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  • Grand nettoyage à Varsovie...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de David Engels, cueilli sur Putsch et consacré à la brutale reprise en main de la Pologne par Donald Tusk, vainqueur des élections et, en tant qu'ancien président du Conseil européen, éminent représentant du système "davocratique"...

     

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    La police occupe les locaux de la télévision publique à Varsovie...

     

    « Grand nettoyage à Varsovie »

    Le changement de régime à Varsovie serait le « mieux » pour tout le monde : même les conservateurs devraient voter pour Tusk afin de ramener le pays à la modération, à la normalité et à l’État de droit ; les mises en garde contre la « wokisation » de la Pologne ne seraient rien d’autre que des propos populistes alarmistes. Mais que voyons-nous maintenant ? Jamais, dans l’histoire récente de l’Europe, un État n’a été mis sens dessus dessous de manière aussi rapide, aussi brutale et aussi complète sur le plan idéologique, et ce sous les applaudissements de Berlin et de Bruxelles : une leçon et un avertissement.

    Il n’est pas rare d’entendre des voix centristes dire que l’objectif présupposé d’une transformation identitaire gauchiste de notre société ne serait qu’une simple « obsession » d’une droite qui ferait de quelques cas isolés la base conspirationniste d’un chimérique « Great Reset ». Sans parler du fait que ces objectifs, loin d’être seulement formulés par une extrême droite en total délire, sont systématiquement présentés à des millions de personnes comme des utopies réalistes positives par des idéologues libéraux de gauche comme Harari ou Schwab, on a pu constater ces dernières années d’une manière bien réelle et concrète que cette politique identitaire n’est pas un élément secondaire, mais plutôt l’enjeu politique principal de notre société occidentale, et ce avec des conséquences désastreuses. La Pologne est en phase d’en devenir l’exemple le plus marquant. Il n’aura fallu que quelques jours pour que le gouvernement Tusk confirme toutes, mais vraiment toutes les « théories du complot » qu’une bonne partie du milieu bienpensant polonais avait dénoncées pendant la campagne électorale comme de vulgaires diatribes.

    La composition même du gouvernement a été un véritable choc : alors que la propagande électorale avait affirmé qu’une coalition Tusk était la meilleure solution pour tout le monde, y compris les conservateurs, tous les postes gouvernementaux socioculturels clés ont été attribués à des membres du parti de gauche « Lewica » qui ne cache pas ses opinions ouvertement anti-chrétiennes et pro-LGBTQ : bien que « Lewica » n’ait obtenu que 8,61% des voix et ait perdu 4% aux élections par rapport aux dernières années, elle contrôlera (avec quelques autres micro-partis de gauche) désormais le ministère de la numérisation, le ministère de l’éducation, le ministère de la famille, du travail et des affaires sociales, le ministère de la science et de la recherche et enfin le ministère (nouvellement créé et dont la signification n’est absolument pas claire) de « l’égalité ». Pour savoir ce que cela signifie, il suffit de jeter un coup d’œil à la nouvelle ministre de la Famille, Agnieszka Dziemianowicz-Bąk, qui s’est faite une certaine renommée ces dernières années en luttant farouchement pour les intérêts LGBTQ et pour la banalisation de l’avortement, et qui, en outre, aime s’afficher avec des blouses appelant à protéger les enfants contre le christianisme.

    Elle n’est pas un cas isolé : la nouvelle ministre de l’Éducation, Barbara Nowacka (également Lewica), est elle aussi sur une ligne radicalement antichrétienne et veut imposer une réduction de moitié des cours de religion financés par l’État dans les écoles (qui n’étaient bien sûr déjà pas obligatoires, mais pouvaient être remplacés par « l’éthique »). Et il ne faut pas beaucoup d’imagination pour prévoir l’objectif de la prochaine refonte des programmes scolaires : cela commence toujours par la laïcité, puis continue vers la propagande explicitement anti-chrétienne, et se termine finalement par la doctrine des crimes du vieil homme blanc, du patriarcat oppressif et de l’âge d’or de l’Islam tolérant.

    Mais continuons. Comme dans un mauvais remake des prises de pouvoir autoritaires de l’entre-deux-guerres et de l’après-guerre, le nouveau gouvernement de Donald Tusk, Européen et démocrate modèle, tout juste investi le 13 décembre, a licencié sans préavis, dans la nuit du 20 au 21, l’ensemble de l’équipe dirigeante des médias publics polonais (télévision, radio, service de presse), occupé le siège de TVP avec des forces de sécurité, coupé la chaîne et effacé des archives des médias tous les documentaires gênants sur les mandats précédents de Tusk. Et depuis lors, face à la résistance farouche de certains membres du personnel et députés de l’opposition, la situation est devenue encore plus complexe : d’une part, le « conseil des médias » (mis en place par l’ancien gouvernement) a nommé une nouvelle direction, et d’autre part, le gouvernement a ouvertement annoncé la liquidation économique des chaînes publics, devant être suivie de leur nouvelle création. La raison : en raison du veto du président Duda sur le budget 2024, la situation financière ne permettrait plus de poursuivre l’activité des médias publics ; mais en réalité, une table rase radicale ouvre naturellement de toutes nouvelles perspectives de réorganisation des chaînes, tant sur le plan personnel que juridique.

    Mais tout cela n’était qu’un début. Le 20 décembre également, le ministre de l’Intérieur sortant, Mariusz Kamiński, et son adjoint ont été condamnés à deux ans de prison ferme et cinq ans de privation de leurs droits civiques dans une affaire de corruption très politisée et controversée à ce jour, malgré l’amnistie présidentielle, et leur immunité parlementaire a été levée par le nouveau président du Parlement ; un avertissement politique à peine voilé. Kamiński, ancien résistant anticommuniste, coordinateur des services de renseignement depuis 2015 et ministre de l’Intérieur et de l’Administration depuis 2019, était l’une des figures centrales de la protection du pouvoir interne du gouvernement PiS. Son incarcération brutale est censée être un avertissement à tous ses soutiens dans les services de renseignement et l’administration et n’est probablement que le début d’une vague de procès attendue depuis longtemps, visant à criminaliser juridiquement a posteriori les décisions idéologiques déplaisantes du gouvernement précédent.

    Ainsi, alors que certains parmi les plus hauts membres du gouvernement sortant sont condamnés à se retrouver derrière les barreaux à quatre jours de Noël sans aucune réaction de l’opinion publique européenne, les barreaux qui séparaient le pays de l’afflux de migrants musulmans sont symboliquement démantelées : le 23 décembre, le nouveau président du Parlement, tout sourire, s’est fait photographier devant les caméras avec des migrants de tous horizons, dont une demandeuse d’asile déjà déboutée à plusieurs reprises ; et la Pologne a rejoint le fameux « pacte sur la migration » lui imposant désormais des quotas de migrants décidés à Bruxelles.

    La Pologne vit donc un revirement migratoire quasi « Merkelien » qui s’est d’ailleurs accompagné d’informations selon lesquelles les tribunaux polonais déclareraient prochainement illégale la politique radicale de push-back du gouvernement précédent et ouvriraient systématiquement les postes à la frontière biélorusse aux demandeurs d’asile. Est-ce une coïncidence si, depuis, la compagnie aérienne « Southwind » a ouvert une nouvelle route aérienne d’Istanbul à Minsk dont les billets coûtent le prix dérisoire de 195€?

    Le 22 décembre, le nouveau gouverneur de la voïvodie de Lublin, Krzysztof Komorski (du même parti que Tusk), a déjà montré à quoi devait ressembler la nouvelle culture d’accueil polonaise : Il a fait enlever la croix dans la salle de réception de son administration, a fait installer le drapeau européen et a fait enlever la crèche de Noël.
    Quelques jours après Noël, le coup suivant a été porté. Le 27 décembre, le nouveau Premier ministre Tusk a annoncé les trois prochains objectifs de son gouvernement, qui ne seront guère moins révolutionnaires que les précédents : après l’annonce par la ministre de l’Éducation de la réduction de moitié de l’enseignement religieux et le retrait des croix et des crèches, Tusk a annoncé que l’Église polonaise ne serait plus financée que par des déductions fiscales volontaires de la part des fidèles – une véritable révolution dans un pays qui, pendant des siècles, a trouvé dans le catholicisme non seulement sa colonne vertébrale spirituelle et morale, mais aussi un outil identitaire essentiel pour sa lutte contre les différentes puissances d’occupation et les tentatives d’assimilation. On n’oubliera d’ailleurs pas que sans un pape Jean-Paul II, le succès du « Solidarność » polonais dans sa lutte contre le totalitarisme de gauche aurait été impossible. Deuxièmement, la Pologne va adhérer au « Parquet européen » commun censé poursuivre dans toute l’Europe les éventuelles fraudes aux subsides de l’UE, ce qui permettra de facto aux institutions européennes d’exercer une influence encore plus grande sur les juridictions nationales polonaises. Enfin – et le lecteur s’y attendait depuis longtemps -, une loi sur les partenariats entre personnes de même sexe devrait être adoptée dans les prochaines semaines, afin de « ramener la Pologne en Europe » dans ce domaine également…

    Ainsi, et ce à peine une semaine au pouvoir, le gouvernement Tusk a déjà bouleversé les principaux repères de la politique identitaire polonaise : déchristianisation, mise au pas des médias, arrestations politiques, libéralisation migratoire, droit de regard juridique renforcé pour l’UE, politique LGBTQ – dans tous ces domaines, de véritables révolutions sont en cours, se servant utilement des vacances de Noël afin de profiter du chaos usuel des fêtes. Et ce n’est qu’un début : les grandes épreuves de force sont encore à venir : recomposition du Tribunal constitutionnel, règlement de comptes juridique avec les dirigeants du PiS, construction ou non des premières centrales nucléaires polonaises (non souhaitées par Berlin), banalisation de l’avortement (inclue dans le contrat de coalition), fermeture d’instituts d’expertise politique idéologiquement indésirables et, bien sûr, débat sur la mise en œuvre des plans de réarmement polonais, également rejetés par Olaf Scholz.
    Qu’en pense l’UE, par ailleurs traditionnellement prête la première à détecter partout et à tout moment les brèches de « l’État de droit » ? Le lecteur ne sera guère surpris par le silence retentissant en provenance de Bruxelles. Et plus encore : on peut supposer que Tusk – président de longue date du Parti populaire européen et président du Conseil européen de 2014 à 2019 – ait convenu à l’avance de chaque étape de ses mesures avec ses collègues de Bruxelles (et de Berlin) et qu’il ait déjà négocié sa récompense. Car comme par hasard, l’UE a attendu jusqu’à la mi-novembre pour finalement décider de débloquer la première tranche de 5 milliards d’euros de l’aide-covid, qui avait été retenue pendant des mois, voire des années, en raison de « doutes » sur la situation de l’État de droit en Pologne – et donc, les élections polonaises d’octobre ont pu se dérouler dans un climat d’incertitude budgétaire totale, amenant au pouvoir le nouveau gouvernement Tusk. Le fait que ces fonds aient finalement été accordés au gouvernement conservateur battu aux élections pendant ses derniers jours au pouvoir avec les remerciements amicaux de Mme von der Leyen n’a donc été rien de moins qu’une gifle retentissante, voire une humiliation délibérée : à la fois pour le gouvernement sortant et pour tous les électeurs qui ont pu prendre au sérieux les préoccupations « juridiques » de l’UE à l’égard du gouvernement conservateur de Varsovie. Car c’est bien sûr le gouvernement Tusk qui profitera de cet argent, après qu’il ait dramatiquement manqué dans les caisses du gouvernement Morawiecki.

    Quelles leçons peut-on tirer de ces événements ? « L’État de droit, c’est moi », pourrait-on attribuer aux institutions bruxelloises en reprenant une devise célèbre ou, en d’autres termes : tant que cela correspond aux prescriptions idéologiques du mainstream de gauche, même les réformes les plus brutales sont approuvées comme des jalons sur la voie vers plus de liberté, d’égalité et de fraternité, tandis que des mesures analogues, bien que nettement moins drastiques, lorsqu’elles sont prises par les « mauvais », donc la droite, sont immédiatement interprétées et décriées comme attaques frontales contre la démocratie et l’Etat de droit. Certes, une certaine dose de machiavélisme a toujours fait partie de la politique. Mais le problème, qui se manifeste pour la première fois avec une telle acuité en Pologne, est le suivant : celui qui, à longueur de journée, ne cesse de crier au loup finit inévitablement par perdre toute crédibilité, surtout s’il se comporte lui-même en prédateur dès que la première occasion se présente.
    Le fait que certains médias non seulement reconnaissent, mais approuvent explicitement cette évolution – le « Berliner Zeitung » a même appelé Tusk à devenir un dirigeant autoritaire pour « démocratiser » de force la Pologne (https://www.berliner-zeitung.de/politik-gesellschaft/polen-wird-donald-tusk-zum-autokraten-um-den-staat-zu-reformieren-li.2166839) – montre à quel point nos démocraties sont brutalisées. Celui qui stigmatise des prétendues violations de l’Etat de droit ne peut pas, à son tour, pulvériser ce dernier complètement sans réhabiliter ainsi ceux qu’il vient de critiquer et, pire encore, sans inviter son ennemi à imiter son comportement une fois au pouvoir. C’est précisément ce qui se passe actuellement en Pologne, sous les applaudissements de Berlin et de Bruxelles, et, compte tenu des élections qui auront bientôt lieu non seulement en Europe, mais aussi aux États-Unis, il est à craindre que la stratégie brutale de Tusk « The Winner Takes It All » ne soit pas interprétée comme un exemple à éviter, mais plutôt comme un mode d’emploi à suivre.

    David Engels (Putsch, 6 janvier 2024)

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  • Feu sur la désinformation... (448)

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un nouveau numéro de l'émission I-Média sur TV libertés consacrée au décryptage des médias et animée par Jean-Yves Le Gallou, président de la fondation Polémia, et Floriane Jeannin.

     

                                          

     

    Sommaire :

    La météo de l’info : Vent glacial sur la démocratie en Pologne !

    Libération et loi immigration

    Le dossier de la semaine : Ces femmes qui décrivent le réel

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    Les pastilles de l’info :

    Une Miss France aux cheveux courts, une polémique au poil !

    Les chats et les chiens polluent-ils ? Bientôt taxés ?

    Joyeux Noël, une formule au bord de l’extinction ?

    La démission d’Aurélien Rousseau, une pitrerie ministérielle ?

    Un présentateur BFM sous influence… Oxymore !

    Pologne : feu sur la liberté de la presse !

    Conclusion

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    Portrait piquant : Thomas Legrand : le journalisme “Bobo” assumé

     

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  • Pilsudski et le nationalisme polonais...

    Les éditions de Synthèse nationale viennent de publier dans leur collection des Cahiers d'histoire du nationalisme, un volume intitulé Józef Pilsuski - Le vainqueur de l'armée rouge, sous la plume de Michel Vial.

    Collaborateur du magazine Raids, Michel Vial, qui, en 1976, à 20 ans, s'est engagé dans les Phalanges libanaises et a été blessé au combat, est également l'auteur d'un essai, La chute de l'empire occidental (Synthèse, 2020) et d'une biographie de l'officier parachutiste Pierre Château-Jobert, intitulée Conan (Indo éditions, 2020).

     

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    " La Pologne, qui avait disparu en tant qu’État souverain au dix-huitième siècle, renaît en 1918 à la faveur de la défaite des empires centraux. Immédiatement, un homme s’impose à sa tête : Józef Piłsudski. Tour à tour activiste politique, chef de parti, puis chef de guerre, il devient chef de l’État et prend en mains les destinées de son pays. En 1920, alors que la Russie a décidé de propager la révolution à tout le continent et que l’Armée rouge est aux portes de Varsovie, il lui inflige une défaite cinglante et sauve ainsi l’Europe du bolchevisme.

    Au cours des années suivantes et jusqu’à son décès en 1935, il va s’imposer comme le vrai maître du pays bien qu’il n’en ait jamais été Président de la République. Son aversion pour le parlementarisme, son mépris pour les politiciens professionnels comme son caractère intransigeant vont le conduire à instaurer un régime qui, bien qu’indéniablement autoritaire, ne saurait être considéré comme totalitaire ou fascisant. Il va stabiliser le pays et tenter de le préparer à faire face aux menaces liées à une situation internationale préoccupante. Malgré ses efforts et une volonté hors du commun, il n’y parviendra pas et l’année 1939 sera hélas fatale à la Pologne. "

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  • La terre silésienne ne ment pas...

    Nous vous signalons (avec retard...) la publication par les éditions Noir sur Blanc d'un superbe roman de Szczepan Twardoch intitulé Drach. Journaliste et romancier polonais né en 1979, Szczepan Twardoch vit en Silésie, une région dont il connaît parfaitement la langue et la culture. Deux autres de ses romans ont déjà été traduits en français, Transfiguration (Terra Mare, 2010) et Morphine (Noir sur Blanc, 2016).

     

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    " « Comment résonnent des paroles dites à voix haute, mais que personne n’entend à part celui qui les prononce ? Moi, je les entends. Pour moi, elles résonnent comme toute chose, les murmures, les cris de plaisir et de douleur des hommes ou des animaux, le bruissement presque imperceptible des épis de blé vert. »
    Bien davantage qu’un roman de guerre, Drach est une fresque intemporelle sur les puissances déchaînées d’Éros et de Thanatos, où la Silésie, terre méconnue, mystérieuse, âpre, se révèle comme un écheveau d’histoires, de peuples et de langues. Au-delà d’une région que se sont disputée Allemands, Russes et Polonais, c’est la terre qui est le cœur de toute chose : non pas tant la terre des ancêtres que la matière elle-même, celle que creusent les mineurs pour gagner leur vie et les soldats pour échapper à la mort. La narratrice omnisciente qui déroule ici les fils d’existences fragiles, celles de deux familles silésiennes au cours du XXe siècle, c’est l’esprit de la terre : Drach. Et si son regard s’élève peu à peu, en contre-plongée, le lecteur, lui, descend pas à pas dans l’obscurité la plus fondamentale. Ce qui n’empêche pas le roman de déployer toute la virtuosité allègre d’un récit d’aventure.
    Twardoch joue de la présence en un même lieu de différents langages, de différents parlers, tandis que tout se noue entre les corps, dans le désir et la violence. La plume de l’auteur est à la fois vive et mordante pour décrire les passions et les visages, les menus faits du quotidien, les noces, les batailles sanglantes, depuis l’aube du siècle dernier jusqu’à l’ère des écrans. "

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  • Peut-on encore sauver la civilisation européenne ?...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous une intervention de David Engels à Radio Poznan dans laquelle il donne son point de vue sur le devenir de la civilisation européenne.

    Historien, essayiste, enseignant chercheur à l'Instytut Zachodni à Poznan après avoir été professeur à l'Université libre de Bruxelles, David Engels est l'auteur de deux essais traduits en français, Le Déclin. La crise de l'Union européenne et la chute de la République romaine (Toucan, 2013) et Que faire ? Vivre avec le déclin de l'Europe (Blauwe Tijger, 2019). Il a  également dirigé un ouvrage collectif, Renovatio Europae - Plaidoyer pour un renouveau hespérialiste de l'Europe (Cerf, 2020).

     

                                            

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  • Tolkien en Amazonie...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par David Engels au site de la maison d'édition Jungeuropa et consacré à l'"adaptation" de l’œuvre de Tolkien, dont il est un fin connaisseur, dans une série produite par Amazon, qui sera diffusée en septembre 2022.

    Historien, essayiste, enseignant chercheur à l'Instytut Zachodni à Poznan après avoir été professeur à l'Université libre de Bruxelles, David Engels est l'auteur de deux essais traduits en français, Le Déclin. La crise de l'Union européenne et la chute de la République romaine (Toucan, 2013) et Que faire ? Vivre avec le déclin de l'Europe (Blauwe Tijger, 2019). Il a  également dirigé un ouvrage collectif, Renovatio Europae - Plaidoyer pour un renouveau hespérialiste de l'Europe (Cerf, 2020). 

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    « Le Seigneur des Anneaux sur Amazon prime » : entretien avec le Professeur David Engels

    Cher Monsieur Engels, attendez-vous avec autant d’impatience que nous tous la série d’Amazon consacré au Seigneur des Anneaux et intitulé Les Anneaux de pouvoir ? Et pourquoi ?

    Absolument. Déjà, j’avais attendu avec une grande curiosité l’adaptation du Seigneur des Anneaux et du Hobbit, et comme je considère personnellement les récits du Silmarillion comme la partie la plus intéressante de l’œuvre de Tolkien, on peut très bien imaginer l’impatience qui est la mienne. Mais, en même temps, je suis conscient que le climat idéologique actuel rendra difficilement possible une adaptation qui soit conforme à l’esprit de l’œuvre de Tolkien ; à l’impatience se mêle donc déjà une bonne part de crainte, laquelle devient de plus en plus fondé compte tenu des informations qui ont filtré jusque là.

    A quoi vous attendez-vous après le visionnage de la première bande-annonce de la série ?

    Désormais, je crains comme beaucoup d’autres , que s’agissant de la conception de la série, on ne puisse supporter avec un plaisir coupable que sa « fabrication technique » mais pas la série elle-même. Celle-ci semble avoir peu à faire avec les véritables orientations données par les textes et vouloir imposer la politisation redoutée d’une façon si simpliste qu’on s’en énervera probablement de la première à la dernière minute. Elfes à la peau noire, reine des Nains, femmes chefs de guerre fortement émancipées, écrasement totalement absurde de la chronologie de Tolkien, qui s’étale sur des siècles, sur quelques années seulement, introduction de nombreux personnages non-canoniques – tout cela laisse craindre le pire.

    Amazon adapte ce qui se déroule avant les livres du Seigneur des Anneaux – le mot clef étant « adapter ». Jusqu’à quel point peut-on transformer le matériau de départ ? Il y e beaucoup d’adaptations, de « remakes », qu’importe, qui effectivement ont leur charme propre ; on pense simplement à « Pour une poignée de dollars », « Scarface », etc.

    A l’évidence, c’est bien logique que lors du passage de l’écrit au film, certaines libertés doivent être prises, pour adapter le récit littéraire à un médium d’une toute autre nature. Mais cela ne signifie pas nécessairement une trahison de l’esprit de l’œuvre. Le compromis trouvé dans l’adaptation du Seigneur des Anneaux était très acceptable (à quelques exceptions près comme les épisodes manquants comme celui sur la Vieille Forêt et Tom Bombadil et celui fondamental du « Nettoyage de la Comté »). Déjà le Hobbit était d’un point de vue cinématographique une catastrophe ; la matière du récit était considérablement plus courte et plus simple que celle du Seigneur des Anneaux mais devait être présentée dans une durée épique équivalente de telle sorte qu’on devait l’enrichir d’innombrables scènes d’action. Là où on avait encore l’impression, avec le Seigneur des Anneaux, d’une narration qui, dans l’ensemble, fonctionnait, s’imposait avec le Hobbit, le sentiment d’un remplissage permanent qui étouffait la véritable intrigue. Cela sera probablement encore plus gravement accentué avec les récits des deuxième et troisième âges de la Terre du Milieu, car ceux-ci ne couvrent que quelques pages et devront donc être complétés avec nombre de personnages et d’intrigues pour lesquels Tolkien n’a donné aucun modèle. A cette fin, il y aurait besoin d’un esprit presque génial, sans parler de la grande difficulté qu’il y a à saisir le style « biblique » du Silmarillion et le formidable contenu métaphysique de la « création secondaire » de Tolkien – une attente qui sera probablement difficile à satisfaire.

    Quelle est la base de l’univers du Seigneur des Anneaux ? Quelle est l’essence qui doit rester indestructible ?

    La véritable essence de l’univers de Tolkien – en tous les cas pour moi – est la recherche permanente par le héros véritable du Vrai, du Beau et du Bien, qui, en raison de l’insuffisance de toutes les créatures terrestres, est vouée à l’échec, si elle n’est pas récompensée d’en-haut, à la dernière seconde, par la victoire – naturellement une victoire au goût amer, toujours liée avec la prise de conscience que pouvoir remporter le succès n’est pas tant un droit qu’une grâce. La victoire du héros tolkiénien est par conséquent juste une récompense de sa quête et non le résultat direct de sa propre action héroïque – une conception profondément chrétienne, véritablement catholique qui est très opposée aux conventions en vigueur à Hollywood.

    Un autre point serait la vision tokiénienne caractéristique de l’esthétique, laquelle est également profondément ancrée dans l’idée chrétienne de la nature épigonale de chaque époque : par rapport à la beauté du monde à son origine, chaque époque ultérieure, avec sa création est marquée par la chute et la dégradation, mais porte une valeur croissante de par la souffrance liée à ce déclin et est ainsi soumise, malgré toute la nostalgie, à un processus de spiritualisation ; de même la lutte entre le bien et le mal, qui est à l'origine incarnée par différentes puissances réelles telles que les dieux et les monstres, se replie (ou est perçue) de plus en plus dans le conflit qui fait rage à l’intérieur de l’âme humaine. Ces idées non seulement conservatrices mais même, vraisemblablement, très réactionnaires sont d’évidence profondément étrangères à l’esthétique classique américaine, qui repose sur la quantité, la croyance dans le progrès et la naïve vision de l’homme de l’ « American Dream »… et même diamétralement opposée sur chaque point à l'idéologie marxiste culturelle actuellement dominante.

    Pourquoi Amazon s'est-il aventuré dans la matière du Seigneur des anneaux ?

    Je soupçonne trois raisons. D'une part, la production de la série coïncide avec la mort de Christopher Tolkien, qui avait jusqu'alors géré l'héritage de son père et l'avait largement défendu contre toute tentative de le déformer. Il semble qu'après sa mort, le "Tolkien Estate" ait adopté une attitude beaucoup plus libérale, certainement en grande partie pour des raisons économiques.

    Cela nous amène déjà au deuxième point, à savoir la perspective quasi-certaine, compte tenu du succès gigantesque des précédentes adaptations de Tolkien, ainsi que des séries autour de Game of Thrones de Martin ou de Wiedźmin ("The Witcher") de Sapkowski, de tirer d'une nouvelle adaptation de l'œuvre de Tolkien un plus grand profit financier.

    Un troisième aspect réside sans doute dans la fascination que l’œuvre de Tolkien exerce encore aujourd'hui, fascination à la base de l’attirance de nombreux cinéastes et que l'on peut honnêtement supposer partagée par une partie des initiateurs de la série Amazon, même si l'on peut se demander si l'enthousiasme pour la matière est effectivement lié à la compréhension de l'esprit qui la traverse et la maintient.

    Amazon n'est pas la seule entreprise qui semble renoncer à d'éventuels chiffres d'affaires plus élevés au profit du "politiquement correct". Marvel, Star Wars et bien d'autres encore se plient ces derniers temps aux "exigences" du temps - et scandalisent de nombreux "fans" invétérés. De nombreux projets de ce type se sont soldés par un échec, notamment sur le plan financier. Comment expliquez-vous ce comportement ? Après tout, il s'agit là de "grands acteurs" dans leur domaine respectif, qui devraient en fait se préoccuper avant tout de profits ...

    La pression du politiquement correct, dans les faits, est devenue si forte que tous les projets culturels qui veulent se soustraire aux directives de la nouvelle idéologie hégémonique sont en grande partie voués à l'échec ou doivent rester de purs produits de niche. Celui qui veut obtenir les critiques positives des médias et les prix habituels du cinéma dans le cadre à la fois très compétitif et égalitaire de l'industrie cinématographique moderne doit se soumettre à ce diktat, bon gré mal gré.

    Mais en même temps, il faut présumer chez de nombreux créateurs de la nouvelle série d'Amazon une conviction réelle, bien que mal placée, de faire ce qui est juste en adaptant les aspects apparemment "démodés" de l'univers de Tolkien aux "attentes" d'une époque contemporaine apparemment éclairé. Certains pensent même peut-être sincèrement rendre service à Tolkien en "sauvant" le contenu prétendument "important" de ses récits en les adaptant aux impératifs de la modernité et en racontant l'histoire telle que soi-disant Tolkien la raconterait aujourd'hui ...

    Dans les faits, c'est bien sûr tout le contraire qui se produit : Tolkien ne peut pas être considéré comme un simple conteur d'histoires qu'il s'agit de présenter sous un jour toujours nouveau, mais il était déjà à sa propre époque un auteur profondément conservateur, intempestif et réactionnaire, comme il le savait bien lui-même et l'admettait régulièrement. La vision du monde de Tolkien n'est donc pas qu'un simple ajout accessoire à ses "histoires", bien au contraire, les "histoires" elles-mêmes ne sont que l'habillage d'une orientation spirituelle fondamentale très spécifique. Si l'on se contente de respecter les intrigues de Tolkien tout en les adaptant aux exigences normatives du climat politique contemporain, le résultat peut effectivement rappeler en surface le Silmarillion, mais en trahir l'âme véritable.

    En Pologne, la société a une structure plus conservatrice, du moins par rapport à l'Europe occidentale. Quelle est donc, selon vous, la probabilité que le téléspectateur polonais - moyen - et le "fan" de Tolkien se révèlent immunisés contre les infections virales "woke" ? Ou est-ce qu'entre Poznan et Varsovie, Gdansk et Katowice, l'ouverture à l’inversion de toutes les valeurs et à l'agenda libéral de gauche est aussi à l’ordre du jour ?

    En effet. En Pologne aussi, de nombreux jeunes ont subi de plein fouet l’inversion de toutes les valeurs, et il est fort à craindre que cette série n’y contribue encore plus en transformant un auteur, qui a toujours été jusqu'à présent l'un des témoins principaux du conservatisme européen, en son exact contraire, et à en faire une figure de proue du wokisme, de sorte que les jeunes qui ne connaissent son œuvre qu'au travers des adaptations cinématographiques correspondantes passeront complètement à côté du véritable esprit de Tolkien. S'ils devaient lire ses œuvres, ils les interpréteraient faussement à travers le prisme de la consommation préalable via les médias - une véritable catastrophe qui n'est pas sans rappeler la prédiction suivante d'Orwell dans 1984 : "Toute la littérature du passé sera détruite. Chaucer, Shakespeare, Milton, Byron - ils n'existeront plus que dans des versions en novlangue. Ils ne seront pas transformés en quelque chose d'autre, mais ils seront le contraire de ce qu'ils étaient jusqu'à présent".

    Pourquoi choisir un scénario concernant le Second Âge, qui n'est familier qu'à ceux qui ont lu le Silmarillion ?

    J'ai lu un jour qu'Amazon n'avait formellement acquis que les droits du Seigneur des Anneaux, où la chute de Númenor est décrite à plusieurs reprises de manière directe et assez explicite (surtout dans les annexes), contrairement aux événements du Premier Âge, qui ne sont évoqués que de manière très vague et allusive. Mais ce qui a certainement été déterminant pour Amazon, c'est le souhait de pouvoir se rattacher à des thèmes déjà connus du spectateur, comme les anneaux de pouvoir, les cavaliers du Rohan ou les hobbits, que l'on chercherait en vain dans le Premier Âge de la Terre du Milieu.

    Est-il possible de porter la Terre du Milieu à l'écran ? 

    Un récit littéraire vit toujours de ce qui est laissé à la pure imagination du lecteur, et c'est particulièrement vrai dans le cas du Silmarillion, puisque le texte ne nous offre qu'une description très rudimentaire, souvent presque sous forme de chronique, de l'action proprement dite, de sorte qu'il revient à l'imagination du lecteur de transposer de manière ingénieuse le style littéraire général et l'ambiance du récit dans le cadre concret imaginé. En d'autres termes, une certaine ambiance se dégage de la narration, que le lecteur transfère ensuite automatiquement, bien que de manière largement inconsciente, dans l’élaboration du décor de l'action elle-même. Si l'on veut transposer cette dialectique dans un film, il faut faire preuve d'un grand tact, ce qui, je le crains, n'est pas le cas des créateurs de la série Amazon.

    En supposant que nous récoltions suffisamment d'argent par le biais de "fundraisers" pour le projet, à quoi ressemblerait votre adaptation de Tolkien ? S'agirait-il d'une série ou d'un blockbuster ? À quelle époque se déroulerait-elle et quel degré de blancheur aurait la distribution ?

    Étant donné que le Seigneur des Anneaux et le Hobbit ont déjà été adaptés au cinéma d'une manière difficilement égalable pour au moins une génération, il y avait peu d'alternatives. Personnellement, j'aurais préféré une adaptation cinématographique de certaines histoires du Premier Âge, comme celles de Beren et Luthien, de Turin Turambar ou de la chute de Gondolin, des histoires que Tolkien avait élaborées de manière beaucoup plus romanesque et détaillée que le récit de la chute de Numenor, qui est essentiellement une chronique, et qui auraient pu être transformées de manière assez élégante en épisodes de longue durée, mais néanmoins cohérents.

    En ce qui concerne la couleur de peau des personnages, elle est déterminée par les descriptions explicites de Tolkien lui-même et, du moins en ce qui concerne les elfes et une grande partie des humains, elle est manifestement blanche. C'est d'ailleurs logique si l'on considère que Tolkien voulait à l'origine, par son immense activité littéraire, créer une "mythologie pour l'Angleterre" et qu'il considérait très explicitement les régions et les peuples décrits comme les précurseurs de ceux de l'Europe du Nord-Ouest actuelle. Compte tenu de l'objectif semi-historique de son œuvre et du fait que l'apparence physique de la plupart des peuples correspond à peu près à leur situation correspondante dans le monde actuel (blanc dans le nord-ouest ; brun dans les déserts au sud du Gondor ; noir dans les régions de jungle d'où proviennent les olifants), il est totalement absurde d’accommoder ce modèle à la sauce multiculturelle pour des raisons politiques.

    Dans une adaptation cinématographique de légendes chinoises, attribuerait-on les rôles principaux à des personnes noires ou caucasiennes ? Bien sûr, il faudrait être assez conséquent pour éviter également toute autre stylisation physionomique des héros de Tolkien : le fait que les elfes (ou les hobbits) possèdent des oreilles pointues n'est attesté nulle part dans son œuvre, dans laquelle les elfes et les humains ne peuvent être distingués que par leur beauté ...

    Merci beaucoup pour cet entretien !

    David Engels (Blog de Jungeuropa, 8 mars 2022)

     

    (Traduction Métapo infos, avec DeepL)

     

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