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pierre legendre

  • États civilisationnels, les nouveaux empires...

    Le nouveau numéro de la revue Éléments (n°201, avril - mai 2023) est en kiosque!

    A côté du dossier consacré aux états civilisationnels, on découvrira l'éditorial, les rubriques «Cartouches», «Le combat des idées» et «Panorama» , un choix d'articles variés et des entretiens, notamment avec Alain de Benoist,  Nicolas Vidal, l'animateur du site Putsch et le philosophe Baptiste Rappin...

    Et on retrouvera également les chroniques de Xavier Eman, d'Olivier François, de Laurent Schang, d'Hervé Juvin, de Nicolas Gauthier, de Bruno Lafourcade, de Guillaume Travers, d'Yves Christen, de Bastien O'Danieli, de Bernard Rio, d'Ego Non et de Slobodan Despot...

     

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    Éditorial

    Cinquante nuances de vert, par Alain de Benoist

    Agenda, actualités

    L’entretien

    La carte de l’identité d’Alain de Benoist, propos recueillis par François Bousquet

    Cartouches

    L’objet disparu : le jeu de billes, par Nicolas Gauthier

    Une fin du monde sans importance, par Xavier Eman

    Cinéma : Ruben Östlund et Damien Chazelle, le cinéma contre la moraline, par Alix Marmin

    Champs de bataille : Un bunker en forêt, par Laurent Schang

    Les villajoies, par Bruno Lafourcade

    Curiosa Erotica : une courtisane en lutte contre la Matriarchie, par David L’Épée

    Économie, par Guillaume Travers

    Qu’est la nature devenue ? Le regard d’Olivier François

    Bestiaire : La pieuvre, un chef-d’œuvre de complexité, par Yves Christen

    Sciences, par Bastien O’Danieli

    Le combat des idées

    Roulette russe, la guerre vue de Moscou, par Christian Rol

    La faillite du capitalisme post-industriel : l’Occident à court de munitions, par Lionel Rondouin

    BHL en Ukraine : liberté, égalité, choucroute, par François Bousquet

    Nicolas Vidal : « La réforme des retraites, coup de pelle à notre contrat social ». Propos recueillis par François Bousquet et Rodolphe Cart

    Colère de la ruralité : une nouvelle Levée des tridents en Camargue, par Pascal Eysseric

    Charles III, les deux couronnes du roi Charles, par Michel Marmin

    Darney, la ville de France où les loyers sont les moins chers, par Daoud Boughezala

    Vers la fin de la science ? Recherche : quand le niveau baisse, par Guillaume Travers

    Enquête sur un nouveau vent venu de l’Ouest : l’antilibéralisme anglo-saxon, par Thomas Hennetier

    La leçon d’éthique d’Arnold Gehlen, une anthropologie de l’hypermorale, par Walter Aubrig

    L’éclairage de Baptiste Rappin sur Pierre Legendre : comment instituer l’animal humain ? Propos recueillis par François Bousquet

    Séverine, la pasionaria des faubourgs, par David L’Épée

    Dossier

    États civilisationnels, les nouveaux empires

    États civilisationnels, vers un nouveau Nomos de la Terre, par Alain de Benoist

    Christopher Coker : « Pour les Russes et les Chinois, l’Occident est en déclin terminal ». Propos recueillis par Thomas Hennetier

    Frédéric Saint Clair : « La logique civilisationnelle : un nouveau paradigme ». Propos recueillis par François Bousquet

    L’Église aux origines de la psychologie occidentale, par Guillaume Travers

    Panorama

    L’œil de Slobodan Despot

    Reconquête : Éloge de l’intelligence manuelle, par Slobodan Despot

    La leçon de philo politique : Czesław Miłosz, par Ego Non

    L’esprit des lieux : Sacri Monti, Eurodisney des pèlerins, par Christophe A. Maxime

    Un païen dans l’Église : double sens à Saint-Dié, par Bernard Rio

    C’était dans Éléments : les illusions olympiques, par Éric Leroux

    Éphémérides

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  • Le cœur du Système... (2)

    Nous reproduisons ci-dessous la suite d'une réflexion entamée par Slobodan Despot dans la lettre d'Antipresse et consacrée au Système... Écrivain et éditeur, Slobodan Despot est l'auteur de recueils de chroniques mordantes, comme Despotica (Xénia, 2010) et Nouvelleaks (Xénia, 2015), et d'un merveilleux petit roman intitulé Le Miel (Gallimard, 2014).

    Vous pouvez lire ici la première partie de cette réflexion : Le cœur du Système, I

     

    Système.jpg

     

     

    Leur nom est Légion (Le cœur du Système, II)

    [Jésus] lui disait : “Esprit impur, sors de cet homme.” Et il lui demanda : “Quel est ton nom?” Et il répondit: “Mon nom est Légion, car nous sommes nombreux”.» (Marc 5:8,9)

    Il y a quelque chose d’insuffisant, d’insatisfaisant et de superficiel dans la manière dont on critique la propagande des médias de grand chemin et peut-être plus encore dans la manière dont on y répond.

    Cette même observation, on peut l’étendre également à la révolte contre le système politique qui s’organise de plus en plus ouvertement au détriment du bien commun alors qu’il est élu et financé par la communauté des citoyens.

    Peut-on penser sérieusement que les dégâts infligés par des médias partiaux seront corrigés par des médias vertueux? Misera-t-on sur une neutralisation de leur penchant «progressiste-globaliste» par la poussée contraire (conservatrice et nationaliste ou local-patriotique) des «altermédias»? Ou alors, par un décret de régulation universelle, imposera-t-on un équilibrage quantitatif des thèses et des partis pris au sein de chaque pôle d’information financé peu ou prou par l’État? Un coup à droite, un coup à gauche, une tribune «lobby homo» pour une tribune «lobby des familles»?

    C’est dérisoire, on le voit bien. Mais que proposer d’autre, en l’état?

    De la même manière, par quoi remplacera-t-on le cartel de partis clonés les uns sur les autres — malgré les divergences de façade — qui pratiquent tous la même cuisine avec plus ou moins de sel et qui prétendent représenter et guider les peuples d’Europe depuis la dernière guerre? Balancera-t-on l’influence néfaste d’un parti d’apparatchiks globalistes par un parti d’apparatchiks identitaires? Même s’il apparaît de plus en plus clair que l’ensemble de la classe politique européenne est composé d’hologrammes et de drones humains pilotés d’outre-Atlantique ou d’on ne sait quelle stratosphère, que va-t-on bien pouvoir faire d’elle? La retourner, par l’entrisme, la corruption ou la subversion? Mais qui financera un si vaste chantier quand tout l’argent est justement de l’autre côté? La renverser pacifiquement? Mais elle tient toutes les clefs du système législatif et juridique qu’elle a elle-même tricoté pour son propre confort. La renverser par la force? Mais elle détient le monopole de la coercition face à des populations vaccinées contre tout recours à la force légitime par plus d’un demi-siècle d’éducation ciblée.

    Enfin, et même si le Système actuel, profondément terré dans l’entre-soi, devait être remplacé, qui nous dit que son remplaçant serait plus équitable et plus respectueux du bien commun? A titre d’exemple: si le Ministère de l’information actuellement revendiqué par Le Monde devait tomber aux mains des protagonistes de la «réinformation», l’information résultante serait-elle plus honnête et plus équilibrée?

    Derrière l’information, la formation

    Si nous poussons plus loin le questionnement: avons-nous vraiment besoin d’une information de masse? Dans quelle mesure nous informe-t-elle vraiment? Un ami m’a fait part d’une expérience faite avec des jeunes étudiants aspirant à des fonctions de cadres dans la société actuelle. Ces jeunes réputés instruits ne consommaient pas vraiment les médias «de référence», mais ils étaient constamment «en réseau» et «sur les réseaux», et s’estimaient donc informés à la minute. Lorsque le conférencier leur a demandé de résumer une seule nouvelle apprise le même jour, ils en ont été incapables. Leur «information» consiste en un brouhaha quasi subliminal où des mots-clefs et des thèses simples martelés à l’infini leur infusent des comportements et des attitudes sans les armer du moindre argument susceptible de les justifier. Mais à quoi bon les arguments, quand la masse (de mots, de voix, de chiffres) décide de tout?

    On croit que le système d’information n’a pour but que de diffuser des informations et qu’il dysfonctionne lorsque ces informations entrent violemment en collision avec la réalité vécue. Et puis l’on constate, pantois, que le démenti du réel ne change rien au fonctionnement du système.

    On serait moins surpris si l’on revenait au sens même du mot. L’information n’est autre que la formation du dedans. Le façonnage de notre univers mental. Cela n’a un rapport avec la vérité des faits que si le pouvoir qui nous façonne a le culte de la vérité des faits. Aucun pouvoir ne l’a eu, celui d’aujourd’hui moins encore que les précédents. C’est pourquoi le système ne manque pas de pare-feux, y compris et surtout d’ordre philosophique: qu’est-ce que la réalité? Qu’est-ce que la vérité? Et un fait, comment le définit-on?

    Sitôt que vous entrez sur ce terrain, vous voilà perdus. Vous êtes seul avec votre bon sens, la culture que vous avez pu accumuler et les syllogismes candidement produits par votre logique innée. Bref: votre éducation ancestrale, familiale et spontanée qui, elle, a le culte de la vérité des faits. (Car 2 et 2 ne font 4 que pour les petites gens.) En face: une batterie de spécialistes, d’experts, de professeurs, de consultants, de communicants répétant les mêmes phrases, ou peu s’en faut. Et derrière eux: des millions de pages de thèses, de rapports, de mémoires, des milliers d’années de séminaires, de formations et de colloques servant de caution à des thèses simplettes dont un enfant saisirait la fausseté. Face à cette armada parlant d’une même voix, le bon sens solitaire n’a aucune chance. L’adversaire a pensé à tout, il a tout organisé. Il a mis en doute les fondements mêmes de la vérité intellectuelle, de la vérité «objective», et discrédité les lois de la logique. En sorte que n’importe quelle sornette, fût-elle totalement absurde, puisse lui servir de malleus maleficarum (marteau des sorcières) pour peu qu’elle émane des lieux du pouvoir.

    Par exemple, dans l’actualité récente: comment tant de gens réputés intelligents et instruits peuvent-ils vouloir imposer aux Syriens ou aux Ukrainiens ces mêmes terroristes, ces mêmes nazis qu’ils prétendent combattre chez eux? Ou alors, comment peuvent-ils, au nom du civisme et de la démocratie, favoriser en Europe l’expansion d’une religion politique impliquant un modèle social totalement incompatible avec ces mêmes valeurs?

    Un esprit enfantin, mais logique, ne le pourrait pas. Eux le peuvent. Ils ont déployé, depuis plus d’un siècle, le fleuron de l’esprit rationnel et de la pensée objective dans le but de mettre à bas la rationalité et l’objectivité. Cette même rationalité, cette même objectivité, qui permettaient à un Montaigne, un Pascal ou à un Pierre Beyle de résister au Système de leur temps et de préserver leur personnalité. Or la cohérence intellectuelle, de l’aube du XXe siècle à nos jours, a conduit tant de brillants esprits à la clinique psychiatrique ou, carrément, à la folie par l’isolation. Car le système s’est armé et s’est dévoyé plus vite que les individus.

    Seuls face à l’Ordre

    Le système d’information, de même que la comédie politique, ne sont que les émanations ostensibles d’une structure cachée, comme les champignons poussent sur le réseau souterrain du mycélium. Cette structure est invisible pour les hommes comme la mer l’est pour les poissons. Elle constitue l’Ordre même, la loi selon laquelle nous vivons et que l’immense majorité ne songera jamais à transgresser, car elle n’en est même pas consciente.

    L’Ordre traditionnel s’appuyait sur la religion, le pouvoir politique et le pouvoir guerrier. L’Ordre moderne repose sur le pouvoir politique, le système d’information, l’économie et la formation. La formation a remplacé la religion comme productrice des dogmes fondamentaux servant à la fois d’orientation et d’alibis aux pouvoirs temporels. La politique, l’information et l’économie elle-même sont tributaires des dogmes de la formation. La formation, autrement dit le système académique, est en réalité le pouvoir suprême, même s’il se prostitue volontiers aux trois autres.

    Le système académique américain est en première ligne dans la guerre menée par des minorités agissantes contre le nouveau président élu, dont le péché tient primordialement à des délits verbaux contre des dogmes de nature religieuse. Ceux-là mêmes qu’édicte — en matière de races, de sexes, etc. — le système académique et que les autres pouvoirs sont tenus d’intégrer, sous peine de… malleus maleficarum. De l’autre côté, l’adversaire du président élu, Hillary Clinton, jouissait d’un appui ferme des milieux académiques malgré ses colossales compromissions, car elle en était elle-même issue en tant qu’avocate.

    Par ailleurs, le «tireur de ficelles» le plus influent et le plus agissant dans le monde contemporain, George Soros, n’a pas construit son modèle d’influence sur l’argent. Au contraire: ses milliards ne sont que le nerf de la guerre. Ce qu’il met au premier plan, jusque dans l’appellation de son organe central, l’Open Society Foundation, est un concept académique: la «société ouverte». On ne saurait tenir les pères de cette idée — Bergson et Popper — pour responsables des manœuvres et des complots auxquels l’implantation de la «société ouverte» a servi de couverture. Là n’est pas le propos. Le propos, c’est que cette idée-là fournissait le meilleur cadre pour l’instauration d’un gouvernement financier planétaire («…réformes économiques, sociales et légales favorisant l’implantation de l’économie libre de marché»). Exactement comme la noble mission d’évangéliser les païens a servi, au temps des Conquêtes, d’alibi pour un accaparement économique d’une envergure encore jamais vue dans l’histoire.

    (On oublie trop aisément que l’expansion mondialiste et l’idéologie correspondante sont nées au XVe siècle: heureusement que Pierre Legendre est là pour nous le rappeler!)

    La cape d’invisibilité

    Il est amusant de voir l’opiniâtreté myope avec laquelle certains milieux combattent les «idées de la franc-maçonnerie» — autrement dit le projet d’une humanité sans frontières gouvernée par une élite éclairée — quand ces mêmes idées, dans leur version publique, règnent sans concurrence dans l’ensemble des universités du monde occidental et au-delà! Et donc, par effet de cascade, dans l’ensemble des systèmes de formation. Les mêmes «réacs» renient-ils leurs diplômes d’études supérieures et ceux de leurs enfants? Et comment pensent-ils revenir à des sociétés «fermées» (nationales, ethniques, tribales, etc.) fondées sur des «traditions» quand leur progéniture est mise en garde contre le «repli» et les «préjugés» à chaque jour qu’elle passe en formation, de l’école primaire à l’université? Leur projet est voué à l’échec parce qu’ils ne perçoivent pas le cadre global de leur politique, sa note de base.

    Le grand avantage de la religion académique sur les religions classiques tient justement dans son invisibilité. Grâce à son arrière-plan scientiste, elle n’apparaît pas comme une institution idéologique, mais comme une traduction transparente des lois objectives de la nature. Son prestige est immense et son impersonnalité lui assure adhésion des médiocres et des conformistes. Le grand C. S. Lewis avait très bien identifié ce tour de passe-passe dans son essai sur L’Abolition de l’Homme. Il l’a sublimement illustré dans Au-delà de la planète silencieuse, son roman de S. F. sur une Terre «bâillonnée» par la secte scientiste. Mais pour l’immense majorité des modernes, les dogmes de la religion académique sont aussi imperceptibles que le bourdon d’un raga indien pour une oreille distraite. Quand on confond un ordre politique et intellectuel avec l’ordre du monde lui-même, celui qui pense autrement apparaît comme une monstruosité de la nature. On peut l’éliminer sans état d’âme, au même titre qu’une nuisance. Cette assurance de l’esprit adossé aux «lois objectives» explique, entre autres, l’inhumanité absolue du système marxiste soviétique.

    Que pèsent les partis pris du système d’information ou de la classe politique face à ce conditionnement fondamental? Ils ne sont que la cerise sur le gâteau. C’est l’ensemble d’une vision du monde qu’il s’agit de reconstruire, repenser le monde selon notre «évidence» comme aurait dit Albert Caraco, et décomposer en petits rouages chacun de nos concepts, au risque du blasphème et du reniement complet. Qui en aura le courage et la force d’âme?

    Slobodan Despot (Antipresse n° 65, 26 février 2017)

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