. Il avait justifié sa décision de dissoudre l’Assemblée nationale par un souci de « clarification ». En fait de clarification, il a créé une situation totalement opaque et chaotique. En fait de dissolution, il a d’abord dissous son ancienne majorité, il a dissous le macronisme et il s’est en quelque sorte dissous lui-même.

    Trois grands blocs de taille comparable vont demain coexister à l’Assemblée nationale. Mais aucun ne possède une majorité lui permettant de gouverner. Avec 168 députés, Ensemble est loin de retrouver les 250 députés que possédait Macron dans la précédente législature, pour ne rien dire des 350 députés qu’il avait fait élire en 2017. Le Nouveau Front de gauche, de son côté, avec 182 députés, se situe encore en dessous des 250 macroniens qui siégeaient au Parlement ces derniers mois.

    Par ailleurs, alors que le Rassemblement national, avec ses alliés républicains regroupés autour d’Eric Ciotti, forme un bloc relativement unifié, ses deux concurrents sont tout sauf unis. Ce sont des agrégats hétéroclites, c’est-à-dire des coalitions de circonstance. Nous entrons dans une période d’instabilité, de rivalités incessantes et de discussions permanentes, où les gouvernements successifs risquent de ne pas durer plus longtemps que sous la IVe République, le tout sur fond de guerre en Ukraine et de tensions internationales d’une gravité exceptionnelle. Au parlement, le groupe Renaissance a déjà commencé à se disloquer. Les Républicains vont connaître de nouvelles scissions avant de disparaître définitivement. Le Nouveau Front de gauche se cassera en morceaux à la première occasion.

    Quel que soit le Premier ministre qu’Emmanuel Macron décidera de nommer, il aura le plus grand mal à trouver une majorité pour gouverner (d’autant que les « grandes coalitions » à l’allemande ne sont pas dans la tradition française). Le chef de l’État, dont les proches ont déjà commencé à s’éloigner – à la façon dont les rats quittent un navire en train de couler – a clairement perdu la main. Il a réussi une sorte de coup d’État institutionnel, mais il risque d’emporter la France dans son échec. Il a fait perdre au RN une bonne centaine de circonscriptions, mais il n’est pas arrivé à enrayer sa progression. La dynamique reste nettement du côté du Rassemblement national, qui est aujourd’hui le premier parti de France.

    MONDE&VIE. LFI restera-t-il le parti extrême que ses ennemis veulent qu’il soit ? Ne va-t-il pas plutôt se fondre dans le paysage politique, en devenant une succursale française de la gauche américaine et de son appel à la colère et au désordre ?

    ALAIN DE BENOIST : Je ne le vois pas se fondre dans le paysage politique, ni se rallier à une gauche américaine déjà éminemment représentée par Raphaël Glucksmann. Au soir du second tour, Mélenchon a prononcé un grand discours lyrique d’où il ressortait que LFI avait remporté la victoire. En réalité, LFI est aujourd’hui minoritaire au sein du Nouveau Front de gauche, ce qui n’était pas le cas à l’époque de la NUPES. Mais Jean-Luc Mélenchon, qui est moins mauvais stratège qu’on ne le croit, raisonne visiblement sur long terme. Il n’a sans doute pas tort.

    Le centre étant appelé à s’éroder progressivement, s’il est à la fois attaqué par le RN et par LFI (dont les intérêts coïncident sur ce point), la logique voudrait qu’à la prochaine élection présidentielle, Marine Le Pen (ou Jordan Bardella) se retrouve au second tour face à un homme comme Jean-Luc Mélenchon. Elle aurait toutes chances de sortir vainqueur d’un tel duel, d’autant que la situation du pays se sera encore dégradée, tandis que la frustration et la colère de ses partisans aura continué d’augmenter. D’ici là, il faut s’attendre à une paralysie institutionnelle quasi totale, à de l’instabilité, à de la violence sans doute. La Ve République n’avait encore jamais connu cela. C’est une situation inédite. 

    Alain de Benoist, propos recueillis par Guillaume de Tanoüarn (Monde et Vie, 21 juillet 2024)

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  • Rassemblement national : « brebis galeuses » et poules mouillées ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de Jean-Yves Le Gallou, cueilli sur le site de Polémia et consacré à la faiblesse du RN face aux ukases médiatiques.

    Ancien haut-fonctionnaire, président de la Fondation Polémia, Jean-Yves Le Gallou a, notamment, publié La tyrannie médiatique (Via Romana, 2013),  Immigration : la catastrophe - Que faire ? (Via Romana, 2016), Européen d'abord - Essai sur la préférence de civilisation (Via Romana, 2018) et Manuel de lutte contre la diabolisation (La Nouvelle Librairie, 2020).

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    Rassemblement national : « brebis galeuses » et poules mouillées

    Pour les intervenants politiques, les soirées électorales se suivent et ne se ressemblent pas. Il est facile d’être bon quand tout va bien. Plus difficile quand les résultats sont décevants. Pourtant, dimanche 7 juillet, Laure Lavalette, Laurent Jacobelli et Marion Maréchal, intervenant pour l’Union nationale, furent bons, mettant leur déception à la suite du second tour des élections législatives en perspective et rappelant l’évidence : une amélioration des résultats en nombre de voix comme en sièges ; 2 sièges en 2012, 8 en 2017, 89 en 2022, 143 en 2024. Curieusement, cette ligne a été abandonnée dès le lendemain pour se caler sur le discours des médias.

    Des « brebis galeuses » au Rassemblement national ?

    Le directeur général du RN, Gilles Pennelle, a été dénoncé dans Le Monde par le back-office comme responsable du « fiasco » (sic) et démissionné brutalement. Jordan Bardella s’est excusé des « erreurs de casting » dans le choix de ses candidats et a déploré la présence de « brebis galeuses » (sic). Une formule fort mal choisie car, avec les nouvelles pratiques vétérinaires, quand il y a un seul animal malade, on abat tout le troupeau…

    Abattre le troupeau ? C’est ce que les électeurs ont été invités à faire par les médias de grand chemin qui ont joué un rôle déterminant dans la réussite du « front républicain » en délégitimant les candidats RN. Dire cela, ce n’est pas être paranoïaque, c’est constater une réalité d’évidence : élus du Nouveau Front populaire, Aurélien Rousseau et Clémentine Autain ont d’ailleurs félicité et remercié les médias, en particulier France 2, BFM TV, Libération et la presse quotidienne régionale. L’Institut national de l’audiovisuel (INA), qui reçoit une dotation publique versée par l’État de près de 100 millions, s’est d’ailleurs officiellement réjoui du rôle des journalistes d’extrême gauche dans la bataille électorale.

    La technique de diabolisation utilisée a été simple. On crible les candidats et on met en avant telle ou telle déclaration, selon la méthode suivante qu’on prête, selon les cas, à Richelieu, Fouquier-Tinville ou Staline : « Donnez-moi une seule phrase d’un homme et je me charge de le faire condamner. » C’est ainsi que les médias ont procédé en propageant nationalement une indignation de circonstance sur telle ou telle individualité et en faisant retomber l’opprobre sur l’ensemble de candidats RN et alliés. Bien joué.

    Ces campagnes de dénigrement ciblé se sont appuyées sur une double démarche d’ostracisme social et d’intolérance idéologique :

    • l’ostracisme social visait à briser certains candidats trop à l’image de leurs électeurs et employant des mots simples et facilement caricaturables dans leur expression ;
    • l’intolérance idéologique cherchait à traquer des personnalités intellectuelles structurées mais ayant – horresco referens – osé reconnaître la réalité du « grand remplacement », critiqué la dictature sanitaire, voire émis des réserves sur l’alarmisme climatique ou le discours de l’OTAN sur la guerre en Ukraine.

    La contre-diabolisation, l’arme que le Rassemblement national doit utiliser

    Face à ces attaques intellectuellement malhonnêtes ou socialement ignobles, les dirigeants du RN ont molli. De repli tactique en repli tactique, ils ont affaibli l’ensemble de leur dispositif. Au lieu de paraître reconnaître le bien-fondé de la diabolisation de leurs candidats, ils auraient dû engager une entreprise de contre-diabolisation de leurs adversaires politiques ET médiatiques.

    Du côté politique, la matière ne manquait pas :

    • contre les islamo-gauchistes de LFI ;
    • contre les écologistes saboteurs de l’énergie nucléaire (Tondelier, Voynet, Jadot) et donc responsables de la hausse du prix de l’énergie et de la baisse du pouvoir d’achat ;
    • contre les agents de l’étranger (Glucksmann, ancien agent de l’OTAN en Géorgie, Jadot menant des actions antifrançaises avec Greenpeace) ;
    • contre les endettors de l’extrême centre : Attal, Le Maire, Philippe qui ont conduit la France au bord de la faillite avec 3 200 milliards de dette.

    Il fallait aussi décrédibiliser et diaboliser les médias et mettre en cause des rédactions d’extrême gauche qui cachetonnent pour des oligarques milliardaires. La gauche parle des « médias Bolloré », alors pourquoi ne pas parler des « médias Saadé », des « médias Arnault », des « médias Kretinsky » ? L’argent du fuel lourd du transport maritime (Saadé), du charbon nourrissant les centrales allemandes (Kretinsky) et du luxe de la superclasse mondiale (Arnault) servant d’arbitre des élégances écologiques, sociétales et sociales.

    Lutter contre la diabolisation des candidats RN est aussi possible. Il suffit que chaque candidature soit incarnée :

    • soit par une personnalité brillante, au CV rassurant, et capable de faire face à toutes les attaques ;
    • soit par un homme de terrain ayant fait ses preuves, et ces hommes de terrain sont faciles à détecter : il suffit de lister ceux qui ont eu le talent et l’énergie de constituer des listes municipales et de se faire élire ou de se faire connaître de leurs concitoyens. À cet égard, l’exemple de la Côte d’Opale est éclairant : à Boulogne et Calais, des conseillers municipaux ont été investis comme candidats, ils ont été élus. À Dunkerque, les conseillers municipaux ont été écartés, l’un pour faire place à un parachuté ciottiste (cela peut se comprendre), l’autre (dans la meilleure circonscription) à un inconnu présenté comme un « souverainiste de gauche » (waouh !) : deux défaites.

     

    Sauf bouleversement possible (dissolution de l’Assemblée nationale ou démission du président), la prochaine échéance sera celle des municipales. Leur véritable enjeu : le tissu des villes moyennes et des gros bourgs. À méditer.

    Jean-Yves Le Gallou (Polémia, 13 juillet 2024)

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  • La grande peur des clercs bien-pensants...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Idiocratie consacré à une tribune de juristes bien-pensants appelants à faire barrage au RN, comme il se doit...

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    La grande peur des clercs bien-pensants

    Visiblement indignés, rebutés, effrayés certainement, enhardis parfois, par la perspective d’une victoire électorale du Rassemblement National aux législatives du 30 juin 2024, plusieurs centaines d’« enseignants-chercheurs en droit » ont commis ces jours-ci une magnifique tribune, véritable condensé de politiquement correct, chef-d’œuvre de démonstration de bonne volonté qui vaudrait – nous l’espérons – un zéro pointé à tout dissertant en sciences politiques, en théorie de l’État ou même en philosophie du droit – tribune reproduite en fin d’article.

    C’est qu’on en frétille, on s’en gargarise avec un air grave de circonstances, de pouvoir draper son activisme de technicien de l’ordre juridique dans de belles considérations morales. On rajuste ses bésicles, on prend son air mi-sévère, mi-débonnaire de demi-sachant, et on lève l’index pour commenter doctement les commentaires du commentaire de l’agitation d’épouvantails politiciens.

    Cela nous change un peu d’aller trifouiller de la loi, du décret, des circulaires, de la norme, des recommandations, des rapports, de la décision, du jugement à n’en plus finir. On vibre, le pouls s’accélère, la poitrine se gonfle, il est temps de monter sur l’estrade, de revêtir l’habit d’officier de l’avant-garde éclairée.

    L’ennemi est désigné. Il ne devrait pas y avoir d’ennemi, comprenez, mais enfin l’ennemi est là tout de même, et c’est – coïncidence – précisément celui qui veut qu’il y en ait, des ennemis. Schmitt ressurgit (il y a toujours un autre qui est ennemi), l’essentiel est de lui donner raison tout en fondant ses prises de positions sur la prétention inverse. 

    Nous n’avons guère de sympathie pour le techno-populisme turbo-souverainiste sauce « french dream » du RN. Un intérêt d’ethnologue amateur et amusé, à la rigueur, et une forme de solidarité humaniste (oui, oui !) avec ceux qui croient encore pouvoir faire changer quelque chose, et qui nous sont rendus d’autant plus touchant que leur élan les distingue irrémédiablement de toute l’autorité et la fatuité recuites de ceux qui récitent un catéchisme devenu gnose mortifère.

    C’est que tout y passe dans cette tribune, ou presque, une bonne page (souvent la même, d’ailleurs) du catalogue des « libertés publiques », dont la remise en cause serait immédiatement corrélées (on n’ose dire « attribuées », tant la démonstration scientifique brille par son absence) à des faits arbitrairement relatés et généralisés.

    Mais tout de même, osons demander : la démocratie ne serait-elle donc pas la démocratie ? Ne peut-on plus, a minima, interroger la légitimité de la prophétie auto-réalisatrice de l’État de droit, de ses normes, de ses institutions ? De l’adéquation de leurs formes et de leurs contenus actuels aux aspirations majoritairement et récemment exprimées par l’universalité des citoyens français ? La « démocratie continue » est-elle à ce point sclérosée ?

    De quoi ont-ils peur, tous ces fieffés clercs de l’État de droit ? Que le Parlement, bicaméral, corseté par le parlementarisme rationalisé et la Constitution normative, se remette à effectuer un ou deux choix politiques ? Nos représentants élus ne sont-ils pas précisément là pour en débattre ?

    Faut-il donc qu’ils soient demeurés et inaptes, ces citoyens et électeurs pour qu’on ait tant besoin de leur tenir la main, de leur rappeler qu’en dehors d’un libéralisme hémiplégique du dernier homme, il n’y a rien qui vaille. Faut-il considérer que le gouvernement représentatif est devenu sans objet ? Sans sujet, sans contenu même ?

    Conjuguant à merveille le statisme à l’étatisme, ces apôtres du meilleur des présents nous expliquent donc (nous « décodons ») :

    - que la représentation nationale est devenue sans objet (« vouloir pour la nation »), puisque que sa réalisation est devenue inéluctable, automatique : l’État de droit est là, et il ne pourra que progresser vers sa propre perfection, vers un stade total, à savoir toujours plus de droits « à », pour toujours plus d’ayants-droits ;

    - que la représentation nationale est devenu sans sujet, puisque la force morale des préceptes constitutifs de cette doxa de l’État de droit et des libertés publiques fait des électeurs des êtres cybernétiques, dont la conscience comme la responsabilité (laquelle ? devant qui ?) ne peuvent conduire qu’à un certain nombre de choix, préprogrammés ;

    - que la représentation nationale, enfin, est désormais sans contenu propre, puisqu’elle ne peut qu’entériner le droit, les droits, le choix de société, dictés par les « valeurs » auxquelles il est fait référence, et qui les rendraient donc digne d’estime. Seule compte qu’elle fasse œuvre de « justice », qu’elle répète, toujours mieux, toujours plus et dans tous les domaines, les principes de l’État de droit, et surtout ceux que les enseignants-chercheurs en droit (sont-ils donc, ex officio, des représentants voire des constituants ?) estiment être les plus importants.

    Comprenne qui pourra : le droit, les droits, sont « des choix de société », des valeurs qui pourraient ne plus en être (si elles n’étaient plus « choisies » par la « société » ?) mais qui ne peuvent que le demeurer, au nom du fait qu’elles … existent ? Sont sanctionnées en droit ?

    En réalité, il y là un cas topique d’étalage sans vergogne d’épistocratie spéculaire (écrire « démocratie » n’aurait à ce stade plus aucun sens) : l’argumentation est insaisissable, le propos se dérobe, seul le miroir reste, et le reflet fugace de normativisme qu’il paraît nous renvoyer. La « société » désirée n’est pas présente, elle est montrée – instituée – mais de façon cléricale : elle n’accède à l’existence en tant que collectivité politique, ce qui est toujours une opération abstraite en soi, que grâce à l’enseignement de ses « représentants » de fait, qui lui donnent à voir ce qu’elle est et sera, ce qu’elle doit être et rester, et ce qu’elle ne peut pas être. Qu’on ne s’y trompe pas : l’existence même de leur cléricat est légitimée par la figure active (j’ergote donc je suis) de la « société » qu’ils produisent (l’État de droit, « le tas de droit »), et non pas par son mode de fonctionnement politique intrinsèque (le parlementarisme) ou l’origine de celui-ci (le gouvernement représentatif).

    Mais quel courage, quelle prise de risque ! Les revoilà les traîtres de clercs, qui s’érigent cette fois-ci, comme toutes les autres, en parangons de la « démocratie » cordicole. C’est qu’ils l’ont, eux, le monopole du cœur : comprenez, ils sont titulaires, fieffés pour ainsi dire. Une ligne après le patronyme suffit à témoigner de leur belle et bonne volonté, de leur expérience viscérale de l’inéluctabilité, pour ainsi dire historique et anthropologique, de la perpétuation des valeurs présentées (ne sont-il pas, pourtant, que juristes ?). Le Léviathan, la Gorgone, tournent tout seuls, mais remettons un peu d’huile, sait-on jamais ?

    Auraient-ils oublié que la « démocratie », même libérale, même présidentialisée, et même à l’âge de la donnée, des cabinets de conseil, et du numérique ubiquitaire, c’est avant tout l’organisation procédurale de l’incertitude, l’admission du faillibilisme du politique ? Adoptée au terme d’une confrontation organisée de points de vue, d’une démarche dialectique – donc rationnelle – de production du droit, la loi, produit d’une délibération qui est l’expression « de la diversité et de l'incertitude de nos opinions » se fait « le registre toujours plus fidèle de nos doutes » (P. Manent).

    Sont-ils à ce point gonflés d’orgueil pour oublier qu’une fois leur fonction professorale épuisée (enseigner les origines, le fonctionnement, les accomplissements, de notre système politique, idéalement avec une forme d’autonomie de la pensée savante), les apprenants en ayant bénéficié ne sont plus tenus de les écouter qu’en tant que simples citoyens comme les autres, voire plus tenus de les écouter du tout ?

    Des Idiots (Idiocratie, 1er juillet 2024)

     

     

     

    Tribune des enseignants-chercheurs en droit, 27 juin 2024

    Nous, enseignants-chercheurs en droit, attachés à l’État de droit et aux libertés publiques, sommes inquiets.

    Qu’enseignerons-nous à nos étudiants demain ?

    Que la devise de la France est « Liberté, Égalité, Fraternité » ? Ou que la fraternité s’arrête aux portes de l’hôpital où l’étranger doit présenter ses papiers avant d’être soigné ?

    Que la loi est la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse ? Ou que l’on peut être plus ou moins Français, à l’instar des binationaux exclus de certains emplois publics ?

    Qu’il existe une liberté d’expression et d’information en France ? Ou qu’une telle liberté existait autrefois, jusqu’à ce que le pluralisme disparaisse emporté par la privatisation des médias publics ?

    Que la justice est indépendante et garante des libertés ? Ou qu’elle n’est qu’un automate qui applique des peines planchers et présume que la violence des forces de l’ordre est en toute occasion légitime ?

    État de droit, égalité, libertés publiques, justice : toutes ces valeurs sont attaquées par le programme du Rassemblement national qui prône la fin de l’aide médicale d’Etat, la préférence nationale et l’hégémonie du droit du sang, la vente de l’audiovisuel public, les peines planchers et la présomption de légitime défense des forces de l’ordre.

    Deux modèles de société s’opposent, deux visions du droit et des droits. Nous sommes inquiets, mais ce qui sera enseigné demain dans nos amphithéâtres et nos salles de cours, c’est ce que les électeurs auront décidé le 30 juin et le 7 juillet prochain. Le choix appartient à chacune et chacun de ceux qui sont appelés à voter.

    Prenons toutes et tous la mesure des conséquences de notre vote.

    Nous, enseignants-chercheurs en droit, demandons aux citoyens de se rendre massivement aux urnes et de voter en conscience et en responsabilité.

    Source

    https://docs.google.com/documentd/1POAAgzBlDd_YmJnZVRvnK7nrleunq2Ie2cSg25YTAco/edit

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  • Feu sur la désinformation... (474) : Le putsch politico-médiatique !

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un nouveau numéro de l'émission I-Média sur TV libertés consacrée au décryptage des médias et animée par Jean-Yves Le Gallou, président de la fondation Polémia, et Lucas Chancerelle.

     

                                           

    Au sommaire cette semaine :

    L'image de la semaine :   le clip de rap ultraviolent contre le RN promu par les médias.

    Dossier du jour :   l’alliance du système allant de l’extrême gauche à l’extrême centre pour empêcher Jordan Bardella d’être premier ministre.

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    Pastilles de l’info :

    1) Macron, Baffie et L'agence tous risques !
    2) Débat Trump-Biden : le fiasco démocrate
    3) Un journaliste de beIN Sports licencié après avoir insulté les électeurs RN ?
    4) Un nouveau Crépol occulté ?
    5) Hollande et la gauche caviar

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    Portrait piquant (en partenariat avec l’OJIM) : Julian Assange, le courageux lanceur d’alerte qui vient d'être libéré !

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  • Feu sur la désinformation... (473) : Tous les médias contre Bardella ?

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un nouveau numéro de l'émission I-Média sur TV libertés consacrée au décryptage des médias et animée par Jean-Yves Le Gallou, président de la fondation Polémia, et Lucas Chancerelle.

     

                                          

    Au sommaire cette semaine :

    L'image de la semaine :  la manipulation autour d’un extrait trompeur tiré d’une conférence de Jordan Bardella devant les journalistes.

    Dossier du jour :   l’offensive médiatique contre le RN qui se poursuit et le premier débat des élections législatives sur TF1.

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    Pastilles de l’info :

    1) L’affaire Divine et la propagande d’Envoyé Spécial
    2) La bataille d’influence politique des grands patrons de presse
    3) Julian Assange libéré : le deux poids deux mesures ?
    4) Joseph Martin réhabilité après les calomnies de Libération
    5) L’Arcom met en garde Sud Radio pour des propos climatosceptiques

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    Portrait piquant (en partenariat avec l’OJIM) : Marine Baousson, une figure médiatique de la propagande LGBT et de la promotion de la laideur.

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