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  • Israël, Liban, Iran : le Moyen-Orient en ébullition...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un entretien donné par Fabrice Balanche au site de la revue Éléments pour évoquer la situation explosive au Proche-Orient.

    Maître de conférences en géographie à l'Université Lyon 2, Fabrice Balanche est arabophone et a vécu une dizaine d'années entre la Syrie et le Liban. Il vient de publier Les Leçons de la crise syrienne (Odile Jacob, 2024).

     

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    Israël, Liban, Iran : le Moyen-Orient en ébullition

    ÉLÉMENTS : Depuis les massacres perpétrés par le Hamas du 7 octobre 2023, Israël multiplie les frappes aériennes en Syrie, au Liban tout en poursuivant son offensive terrestre dans la bande de Gaza. Que cherche l’État hébreu ?

    FABRICE BALANCHE. Si Israël ne va sans doute pas jusqu’à bombarder l’Iran, il a le Hezbollah dans sa ligne de mire. Le mouvement chiite libanais pointe des milliers de missiles sur Israël et a les moyens de lancer une opération terrestre contre le nord de l’État hébreu. Or, les Israéliens voulant à tout prix éviter une surprise comme le 7 octobre, ils n’attendent qu’une réaction du Hezbollah pour pouvoir frapper au Liban. De ce point de vue, l’attaque reste la meilleure des défenses. Car si une pluie de missiles s’abattait sur le Hezbollah et ses infrastructures, les miliciens chiites auraient ensuite du mal à s’élancer à l’assaut de la Galilée.

    Mais une offensive terrestre de l’armée israélienne au Liban semble exclue. En juillet 2006, l’infanterie israélienne engagée au Liban s’était enlisée.

    Je prévois plutôt des frappes sur le Liban accompagnées d’un déploiement de Tsahal sur la bordure nord pour empêcher toute contre-attaque du Hezbollah. Israël demande l’application réelle de la résolution 1701 du conseil de sécurité de l’ONU, qui avait mis fin à la guerre de 2006, imposant que le Hezbollah se retire au nord du fleuve Litani, soit à une vingtaine de km de la frontière israélo-libanaise. L’État hébreu souhaite que le Sud-Liban redevienne la zone de sécurité qu’il était jusqu’en 2000 mais sans l’occuper.

    ÉLÉMENTS : Est-ce pour pousser le Hezbollah à la faute que Tsahal a bombardé le consulat iranien à Damas le 1er avril ?

    FABRICE BALANCHE. L’objectif était double : éliminer quelques généraux des Gardiens de la Révolution iraniens et provoquer une escalade. Frapper ce consulat revenait à frapper le territoire iranien, ce qui représente une humiliation pour Téhéran et le régime de Damas, incapables de contrecarrer ce raid. Même la Russie n’a pu empêcher les Israéliens de bombarder. Jusqu’à présent, Israël prévenait les Russes avant de violer l’espace aérien syrien, ce qui n’a pas été le cas ici, car Moscou n’y aurait jamais consenti. Cela explique la vigueur de la réaction de Vladimir Poutine qui a immédiatement demandé une réunion du Conseil de sécurité de l’ONU.

    ÉLÉMENTS : Cette stratégie de la tension rappelle le jusqu’au-boutisme des néoconservateurs américains. Au lendemain du 11 septembre 2001, ceux-ci entendaient remodeler l’ensemble du Moyen-Orient. De la même manière, après le traumatisme du 7 octobre, les ultranationalistes israéliens alliés de Benyamin Netanyahou souhaitent-ils l’embrasement de la région ?

    FABRICE BALANCHE. Il est certain que les faucons ont pris le dessus au sein du gouvernement et de l’état-major israéliens. Mais une différence de taille existe entre les deux situations : les États-Unis sont protégés par deux océans et le risque d’une agression en provenance du Canada ou du Mexique est négligeable. De son côté, Israël a des voisins plutôt belliqueux. L’État hébreu possède donc davantage de raisons objectives d’attaquer, car cela reste sa meilleure défense. Alors que les néoconservateurs américains voulaient imposer la démocratie en Irak en pensant que cela ferait boule de neige dans l’ensemble de la région, les Israéliens souhaitent simplement anéantir les capacités offensives de leurs ennemis. 

    ÉLÉMENTS : Outre une hécatombe et la ruine du pays, quelles seraient les conséquences politiques d’une nouvelle guerre d’Israël au Liban ?

    FABRICE BALANCHE. Dans le cas d’une destruction du pays par Israël, à la différence de 2006, ni les pays du Golfe ni le Hezbollah ne paieraient la reconstruction. La popularité du Hezbollah étant au plus bas en raison de la crise financière et des blocages politiques tous azimuts, l’équilibre des forces pourrait alors changer au Liban. Il faut dire que le Hezbollah a tellement perdu de sa superbe qu’il a dû accepter de définir la frontière maritime avec Israël, en octobre 2022, afin que le Liban puisse exploiter les champs gaziers offshore. Cette concession signifiait quelque part la reconnaissance tacite de l’existence d’Israël, ce qui est une entorse à l’idéologie et aux dogmes hezbollahis. Mais le parti de Dieu n’a pas vraiment eu le choix : en cas de blocage des négociations indirectes avec Israël, la classe politique et la population libanaises l’auraient accusé d’empêcher l’économie nationale de se redresser. Il faut souligner que ces gisements de gaz supposés sont le dernier espoir des Libanais pour sortir du marasme.

    ÉLÉMENTS : La politique du verbe a ses limites. La République islamique d’Iran et le Hezbollah proclament leur solidarité avec les Palestiniens de Gaza sans porter l’estocade. Comment expliquer leur attentisme ?

    FABRICE BALANCHE. Les destructions infligées au Hamas dans la bande à Gaza ne sont un drame ni pour l’Iran ni pour le Hezbollah. Si le Hamas se fait hacher menu, les Iraniens n’y verront qu’un juste châtiment asséné à un mouvement qui les a trahis en 2011. Pendant les révoltes arabes, le Hamas avait en effet soutenu l’opposition syrienne avant de quitter Damas pour Doha. Même si son chef Yahya Sinwar s’est rapproché de Téhéran depuis, le Hamas reste un allié stratégique – et non idéologique – du régime iranien. Pour les Iraniens, un groupe arabe sunnite comme le Hamas est quantité négligeable.

    Au sein de l’« axe de la Résistance » à Israël, il y a d’ailleurs de la concurrence entre le Hezbollah et le Hamas, le premier voulant demeurer le fer de lance du front anti-israélien, alors que le second lui vole la vedette depuis le 7 octobre.

    ÉLÉMENTS : Un clivage confessionnel chiites/sunnites oppose également Hamas et Hezbollah. Comme le dénonçait le roi de Jordanie il y a déjà vingt ans, existe-t-il un arc chiite dominant le Proche-Orient ?

    FABRICE BALANCHE. Absolument. Liban, Syrie et Irak font partie du croissant chiite contrôlé par les Iraniens. Ici, la stratégie géopolitique – maintenir un corridor vers la Méditerranée – se double d’une tactique confessionnelle qui vise à placer les chiites à la tête de ces trois pays.

    Cela dit, cet axe compte un maillon faible : la Syrie, dont la population est majoritairement sunnite. C’est aussi pour cela que le régime d’Assad a poussé au départ plusieurs millions de sunnites pour renforcer son pilier alaouite. Des bases chiites sont créées en Syrie : Assad tient et quadrille le territoire grâce à l’appui de 50 000 miliciens chiites, essentiellement irakiens, fournis par l’Iran. La démographie est d’ailleurs l’une des clés du contrôle de la région par Téhéran qui puise dans le réservoir irakien constitué de 26 millions de chiites (sur 42 millions d’habitants). Dans l’espace que forment l’Iran, l’Irak et la Syrie, les partisans d’Ali sont devenus les plus nombreux grâce à une démographie très soutenue en Irak et à l’expulsion de plusieurs millions de sunnites syriens vers la Turquie, la Jordanie et ailleurs.

    ÉLÉMENTS : Cet axe chiite et son allié russe sont la cible du djihadisme sunnite. Les attentats de masse que l’« État islamique Khorasan » a perpétrés cette année à Téhéran, puis Moscou l’ont montré. Pris entre ses ennemis djihadiste et occidentaux, ce croissant n’est-il pas un colosse aux pieds d’argile ?

    FABRICE BALANCHE. Quoi qu’en dise la propagande iranienne, le djihadisme sunnite ne constitue pas un danger existentiel pour l’axe chiite. D’une certaine manière, il sert même les intérêts de l’Iran, notamment pour maintenir la famille chiite arabe de son côté. C’est très net en Irak où la menace Daech a poussé les chiites à se précipiter dans les bras de l’Iran en 2014.

    Jusqu’à un certain point, quelques attentats djihadistes ponctuels permettent enfin de faire apparaître l’Iran comme un moindre mal aux yeux des opinions publiques occidentales. Les Français savent par exemple que le massacre du Bataclan est l’œuvre de Daech, pas du Hezbollah.

    ÉLÉMENTS : Ce paysage géopolitique semble totalement chaotique. Depuis que les États-Unis se sont progressivement retirés du Moyen-Orient pour se tourner vers l’Asie-Pacifique, qui domine la région ?

    FABRICE BALANCHE. Le retrait américain est assez progressif, ce qui laisse le temps aux autres puissances d’occuper le terrain abandonné. Le Liban, la Syrie et l’Irak appartiennent clairement à la sphère iranienne désormais. En ce moment, Téhéran fait d’ailleurs pression pour que les troupes américaines quittent l’Irak et l’est de la Syrie. Les milices chiites les harcèlent en bombardant leur base. Cela entraîne des représailles américaines sur les dirigeants irakiens de ces milices, donnant ainsi un prétexte aux pro-Iraniens pour exiger leur départ. Le gouvernement irakien, proche de Téhéran, a de plein droit demandé, en janvier 2024, la fin de la présence de la Coalition internationale contre l’État islamique. Or, si l’armée américaine déserte l’Irak, ses besoins logistiques lui feront aussi quitter la Syrie. Ce départ va également profiter aux Turcs qui avancent leurs pions dans le nord de la Syrie et de l’Irak. Dans ce dernier pays, les sunnites sont abandonnés, les États du Golfe s’étant désengagés de l’Irak, ce qui redouble le danger d’une régénérescence djihadiste de type Daech.

    Dans une certaine mesure, les Russes bénéficient aussi de la situation syrienne en vertu de leur accord avec l’Iran. Mais la guerre en Ukraine limite leur capacité de projection, laissant les Iraniens se renforcer à leur détriment.

    ÉLÉMENTS : Vous ne citez pas l’Arabie saoudite de Mohamed Ben Salman dit MBS. A-t-elle renoncé à toute ambition régionale ?

    FABRICE BALANCHE. MBS donne la priorité à ses objectifs intérieurs. Il s’est sans doute résigné à l’existence de deux Yémen : un sunnite au sud et à l’est, et un chiite au nord-ouest, contrôlé par les rebelles houthis. Mais il fallait que ces derniers cessent d’envoyer des missiles sur le royaume. C’est un des aspects de l’accord que l’Arabie saoudite a conclu, au printemps 2023, avec l’Iran sous les auspices de la Chine. En contrepartie de la neutralisation des houthis, Riyad abandonne à Téhéran le Liban, la Syrie et l’Irak. Considérant que les États-Unis n’ont pas respecté le Pacte du Quincy (1945) en les empêchant d’écraser les houthis au Yémen en 2017, les Saoudiens basculent de plus en plus vers l’axe eurasiatique. Ils se sont rapprochés des Russes après avoir observé leur capacité militaire en Syrie. Avec eux, Poutine applique la stratégie de la carotte et du bâton.

    ÉLÉMENTS : Comment ?

    FABRICE BALANCHE. Si les Saoudiens ne réduisent pas leur production pétrolière pour faire remonter les cours, Poutine menace de faire intervenir les houthis ou autres groupes chiites via l’Iran pour détruire les installations pétrolières saoudiennes. Seule condition, en 2015, pour que le prix du brut hausse durablement, en raison de la baisse des cours liée à l’exploitation massive des hydrocarbures de schiste en Amérique du Nord. S’ils acceptent de restreindre leur extraction, Poutine leur propose une carotte : le partage des bénéfices de la remontée des prix. Pour comprendre l’importance de cette question, il faut rappeler que la Russie est une puissance pétrolière et gazière qui ne peut survivre que si l’or noir dépasse les 60 dollars le baril. Or, en 2014, avant l’intervention russe en Syrie, il s’était installé durablement à moins de 30 dollars et l’économie russe se trouvait au bord de la faillite. Cette stratégie contrecarre les vœux américains. Ainsi, en septembre 2022, lorsque Joe Biden a demandé à MBS d’augmenter sa production de brut, pour compenser l’embargo appliqué à la Russie, ce dernier a refusé. D’une part, il ne veut plus que Washington lui dicte sa politique. D’autre part, il craint la réaction de la Russie et de l’Iran, qui, avec le Yémen, maintiennent une épée de Damoclès au-dessus du royaume. 

    ÉLÉMENTS : Dans ce jeu de puissances, les pays arabo-musulmans paraissent se soucier comme d’une guigne de la cause palestinienne. Après six mois d’offensive israélienne à Gaza, à quel dénouement peut-on s’attendre ?

    FABRICE BALANCHE. Il est probable que les Israéliens poussent les Gazaouis vers l’Égypte. C’est en prévision de ce scénario que les Égyptiens ont construit précipitamment un deuxième mur qui isole 16 km2 de territoire égyptien, voisin de la bande de Gaza. Officiellement, il s’agirait d’une plateforme logistique humanitaire, mais en réalité cela pourrait être plutôt une zone d’accueil pour les Palestiniens. Si ces derniers venaient à être expulsés de Gaza, en l’occurrence de Rafah, ils se retrouveraient bloqués dans ce no man’s land. Pour éviter que les réfugiés du Soudan ou autre ne se déversent sur notre continent depuis le pays des pharaons, les Européens ont déjà offert 7,4 milliards d’euros au Caire pour les trois années à venir. L’Égypte précise qu’aucun bateau de migrants, depuis 2016, n’a quitté ses côtes. Mais cela pourrait se produire dans le cas d’un départ massif de la population de Gaza : après des mois de disette, d’insécurité, de bombardement et d’absence de perspective d’un retour dans leur foyer détruit, des centaines de milliers de Gazaouis n’aspirent plus qu’à émigrer. L’Égypte pourrait les placer en « résidence surveillée » dans le Sinaï et obtenir ainsi une rente de plusieurs milliards d’euros annuels, en provenance d’Europe. La somme serait bien plus élevée à ce que la Turquie reçoit pour conserver sur son sol les réfugiés syriens, car les Palestiniens possèdent une valeur politique supérieure.

    Fabrice Balanche, propos recueillis par Daoud Boughezala (Site de la revue Éléments, 8 avril 2024)

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  • Gaza, Moyen-Orient : l’escalade, jusqu’où ?...

    Pour son émission sur TV Libertés, Chocs  du monde, Edouard Chanot reçoit Pierre Conesa pour évoquer avec lui la température ne cesse de monter, lentement mais inexorablement, au Proche et au Moyen-Orient, quatre mois après l’attaque du Hamas en Israël....

    Agrégé d'histoire et énarque, Pierre Conesa a fait partie dans les années 90 de la Délégation aux affaires stratégiques du Ministère de la défense. Il est l'auteur de plusieurs essais, dont, notamment, Dr. Saoud et Mr. Djihad - La diplomatie religieuse de l'Arabie saoudite (Robert Laffont, 2016), Hollywar - Hollywood, arme de propagande massive (Robert Laffont, 2018), Le lobby saoudien en France - Comment vendre un pays invendable (Denoël, 2021), Vendre la guerre - Le complexe militaro-intellectuel (L'aube, 2022) et État des lieux du salafisme en France (L'aube, 2023).

     

                                              

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  • Le Très Grand Jeu...

    Les éditions du Cerf viennent de publier un essai d'Emmanuel Lincot intitulé Le Très Grand Jeu - Pékin face à l'Asie centrale. Historien, spécialiste de la Chine contemporaine, Emmanuel Lincot est professeur à l'Institut catholique de Paris et chercheur associé à l'IRIS.

     

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    " Comment la Chine voit-elle l'Asie centrale ? Comment cet acteur nouveau venu est-il perçu par les populations ? Qu'en est-il de leur rapprochement ? Toutes ces questions engagent directement notre avenir.

    L'échiquier tourne une nouvelle fois à la poudrière. La gloire de Samarcande s'est évanouie. Il n'est plus de Tamerlan pour déferler depuis cet océan de steppes. Néanmoins, une fois de plus, le devenir du monde se décide en Asie centrale. Avant-hier les Britanniques et les Russes, hier les Soviétiques et les Américains se sont disputés ce sas et ce pivot entre les continents. Aujourd'hui, le " Grand Jeu " continue. Avec, pour acteurs majeurs, la Chine mais aussi la Turquie, l'Iran, l'Inde, le Pakistan...
    Les civilisations se sont donné rendez-vous à ce carrefour planétaire. Les rêves impériaux sont venus y mourir. Les idéologies, le nationalisme, le communisme, le panturquisme, le panislamisme, l'ont embrasé. Son étendue désertique, hachurée de forteresses défuntes, en fait le plus énigmatique des univers culturels, à la croisée de Mahomet et du Bouddha. Désormais, l'urgence le dévore.
    Réempruntant les chemins caravaniers d'antan que recouvrent désormais les Nouvelles Routes de la Soie ouvertes par Xi Jinping, avide de capter cet espace lui offrant une inouïe profondeur stratégique, Emmanuel Lincot déchiffre ici les siècles écoulés pour décrypter les conflits contemporains.
    Qu'en est-il des pions qu'avancent Ankara, Téhéran, Dehli, Islamabad, Moscou ? Suffiront-ils à endiguer l'avancée de Pékin ? Le rêve chinois de domination à partir de ce grand plateau démentira-t-il une histoire multiséculaire ? Ou s'abîmera-t-il en cette haute terre à l'instar de tant d'hégémonies éphémères ?
    Ce livre, informé et sensible, d'un savant et voyageur amoureux de l'Asie centrale, constitue une formidable initiation à la diversité des cultes et des cultures tout en nous livrant une exceptionnelle leçon de géopolitique. "

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  • Les ambitions inavouées...

    Les éditions Tallandier viennent de publier le nouvel essai de Thomas Gomart intitulé Les ambitions inavouées - Ce que préparent les grandes puissances. Historien et directeur de l'Institut français des relations internationales, Thomas Gomart est membre des comités de rédaction de Politique étrangère, de la Revue des deux mondes et d'Etudes et est déjà l'auteur de L'affolement du monde - 10 enjeux géopolitiques (Tallandier, 2019) et de Guerres invisibles (Tallandier, 2021).

     

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    " Que savons-nous des plans échafaudés par nos partenaires et adversaires ? La guerre en Ukraine nous a brutalement rappelé qu’une décision prise par un chef d’État a un impact sur le sort de millions de personnes. Pour rompre avec une vision du monde souvent nombriliste, la France doit mieux comprendre les ambitions des autres grandes puissances. C’est l’objectif de cet essai inédit et stimulant.

    Quelle importance accorder à la foi religieuse dans les stratégies conduites par la Turquie d’Erdogan, l’Iran de Khamenei et l’Arabie saoudite de MBS ? De quelle manière les orientations
    prises par l’Allemagne de Scholz, la Russie de Poutine et la Chine de Xi Jinping reconfigurent-elles l’Eurasie ? Le Royaume-Uni et les États-Unis se définissent désormais comme des «démocraties maritimes ». Qu’en est-il de l’Inde ?

    Combinant temps long et ruptures récentes, Thomas Gomart nous invite à regarder «d’en haut» neuf grandes stratégies. Pour concevoir sa propre vision, Paris doit intégrer celle des pays
    avec lesquels elle entretient des relations cruciales tout en considérant le contexte global : réchauffement climatique, crise énergétique, conflits, innovations technologiques ou encore flux économiques et numériques. Au regard des transformations à l’œuvre, il y a urgence pour la France à repenser sa stratégie pour les décennies à venir si elle veut encore compter dans le monde. "

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  • Feu sur la désinformation... (390)

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un numéro de l'émission I-Média sur TV libertés consacrée au décryptage des médias et animée par Jean-Yves Le Gallou, président de la fondation Polémia, et Jules Blaiseau.

    Au sommaire :

    • 1 - L'image de la semaine
      En image de la semaine, une vidéo drôle captée lors d’une manifestation de soutien aux iraniennes luttant contre le port obligatoire du voile islamique. Elle implique bien sûr une élue qui nous est chère...
    • 2 - Un élu socialiste dénonce le racisme anti-blanc
      Pour notre premier sujet, nous jetons un coup d'œil à la bataille que livre Libération à CNEWS, entre accusations infondées et, peut-être, parts de vérité.
    • 3 - Revue de presse
      En revue de presse, nous allons, en plus de vous présenter l’actualité marquante de la semaine, nous concentrer sur les rouages et les mécanismes du système médiatique !
    • 4 - Lula vs Bolsonaro
      Et enfin, une petite rétrospective sur le traitement médiatique réservé aux élections brésiliennes et particulièrement à Jair Bolsonaro, le président sortant qui ne sortira peut-être pas.

     

                                                

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  • L’Iran, nouveau pion de la realpolitik chinoise...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Renaud Girard, cueilli sur Geopragma et consacré au rapprochement stratégique entre la Chine et l'Iran.

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    L’Iran, nouveau pion de la realpolitik chinoise

    Dans le jeu d’échecs planétaire qui oppose les Etats-Unis à la Chine, cette dernière vient de s’emparer d’une case importante. Le 27 mars 2021, le ministre des affaires étrangères de l’Iran s’est rendu à Pékin pour y signer un pacte de coopération stratégique avec la Chine sur 25 ans. Les Chinois réaliseront en Iran des investissements d’un montant équivalent à 400 milliards de dollars, dans les domaines des infrastructures routières, de l’énergie, des télécommunications et de la cyber-sécurité. En échange, les Iraniens offriront à la Chine un accès prioritaire à leurs ressources gazières et pétrolières, et ce à des prix 12% inférieurs à ceux du marché. La Chine a toujours cherché à sécuriser ses approvisionnements énergétiques, indispensables pour faire fonctionner « l’atelier du monde ». Un volet de coopération dans le renseignement militaire est joint à ce pacte.

    Dans certaines technologies, la Chine n’a plus rien à envier aux Etats-Unis. Dans les télécommunications, la firme chinoise Huawei a pris une avance considérable, notamment dans la 5-G. En matière de cyberguerre, la Chine court également en tête de peloton. Elle est, par exemple, parvenue à voler à Boeing les plans secrets de son avion de transport militaire C-17 Globemaster, ce qui lui a permis de construire en un temps record son appareil Xian Y-20. Qui sait cambrioler sait aussi se protéger des voleurs. Les ingénieurs cyber chinois fourniront à l’industrie nucléaire iranienne les moyens de se protéger contre les intrusions étrangères, comme celles opérées ces dix dernières années par les Etats-Unis et Israël. L’Iran vient de subir une humiliation. Le samedi 10 avril 2021, son président montrait fièrement à la télévision le lancement de nouvelles cascades de centrifugeuses, plus performantes dans l’enrichissement d’uranium. Le lendemain, par une attaque sophistiquée, Israël parvenait à paralyser le complexe de Natanz, première installation nucléaire iranienne.

    Depuis 2020, la Chine a supplanté l’Union européenne comme premier partenaire commercial de l’Iran. En effet, après le retrait il y a trois ans de l’Amérique de l’accord nucléaire avec l’Iran du 14 juillet 2015 (dit JCPOA), les firmes européennes ont toutes suspendu leur commerce avec Téhéran, par peur de représailles du Trésor américain, ou simplement par manque de banques volontaires pour effectuer les transactions.

    Par ce pacte, la Chine applique l’un des plus vieux principes de la géopolitique : « Les ennemis de mes ennemis sont mes amis ». Elle est la cible de sanctions américaines de plus en plus nombreuses, prises pour punir son indifférence aux droits de l’homme (à Hong-Kong ou au Xinjiang) ou son mépris de la propriété intellectuelle occidentale. Elle s’allie donc avec la Perse, pays économiquement et politiquement boycotté par les Américains depuis plus de quarante ans.

    Le régime théocratique chiite iranien partage l’indifférence aux droits de l’homme des hiérarques communistes chinois. Il ferme les yeux sur les politiques de rééducation forcée des musulmans ouigours de la province chinoise du Xinjiang. Après tout, ce ne sont que des sunnites, turcophones et non persanophones.

    Feu l’ayatollah Khomeiny rêvait d’emmener derrière lui les chiites et les sunnites, ensemble, vers une grande révolution islamique mondiale. La sanglante guerre civile d’Irak entre les deux communautés, commencée en 2006 et jamais éteinte depuis, a définitivement eu raison de ce rêve. Bien qu’ils maintiennent le slogan éculé de « Mort à Israël ! », de moins en moins fédérateur auprès des nations arabes, les dirigeants iraniens actuels ont compris que les chiites ne pourront jamais plus prétendre à un leadership sur l’Islam entier. Dans leur grande masse, les sunnites (un milliard et demi de fidèles dans le monde) considèrent le chiisme au mieux comme une regrettable déviation, au pire comme une hérésie punissable de décapitation immédiate.

    Réalistes, les stratèges iraniens ont concentré leurs efforts au Moyen-Orient sur les minorités chiites (ou apparentées au chiisme comme les alaouites syriens). Ils ont réussi à créer un axe Téhéran-Bagdad-Damas-Beyrouth les menant jusqu’à la Méditerranée. Cet axe est désormais offert à la Chine pour enrichir sa BRI (Belt and Road Initiative), ou Routes de la Soie. Si un jour apparaît un gazoduc reliant les rivages du Golfe Persique à ceux de la Méditerranée, on peut parier qu’il sera construit, puis entretenu, par les ingénieurs chinois.

    Comme on l’a vu dans son allocution enregistrée pour le Sommet de l’Union africaine le 5 février 2021, la stratégie diplomatique de Joe Biden est empreinte d’un néo-moralisme, qui va par exemple jusqu’à une défense intercontinentale des « droits des LGBTQ ». C’est gentil, mais sans doute pas suffisant pour stopper les grandes avancées stratégiques de la Chine, au Moyen-Orient comme en Afrique…

    Renaud Girard (Geopragma, 14 avril 2021)

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