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populisme

  • Les croyances de luxe...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de du psychologue Maxence Carsana cueilli sur Figaro Vox et consacré aux "croyances de luxe " des classes dominantes...

     

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    « La croyance de luxe, ou la nouvelle stratégie de distinction de nos élites »

    L'analyse des motivations des élites passe souvent par celle de leurs intérêts économiques mais cela est insuffisant pour expliquer le maintien de décisions peu rentables. Pourquoi tant d'entreprises prennent-elles un virage woke alors que le public semble ne pas suivre ? On se souvient de la campagne publicitaire désastreuse de Gillette en 2019 expliquant aux hommes ce qu'est la masculinité ou, plus récemment, de l'annonce du niveau des revenus de Victoria's secret au plus bas depuis 2020 à la suite de sa campagne inclusive.

    Pourquoi tant de films et de séries devancent-ils les demandes des spectateurs en termes d'inclusivité, quitte à arrêter une série avant sa fin par manque de rentabilité ? En ne prenant que quelques exemples : le film d'animation Buzz l'éclair est boudé par le public. Le reboot de SOS Fantômes est un échec cuisant. L'idée de faire des suites à d'anciennes franchises n'est pourtant pas le fond du problème. En témoigne l'immense succès de Top Gun : Maverick juste à la sortie du Covid. Au niveau des séries, Cowboy Bebop est annulé et l'avenir de Velma semble incertain, suscitant des commentaires acerbes de la part de leurs réalisateurs respectifs vis-à-vis de la réponse du public. Une rupture semble exister entre les ambitions des créateurs et les attentes du public. Le cinéma français ne fait pas exception à cette tendance et profite de généreuses subventions publiques pour survivre (1,7 milliard d'euros en 2022, soit 31 % de son financement).

    Pourquoi l'école s'interroge sur de potentielles réformes permissives alors que les résultats ne cessent de chuter ? D'après certains experts, pourquoi ne pas directement simplifier l'orthographe, supprimer l'accord du participe passé ou carrément supprimer les notes ? Pour comprendre ce décalage récurrent, il faut réaliser que l'analyse économique possède un angle mort : l'argent n'est en réalité qu'un mode de transaction parmi d'autres et n'est même pas le plus important pour une certaine élite progressiste.

    Les membres de cette élite, via leurs relais médiatiques, sont les premiers à remettre en question la famille traditionnelle, l'intérêt du mariage, à encourager la permissivité dans l'école publique, à l'accueil d'une immigration massive, au désarmement de la police, à l'écologie punitive, etc. Ils sont également les premiers à moins divorcer, à mettre leurs enfants dans le privé, à habiter loin des zones défavorisées dans des lieux préservés et à voyager régulièrement en avion. Ce n'est pas uniquement une affaire d'hypocrisie. Le prestige est la monnaie la plus importante de l'économie de cette élite. Dans une société de l'abondance matérielle généralisée, il ne suffit plus d'avoir le chauffage, l'électricité, des vêtements de qualité ou une Rolex, il faut trouver un autre moyen de se démarquer des autres classes et de ses concurrents au sein de la même classe. Et cette solution, c'est ce que Rob Henderson, essayiste et docteur en psychologie de l'Université de Cambridge, nomme une «croyance de luxe».

    Plus l'incarnation d'une idée coûte potentiellement cher à son porteur, plus elle est prestigieuse. Le summum du prestige, c'est de professer des idées dont seul un statut social élevé permet d'en éviter les conséquences. Ainsi, en professant publiquement certaines croyances, on signale indirectement notre appartenance à une élite et on renforce la hiérarchie sociale. Cela permet d'une certaine manière de fermer la porte derrière soi. Quiconque tenterait de faire la même chose sans avoir cette position et ces moyens en paiera tôt ou tard les conséquences et restera pauvre. L'altruisme ostentatoire est un luxe que peu peuvent se payer. Ce qui caractérise ces idées n'est pas leur sujet mais l'opulence qu'elles suggèrent. Elles sont donc susceptibles de prendre des formes différentes selon les époques et la culture dominante en place. L'ascétisme est par exemple toujours plus à la mode dans les classes supérieures car pour pouvoir se priver, encore faut-il déjà posséder plus que le nécessaire. Ces croyances de luxe ne sont pas forcément conscientes ni même motivées par de mauvaises intentions, c'est même rarement le cas. Elles font d'une certaine manière partie du capital culturel d'un milieu éloignée de la nécessité.

    Le psychiatre Theodore Dalrymple a déjà observé cette démission morale des élites dans Life at the bottom (2001). Ces valeurs aujourd'hui jugées «conservatrices», et si souvent attaquées - la common decency chère à Orwell - structuraient la vie des moins favorisés pour qui l'argent ne permet pas de combler l'absence d'une famille stable et d'une communauté unie. Pire qu'un abandon, ce clivage entre les classes ne cesse de s'agrandir avec le temps.

    Prenons le cas de l'immigration : d'après les sociologues médiatiques, le Français périphérique qui n'a pas fait beaucoup d'études vote souvent RN. On explique alors cette différence par des préjugés, un manque d'ouverture et, à demi-mot, un manque de raffinement. Ils n'ont jamais compris le sens de la corrélation. C'est parce qu'il n'a pas le luxe de pouvoir déménager quand son quartier devient invivable ou qu'un autocar de migrants débarque dans son village depuis Paris que notre Français moyen se montre intolérant. Il n'aura pas droit à une seconde chance en cas d'erreur et il le sait très bien. Il ne s'agit pas de gentillesse ni de sainteté pour la classe dominante mais d'une démonstration de force, un potlatch moral. Cette observation se décline pour presque tous les sujets clivants qui opposent le haut et le bas de la société.

    Quel est le rôle du milieu social dans ce phénomène ? Les classes populaires, elles, vivent en dehors de l'économie de la création culturelle. Elles subissent passivement les «progrès» de leur temps. Et même si elles décident de désapprouver un point et veulent vivre selon d'autres principes, leurs enfants sont exposés à ces idées par les agents de la classe moyenne que sont les professeurs et les fonctionnaires. Ceux-ci les appliqueront avec d'autant plus de ferveur qu'ils croiront encore dans l'ascenseur social et ce, même s’ils doivent le payer très cher. En arborant les mêmes croyances que la classe à laquelle ils s'identifient, ils s'approprient une partie de son prestige. Un peu comme un enfant espère inconsciemment associer à sa personne l'aura de sa star de football favorite en portant son maillot.

    Ce ruissellement de vertu ostentatoire depuis les élites fabrique une spirale infernale au fur et à mesure que toutes les couches de la société se mettent à copier des idées coûteuses alors qu'elles ne peuvent pas totalement en assumer le coût. Collectivement, nous contribuons à la formation de futures crises car le gain social immédiat pour notre situation nous semble plus important que les conséquences à venir. Une large partie de la bourgeoisie urbaine, devant maintenir son prestige, doit sans cesse professer des idées toujours plus coûteuses et délirantes pour se démarquer de la classe moyenne qui cherche à la rejoindre. Ainsi, le système se déplace toujours plus vers un altruisme maladif (c'est-à-dire, la forme la plus commune que prennent les croyances de luxe) jusqu'à l'effondrement.

    Quelle solution ? Nous pouvons toujours espérer que les hérauts de ces croyances de luxe prennent de nouveau conscience du rôle de guide qu'elles occupent mais cela paraît peu probable. L'alternative pour enrayer cette machine semble être de redonner ses lettres de noblesse à la décence commune, de récuser l'attaque facile de «populisme» et de neutraliser le prestige associé aux déclarations de la classe dominante. Dans une économie symbolique différente, la partie médiatique et progressiste de la classe dominante en place et ses alliés n'auront plus autant de raison de s'accrocher à leurs idées ostentatoires et irréalistes, ou alors céderont naturellement la place à de nouveaux prétendants du même milieu plus en phase avec les besoins des classes populaires. Lorsque les élites seront directement touchées par les conséquences de leurs idées, peut-être arriveront-elles à reconsidérer leur position que doit subir pour l'instant la majorité moins aisée de la population.

    (Figaro Vox, 30 octobre 2023)

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  • La peau sur la table...

    « Avec ce second roman, l'auteure grenobloise signe avec éclat le retour du populisme en littérature. » Pascal Meynadier, dans le Journal du dimanche du 27 août 2023

    Les éditions Fayard viennent de publier un roman de Marion Messina intitulé La peau sur la table. Après avoir exercé divers métiers, notamment dans l’agriculture, Marion Messina est déjà l'auteur d'un roman, Faux départ (Le Dilettante, 2017).

     

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    " Mère célibataire, institutrice sous pression, Sabrina perd ses nerfs en classe et sent son destin basculer.
    Docteur en littérature comparée, Paul a renoncé à courir derrière des postes précaires à l’université pour devenir boucher dans un coin perdu d’Ardèche.
    C’est là qu’il fait la connaissance d’Aurélien, paysan que l’absurdité administrative et la ponction capitaliste poussent inexorablement vers la faillite.
    Autour d’eux la France brûle. Le suicide spectaculaire d’un étudiant devant l’Assemblée nationale a provoqué une immense colère d’un bout à l’autre du pays. L’armée ne va pas tarder à entrer en scène.
    Le système est à bout de souffle, mais il tient bon. Et continue vaille que vaille de gérer un cheptel humain trop prompt à troquer la liberté contre l’illusion de la sécurité.
    Jusqu’à quand ? "

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  • Les populismes européens : derniers spasmes des vieilles nations ou agents de transformation de l’UE ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Gérard Dussouy, cueilli sur Polémia et consacré au rôle que devraient se donner les populistes européens pour œuvrer à une renaissance européenne. 

    Professeur émérite à l'Université de Bordeaux, Gérard Dussouy est l'auteur de plusieurs essais, dont Les théories de la mondialité (L'Harmattan, 2011) et Contre l'Europe de Bruxelles - Fonder un Etat européen (Tatamis, 2013).

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    Les populismes européens : derniers spasmes des vieilles nations ou agents de transformation de l’UE ?

    Quand on considère les crises présentes qui ne font que commencer, quand on observe la carence conceptuelle, stratégique et politique des États européens face à la guerre, et que l’on s’interroge sur la crédibilité politique des populismes européens sous un angle systémique, c’est-à-dire quant à leur raison d’être et quant à leur capacité à agir sur le système mondial dans lequel les peuples et les individus se retrouvent tous désormais inclus, la question se dédouble ainsi : sont-ils les derniers spasmes des vieilles nations européennes ? Pourraient-ils être les agents de la transformation, et de la renaissance, de l’Europe ?

    Il faut bien comprendre en effet, que les dernières vagues populistes en majorité souverainistes sont le produit d’une contrainte systémique multivariée, à la fois économique, sociale, démographique, culturelle. Ces mouvements sont les effets rétroactifs d’un système que les États ont construit qui, dans le même temps, limite leur action et leur capacité d’action politique. C’est bien pourquoi les partis populistes demeurent avant tout des forces protestataires ne sachant pas à qui véritablement s’adresser parce que leurs participants ont conscience que leurs propres États ont perdu toute prise sur le réel. Ils sont le témoignage d’un désarroi total qui conduit les plus nombreux, à droite, à entretenir jusqu’au bout l’illusion souverainiste, et les plus minoritaires, à gauche, à se perdre dans les divagations de la révolution sociale et écologique universelle.

    Les populismes, produits de la contrainte systémique des États et des peuples

    Une proportion plus ou moins élevée de citoyens européens ne s’y retrouve plus, aussi bien en termes de valeurs et de traditions que de niveaux de vie et de sécurité, dans un système mondial que bien entendu leurs gouvernants ne contrôlent pas, après avoir approuvé sa construction.

    La déstabilisation économique et sociale des sociétés européennes

    En France, la crise des Gilets Jaunes a été emblématique de cette déstabilisation ; elle est la révolte des victimes d’une insertion mondiale non préparée. Elle n’a pas eu d’équivalent dans les autres États européens, à la structure politique et sociale moins centralisée, moins rigide, et pour certains moins désindustrialisés que la France. En Allemagne, particulièrement performante à l’exportation en raison de sa remarquable spécialisation industrielle, la contestation y a été très limitée, dans les seuls Länder de l’Est. La situation pourrait changer maintenant que l’Allemagne « s’est tiré une balle dans le pied » en mettant fin, à cause de la question ukrainienne, au partenariat fructueux qu’elle avait établi avec la Russie.

    D’une manière générale en Europe, on constate, selon Peter Sloterdijk, un retour du pessimisme sociologique avec la « fin du temps de la gâterie » qu’il illustre ainsi : depuis trente ans, d’un rapport 80% de riches à 20% de pauvres on est passé au rapport inverse de 20% à 80%. La fin de l’opulence accentue la fracturation sociale qui fait l’objet d’une thématique maintenant rebattue, celle de la rupture entre élites et peuples. Elle est au fondement des populismes contemporains [1].

    Le sujet de l’économie est déterminant pour l’avenir parce que la « légitimité » du système mondial, qui est fondé sur le libre-échange, repose sur la croissance globale, et de préférence, sur la croissance partagée. Or, plusieurs économistes, avec en pointe Robert Gordon, s’attendent à ce que l’économie mondiale entre dans une ère de stagnation, même si la croissance de l’après covid connait un rebond. A cela, des causes économiques endogènes : endettement généralisé et baisse des investissements productifs, compétition accrue et acharnée sur l’énergie et les matières premières, retour de l’inflation. Mais aussi, des causes exogènes telles que le vieillissement des populations, consécutif à la dénatalité [2].  Ce que l’on ne veut pas comprendre en Europe, souverainistes compris, quand on privilégie son confort à sa descendance !

    La prégnance de la question identitaire et de l’enjeu civilisationnel

    C’est là la cause, plus que le constat précèdent aujourd’hui, de la persistance et de l’enracinement des mouvements populistes les plus nombreux, c’est à dire ceux à tendance souverainiste. Comme on le constate en France, en Italie, en Europe de l’Est. Bien entendu, cette problématique relève aussi de la contrainte systémique mondiale que figurent, dans ce cas précis, les flux migratoires massifs. Sa résolution, qui peut comprendre différents stades allant du simple arrêt de l’invasion à la remigration, et qui peut se concevoir selon des modalités adaptées aux contextes nationaux, n’est envisageable, pour être efficace et définitive, qu’à l’échelle du continent.  A l’intérieur de celui-ci, il est impossible de rétablir des frontières compte tenu des interdépendances de toutes natures, et elles ne seraient de toutes les façons que trop poreuses. Tout dépend donc des dirigeants de l’Union et des États qui la composent, quand on considère les expériences en cours dans différents États européens en matière de politique migratoire : échec complet du Brexit (sauf l’arrêt de l’immigration d’origine européenne !), blocage des entrées et des séjours en Hongrie, résultats attendus au Danemark des lois très restrictives en matière d’immigration que son gouvernement de coalition vient d’adopter au nom de la survie de l’identité nationale. D’une façon générale, au niveau planétaire, les changements dans les rapports de force ont porté au premier plan l’enjeu civilisationnel. Constatons aussi qu’à ce contexte mondial anxiogène, les populistes verts ajoutent la terreur climatique.

    La confrontation au réel. Les populistes peuvent-ils transformer la politique et desserrer la contrainte systémique ?

    Face aux réalités du monde globalisé, la montée en puissance des populismes en Europe (divers scrutins électoraux nationaux ou régionaux la confirment de façon continue) pose la question de leur capacité à gouverner, mais surtout à influencer les politiques nationales et à faire adopter par leurs États respectifs et mieux encore par l’Union européenne, des mesures susceptibles de desserrer la contrainte systémique. Parce que c’est bien à son niveau à elle que l’essentiel se joue. La vraie question est alors de savoir si malgré leur dispersion idéologique, malgré l’incohérence politique qui les habite, certains mouvements populistes sont susceptibles de transformer l’UE et d’en faire, face au reste du monde, la forteresse dont les Européens vont avoir le plus grand besoin. Qu’en sera-t-il en 2024 et après ?

    L’échec des populistes aux élections parlementaires européennes de 2019

    Le bilan des populistes de la session 2019-2024 est négatif. D’une part, lors des élections au Parlement européen du 20 Mai 2019, les eurosceptiques n’ont pas remporté le succès escompté. Malgré leur progression, ils sont restés loin de la majorité de 367 députés nécessaire pour gouverner le Parlement européen. Le bloc pro-européen, ou europeo-atlantique à la mode libérale et américanophile, a reculé, mais il a conservé la majorité en cumulant les sièges du PPE (182), de Renew Europ (108) et des Socialistes et Démocrates (154). D’autre part, et c’est ce qui est le plus pathétique, les populistes n’ont pas été capables d’enclencher, ou seulement de penser, une dynamique transformatrice, restauratrice d’une Union au service des peuples, à partir de propositions réalistes et audacieuses et d’actions de communication de grande envergure. On peut faire deux constats qui sont deux explications à cet échec des populistes :

    1) L’attachement, sous-estimé par les souverainistes, des citoyens et d’une majorité d’électeurs européens à l’UE et à l’euro

    A la veille des élections de 2019, différents sondages dont ceux de l’institut britannique Yougov et d’Eurobaromètre indiquaient que si en 2014 un peu plus de la moitié des Européens (51%) approuvaient l’existence de l’euro et de l’EU, ils étaient 75% en 2019 à se prononcer pour l’UE et 62% à déclarer soutenir l’euro. A noter que 67% des Grecs eux-mêmes étaient favorables à l’Union malgré l’austérité que Bruxelles leur avait infligée pour les sortir de la crise financière profonde dans laquelle ils étaient plongés. Dans tous ces sondages, on constatait qu’une majorité de citoyens de l’UE souhaitent voir l’Europe devenir un acteur incontournable sur la scène internationale.

    2) L’hétéroclisme des populismes et leur manque de crédibilité

    Au sein du Parlement européen actuel, on distingue au moins trois courants qui sont incompatibles :

    • Les populistes souverainistes d’Identité et Démocratie (76 sièges et 10,9% de l’hémicycle) et de Conservateurs et Réformistes européens (62 sièges et 8,8%). Le premier groupe réunit la Lega italienne, le Rassemblement National français, l’AFD allemande (véritable nouveauté en 2019 parce que c’est le parti qui a le plus progressé ces dernières années), le FPÖ autrichien, et le Vlams Belang flamand qui est plus séparatiste qu’il n’est souverainiste. Au sein de cet ensemble l’unanimité ne règne pas, ni quant à la politique monétaire de la BCE, ni quant à la politique commerciale de l’UE, ni quant à une éventuelle défense européenne. On attend toujours un programme commun. Quant au second groupe, le CRE, il réunit les Polonais de Droit et Justice et les Italiens rivaux de la Lega de Fratellini d’Italia, aujourd’hui au pouvoir. La caractéristique majeure de ce groupe est de s’opposer à toute avancée vers plus de supranationalité. Il a montré ces derniers temps beaucoup d’empathie envers l’Otan.
    • Les populistes anticapitalistes (désignons les ainsi) regroupés dans la confédération formée par la Gauche Unitaire Europe et la Gauche Verte Nordique sont 40 députés issus de 14 Etats européens. Sans être hostiles à l’Union européenne en soi, ils lui reprochent son orientation libérale, mais en tant qu’internationalistes ils réfutent toute idée d’une Europe autocentrée et décidée à défendre ses identités.
    • Les populistes écologistes. Les verts constituent un groupe de 68 députés au Parlement. Favorables à la pérennisation de l’UE, ils se cantonnent à une position critique, cette dernière n’accédant pas encore à leurs revendications les plus extrêmes en matière de réglementation climatique et d’immigration. Contrairement à la certification scientifique dont ils se prévalent, Ils se comportent, à l’image de leur icône Greta Thunberg, comme des populistes tant ils font dans le catastrophisme et tant leurs propositions sont simplistes, manquent de rationalité.

     

    2024 et après : transformer l’Union pour desserrer la contrainte systémique et accéder à une souveraineté partagée ?

    Plutôt que de passer leur temps à dénigrer l’Union européenne, sans proposer la moindre alternative ou la moindre réforme en termes conceptuels, politiques et stratégiques, les leaders populistes devraient prendre la mesure de la force des interdépendances qui la caractérise. Afin de la mettre au service des intérêts communs dans le cadre d’une souveraineté partagée.

    C’est l’Union qui a permis, exemple des plus récents, aux pays partenaires de surmonter plus facilement qu’ils ne l’auraient fait de manière isolée, la crise de la covid 19. Le plan de relance européen de 1800 milliards d’euro n’est pas rien. Il permet à la France en faillite d’escamoter une partie de ses dettes ! Sur le plan financier et monétaire, précisément, les populistes souverainistes ont l’habitude de critiquer la BCE et ils se déclarent opposés à la supervision communautaire des dettes nationales, mais ils veulent ignorer que si plusieurs États du sud de l’Union prospèrent encore, c’est parce qu’ils se trouvent sous le « parapluie monétaire » de l’euro, pour ne pas dire de l’Allemagne. En ce sens que c’est la monnaie commune qui a permis à ces Etats pendant des années d’emprunter à des taux d’intérêt très bas. Les souverainistes sont, en réalité, sans solution de rechange, sauf à revenir à des monnaies nationales totalement dévalorisées et à accroitre la dépendance financière de leurs pays respectifs par rapport à des créanciers comme la Chine,  ou à accepter la dollarisation de leurs économies, perspective qui n’est pas du tout à écarter en cas de crise générale des monnaies (plausible en raison de l’endettement des principales économies) et d’une fusion imposée par Washington du dollar et de l’euro. Dans le contexte éminemment favorable du raffermissement du protectorat otanien.

    A la veille des élections européennes de 2024, de la désignation d’un Parlement européen qui a les moyens, si sa nouvelle majorité le voulait et le décidait, de modifier la politique menée jusqu’à maintenant par la Commission, d’en prendre le contrepied dans certains secteurs comme celui de la politique migratoire, les populistes les plus conséquents, ceux pour qui le priorité est la sécurité des identités et la prospérité des Européens, seraient bien inspirés de s’organiser en vertu d’un programme susceptible de changer le cours des choses, celui d’un régionalisme stratégique. Cette terminologie, empruntée à deux politologues canadiens, renvoie à trois objectifs : l’amélioration de la sécurité économique et énergétique de tous les partenaires grâce à une politique commune entièrement repensée ; la réorientation de l’Union vers plus d’autocentration en termes d’investissement, de productions et de consommations locales ou relocalisées ; l’achèvement de la zone euro en une véritable Zone Monétaire Optimale  (selon les critères de l’économiste canadien Robert Mundell). Objectifs essentiels auxquels l’urgence des temps impose que l’on en ajoute un quatrième, tout aussi vital : une politique migratoire très restrictive et très sélective.

    Conclusion

    L’inclusion des sociétés européennes dans le système mondial leur a imposé une contrainte extérieure anxiogène multiple (économique, sociale, démographique culturelle) qui est à l’origine des mouvements protestataires désignés sous le vocable de populistes. Si du fait de leur hétéroclisme, de leurs options politiques plus ou moins ouvertement nationalistes, ces mouvements populistes ne sont pas en mesure de desserrer la contrainte systémique, puisqu’ils se condamnent à l’impuissance du séparatisme, il faut s’attendre à ce qu’ils perdurent jusqu’au dépérissement complet des vieilles nations, dont ils seront les derniers spasmes alors qu’ils prétendaient vouloir les sauver. En revanche, s’ils sont enfin capables d’autocritique et s’ils parviennent, à l’occasion du prochain scrutin européen en particulier,  à faire émerger une conscience européenne identitaire, à s’organiser et à agir en conséquence, alors tout n’est pas perdu.

    Gérard Dussouy (Polémia, 10 juin 2023)

     

    Notes :   

    [1] Gérard Dussouy, Le pragmatisme méthodologique. Outil d’analyse d’un monde complexe, Amazon, 2023,p.288.
    [2] Ibidem, p. 322-325.

     

    Pour aller plus loin : Gérard Dussouy, « Les populismes européens : une approche systémique », dans Nathalie Blanc-Noël et Thibaut Dauphin, Vers un nouvel âge des extrêmes ? Populismes et transformations sociales, Paris, L’Harmattan, Collection Pensée politique, 2023, p.219-243.

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  • Faut-il dépasser le clivage mondialisme/populisme ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Peter Columns cueilli sur Rage (le "magazine prométhéen qui redonne l’amour de l’avenir et de la civilisation occidentale" !...) et consacré à la question du clivage populisme/mondialisme, question qui suscite en ce moment des débats assez vigoureux dans la mouvance identitaire, au sens large...

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    Faut-il dépasser le clivage mondialisme / populisme ?

    Lorsqu’on étudie la tendance générale de la politique occidentale de ces dix dernières années, un phénomène frappe. Celui-ci se caractérise par la montée en puissance d’un courant de pensée populiste, qui entend faire la synthèse entre un patriotisme de gauche et de droite, dirigé contre les élites et le mondialisme. Au bout de dix ans, il est temps de revenir sur les résultats obtenus, et d’étudier la question suivante : faut-il continuer avec le clivage mondialiste/populiste ou bien réhabiliter le clivage gauche/droite ? Je vais argumenter en quatre points pour tenter de défendre un abandon de ce clivage.

    Le clivage mondialisme / populisme nous éloigne des sujets qui comptent

    Tout d’abord, il est nécessaire d’établir un premier constat. Pour qu’une ligne soit digne d’intérêt, elle ne doit pas seulement nous garantir la victoire, mais aussi contenir les solutions capables de résoudre la situation dans laquelle nous nous trouvons. Une victoire construite sur une agrégation de mécontentements n’a pas de réelle valeur, et peut se révéler contre-productive. Or voilà le début des problèmes.

    Le clivage « mondialistes contre populistes » nous éloigne du vrai sujet, le remplacement et l’effacement du peuple, pour préférer des thèmes secondaires, plus hasardeux. La doctrine populiste consiste à vouloir lier tous les sujets contestataires ensemble, du plus légitime au plus absurde, pour opposer un bloc compact face aux “élites” qui dirigent les différents pays occidentaux.

    Or, cet arrangement ne se fait jamais au bénéfice des thèmes identitaires, bien au contraire. Les thèmes identitaires sont utilisés pour nourrir une sphère de contestation qui n’a aucun autre objectif que de se justifier elle-même. Le changement de peuple en Occident, phénomène majeur de l’Histoire de l’humanité, ne devient plus à travers la ligne populiste qu’un sujet de contestation parmi les autres. Et pas forcément le meilleur lorsque seule la contestation compte, et que les influenceurs populistes peuvent aisément se nourrir des effectifs de la gauche et de l’immigration du tiers-monde, très versées dans les thèses complotistes et délirantes.

    Que pèse le fait de sauver les peuples européens lorsque l’anti-racisme règne en maître parmi les consommateurs de contenu complotiste? Pas grand chose. Une fois la crédibilité de la lutte contre l’immigration et les effectifs identitaires consommés, ce combat est tout simplement oublié.

    Ce qui nous amène au second point : en choisissant ce clivage, nous sommes sommés d’accepter un certain nombre de positions mortifères de la gauche. Des positions qui ne peuvent déboucher sur aucune solution capable de soigner le pays et de lui redonner un statut. Si à la fois le centre et la droite courtisent la gauche, l’utilisant comme un outil pour se dominer l’un et l’autre, alors il ne faut pas s’étonner que l’argumentaire de la gauche dévaste complètement nos sociétés.

    Tout l’intérêt du combat identitaire est de mettre la démographie au cœur du débat public. On peut donc se demander : si la victoire demande de sacrifier cet enjeu, en vaut-elle la peine ? Je crois sincèrement que non. 

    Pouvons-nous dire que le clivage mondialiste/populiste, qui laisse de côté l’enjeu démographique, nous fait épouser des enjeux plus consensuels et susceptibles de nous faire gagner par ailleurs ? Je ne le crois pas. Au contraire, on se rend compte que l’opinion publique se range très majoritairement du côté du pouvoir en place sur tous les sujets qui ne concernent pas l’immigration.

    Lutter contre les élites n’est pas un projet en soi et ne porte aucune vision. C’est un mouvement politique sans doctrine, sans épine dorsale, qui ne travaille l’opinion publique qu’en surface. C’est en réfléchissant à un projet politique, au fait qu’il tienne debout et qu’il soit crédible, que l’on réactive de fait le clivage gauche/droite. Que désirons-nous pour la France ? Défaire l’égalitarisme qui détruit tout dans tous les domaines. Cette lutte contre l’égalitarisme se décline sur le plan identitaire, considérant que c’est par volonté de rendre tous les peuples égaux que l’immigrationnisme détruit la société. C’est aussi par égalitarisme que l’on interdit aux Européens d’exprimer toute la richesse de leur identité.

    La vision portée par l’identitarisme est de redonner au meilleur, l’identité européenne, la chance de s’exprimer. Il s’agit donc davantage d’un clivage égalitarisme/élitisme. C’est la recherche d’une excellence perdue qui nous préoccupe. Épouser le logiciel de gauche dans l’espoir de créer un front anti-mondialiste nous éloigne de la possibilité de rendre aux Européens les clés de la réussite.

    Rien ni personne ne peut contrôler le populisme, ni même prédire ce qu’il nous fera défendre demain. C’est une créature née sur les réseaux sociaux, qui nourrit des influenceurs qui papillonnent d’une cause politique à l’autre sans discontinuer ni jamais rendre de compte. Aussitôt une cause décrédibilisée, ils s’envolent vers une autre. Comme si de rien n’était.

    Mais nous, nous n’avons qu’une seule cause. Préserver l’intégrité du peuple français, et des peuples européens en général. Garantir le substrat de la civilisation. Et nous ne pouvons pas nous permettre de la décrédibiliser. Plutôt que de verser dans l’approche populiste qui tend à faire exploser la radicalité sur des sujets qui ne sont pas réellement importants, nous devrions nous concentrer sur le fait de proposer des solutions rationnelles à des problèmes graves.

    Le dernier problème lié à la dérive populiste est la culture de la colère. Une colère fanatique et stérile. La colère est toujours à double tranchant. Il est très aisé de se faire contrôler par ceux qui contrôlent notre colère. Et c’est exactement ce qu’ont su faire la gauche et le centre : imposer l’agenda politique, contrôler la colère de la droite et la pousser constamment à être dans une posture de réaction, et donc de faiblesse. Désormais, des pans entiers des réseaux militants qui furent jadis “patriotes” sont désormais utilisés pour promouvoir les combats les plus absurdes. Des dizaines de milliers de militants qui auraient pu être efficaces dans une lutte rationnelle pour l’identité ont été fanatisés sur des sujets marginaux.

    Le discours populiste nous empêche de rallier à notre cause une partie des élites et de la société civile

    Il s’agit donc de faire reposer le pouvoir acquis sur une victoire idéologique. Mais pis encore, il ne faut pas simplement gagner, mais durer au pouvoir, et garantir une assise suffisante dans la société pour exercer ce pouvoir correctement. Une victoire éphémère, un coup d’éclat d’un jour, qui redonnerait juste après le pouvoir aux remplacistes pour les décennies à venir ne présenterait pas le moindre intérêt.

    L’expérience Trump nous a appris une chose : il n’est pas possible de diriger convenablement un pays contre les élites et la société civile. Un courant politique qui déciderait de diaboliser les élites, et les classes aisées en général, se retrouvera démuni, piégé dans une tour d’ivoire dont il ne pourra pas sortir, avant d’en être éjecté lors des prochaines élections.

    Qu’on le veuille ou non, les mondialistes dirigent, et doivent faire face à des problèmes concrets. Et pour convaincre sur la durée, on se doit d’essayer de comprendre avec quels paramètres ils jouent, comprendre leurs préoccupations, et montrer que nous serions capables nous-mêmes de gérer « la Machine ». Nous devons retourner une partie de l’élite en notre faveur, afin de pouvoir gouverner avec une partie de la société civile de notre côté. 

    Redresser la situation va être long. Il n’y aura pas de baguette magique une fois aux commandes. Ce sera dur. Très dur. Une vraie victoire qui reposerait sur un malentendu pour nous planter ensuite ne servirait à rien. Nous pouvons citer l’exemple de l’alliance Lega/M5S qui a volé rapidement en éclats en Italie, pour laisser place à une alliance de centre-droit sous l’égide de Georgia Meloni, qui semble tenir bon. Nous pouvons citer également l’exemple du Danemark, où l’extrême-droite s’est montrée plus conciliante et prompte à des alliances avec le centre, au point d’influencer considérablement tout le spectre politique.

    La phase finale de la dédiabolisation

    Regardons attentivement ce qui s’est produit pendant ces dix dernières années. La conséquence première de dix ans de populisme a été de consolider un bloc que l’on pourrait appeler d’extrême-centre, pratiquement indéboulonnable, muni de tous les pouvoirs dans la société, avec une adhésion totale de toutes les strates influentes qui la compose.

    La réaction du centrisme au front populiste fut extrêmement efficace. Le centrisme a su contrôler rapidement le narratif pour le décrédibiliser. C’est ainsi que naquit un extrême-centre muni de pratiquement tous les pouvoirs dans la société, reposant sur une base électorale convaincue de maintenir le pays à flot envers et contre tous, se sentant assiégée de toute part, détentrice de la vérité et du fact-checking. L’attention totale du centre est désormais concentrée sur le fait de savoir si l’extrême-droite, par exemple, va s’associer aux manifestations de l’extrême-gauche sur la réforme des retraites. Mais dans cette évolution, une chose fondamentale s’est produite : la cible du centrisme n’a plus été l’extrême-droite, mais le populisme.

    Que ce fût calculé ou non, la décennie populiste a été particulièrement dévastatrice pour la gauche. Dans un premier temps, l’extrême droite a abandonné ses thèmes pour reprendre le discours de la gauche en cherchant à poser le clivage mondialisme/populiste. Ce faisant, subrepticement, la diabolisation est passée à gauche. Aujourd’hui, il est devenu plus grave d’être populiste qu’identitaire.

    Mais le centre lui-même est plein de contradictions. Et la source de son pouvoir vient en vérité d’une alliance tacite avec la gauche. Une alliance qui devient maintenant bien plus complexe. En basculant dans une approche antipopuliste, le centre s’est mis en danger. On le voit sur des thèmes comme le nucléaire, où la démagogie est de moins en moins tolérée. Son alliance tacite avec l’extrême-gauche devient chaque jour un peu plus impossible, et les fronts républicains se retournent, comme nous avons pu le voir aux dernières législatives.

    Il n’est donc pas surprenant que dans un second temps, inconsciemment, l’extrême droite se détourne du populisme, se normalise, reprenne ses anciennes revendications, tant en s’assurant que la diabolisation reste attachée au populisme. La dernière phase de la dédiabolisation est donc de reprendre le clivage gauche/droite.

    L’erreur maintenant serait de ne pas changer de partition, et de ne pas retourner le populisme contre le centre. Elle consiste donc à dire au centre : vous voulez lutter contre le populisme ? Très bien, mais dans ce cas allez au bout, et revenez sur votre démagogie également sur le sujet de l’immigration. Regardez vous maintenant dans le miroir. Vous êtes totalement corrompus par la gauche.

    Revisiter la question du patriotisme pour se prémunir contre le populisme

    Comment nous prémunir des dangers du populisme, et combler les trous idéologiques qu’il pourrait laisser si nous décidions de nous en séparer? Souvent la droite se fait happer par le populisme avec l’angle du patriotisme. Le populisme arrive à nous faire miroiter un monde imaginaire où gens de gauche et de droite pourraient se réunir autour de la patrie. Revoir notre conception du spectre politique occidental implique de reconsidérer certains points de vue. Le dernier élément est que le mondialisme n’est pas forcément une mauvaise chose, et que le patriotisme n’est pas forcément une bonne chose.

    Par exemple, faut-il vraiment être contre des échanges culturels et économiques fructueux entre les nations ? Ne sommes-nous pas heureux de bénéficier des productions américaines et japonaises, et ne voudrions nous-mêmes pas que la France exporte et rayonne davantage ? Sur le plan économique, le protectionnisme qui découle du patriotisme nous empêche d’aller au fond du problème : pourquoi la France n’est plus compétitive, pourquoi subit-elle une telle émigration de ses talents, pourquoi le coût du travail devient mirobolant alors même qu’il devient de plus en plus difficile de vivre avec le salaire net, pourquoi les actionnaires français se désengagent. Fermer les frontières ne résoudra jamais les problèmes économiques qui se trouvent à l’intérieur de notre territoire.

    De la même façon, faut-il être contre les apports culturels étrangers ? Tous les apports culturels se valent-ils? C’est une chose d’accepter quelques influences de puissances économiques qui rencontrent le succès, C’en est une autre que la tiers-mondisation, l’imposition de cultures étrangères complètement dysfonctionnelles sur notre sol. Tous les échanges culturels ne se valent pas. Il n’y a aucune honte à se saisir d’éléments d’une culture qui rencontre le succès. Il n’y a aucune honte à rejeter les éléments d’une culture qui rencontre l’échec. Il est totalement sain d’être ouvert aux échanges culturels intéressants, tout en défendant férocement son existence sur le plan démographique.

    Faut-il être contre l’immigration de travail et la circulation libre des personnes, si elles respectent la loi, et repartent lorsque leur visa de travail expire ? Quelle place pour le rôle des importations et des exportations lorsque notre pays devient vieillissant et que le coût de production explose de ce fait ? Faut-il donc lutter contre la mondialisation, ou bien tout ce qui rend l’activité économique insoutenable sur le sol français ?

    Il en va de même pour la remise en question du patriotisme. Avec le temps, ce dernier est devenu quelque chose de vide de sens, qui oublie le peuple, pour lui préférer des symboles abstraits. En voulant élargir la question du patriotisme au point d’englober le populisme à la fois de gauche et droite, la patrie à défendre s’est retrouvée vidée de toute substance. De cette façon, le patriotisme (ou bien le nationalisme) a doucement dérivé vers ce qui a fini par s’appeler le souverainisme, compatible avec le populisme.

    Mais la patrie est elle une simple opposition à une classe dirigeante? Est-elle un sol magique qui naturalise ceux qui s’y trouvent ? Est-elle un drapeau ? Est-elle une équipe de football ? Ou bien un Etat ? Que devient la patrie lorsqu’on l’a dépossédée du peuple? Un rien. Une course vers plus d’étatisme, comme si l’Etat pouvait décréter l’identité pourvu qu’il y ait une discipline de fer, ou bien une distribution générale d’aides sociales.

    Ainsi, au patriotisme, il faudrait préférer prendre le peuple pour socle, et avoir confiance dans le génie qu’il a maintes fois prouvé dans son histoire. Le souverainisme a tenté de proposer un nationalisme sans le peuple. Les identitaires devraient peut-être maintenant songer à une doctrine centrée sur le peuple avec un nationalisme atténué.

    Il ne s’agirait donc pas d’échanger le patriotisme contre le mondialisme, au moment même d’ailleurs où le monde sort petit à petit de la mondialisation, et voit éclore un peu partout des guerres réelles ou commerciales. Nous vivons une période de transition importante. Il s’agirait plutôt de chercher un juste milieu, et de résoudre les contradictions entre ces deux courants opposés. Et ce juste milieu, je crois, peut se défendre au sein de ce qui s’appellerait la droite civilisationnelle. C’est à dire une droite qui ferait la part des choses, en circonscrivant l’élan universaliste et en lui posant comme frontières celles du monde occidental/européen.

    L’époque de la mondialisation qui a commencé dans les années 80 est en train de se refermer. Cela, les “élites” le comprennent de plus en plus. Les cartes en sont rebattues. Nous devons nous aussi en prendre conscience et capitaliser sur cette nouvelle ère qui s’ouvre.

    Peter Columns (Rage, 20 mars 2023)

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  • Les snipers de la semaine... (250)

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    Au sommaire cette semaine :

    - sur Vu du droit, Régis de Castelnau dézingue Le Monde et sa condamnation convenue du populisme judiciaire...

    Pour le Monde, le « populisme judiciaire » est à géométrie variable

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    - sur Hashtable, H16 allume ChatGPT, l'IA qui s'est déjà transformée en “commissaires politique” et juge de la bienséance...

    ChatGPT, le wokisme à portée des caniches numériques

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  • Réforme des retraites : pourquoi le populisme n’a pas dit son dernier mot ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Rodolphe Cart, cueilli sur le site de la revue Éléments et consacré à la grogne que suscite le projet de réforme des retraites.

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    Réforme des retraites : pourquoi le populisme n’a pas dit son dernier mot ?

    La grève des retraites est une revendication profondément anti-système dans la lignée de la grève contre le plan Juppé, du 21 avril 2002, du « non » au référendum, en 2005, et du mouvement des Gilets jaunes. Selon un sondage Elabe pour BFMTV, 72 % des Français sont opposés à la réforme des retraites – ce qui correspond au chiffre de soutien des premiers mois des Gilets jaunes. Depuis les années 1980, tous ces événements forment un seule et même dynamique : celle de la résistance des indépendants, des ouvriers, des employés et des ruraux, contre la mondialisation économique et l’élite des métropoles.

    La fin d’une ère et la naissance d’une autre

    Depuis la réélection de Macron, l’affaiblissement du clivage gauche/droite est acté. Désormais fondée sur l’affrontement vertical entre deux blocs (les blocs élitaire et populaire), cette nouvelle configuration de l’espace politique provoque un renouvellement inédit des potentialités électorales – le second tour des dernières élections législatives en a donné un aperçu.

    Pour autant, la crise de confiance politique n’a pas cessé. Si un nouveau paradigme détermine la vie politique, le pacte qui liait les Français au régime de la Ve République est toujours rompu. Outre la soumission du gouvernement et du Parlement au président de la République, l’ascendant pris par l’UE (juges communautaires, Banque centrale européenne, droit européen) n’a pas aidé l’opinion à renouveler sa foi en la République.

    Selon un sondage Cluster17 pour Le Point, il n’y a que les électeurs d’Emmanuel Macron (7/10) qui soutiennent majoritairement ce projet de réforme, les sympathisants LR (5,8) ainsi qu’une partie des électeurs de Zemmour (4) et de Jadot (3,2). Ensuite, on tombe à 2,5/10 pour les électeurs du RN, à 1,5 pour ceux de Roussel, et à peine à 0,9 pour les mélenchonistes.

    Ce sondage confirme que le clivage droite/gauche n’aura servi qu’à masquer cette opposition latente entre deux blocs sociaux. Pendant que les comédiens de l’« alternance unique » (Jean-Claude Michéa) simulaient de se battre sur des sujets sociétaux comme l’islam, la PMA ou le mariage des homosexuels, le parti de l’extrême centre (de EELV aux LR) en profitait pour mener son agenda des destructions du tissu industriel et de la classe moyenne.

    Le sacrifice de la France productive

    Réalisée au profit des sociétés financières, l’amputation du capital productif fut une catastrophe pour le tissu social et économique de la France. Après la guerre, c’est plus de 6 millions d’emplois agricoles qui ont disparu ; sans compter, depuis 1984, les 3,5 millions d’emplois industriels – souvent sous prétexte de création d’entreprises à taille européenne ou mondiale. L’entrée dans l’euro n’aura fait que renforcer ces phénomènes de désindustrialisation et de repli agricole.

    Tout cela se fit en même temps que l’augmentation du chômage (0,5 millions en 1975 et 6,5 millions en 2018), de la fin de l’immigration de travail au profit du regroupement familial, et de la perte de souveraineté nationale au nom de l’intégration européenne. Point commun de ces transformations : jamais le peuple français ne fut consulté pour donner son avis – enfin si, en 2005, avec le Traité constitutionnel européen pour le résultat que l’on sait : la trahison sarkozyste de 2008, avec une écrasante majorité parlementaire.

    Faute d’industrie, la France ne fonctionne qu’avec secteurs : la grande distribution, le BTP, le tourisme et l’aide sociale. Avec une population qui vieillit et des jeunes « natifs » inféconds et déclassés économiquement, seules l’immigration et la croissance de la population peuvent soutenir un tel système. Pendant que le BTP répond à la pénurie de logement et d’équipement en faisant venir de la main-d’œuvre pas chère, on installe la France périphérique dans le marché de la consommation passive, de la marchandisation en tout. Sous parapluie européen, les élites françaises continuent la destruction de la France : vente à la découpe des fleurons publics, avènement du tout-tertiaire, libéralisation des échanges et immigration de masse.

    Les jeunes en première ligne

    Dans les territoires de la France postindustrielle, l’ampleur de cette dévastation économique accéléra un phénomène de déclassement pour le haut des classes populaires et le bas de la classe moyenne. Ancien lauréat du prix Goncourt (Leurs enfants après eux), Nicolas Mathieu avait parfaitement décrit les conséquences de cette politique : effacement des héritages culturels ; fracturation des familles ; arrivée de la drogue ; recomposition d’une culture par « fragments de mondialisation » ; mortalité grimpante chez les hommes. Et cela pendant que le milieu élitaire vantait l’adaptation à la mondialisation et de la destruction créatrice – tout en regrettant que cette jeunesse « native » et périphérique vote en masse pour le RN.

    Dans un précédent article, il avait été expliqué que « la marginalisation politique, économique et sociale des jeunes adultes (- de 40 ans) » avait des conséquences désastreuses sur la société – notamment sur le vieillissement de la population et la natalité. Dans un livre décrivant ce phénomène (The Lost Boys. The White Working Class Is Being Left Behind, The Spectator, 2020), Christopher Snowon a démontré – en Grande-Bretagne – que les jeunes hommes blancs des classes populaires, à cause de leur éloignement culturel et géographique, subissaient une « perte de confiance, d’estime, de motivation, pour tout dire de pulsion vitale ».

    Non content de leur conférer une piètre image d’eux-mêmes, ce système aura incité les plus dynamiques à partir (1 million de jeunes Français sont partis en dix ans), quand d’autres s’enfoncent dans des situations désastreuses. De plus en plus parmi ces jeunes doivent alors jongler entre allocations et emplois précaires, tout en étant obligés de vivre en colocation ou chez leurs parents. Il est certain que ces situations ne les aident aucunement à s’émanciper, à partir de chez eux et à construire un foyer. Dans une société tertiarisée, quel avenir attend ces jeunes Européens alors que leurs ancêtres avaient été des ouvriers, des paysans, des soldats et des pères de famille nombreuse ?

    Un ennemi : le bloc élitaire

    Dénoncer la fortune d’Arnaud ou de la famille Mulliez est vain. Georges Sorel remarquait, déjà à son époque, qu’il ne sert à rien d’attaquer la « partie émergée de l’iceberg », mais qu’il faut s’en prendre à la partie immergée – qu’il appelait « la troupe ardente de bas officiers ». Le géographe Christophe Guilluy insiste aujourd’hui sur le même point : il ne sert à de montrer du doigt les « 1 % » les plus riches puisque cette ultra-élite s’appuie sur une base beaucoup plus large. La haute bourgeoisie, pour se maintenir, a besoin de ce « rempart » qu’est de la petite bourgeoisie ; celle qui tient grâce à une reconnaissance, à un accès à la part du gâteau et à un sentiment de supériorité vis-à-vis du « petit peuple ».

    Dans un livre (L’ère des organisateurs, 1947) qui annonçait la mutation du capitalisme et l’impossibilité d’une révolte socialiste, James Burnham avait prophétisé l’émergence de cette nouvelle classe dirigeante qui devait prendre le contrôle de l’économie à venir. L’auteur américain appelait cette transition la « révolution managériale ». Et effectivement, dans les années soixante, cette classe se composa d’ingénieurs, d’innovateurs en technologie et de capitaines d’industrie, mais bientôt ces derniers furent remplacés par la haute fonction publique, les banquiers et les consultants, qui finiront de fusionner les sphères politiques (public) et économiques (privé). Cette classe « garde-chiourme » est celle qui habite les douze grandes métropoles françaises et qui profite de la mondialisation.

    Or, même au sein de cette classe l’on voit apparaître une fracture. Si la génération des baby-boomers a bénéficié de la mutation des cadres passant de 5 à 20 % des actifs, aujourd’hui, un enfant sur trois échappe à la condition de ses parents, car les places ne se libèrent pas. Parfois sommée de quitter la métropole (faute d’emploi et de logement) pour retourner dans leurs régions d’origine, cette masse déclassée devient un vivier pour le vote populiste. Pour l’instant, la partition entre milieux aisés et classes moyennes appauvries n’est que sociale et spatiale. Qui sait si cette partition ne deviendra-t-elle pas un jour violente ? Le peuple ne peut plus, comme à l’époque antique, se retirer sur l’Aventin. Un fait majeur et historique s’est produit : les classes dominantes se passent des classes dominées. Ménage, restauration, garderie et services aux personnes âgées sont désormais largement assurés par la main-d’œuvre immigrée pas chère et interchangeable. Si on ajoute à cela la privatisation des services publics, c’est tout le système socio-économique qui tend toujours plus à faire advenir cette scission. Le programme politique du populisme est déjà écrit : combattre la tentative de sécession de l’oligarchie métropolitaine et contester son hégémonie économique, sociale et politique.

    Rodolphe Cart (Site de la revue Éléments, 30 janvier 2023)

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