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moralisme

  • Le coeur et la rage...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un point de vue de Michel Maffesoli, cueilli sur le site de L'Inactuel et consacré aux raisons profondes de la crise des Gilets jaunes. Penseur de la post-modernité, Michel Maffesoli a publié récemment  Les nouveaux bien-pensants (Editions du Moment, 2014) , Être postmoderne (Cerf, 2018) et dernièrement La force de l'imaginaire - Contre les bien-pensants (Liber, 2019).

     

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    Michel Maffesoli: “Le coeur et la rage”

    Dans notre progressisme natif, nous avons du mal à accepter que les époques se suivent et ne se ressemblent pas. Des esprits aigus ont pu noter, à juste titre, la fin de l’ère des révolutions (E. Hobsbawm). Si nous savons voir, avec quelque lucidité, l’architecture des sociétés contemporaines, nous pouvons dire que nous assistons à l’ère des soulèvements populaires.

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  • Les sociétés modernes peuvent être à la fois ultra-permissives et hyper-morales...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire et consacré à la contamination de la politique par la morale...

     

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    « Beaucoup de revendications politiques ont un contenu moral. »

    Manuel Valls parlait récemment de « faute morale » pour qualifier le « ni-ni » (ni vote pour le FN, ni vote pour le PS) sarkozyste. Voilà qui a de quoi laisser perplexe. Après avoir défendu le « mariage pour tous », le Premier ministre est-il vraiment bien placé pour donner des leçons de morale ?

    On peut ironiser sur la façon dont le Premier ministre se présente en donneur de leçons, mais on aurait tort de ne pas prendre au sérieux sa référence à la « morale ». Je sais bien que nombre d’esprits chagrins se plaignent aujourd’hui qu’il n’y ait « plus de morale ». Ils se trompent. On y est au contraire plus que jamais plongés ! Mais ce n’est pas la même.

    L’ancienne morale prescrivait des règles individuelles de comportement : la société était censée se porter mieux si les individus qui la composaient agissaient bien. La nouvelle morale veut moraliser la société elle-même. L’ancienne morale disait aux gens ce qu’ils devaient faire, la nouvelle morale décrit ce que la société doit devenir. Ce ne sont plus tant les individus qui doivent bien se conduire que la société qui doit être rendue plus « juste ». L’exigence morale, en d’autres termes, a été transférée sur le monde en général. Plus que des acteurs moraux, on veut des situations « morales », c’est-à-dire des situations conformes aux canons sociaux de l’idéologie dominante. Tout le social est alors réinterprété à la lumière du devoir-être. C’est ainsi que les sociétés modernes peuvent être à la fois ultra-permissives et hyper-morales, porteuses d’un moralisme omniprésent que propagent leurs dévots, leurs missionnaires et leurs ligues de vertu. Elles relèvent de cet « hypermoralisme » dénoncé par Arnold Gehlen, qui amène à ne juger des idées et des faits qu’en fonction de leur désirabilité idéologique.

    En 1986, Laurent Fabius déclarait déjà : « Ce qui nous sépare de la droite, c’est la morale ! » Un slogan comme « Touche pas à mon pote ! » était de toute évidence un slogan moral. La « lutte-contre-toutes-les-discriminations » est un programme moral. La dénonciation litanique des actes-racistes-antisémites-homophobes est le fait d’une cléricature morale. Le « politiquement correct », et les excommunications pour blasphème qui vont avec, est un code de langage moral. L’idéologie des droits de l’homme est avant tout une doctrine morale. Il est à cet égard remarquable que l’on ne s’occupe plus aujourd’hui de savoir si une idée est juste ou si elle est fausse, mais seulement de savoir si elle est « bonne » ou « mauvaise », si elle est « nauséabonde » (sic) ou si elle sent la rose. C’est ce nouvel ordre moral que le regretté Philippe Muray appelait l’« empire du bien ». Nietzsche aurait parlé de « moraline ».

    Il n’en reste pas moins que la plupart des gens parlent toujours de la « morale » au singulier, comme s’il n’y en avait qu’une, et non plusieurs…

    Grande erreur. À l’origine, la « morale » renvoie aux mœurs (mores), tout comme l’éthique renvoie à l’ethos, mais ensuite tout se complique. La morale païenne n’est pas la morale chrétienne, ni l’éthique de l’honneur celle du Décalogue. On oppose généralement les morales arétiques, comme celle d’Aristote, aux morales déontologiques, comme celle de Kant. Mais la morale kantienne, avec son impératif moral catégorique, est également incompatible avec la morale utilitariste d’un Jeremy Bentham. Avec Mandeville (« vices privés, vertus publiques »), l’idéologie libérale soutient que le véritable altruisme passe par la défense égoïste par chacun de son meilleur intérêt. Les morales selon lesquelles le bien dépend du juste sont très différentes de celles pour lesquelles le juste dépend du bien. La morale conséquentialiste est encore autre chose, sans même parler de l’« éthique communicationnelle » de Habermas. Et n’oublions pas les vieux dilemmes moraux du genre : accepteriez-vous de torturer un homme pour sauver la vie de vos enfants ? Est-il justifié de faire périr dix innocents si cela permet d’en sauver des milliers ?

    « Morale » et « politique » participent-elles d’ailleurs des mêmes sphères, des mêmes langages ? Doit-on demander à la politique d’être « morale » ? Et à la morale de se mêler de politique ?

    Beaucoup de revendications politiques ont un contenu moral. Ce fut le cas, à la fin du XIXe siècle, des premières revendications socialistes contre la double dépossession de leur mode de vie et de la propriété de leur outil de travail que connaissaient alors les travailleurs. La réduction de la politique à la morale manifeste, en revanche, une totale méconnaissance de la nature du politique, qui n’a pas pour vocation de réaliser des objectifs moraux. Comme l’a écrit Julien Freund, « l’idée d’une politique morale est pour le moins incongrue parce que la politique n’a pas pour mission de réaliser la fin morale. La politique a pour tâche de réaliser les fins du politique, la morale n’intervenant que dans la manière dont nous employons les moyens propres à la politique pour accomplir la finalité de la politique. » Cela ne signifie pas que l’action politique soit étrangère à toute considération morale, mais plutôt que la politique a une morale qui lui est propre, en l’occurrence la recherche du bien commun, lequel est tout autre chose que le bien privé.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 28 avril 2015)

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  • Le fantôme de la diplomatie française (2)...

    Vous pouvez découvrir la deuxième partie de l'excellent article de Caroline Galactéros, cueilli sur le site du Point et consacré à la diplomatie française.

    Lire la première partie :

    Le fantôme de la diplomatie française (1)

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    Le fantôme de la diplomatie française (2)

    En politique étrangère, le suivisme précipité "pour en être" ne suffit pas. Sur les fronts irakien et syrien ouverts contre Daesh, la France "en est" certes, mais... de quoi au juste ? D'une alliance aléatoire dont certains membres, non des moindres, jouent un jeu si trouble qu'il confine à la trahison ? La question est posée, car la défiance est au cœur même de cette coalition de circonstance et d'affichage.
    Notre crédibilité militaire et politique pâtit de ce vice de fond, face à l'ennemi comme aux yeux de nos propres populations. En bout de ligne, ce sont les Français qui risquent de subir dans leur chair l'impact de cette réduction de l'action diplomatique à des postures martiales. Car nous avons de fait laissé grandir la menace. En niant la gravité de phénomènes politiques et sociaux internes, en faisant mine de croire que l'Afghanistan était sur la voie de la démocratie, que l'Irak se stabilisait, que la démocratie avançait en Libye grâce à notre intervention, que l'Iran renoncerait au nucléaire militaire, que l'on pourrait contenir durablement l'offensive des mouvements djihadistes au Sahel, que l'Occident parviendrait rapidement à retrouver son leadership mondial. Péchant par orgueil, ethnocentrisme et ignorance, saisis de spasmes d'impuissance désordonnés, nous faisons en fait de l'anti-diplomatie.

    Se garder du moralisme

    Notre auto-enfermement dans un moralisme décorrélé du réel nous empêche de penser librement et de définir une vision ambitieuse et des lignes pragmatiques de déploiement de l'action diplomatique qui servent nos intérêts de puissance et d'influence. Il est vrai que ces trois derniers mots, "intérêts", "puissance" et "influence", sentent le soufre. La France, confite dans une grandiloquence abstraite, a peur de son ombre et devient la spectatrice automutilée des vastes mouvements géostratégiques en cours.
    Car le monde réel refuse d'épouser les contours des visions iréniques de nos diplomates. La parole ne fait pas plus advenir la réalité en politique internationale qu'en économie. De même que la danse de la pluie ne suffit pas pour faire venir la croissance, rêver éveillé que Bachar el-Assad "n'en a que pour quelques semaines" ou que la "résistance libyenne modérée" est une réalité politique confine à l'auto-aveuglement ! Il fut pourtant un temps où nous étions moins présomptueux et plus habiles, où la France se gardait bien de soutenir ou de condamner des régimes, se limitant à reconnaître des États. Il faut réapprendre les fondamentaux de l'action diplomatique. Le diplomate n'est pas un grand inquisiteur ni un censeur ; il peut et doit parler à tout le monde, surtout "aux pires" des interlocuteurs, à ceux qui ne pensent pas comme lui. C'est sa raison d'être. Il doit maintenir en toutes circonstances des canaux, officiels ou secrets, de communication et de renseignement avec toutes les parties au conflit. Son pire ennemi est le moralisme au petit pied qui ne fait qu'enkyster les oppositions et isoler ceux qui devront finir par se parler pour que certaines lignes bougent.

    Définir notre objectif

    Une fois ce bon sens diplomatique retrouvé, à nous de structurer une stratégie globale de puissance et d'influence. Lucidité, réalisme, ambition et humanité en sont les pierres angulaires. La capacité d'écoute, le goût de l'autre, la recherche d'effets de longue portée, le déploiement sans états d'âme de notre capacité de nuisance ou de bienveillance et l'édification de liens et de réseaux dans la durée sont ses tenons et mortaises. Certes, la France n'est plus une grande puissance, mais son histoire politique, militaire et culturelle lui offre l'opportunité d'un rôle unique et indispensable dans la comédie pathétique du monde et de ses jeux de puissance.
    Cette stratégie suppose la définition d'un objectif à long terme (en langage militaire, un "effet final recherché" - EFR) et d'un faisceau de manœuvres tactiques de moyen et court terme autour de "lignes d'opérations" (militaire, diplomatique, médiatique, culturelle, normative, économique, financière, scientifique, éducative, industrielle, etc.) visant à l'atteindre.
    Pour la France, l'EFR peut être ambitieux mais raisonnablement atteignable : forger et conserver un positionnement de médiateur incontournable et recherché sur l'ensemble des points majeurs de conflit et de crise, faire jeu égal avec Berlin en Europe, être en capacité de peser sur le cours des choses et de faire avancer, y compris lorsqu'ils ne se rencontrent pas, nos intérêts (économiques et militaires) et nos principes politiques. Cela suppose évidemment que l'on renonce au rôle de pédant professeur en maturité démocratique que ses élèves turbulents n'écoutent plus depuis longtemps.

    Se tourner vers la Russie

    Nous devons ensuite identifier des points d'appui majeurs pour le déploiement de cette stratégie. Tout en repensant une politique arabe évanouie, il faut structurer notre nouvelle assise stratégique globale autour d'une relation multicanal soutenue avec l'Iran et la Russie. Contrairement à la doxa ridicule qu'ânonne l'Europe, notamment depuis la crise ukrainienne, ces deux États sont à l'évidence des pivots de croissance et de stabilité déterminants pour nous Français et pour le continent tout entier.
    L'Europe a un besoin stratégique évident de la Russie pour exister vis-à-vis de la Chine et de l'Asie, vis-à-vis de l'Amérique, vis-à-vis du Moyen-Orient, bref, partout. Nous devons donc faire admettre à certains de nos partenaires européens, tels la Pologne ou les pays Baltes, que si nous comprenons évidemment leur relation historique douloureuse avec Moscou, on ne peut pour autant brader les intérêts stratégiques globaux de l'Union en niant par exemple l'appartenance de la Russie à l'ensemble géographique, culturel et religieux européen. Sauf à consentir à l'abaissement politique, économique et stratégique définitif de l'Union européenne au profit des USA, y compris au plan technologique et industriel. N'oublions pas que l'Otan est aussi une vitrine et un véhicule commercial redoutablement efficace pour l'industrie américaine de l'armement.

    Cesser de se tromper sur l'Iran

    Quant à l'Iran, déjà évoqué, cette puissance régionale est en passe de retrouver un rôle global de premier plan. Située à la charnière des mondes indien, chinois et russe, elle est évidemment un tampon essentiel pour l'Occident dans la reconfiguration agressive des équilibres stratégiques du monde, sans même parler de son potentiel économique. Nous l'avons vu, les États-Unis ne s'y trompent pas. Un esprit "complotiste" pourrait même faire remonter à l'invasion américaine de l'Irak en 2003 et au fait de favoriser massivement la mainmise chiite sur le pays l'amorce réelle du basculement stratégique de Washington vers la Perse, dans une tentative de rééquilibrage de sa relation avec l'Arabie saoudite et Israël. Faut-il s'en réjouir ou s'en inquiéter, la question reste entière. Quoi qu'il en soit, les Américains avancent leurs pions. Le maintien des sanctions est essentiellement dû à leur volonté de lever l'embargo au bon moment, celui où sera atteint un accord stratégique sur le nucléaire monnayé au mieux de leurs intérêts. Pendant ce temps, Téhéran fait monter les enchères, Allemands et Britanniques se placent... et Paris se trompe.

    Augmenter le budget de la défense

    Évidemment, une telle approche diplomatique ne peut réussir qu'appuyée sur un outil militaire fort et son engagement à niveau suffisant pour garantir un effet de crédibilité politique indiscutable. Cela requiert évidemment un renforcement de nos effectifs comme de nos moyens, donc une augmentation du budget de la défense.
    Last but not least, cette nouvelle "intelligence du monde" requiert une action pédagogique résolue et décomplexée vers l'opinion publique nationale pour développer son adhésion à cette diplomatie refondée. Arrêtons de prendre nos concitoyens pour des imbéciles. Expliquons-leur le monde tel qu'il est au lieu de le peindre en rose et d'être sans arrêt démentis ou ridiculisés par les faits. Ils nous en sauront gré.

    Caroline Galactéros ( Le Point, 8 novembre 2014)

     

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  • « Libération », du maoïsme au moralisme...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Xavier Raufer, cueilli sur Le nouvel Économiste et consacré à la ligne éditoriale du quotidien Libération dont les ventes en kiosque sont en constante diminution et ne sont plus en mesure d'assurer sa survie...

     

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    « Libération », du maoïsme au moralisme

     

    De leur passé gauchiste, les bourgeois-bohèmes de Libé conservent cependant la phobie de la sécurité et de l’ordre

    D’abord, le doute : doit-on tirer sur une ambulance ? Peut-on courir le risque d’attenter à la liberté de la presse ? Puis le sens du réel l’emporte : ces vingt années écoulées, Libération a tant soutenu les pires lubies de la “culture de l’excuse”, tant déversé de moralisme et d’“antiracisme” monochrome sur les criminologues fermes face au crime, que la crise vécue par ce quotidien tourne à la bonne nouvelle pour la liberté de penser.

    Remontons d’abord aux origines : en 1973, Libé est fondé par des gauchistes idolâtrant Mao Tsé-Toung, (les “Maos”), au moment même où leur dieu vient de présider, coup sur coup, à deux des pires génocides du XXe siècle, dont la funeste “Révolution culturelle” et ses millions de morts – une “catastrophe nationale” pour le pouvoir communiste chinois d’aujourd’hui.

    Mais bien pire encore et même méconnu, ce “Grand bond en avant” (1958-1962) dont le “Soljenitsyne chinois” Yang Jisheng, communiste lui-même, a établi qu’il avait provoqué 36 millions de morts (bien plus que la première Guerre mondiale… 450 fois le nombre de victimes du bombardement atomique de Nagazaki !).

    Ce “génocide le plus épouvantable de toute l’histoire humaine” (New York Times, 7/12/2012) trouve son origine dans le pur fanatisme communiste d’un Mao alors divinisé, en pleine paix, hors de tout désastre naturel et dans une orgie d’horreurs : cadavres jonchant les routes, cannibalisme et nécrophagie familiales, etc.

    Extrait des archives du PC chinois, ces rapports, parmi des milliers d’autres : un paysan exhume quatre cadavres pour les dévorer… une fillette abandonnée tue son petit frère de quatre ans pour le manger… Traversant en bus une province ravagée par la disette, un journaliste de l’agence officielle Xinhua confesse : “Je voyais un cadavre après l’autre au bord de la route, mais nul dans le bus n’osait parler de la famine…”

    Quelques brèves années après ces tragiques crimes contre l’humanité, de jeunes bourgeois gauchistes français s’entichent de Mao et du maoïsme.

    Mais précisons d’abord le concept de “crime contre l’humanité” : la Cour pénale internationale y prévoit clairement l’extermination : “Le fait d’imposer intentionnellement des conditions de vie telles que la privation d’accès à la nourriture et aux médicaments, calculées pour entraîner la destruction d’une partie de la population.” S’agissant aujourd’hui de la Syrie, cette définition est encore renforcée par la voix autorisée du prix Nobel de la paix Elie Wiesel, qui martèle : “Lorsqu’on tue ses propres citoyens en nombre, cela s’appelle un crime contre l’humanité.” (AFP, 23/2/2014.)

    Retour aux “Maos” : hors du prolétariat qu’ils fantasment, point de salut ! Leur idéal : “Servir le peuple”, défendre la “Cause du peuple”. C’est l’époque où un chœur de gosses de riches chante sans rire : “Ecoutez-les nos voix, qui montent des usines…”

    Dans la foulée, Libération est créé. Sa charte d’origine est claire : il doit “donner la parole au peuple”. Mais la désillusion vient vite : les vrais prolétaires rejettent leur indigeste cocktail Mao-Althusser-Lacan. Les maoïstes et leur journal virent alors à l’anarchisme bohème, au libéralisme libertaire ; le contenu du quotidien passant, lui, du journalisme à l’exorcisme et de l’information à l’inquisition.

    Pour les ex-Maos devenus bobos, ces ouvriers qui les ont dédaignés deviennent ensuite objet de mépris, puis de haine : de “Servir le peuple” à salir le peuple… Le 24 novembre 2011, à l’issue de cette trajectoire de trahison, un article de Libé intitulé “Debout les autodamnés d’Angleterre”, vomit une culture ouvrière – de fait éloignée des Gay Prides – marquée par “l’obsession de la masculinité … imprégnée par un violent racisme et sexisme”, avec le risque “d’interprétations réactionnaires et fascistes”.

    Alors, des damnés de la Terre, les prolos ? Pas du tout : ces proto-fachos n’ont que ce qu’ils méritent.

    De leur passé gauchiste, les bourgeois-bohèmes de Libé conservent cependant la phobie de la sécurité et de l’ordre. Dans ses articles et dans les colloques qu’il organise, Libé pourfend toute mesure d’ordre, assurant que l’insécurité est un fantasme et les pires voyous, des victimes de l’exclusion et du racisme. Ceux qui prônent la sécurité ? Des fascistes et rien d’autre.

    En février 2013, son colloque “Prise d’élans pour la ville”, consacré aux “quartiers populaires” et banlieues, ne pipe mot du crime ni des bandes – Libé ou l’art d’ignorer l’éléphant dans la pièce…

    Le 4 octobre dernier encore, entre les tirs de kalachnikov et le pillage des campagnes, Pierre Marcelle, Bobo-en-chef de Libé, ironise lourdement sur “le maxi délinquant de 14 ans déjà épinglé quatorze fois pour vols de Carambars, racket de tickets de métro et tapage nocturne à Mobylette”.

    Résultat : outrés par cet aveuglement et par ces anathèmes, des lecteurs se détournent. Les ventes s’effondrent : moins 40 % de 2012 à 2013. Et même, Libé aurait déjà disparu, sans les millions d’euros de subventions de l’Etat et les dotations de ses actionnaires. Et quels actionnaires pour un journal naguère gauchiste ! Un “promoteur”, une “société foncière” une “banque d’affaires”… Un “capitaliste italien”…

    Cette déroute ramènera-t-elle Libé à la raison ? A exposer la réalité criminelle ? A ne plus ironiser sur le martyre que vivent les habitants de HLM dont les couloirs sont occupés par des racailles ; ou les usagers du RER détroussés par des voyous ?

    A ne plus s’indigner par pleines pages de l’antisémitisme de Martin Heidegger, en occultant totalement celui, pire encore, de Karl Marx ? A abandonner son sectarisme aveugle ?

    Bref, Libé, qui exalte la “diversité”, comprendra-t-il un jour que ce concept peut dépasser la couleur de l’épiderme pour atteindre celui de sa ligne éditoriale ?

    Qu’il se reprenne ainsi et Libé verra à coup sûr ses ventes augmenter. Une renaissance qui serait alors, et tout ensemble, bénéfique à la liberté de la presse, comme à celle de penser librement.

    Xavier Raufer (Le Nouvel Économiste, 21 mars 2014)

     

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  • L'affaire Richard Millet...

    Les éditions Jacob-Duvernet viennent de publier un essai de Muriel de Rengervé intitulé L'affaire Richard Millet - Critique de la bien-pensance. Muriel de Rengervé, normalienne, agrégée d'histoire, est romancière.

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    " A peine quelques jours après la parution par l'écrivain Richard Millet du court texte Eloge littéraire d'Anders Breivik, le 24 août 2012, un emballement médiatique s'est déclenché. Tout ce que Paris compte d'intellectuels, d'écrivains, grands et petits, de penseurs, de critiques littéraires, de censeurs autoproclamés, s'est mobilisé pour organiser la mise à mort sociale, littéraire, intellectuelle, de Richard Millet.
    Qui a vraiment lu le texte de Millet ? Très rares ont été ceux qui ont accepté de débattre avec lui. Le Clézio, Annie Ernaux, à l'origine d'une pétition, Bernard-Henri Lévy, et d'autres participent à la curée. Ils auront gain de cause : le 13 septembre 2012, Richard Millet doit démissionner du comité de lecture de Gallimard, tout en continuant son travail d'éditeur. Les pressions médiatiques et les réactions individuelles l'ont emporté.
    Dans la France du début du XXIe siècle, le débat d'idées serait-il devenu impossible ? L'autre, celui qui professe une opinion différente, est refusé, rejeté, mis au ban, considéré comme un menteur et, insulte devenue courante, comme un fasciste. Une chape de plomb semble s'être abattue sur la vie intellectuelle et littéraire, où toute idée dissonante, tout propos dérangeant est immédiatement disqualifié.
    Le moralisme et l'antiracisme, nouveaux dogmes imposés à toute la société, se sont mués en maccarthysme. La France est-elle entrée dans l'ère du terrorisme intellectuel ? "

     

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  • Critique de la bien-pensance...

    Les éditions Jacob-Duvernet viennent de publier un essai de Muriel de Rengervé, intitulé L'affaire Richard Millet - Critique de la bien-pensance. Normalienne, agrégée d'histoire, Muriel de Rengervé est romancière.

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    " A peine quelques jours après la parution par l'écrivain Richard Millet du court texte Eloge littéraire d'Anders Breivik, le 24 août 2012, un emballement médiatique s'est déclenché. Tout ce que Paris compte d'intellectuels, d'écrivains, grands et petits, de penseurs, de critiques littéraires, de censeurs autoproclamés, s'est mobilisé pour organiser la mise à mort sociale, littéraire, intellectuelle, de Richard Millet. Qui a vraiment lu le texte de Millet ? Très rares ont été ceux qui ont accepté de débattre avec lui. Le Clézio, Annie Ernaux, à l'origine d'une pétition, Bernard-Henri Lévy, et d'autres participent à la curée. Ils auront gain de cause : le 13 septembre 2012, Richard Millet doit démissionner du comité de lecture de Gallimard, tout en continuant son travail d'éditeur. Les pressions médiatiques et les réactions individuelles l'ont emporté. Dans la France du début du XXIe siècle, le débat d'idées serait-il devenu impossible ? L'autre, celui qui professe une opinion différente, est refusé, rejeté, mis au ban, considéré comme un menteur et, insulte devenue courante, comme un fasciste. Une chape de plomb semble s'être abattue sur la vie intellectuelle et littéraire, où toute idée dissonante, tout propos dérangeant est immédiatement disqualifié. Le moralisme et l'antiracisme, nouveaux dogmes imposés à toute la société, se sont mués en maccarthysme. La France est-elle entrée dans l'ère du terrorisme intellectuel ? "

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