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  • la France sera le premier pays touché par les sanctions américaines contre l'Iran...

    Invité du journal télévisé de RT France, Hervé Juvin est revenu sur les conséquences pour la France d'éventuelles sanctions élargies des Etats-Unis à l'encontre de l'Iran, notamment sur le plan économique. Économiste de formation, Hervé Juvin a publié des essais essentiels tels que Le renversement du monde (Gallimard, 2010), La grande séparation - Pour une écologie des civilisations (Gallimard, 2013), Le Mur de l'Ouest n'est pas tombé (Pierre-Guillaume de roux, 2015), Le gouvernement du désir (Gallimard, 2016)ou dernièrement France, le moment politique (Rocher, 2018).

     

                                     

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  • Dénonciation de l'accord sur l'Iran par les Etats-Unis : une opportunité historique pour l'Europe et la France ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Caroline Galactéros, cueilli sur le Figaro Vox et consacré aux choix devant lesquels se trouve l'Europe après la dénonciation par les États-Unis du traité sur le nucléaire iranien... Docteur en science politique, Caroline Galactéros est l'auteur de  Manières du monde, manières de guerre (Nuvis, 2013) et intervient régulièrement dans les médias. Elle vient de créer, avec Hervé Juvin, Geopragma qui veut être un pôle français de géopolitique réaliste.

     

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    Nucléaire iranien : «La sortie des Etats-Unis est une chance pour la France»

    Quitte ou double? L'Amérique sort de l'accord international sur le nucléaire conclu en juillet 2015 après plus de dix ans de négociations avec l'Iran. Accord sans doute imparfait mais protecteur, dont l'AIEA a garanti à 11 reprises le respect par la partie iranienne. Après le retrait de l'Accord de Paris sur le climat et la dénonciation de grands accords commerciaux, la décision hors tout mandat ou enquête de terrain de frapper la Syrie pour la punir de persister à vouloir exister - frappes auxquelles Paris a malheureusement cru bon de se joindre -, c'est un nouveau désaveu flagrant des mécanismes multilatéraux de gouvernance du monde que sont les Nations unies, leur Conseil de Sécurité et leurs agences. C'est aussi une humiliation pour les autres signataires de l'accord, dont l'engagement solidaire est foulé aux pieds en même temps que la signature américaine se démonétise drastiquement. C'est enfin un coup de force à l'attention du reste du monde occidental et plus encore de l'Europe, qui est priée de s'aligner sur cette provocation et d'en subir docilement les conséquences économiques considérables. L'Amérique ne craint pas de s'isoler en durcissant ses postures. Elle mise sur la pusillanimité et l'éclatement politique de l'Europe pour l'entraîner une fois de plus dans sa logique de repolarisation agressive autour d'elle, phare naturel autoproclamé d'un Occident en grand discrédit moral et politique.

    Une triste décision pour la paix du monde en somme. On souhaiterait que la guerre ne finisse jamais au Moyen-Orient et que l'Europe reste divisée et faible stratégiquement à jamais qu'on ne s'y prendrait pas autrement… En Iran, la société comme le pouvoir sont résilients. Le pays poursuivra sans doute l'extension de son influence régionale, notamment en Irak, autre théâtre majeur de sa confrontation avec les États-Unis. Après l'éclatante victoire politique du Hezbollah au Liban, les élections irakiennes qui approchent pourraient être en effet l'occasion de révéler l'ascendant politique et l'ancrage étatique de la milice Badr qu'appuie l'Iran. Le scrutin du 12 mai revêt donc une importance cruciale pour l'avenir du pays mais aussi de la région et les menaces de guerre civile proférées par l'ancien premier ministre Nouri al-Maliki ne sont pas à prendre à la légère.

    Crise donc, mais aussi opportunité historique pour l'Europe et la France. Car une telle démonstration de mépris et de volonté de domination doit enfin provoquer une prise de conscience dans une Europe assoupie par le consentement à la soumission et l'allégeance béate. Pour ceux, encore si nombreux, qui ne l'auraient pas compris ou refuseraient de le reconnaître, l'Amérique travaille exclusivement pour les intérêts nationaux américains, non pour le bien du monde. Et quand la réalité d'un rapport de force avec d'autres acteurs la gêne, quand le réel ne lui convient pas ou plus, alors, elle le balaie d'un revers de patte et décide seule de qui sera condamné ou sauvé. La réalité n'a plus d'importance. On met en scène, pour «l'opinion internationale», les fantasmes opérationnels qui agissent comme des leurres permettant de justifier les ambitions et les prédations utiles… Et on menace carrément les insoumis éventuels du pire. Le président américain a prévu le feu de l'enfer pour Téhéran s'il venait à reprendre ses activités d'enrichissement à des fins militaires.

    Il a aussi sans équivoque menacé les entreprises européennes comme celles du monde entier de la fermeture du marché américain et de colossales représailles financières si elles avaient l'outrecuidance de prétendre commercer avec le nouveau «Rogue state n°1» diabolisé à l'envi depuis des mois déjà, et déstabilisé sans succès l'hiver dernier. L'extraterritorialité du droit américain, plus flamboyante que jamais, se manifeste ici massivement et sans vergogne comme l'outil cardinal d'un avantage concurrentiel redoutable, permettant en l'espèce de geler un marché iranien convoité par la planète entière… en attendant que les conditions soient réunies de son exploitation juteuse et quasi exclusive par les opérateurs américains. Un changement de pouvoir à Téhéran aiderait beaucoup cette «maturation» attendue de l'économie et de la société iraniennes. D'où l'intérêt de fragiliser son président «modéré», artisan de l'accord sur le nucléaire et favorable à l'ouverture de son pays au monde, pour pousser les courants ultraconservateurs soit à la faute militaire, soit au durcissement interne avec, dans l'idéal, une réaction populaire dégénérant en révolte politique...

    L'Europe déstabilisée par le lâchage américain est face à un choix historique: se soumettre une nouvelle fois ou s'affranchir de cette tutelle de fait sur l'économie et sa maturité stratégique de l'UE. L'extraterritorialité du droit américain est-elle à jamais notre lot? Devrons-nous toujours, tels les petits animaux autour d'un point d'eau dans la savane, attendre que le lion ait bu pour oser nous désaltérer prudemment aussi? L'Europe doit sortir de l'enfance stratégique, oser la liberté qui ne signifie nullement l'hostilité, juste la conscience de nos intérêts collectifs propres. De même que Donald Trump s'y entend avec brio pour établir un rapport de force dans la négociation, l'Europe doit s'unir pour refuser le chantage à la soumission ou à l'alignement. Nous sommes certes encore loin d'une alternative monétaire viable et durable à la suprématie du dollar, mais le «contre monde» imaginé par Pékin avance… L'irrigation commerciale chinoise de l'Eurasie, de l'Europe mais aussi d'une partie de l'Afrique, du Moyen-Orient et bien sûr de l'Asie se structure. La grande bascule du monde est en route. L'Amérique inquiète, pour rassembler l'Occident sous sa bannière, joue ici un va-tout dangereux. Car, aveuglée par son hostilité structurelle et anachronique vis-à-vis de la Russie qui est un bout d'Occident à part entière, elle oublie la profondeur et les frontières réelles de cette notion, et peut progressivement se retrouver isolée face au reste du monde si l'Europe prenant conscience d'elle-même, rejoint Moscou, Pékin et leurs multiples alliés dans une résistance à l'imperium américain devenu trop désavantageux. La question iranienne n'est donc pas régionale mais bien globale.

    Dans cette tenaille désastreuse et belligène entre deux polarisations aussi invalidantes l'une que l'autre, quel doit être le rôle de la France? Que peut faire Paris aujourd'hui? Sans doute rétablir le dialogue entre Washington et Moscou, les pousser à se souvenir enfin que l'Amérique comme la Russie sont toutes deux des piliers de l'Occident chahuté par l'émergence chinoise et qu'elles ont un intérêt stratégique convergent à fait corps sinon front, face au rouleau compresseur d'une autre nature qui doucement s'articule. Une telle lucidité constructive sera difficile à obtenir de Donald Trump comme de Vladimir Poutine. Elle n'est pas immédiatement politiquement populaire sur le plan interne ni facilement explicable pour l'un comme pour l'autre. Mais la France peut et doit tout faire pour être ce canal intelligent de communication triangulaire, qui voit plus loin que les discordes ordinaires, est capable d'innovation stratégique, veut servir un apaisement global des foyers de tension et une concentration des énergies sur les vraies menaces sécuritaires.

    Dans quinze jours, Vladimir Poutine recevra le président français non à Moscou, mais très symboliquement à Saint-Pétersbourg, en miroir de la réception de Versailles et dans les habits de Pierre le Grand. La symbolique européenne est au cœur de cette rencontre. Il faut enfin saisir notre chance de refaire de notre continent un acteur stratégique à part entière utile à la paix du monde, et de la France une puissance médiatrice inégalable. Contre une telle ambition, bien des pressions s'exerceront, mais elle est à notre portée et à notre hauteur. Il faut y entraîner les Européens ou ceux du moins qui acceptent de sortir de leurs égoïsmes revanchards pour donner au rêve européen sa véritable dimension. L'Europe a besoin de sens, de cohérence, et surtout d'oser explorer sans se payer de mots, la question centrale de l'articulation de sa «double souveraineté»: celle de ses États membres et celle qu'elle a besoin d'incarner collectivement face aux autres acteurs stratégiques mondiaux. Il ne s'agit nullement ici d'une Europe qui serait «une France en plus grand». Mais Paris a l'occasion de donner ici l'impulsion initiale fondatrice d'une renaissance crédible. Si nous ne sommes pas capables de nous unir sur un tel projet, alors que tout nous en démontre l'urgence vitale, nous serons ad vitam aeternam le jouet désarticulé des offensives de division américaine, russe, turque et naturellement chinoise. Nous aurons été surtout les fossoyeurs désinvoltes de notre rêve.

    Caroline Galactéros (Figaro Vox, 10 mai 2018)

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  • L'Iran n'est pas la Corée du Nord...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous une chronique d'Éric Zemmour sur RTL, datée du 10 mai 2018 et consacrée aux conséquences de la décision des États-Unis de dénoncer l'accord sur le nucléaire iranien... 

     

                                     

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  • Syrie : qui veut (vraiment) la paix ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Caroline Galactéros, cueilli sur son blog Bouger les lignes et consacré à la question du retour à la paix en Syrie... Docteur en science politique et dirigeante d'une société de conseil, Caroline Galactéros est l'auteur de  Manières du monde, manières de guerre (Nuvis, 2013) et publie régulièrement ses analyses sur le site du Point et sur celui du Figaro Vox.

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    Syrie : qui veut (vraiment) la paix ?

     

    L'Occidental postmoderne goûte la lumière des évidences simples, la clarté des antagonismes légitimes. Il prend l'information pour de la connaissance, donne à fond dans la substitution de l'image au réel qui devient le quotidien de la politique et ne produit plus seulement une déformation du réel, mais une autre réalité. Et puis, la complexité le fatigue, le paradoxe le lasse, la mise en perspective l'égare. Il croit dans « le su parce que vu ». Il croit que les fake news tombent du ciel ou proviennent directement des enfers que seuls les bad guys et leurs hackers habitent. L'homme occidental a donc la conscience assoupie et les yeux bandés, mais sa sentimentalité exacerbée lui donne l'illusion d'avoir une conscience morale.

    Aussi bien ne voit-il aucune indécence, aucun cynisme dans la façon dont les médias occidentaux décrivent et montrent la situation militaire et humanitaire dans la Ghouta orientale. Et pourtant… La terreur bien réelle vécue par les populations civiles de cette banlieue damascène gangrénée depuis des années par les groupes djihadistes, le calvaire des enfants morts-vivants, pris sous les décombres des bombardements de l'armée syrienne appuyés par la Russie en prélude à une probable offensive terrestre dans l'espoir de réduire ce foyer islamiste qui bombarde régulièrement les faubourgs de la capitale dans un silence occidental assourdissant, sont présentés comme la marque d'une cruauté insensée, délibérée et ciblée des « forces du régime » et de ses soutiens contre la population civile effectivement prise au piège de cet affrontement sans merci. Comme si l’ogre Assad, chaque matin, réclamait à ses sicaires pour son petit déjeuner, son saoul de femmes et d’enfants démembrés et sanguinolents. Comme si ces malheureux civils étaient les cibles de ces bombardements et non les boucliers humains dont se servent impunément depuis des années les salafistes qui veulent faire tomber le président syrien et prendre le pouvoir à Damas pour le compte de leurs puissances mandataires. Des groupuscules ultraviolents qui le forcent ainsi à leur livrer son pays ou bien à faire la « guerre au milieu des populations » pour déclencher l'ire internationale et le diaboliser encore un peu plus…

    On s'est habitués au martyre au long cours du peuple syrien

    On a tellement voulu croire, et faire croire, que l'État islamique était le seul problème et qu'une fois sa réduction (relative) acquise, la guerre serait sans objet et s'étiolerait, que l'on a « oublié » qu'à côté des scories encore dangereuses de cette hydre spectaculaire se démènent toujours les groupes salafistes Al-Nosra et consorts qu'on laisse agir pour compromettre une victoire trop éclatante de l'axe Moscou-Téhéran-Ankara.

    Alors, pour ne pas parler de ce qui pose vraiment problème et nourrit le conflit, on braque les projecteurs sur une offensive gouvernementale, comme si on redécouvrait subitement que la guerre fait toujours rage et est insupportable… Pourtant, notre « coalition internationale » la mène contre le gouvernement syrien depuis 7 ans. Et l'on doit endurer les sommets de cynisme de l'ambassadrice américaine aux Nations unies qui reconnaît que « à cause de la Russie » le Conseil de sécurité « a manqué à son devoir » vis-à-vis des malheureux civils syriens en tardant à signer une résolution demandant un cessez-le-feu d'un mois. Elle ne dit évidemment pas pourquoi ce retard ! Car Moscou a voulu faire apporter quelques substantielles modifications au projet initial en excluant du cessez-le-feu les zones où sévissent encore les groupes terroristes, notamment Al-Nosra.

    La réduction militaire de l'abcès salafiste de la Ghouta devrait donc se poursuivre, les morts innocents se multiplier et nos inconscientes consciences, gargarisées de leur haute moralité abstraite et partiale, continuer de s'indigner. Quoi ? la guerre tue, est sale, injuste, laide, elle fait des victimes innocentes, surtout quand elle doit être menée au sein des populations civiles prises en otages ?

    Une indignation à éclipses pourtant depuis sept ans, mis à part quelques séquences stigmatisées comme la reprise d'Alep – alors que celle de Mossoul nous a laissés plus placides, car il s'agissait de nos bombes. Car on s'est habitués au martyre au long cours du peuple syrien. Tant que c'est à bas bruit, que ce sont nos frappes lointaines qui tonnent, que les morts que l'on fait sont « du mauvais côté » et point trop spectaculaires, on ne lève pas le nez de notre assiette. Sauf pour donner, de temps à autre, quelques leçons de morale de plus en plus inaudibles sur « le boucher Assad ennemi de son peuple » et les gentils rebelles insurgés au grand cœur qui veulent la démocratie et le bien-être de leurs concitoyens.

    De tragiques erreurs de jugement

    Cet ahurissant et persistant biais dans l'interprétation des faits a une origine. Depuis 7 ans en effet, on présente le conflit comme une lutte entre deux légitimités équivalentes qui seraient en concurrence finalement « normale » pour régir le pays. On fait comme si la Syrie n'était pas un État stable et sûr en 2011, comme si elle n'avait jamais eu de gouvernement légitime, mais un « régime » illégitime et honni, comme si c'était un territoire sans unité, un simple espace à conquérir, comme s'il ne s'agissait pas d'un pays souverain ; entré en résistance forcenée et nécessairement meurtrière, contre une agression tous azimuts venue de l'extérieur bien plus qu'aux prises avec une guerre civile, quelles qu'aient été la réalité et la légitimité des revendications politiques, sociales et économiques à l'origine des premières manifestations de 2011.

    Puis, de fil en aiguille, nous avons fini par nous convaincre de cette reconstruction des faits et par tomber dans un manichéisme dogmatique confondant, qui a déformé notre compréhension des choses et du coup a grandement affaibli notre capacité d'action. Nous avons cru que cette attitude néanmoins préserverait « nos intérêts ». Mais où en sommes-nous finalement de notre influence dans ce pays et même dans cette région dont nous nous préoccupons soi-disant tant ? Et quel poids nous accordent ceux qui dominent le jeu politique et militaire régional ?

    L'honnêteté impose d'admettre que nous sommes toujours largement hors-jeu, car nous ne voulons pas admettre nos tragiques erreurs de jugement et préférons ressasser les vieilles antiennes anti-Assad au lieu de chercher pragmatiquement à reprendre pied et langue dans le pays et à faire basculer les alliances dans le sens de l'apaisement et du compromis… dont les populations civiles seraient évidemment les premières bénéficiaires. Nous sommes malheureusement encore très loin d'une telle réforme intellectuelle et pour le coup « morale ». Alors, nous observons.

    Le trouble jeu américain

    L'affrontement Moscou-Washington bat son plein, attisé par les va-t-en-guerre néoconservateurs américains qui « environnent » fermement le président Trump et ont fait de l'Iran le nouveau rogue state à abattre. Washington veut miner la consolidation du « croissant chiite » qui traduit la renaissance de l'influence iranienne dans cette région stratégique et pour commencer, il veut que l'Iran sorte de Syrie. Les slogans très « calibrés » des récentes manifestations populaires en Iran ont clairement fait le lien entre le mécontentement « spontané » du peuple des provinces et les dépenses du pouvoir mises au service de la guerre menée en appui du pouvoir syrien. Le président Rohani ne s'y est pas trompé, qui a rappelé qu'il n'était pas comptable des fonds alloués aux gardiens de la Révolution sous tutelle du guide suprême Ali Khamenei.

    Alors, après l’échec de cette tentative de déstabilisation ou a minima de récupération d’une grogne populaire, pour pousser Moscou à lâcher son partenaire tactique iranien, l’Amérique remet une couche de sanctions (élément de chantage supplémentaire), une louche sur le délirant feuilleton du Russian probe du Procureur Mueller. Et en Syrie même, afin de contrôler les zones pétrolières de l'Est syrien pour peser sur la reconstruction économique et politique du pays, Washington s'engage militairement durablement aux côtés des Forces démocratiques syriennes (FDS) dominées par les Kurdes syriens (YPG) que Moscou ne défend pas vraiment des assauts turcs. Il semble en effet probablement plus important au Kremlin d'enfoncer un coin dans l'Alliance atlantique en laissant se développer l'affrontement Washington-Ankara à propos de ces mêmes Kurdes. L'Amérique se sert en tout cas des YPG – ce qui n'empêche pas ces derniers de demander parfois, comme à Afrin, le soutien des milices syriennes pro-Assad contre l'aviation et l'artillerie turques, car leurs liens avec le régime et l'armée sont anciens et puissants – pour empêcher de fait un règlement politique global sur lequel elle n'aurait pas la main, sachant que la Turquie, qui parraine le processus d'Astana aux côtés de Moscou et de Téhéran, ne peut admettre leur participation à un règlement politique.

    Cessons d'attiser les divisions intrasyriennes communautaires

    Parallèlement, ainsi que vient de le révéler la fuite d'un document diplomatique du Foreign Office, tout est fait pour casser le processus d'Astana (et celui de Sotchi), compromettre le succès des zones de désescalade (d'où la reprise des affrontements dans la Ghouta comme à Idlib) et redonner une crédibilité à celui de Genève, moribond et sans représentativité. À la manœuvre depuis janvier dernier, un « petit groupe américain sur la Syrie » composé des USA, de la Grande-Bretagne, de la France, de l'Arabie saoudite et de la Jordanie… Et on s'étonne que la guerre ne finisse pas ! La guerre dont il est au demeurant toujours imprudent de clamer la fin.

    Plutôt que de s'indigner stérilement de la recrudescence des combats, on ferait mieux de cesser d'attiser les divisions intrasyriennes communautaires et confessionnelles en espérant encore démembrer ce pays pour lui dicter son avenir, chacun espérant se tailler la part du lion des marchés de la reconstruction. Le sentiment national syrien n'est pas un vain mot. C'est une réalité plus vivante que jamais, fortifiée par l'épreuve de la guerre et la résilience d'un peuple multiple, mais un, qui a refusé l'atomisation qu'on lui promettait. C'est autour d'un mot d'ordre de « la Syrie unie » que l'on devrait aujourd'hui chercher à faire naître un embryon de convergence des positions des puissances intervenantes au service des intérêts véritables du peuple syrien dans toute sa diversité, et non plus des leurs.

     

    Caroline Galactéros (Bouger les lignes, 28 février 2018)

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  • Tour d'horizon... (140)

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     Au sommaire cette semaine :

    - sur Bouger les lignes, Caroline Galactéros revient sur le travail de sape mené par l'administration américaine contre l'Iran...

    Iran : la diabolisation en marche

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    - sur son site, l'Observatoire du journalisme dresse un panorama de la couverture médiatique de la crise migratoire au cours des derniers mois...

    Crise migratoire durant l’automne-hiver 2017 : encore plus !

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    - sur sa chaîne Youtube, Michel Drac analyse les événements de la fin de l'année 2017...

    La vraie actu !

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  • L’Iran, puissance montante en Orient...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue du journaliste Nicolas Gauthier, cueilli sur Boulevard Voltaire et consacré la montée en puissance de l'Iran et au conflit entre chiites et sunnites...

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    L’Iran, puissance montante en Orient : panique à Riyad, sang-froid à Tel Aviv…

    Au-delà des emportements du moment, il y a le temps court et le temps long. L’adversaire conjoncturel et l’ennemi structurel. En cette heure du tout-médiatique, l’émotion a trop tendance à prendre le pas sur la réflexion. Phénomène qui aggrave plus encore les travers d’une doxa dominante, toujours plus prompte aux concepts binaires qu’à la pensée à long terme.

    Un tel état d’esprit n’épargne pas plus la gauche que la droite. L’une considère que les forces de la réaction identitaire marcheraient en rangs serrés, forte d’un plan ourdi de longue date ; la seconde estime qu’une oumma aussi fantasmée que fantasmatique s’apprêterait à présider les destinées du monde, obéissant à on ne sait quel génial stratège enterré sous la montagne, qui manipulerait attentats terroristes et invasions migratoires.

    La réalité est fortuitement moins lyrique, telle qu’en témoigne par exemple une actualité irano-saoudienne riche d’enseignements. Et qui nous démontre, une fois de plus, que le fameux choc des civilisations entre Occident et Orient, islam et chrétienté, relève plus du slogan de circonstance que d’autre chose. Ce qui n’empêche pas d’autres personnes, par calcul politicien ou aveuglement politique, de jouer de ce totem, espérant qu’à force d’invoquer le Diable, on puisse finir, tôt ou tard, par le faire apparaître.

    En l’occurrence, de quoi est-il question ? Une fois et encore de l’ancestrale lutte entre les deux branches majeures de l’islam, sunnites et chiites. L’occasion de rappeler, une fois de plus, que les guerres religieuses les plus sanglantes sont les guerres internes menées contre les hérétiques – catholiques contre protestants – et non point celles que l’on déclare à une religion concurrente. Dans ce conflit, deux pôles majeurs, Riyad et Téhéran. La première entend régenter le monde sunnite, tandis que la seconde a la ferme intention de fédérer les chiites de la région. Et c’est ainsi que, dans cet affrontement larvé, l’Iran est en passe de donner corps au pire des cauchemars de l’Arabie saoudite ; soit ce croissant qui va désormais de Téhéran à Beyrouth dont la double faute consiste à professer un islam hérétique et, pis, de n’être pas arabe.

    Dans Le Figaro de ce lundi, notre confrère Georges Malbrunot note, avec pertinence : « Dans cette guerre, le modèle iranien est incontestablement plus efficace. Il repose sur des milices locales, parfois plus puissantes que les armées nationales. Le génie iranien est d’avoir su tisser un réseau de relais locaux qui permet à Téhéran de contrôler sans avoir besoin d’être massivement déployé sur place. » Pour un peuple ayant inventé le jeu d’échecs, cela ne relève pas exactement de l’exploit ; ce, d’autant plus qu’il est favorisé en cette manœuvre par trois facteurs majeurs.

    L’impéritie militaire, diplomatique, politique et économique du rival saoudien. Le retrait des USA de la région et le retour en force de la Russie. Et, surtout, l’attentisme bien compréhensible de l’État hébreu. On peut encore y ajouter le fait que Riyad n’est pas la capitale la plus à même de négocier dans un contexte post-terroriste, alors qu’elle est celle ayant le plus appuyé ces mêmes mouvements, aujourd’hui en déroute. Remarque qui vaut, d’ailleurs, aussi pour l’Occident en général et Israël en particulier.

    Pourtant, cette dernière nation se montre finalement la plus lucide sur ce dossier brûlant, à en croire cette passionnante tribune publiée dans The Jerusalem Post : « Le désengagement des États-Unis au Moyen-Orient laisse le champ libre à Téhéran. » Dans cette dernière, on prend ainsi acte du récent rapprochement américano-russe : « Cet accord inattendu entre les deux grandes puissances porte le coup de grâce à la résurrection de la grande alliance contre l’Iran des pays sunnites pragmatiques. »

    Et c’est ainsi que, pendant que Riyad lèche ses plaies, que Téhéran pousse ses pions, Tel Aviv en est réduit à compter les points. Un arbitre qui menace certes de siffler la fin de la partie, mais qui n’a pas plus les moyens que l’envie de s’en prendre directement à un Iran en train de réaliser le but qui a toujours été le sien depuis des siècles ; à savoir renouer avec l’Empire perse de jadis. Temps long, disions-nous…

    Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 28 novembre 2017)

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