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  • Quand Washington attaque un état souverain...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Caroline Galactéros cueilli sur Marianne et consacré à l'attaque perpétrée en Irak par l'armée américaine contre le général Qassem Soleimani, haut-dignitaire iranien. Docteur en science politique, Caroline Galactéros est l'auteur de  Manières du monde, manières de guerre (Nuvis, 2013) et intervient régulièrement dans les médias. Elle a créé en 2017, avec Hervé Juvin, entre autres, Geopragma qui veut être un pôle français de géopolitique réaliste.

     

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    Iran-USA : l’élimination de Soleimani, “acte de guerre direct de Washington contre un État souverain”

    Après moi le déluge“. Ce pourrait être le prochain tweet de Donald Trump. Car les vraies motivations et calculs du président américain pour décider de l’assassinat du général Soleimani commandant la Force Al-Qods des Gardiens de la révolution iraniens, et au passage de Abou Mahadi al Muhandis, numéro deux de la milice chiite Kataeb Hezbollah (l’une des composantes principales des unités de mobilisations populaires irakiennes que contrôlait le Général Soleimani) ne sont pas forcément, et en tout cas pas uniquement, celles que l’on croit. Ses calculs se révèleront-ils justes in fine ? Nul ne peut aujourd’hui le dire. Il est en revanche possible de tirer un certain nombre d’enseignements de cette attaque.

    Attaque contre un état souverain

    C’est la première fois depuis longtemps que l’Amérique supprime, non un terroriste paria ou un has been comme Obama a tué Ben Laden en 2011 ou Trump lui-même a fait supprimer Al Baghdadi en 2019. Comparaison n’est ici pas raison. Qassem Soleimani était un membre éminent des forces armées officielles de la République islamique d’Iran, donc de l’appareil d’État. Il travaillait à visage découvert pour la puissance et l’influence de son pays.

    Son élimination est donc, sans équivoque aucune, un acte de guerre direct de Washington contre un État souverain, non une attaque opportuniste contre un homme ordinaire ou en rupture de ban, que l’on peut mener car l’occasion s’en présente, mais, à travers lui, une agression de très forte portée symbolique contre une nation traitée comme ennemie, et aussi contre une autre nation, prétendument amie celle-là : l’Irak. C’est un peu comme si Téhéran venait d’assassiner le chef d’état-major des armées américaines. On ne fera pas l’injure de jauger l’intelligence de cette décision : frapper l’État et le pouvoir iraniens en leur cœur en éliminant un héros de la guerre Iran-Irak qui incarnait la résistance opérationnelle victorieuse et pleine de panache face au “Grand Satan” et en faire ipso facto et à jamais un martyr : bien joué…

    Dans la foulée de ce mémorable succès, un déluge de fake news s’est naturellement abattu sur la presse américaine : Soleimani était “un meurtrier de masse, responsable de la mort de centaines de soldats américains depuis 2003 grâce à sa tactique popularisée des IED…. Il aurait le sang des 500 000 morts syriens sur les mains…“, l’Amérique étant naturellement, quant à elle, et comme chacun sait, le parangon de la paix internationale… N’en jetons plus ! Cette rhétorique est aussi ridicule qu’indécente. Si c’était son homologue américain, britannique, israélien ou français que l’Iran avait neutralisé, le caractère illégal et extraterritorial de cette élimination n’en serait pas moins avéré. Le Général Soleimani faisait son travail, très exactement comme ses pairs étrangers. Il ne déstabilisait pas le Moyen-Orient en cherchant à y promouvoir l’influence iranienne sauf à penser que la domination écrasante des monarchies du Golfe et de leurs supplétifs islamistes radicaux qui mettent à feu et à sang la région depuis plus de vingt ans, sont des éléments de stabilité. Ce renversement pur et simple des faits qui mise sur l’ignorance et le grégarisme des foules occidentales tient du cynisme le plus achevé.

    Le terrorisme qui frappe nos concitoyens et noyaute nos sociétés n’est pas chiite mais sunnite. Qassem Soleimani, figure éminente du courant conservateur et militariste du régime iranien, menait une guerre d’influence comparable à celle que nos nations occidentales – au premier chef desquelles les Etats-Unis – conduisent dans le monde entier sans que personne ne s’en offusque alors que des régions entières en font les frais et sont déstabilisées à un titre ou à un autre. Depuis la nuit des temps, chaque pays avance ses intérêts, à plus ou moins n’importe quel prix, surtout s’il se croit au-dessus des lois internationales. Il en va de même de tous les services secrets de tous les États du monde, qui travaillent presque toujours dans l’illégalité ou sous double visage. L’illégalité de l’assassinat du Chef d’Al-Qods ne tient donc pas à sa personne, mais à la méthode (décision unilatérale, sans aucun mandat onusien ni aucune concertation des alliés, etc…) et au total mépris de la souveraineté irakienne qu’elle a manifesté. Ce n’est donc pas l’Iran qui déstabilise le Moyen-Orient, ce sont les Etats-Unis, qui sont passés maitres en cette manœuvre depuis des décennies et ne supportent pas qu’on les contre.

    Les objectifs de l'attaque

    Quelle que soit la fureur et les délires de la guerre de la communication, l’avenir dira si le calcul politique de Donald Trump en autorisant cette opération aura été payant. Une chose est d’ores et déjà certaine : cette nouvelle répétition des erreurs tactiques et stratégiques américaines depuis près de vingt ans aura de dramatiques conséquences régionales et globales.

    Car l’élimination du Général Soleimani et du numéro deux de la principale milice chiite irakienne a deux objectifs principaux qui n’ont que peu à voir à mon sens avec une préoccupation altruiste pour la stabilité du Moyen-Orient :

    A – C’est un piège anti-Démocrates. La vraie cible de Donald Trump est là. En plein impeachment, le président en campagne ressoude le pays autour de lui et oblige ses adversaires démocrates à suivre son élan de mâle alpha sous peine de passer sinon pour des antipatriotes, des faibles… et de perdre les soutiens financiers saoudien et même qatari primordiaux pour leur campagne présidentielle.

    De ce point de vue, même si le camp démocrate essaie de discréditer la décision présidentielle, l’assassinat de Soleimani est une très bonne opération de politique intérieure. Donald Trump vient de montrer à son électorat que l’Amérique était forte et qu’il incarnait seul cette force. Au moment précis où tout est fait pour l’abattre, où ses adversaires essaient de le noyer sous d’interminables et médiocres procédures, lui garde le bon niveau, assume ses responsabilités de gendarme du monde et s’occupe de la sécurité de l’Occident tout entier en supprimant sans autre forme de procès un fauteur de troubles redoutable. Le caractère primaire du raisonnement ne laissera jamais d’étonner : l’Amérique ne serait forte que lorsqu’elle fait la guerre ? Pourtant elle les perd toutes… Comme vient de le redire candidement le secrétaire d’Etat Mike Pompeo, “ne rien faire revient à se montrer faible” ? Donc on fait n’importe quoi… Un ange passe, mais le Président, après l’attaque, n’oublie pas de tweeter… un drapeau américain !

    Il ne faut toutefois pas oublier que cette déclaration de guerre à l’Iran, quelles que soient les formes prises, correspond aussi à ce que veulent, attendent et préparent le Pentagone et la CIA depuis des années. Ainsi, Donald Trump, qui à bien des égards est prisonnier depuis plus de deux ans de la Maison Blanche et du Deep state américain, entre ici en convergence objective avec eux. Peut-être pour la première fois. Et c’est là encore un bon calcul politique dans la perspective de la présidentielle de novembre prochain.

    B – Cette action illégale et extraterritoriale traduit aussi une nouvelle crispation de l’Empire en déroute, qui veut forcer les Européens à se réaligner sur ses oukases et à renoncer à toute velléité d’indépendance par rapport à Washington (indépendance par rapport à l’OTAN ou énergétique, pour ne citer que ces deux aspects). 

    Les États-Unis ont finalement compris que, plus de quinze ans après leur invasion de l’Irak, le pays était en passe de leur échapper et de passer définitivement sous tutelle iranienne après l’échec des manifestations de la jeunesse irakienne reprise en main par le général Soleimani en personne. L’homme incarnait leur échec. Il fallait d’urgence reprendre l’Irak à l’influence de Téhéran et, avant qu’il ne soit trop tard, faire rebasculer la situation à leur avantage. C’était du moins le plan…

    En tuant Soleimani, ils ouvrent cependant à l’Iran le monde entier comme théâtre de représailles et globalisent l’affrontement en le sortant de sa logique régionale. Ils impliquent potentiellement tous leurs alliés en leur demandant de choisir : “Avec nous ou contre nous”. On se croirait en septembre 2001. Vous êtes contre notre approche ? Vous êtes donc pour le terrorisme ! Qui osera alors désobéir ? Mike Pompéo estime d’ailleurs que l’Europe s’est globalement montrée “inutile” dans le lancement de l’opération. La règle sur les doigts que nous tendons piteusement comme d’habitude.

    Plus largement, l’assassinat de Qassem Soleimani est un nouvel exemple de l’extraterritorialité américaine et du mépris souverain dans lequel l’Amérique tient le reste du monde, la Charte des Nations Unies, le droit international, les outils du multilatéralisme et toute limite légale ou légitime mise à sa volonté de puissance.

    Or, toute l’histoire des relations internationales démontre que l’approche punitive, la diabolisation, les sanctions et les attaques unilatérales sont toujours politiquement contreproductives. On ne coupe jamais ainsi une population de son régime, aussi dur et inique fût-il, car le chantage est une pratique insupportable à tout peuple dont l’âme est souveraine. L’avilissement moral et culturel des nations européennes, la faillite de l’idée même de la souveraineté en Europe, leur ont fait croire que l’on pouvait acheter les consciences et les comportements politiques partout dans le monde, par l’argent, l’intimidation, la prise en otage sécuritaire ou économique d’un peuple pour le contraindre à lâcher ses gouvernants. C’est une illusion post moderne et un calcul qui se révèlent immanquablement faux (Irak, Syrie, Libye, Russie, Iran…). La répétition entêtée de cette approche manifestement perdante laisse songeur : soit on ne comprend rien, soit on veut que la situation s’envenime, ce qui est bien plus probable.

    Par ailleurs, la recherche de la guerre, de son prétexte, de son occasion, reste une quête permanente des administrations américaines démocrates comme républicaines, à de très rares exceptions près, et jamais très longtemps. Les États-Unis confondent la guerre et la vengeance. Ils ne font pas de compromis, n’estiment que la force et cherchent l’escalade avec une lanterne. Ils s’imaginent que la riposte à une blessure de souveraineté ne vaut que pour eux. Mais les États et les peuples, mis à part peut-être certaines nations européennes émasculées et repentantes, ont tous les mêmes réflexes presque reptiliens de regroupement et de résistance ! Une attaque spectaculaire et inique qui met leur pouvoir politique en danger les soude. Ce fut le cas des attentats du 11 septembre 2001 qui permirent à George W. Bush de lancer une formidable “guerre contre la terreur” mais aussi d’engager une opération de contrôle intérieur sans précédent au nom de la lutte antiterroriste.

    Cette fois-ci, la séquence a été la suivante :

    1. Mai 2018 : Sortie unilatérale des Etats-Unis du JCPOA
    2. Pusillanimité puis alignement de l’Europe sur les orientations américaines
    3. Echec d’INSTEX, le “mécanisme européen” de contournement des sanctions américaines contre l’Iran mis en place en janvier 2019 mais jamais en musique
    4. Mai 2018 : Transfert de l’ambassade américaine de Tel Aviv à Jérusalem
    5. Mai-août 2019 : Crise du détroit d’Ormuz
    6. Octobre 2019 : Occupation du Golan Syrien par Israël (feu vert de DT en mars)
    7. Septembre 2019 : Reprise des opérations d’enrichissement par Téhéran
    8. 27 décembre 2019 : Mort d’un Contractor américain en Irak
    9. 29 décembre : Mort de 25 miliciens chiites en Irak
    10. 31 décembre : Attaque de l’ambassade américaine à Bagdad
    11. 2 janvier 2020 : Frappe de drone américain en plein Bagdad sur le convoi du général Soleimani
    12. 3 janvier : Nouvelle série de frappes américaines sur les Unités de Mobilisation Populaires irakiennes (Démentie à ce jour par l’armée irakienne)

    Une faute tactique

    Le peuple iranien, que l’on pouvait croire en partie las de la poigne du régime et de l’échec de l’ouverture du pays à la coopération internationale, est désormais rassemblé derrière ses dirigeants politiques militaires et religieux. Il a compris combien la menace américaine était concrète. Le parlement Irakien vient de voter le départ des troupes américaines qui étrangement se renforcent de 3 500 marines prudemment déployés pour l’heure au Koweit. Le pouvoir de Bagdad et la rue irakienne, majoritairement chiite, vont coller à Téhéran perçu de nouveau comme leur protecteur ultime. Les leaders politiques et religieux iraniens et irakiens (notamment le grand Ayatollah Ali Sistani) sont de nouveau en situation d’idylle forcée, et le peuple va suivre bon gré, mal gré.

    Rappelons en effet que c’est en Irak que la confrontation irano-américaine est la plus directe et la plus forte. L’Irak va donc revenir dans le camp iranien. L’élimination du Commandant de Al-Qods et les frappes contre les plus puissantes milices chiites signent l’annihilation de tous les efforts américains pour désolidariser ce pays stupidement abandonné, par anti saddamisme primaire, aux chiites en 2003 et donc à l’influence iranienne. Les Iraniens voulaient que la rue irakienne rentre chez elle et que les troupes américaines s’en aillent ? Washington vient de les aider considérablement. Ils vont pouvoir ramener au bercail la jeunesse irakienne chiite qui semblait dans les récentes émeutes vouloir secouer le joug de Téhéran. Tel un “deus ex machina“, le Général Soleimani était lui-même récemment venu au cœur de Bagdad pour la ramener à la raison et désamorcer cette rébellion.

    Même si Qassem Soleimani était la créature du Guide suprême Ali Khamenei et son instrument contre les modérés partisans de l’ouverture de l’Iran au monde occidental, le poids croissant des Gardiens de la Révolution, de la force al-Qods et de son chef sur le pouvoir politique et religieux comme au sein de l’appareil d’Etat iranien était devenu si fort au fil des années que certains pensaient que la mort du Guide suprême ouvrirait une phase de reprise en main militaire du régime théocratique. Paradoxalement, son assassinat constitue donc une baisse objective de pression sur les religieux. Sinon une bonne nouvelle, du moins l’occasion d’une reprise en main de “la créature” à travers une nouvelle figure de proue intransigeante, mais moins flamboyante et charismatique. Toutefois, Esmail Qaani, numéro 2 de la Force Al-Qods, immédiatement nommé par le guide suprême Ali Khamenei, est aussi un “dur” farouchement et ouvertement anti-américain depuis 2016. Continuité inquiétante, mais attendue. Le Général Qaani aura d’autant plus à faire qu’en tuant Soleimani, l’armée américaine ouvre tragiquement la porte à une résurgence en Irak de l’État Islamique dont le chef d’Al Qods était l’un des plus fervents et efficaces ennemis. Au-delà de l’écran de fumée jeté par Washington pour justifier son acte, c’est l’Irak qui est désormais de nouveau livré sans états d’âme au véritable terrorisme, celui de l’Islam sunnite radical d’al-Qaeda et de Daech. C’est l’aveu d’une convergence d’intérêt tactique entre USA et l’État islamique contre Téhéran (et cela explique d’ailleurs aussi les accords passés par Washington avec les Talibans afghans et le blanc-seing donné à Erdogan en Syrie et désormais en Libye) et d’une claire indifférence américaine pour le sort des populations civiles locales.

    Il faut en effet relever la concomitance de l’opération américaine avec l’offensive turque lancée au même moment en Libye au secours du gouvernement légal de Tripoli, même s’il est à ce stade prématuré d’en tirer de claires conclusions. A son habitude, Erdogan avance ses pions sur tout l’échiquier et se sert de la concentration américaine sur l’Iran pour mener sa barque vers la Tripolitaine et gêner à la fois Moscou et Téhéran qui soutiennent le Maréchal Haftar aux côtés de l’Arabie saoudite – des Émirats arabes unis, de l’Égypte. On ne peut que redouter que la situation ne s’aggrave considérablement avec ce nouvel entrant officiel en appui du pouvoir officiel de Sarraj, sans représentativité populaire et fragilisé par sa compromission avec les milices islamistes. La stabilisation de la Libye n’est pas pour demain.

    L’assassinat du général Soleimani aura donc été une faute tactique majeure à l’impact stratégique potentiellement dévastateur. L’opération américaine précipite en effet ce que l’Amérique redoute le plus : la consolidation de l’axe russo-sino-iranien d’opposition à l’ordre occidental (cf. leurs manœuvres militaires récentes conjointes dans le Golfe persique), et renforce la lutte entre wahhabites et Frères musulmans. C’est aussi une illustration supplémentaire du caractère parfaitement inopérant du manichéisme et du moralisme cynique en relations internationales. On a changé de décennie, malheureusement pas d’état d’esprit. La nouvelle année pourrait être celle de tous les dangers. La guerre approche. Elle ne sera pas forcément ouverte, même si Israël n’attend qu’un feu vert américain, même discret, pour lancer des attaques décisives contre les installations nucléaires iraniennes.

    Comment va riposter le pouvoir de Téhéran ? Probablement pas par des attaques frontales qui signeraient l’enclenchement d’une campagne aérienne dont il ne pourrait sortir militairement vainqueur. On peut redouter que le détroit d’Ormuz ne redevienne extrêmement dangereux, comme l’Irak, La Libye, la Syrie, le Liban et naturellement le malheureux Yemen. Bref, c’est toute la région qui replonge dans les abysses de la violence, sans parler du tragique fortifiant donné à Daech toujours en embuscade. Ce n’est que la suite logique d’une politique étrangère manichéenne et cynique faite d’anathèmes et d’injustice profonde et prisonnière d’un littéralisme qui n’a rien à envier à celui des religieux ultras que l’on dénonce comme rétrogrades ou obscurantistes.

    Quelles conséquences ?

    En fait, tout va dépendre une fois encore largement de la posture russe et de l’arbitrage du président Poutine face au franchissement américain d’une ligne rouge. Pour Moscou, il ne s’agit pas tant de défendre Téhéran que d’empêcher l’Amérique de continuer à se moquer ouvertement du reste de la planète et d’annihiler les lambeaux d’une gouvernance mondiale en grande souffrance. C’est elle en effet, non l’Otan, qui est “en état de mort cérébrale” ! A l’instar de l’UE qui, en pleine crise de servilité aggravée, attendrait parait-il, “les instructions” de Washington pour savoir à quelle sauce nos sociétés pétrolières impliquées dans le chantier North Stream 2 seront dévorées du fait d’une nouvelle salve de sanctions américaines votées par le Congrès pour contrôler “au nom de la sécurité énergétique européenne” (sic !) la fourniture de gaz de l’Europe et lui imposer son GNL. On croit rêver….

    Moscou prend ainsi le rôle de pivot dans la crise. La Russie est plus que jamais une puissance globale renaissante avec laquelle il faut compter et composer. Sans même évoquer le missile balistique hypersonique russe Avangard (annoncé le 27 décembre par le ministre de la défense russe), qui confère, comme d’autre nouvelles armes russes, une protection potentielle redoutable à ses protégés, on ne peut ignorer que le sort de l’Iran dépendra grandement du statut que va lui accorder Moscou dans cette guerre des signaux à l’échelle planétaire. Selon que le président Poutine condamnera l’opération américaine avec une grande vigueur ou en demi-ton, l’axe de puissance alternatif au troupeau occidental regroupé derrière la sanglante bannière de Washington prendra du muscle et du poids… ou demeurera susceptible d’aménagements. Le premier scénario serait désastreux pour Washington. Le second est plus probable, du moins à court terme. La Russie ne se considère pas comme une simple puissance régionale à l’instar de l’Iran ou de la Turquie, mais comme un acteur global. Elle n’a aucun intérêt à se trouver liée aux mésaventures iraniennes. Elle pratique une politique du dialogue maximal avec tous les acteurs, pour consolider son statut de médiateur et de protecteur de la légalité internationale. C’est d’ailleurs principalement la violation américaine caractérisée du droit international qu’elle a dénoncée après l’assassinat dans une déclaration prudente. Par ailleurs, en tant qu’ancien “Grand” et membre permanent du Conseil de Sécurité, Moscou a à cœur de maintenir un canal de dialogue sur un pied d’égalité avec Washington qui lui permet de briser le tête à tête humiliant pour elle de Washington et Pékin.

    La France est elle aussi puissance nucléaire et membre permanent du Conseil de Sécurité des Nations Unies. Notre pays a en conséquence une responsabilité particulière dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales. Nous devons donc, en toute logique, nous placer résolument aux côtés de l’Iran au nom de la légalité internationale et de la sauvegarde impérieuse du multilatéralisme dont les lambeaux demeurent les ultimes protecteurs de la sécurité collective internationale.

    Notre réaction était attendue. C’est d’abord le président Macron en personne qui aurait dû réagir, non l’un de ses secrétaires d’État adjoints. Et puis surtout, au lieu de s’aligner une fois encore benoitement sur les positions américaines simplement indéfendables, il fallait nous désolidariser de cette rhétorique délirante sur le terrorisme iranien, commode défausse pour faire oublier l’alliance avec l’Arabie saoudite et le dramatique encouragement donné de nouveau à Daech. Il ne sert à rien de se lamenter sur notre aura perdue et notre influence internationale en déroute si l’on ne sait pas montrer notre indépendance de jugement et d’action et notre esprit de responsabilité en d’aussi graves circonstances. Si la France veut encore être prise au sérieux sur la scène du monde, nous n’avons qu’une réaction possible : dénoncer haut et fort cet assassinat extraterritorial et parfaitement illégal, un geste de guerre américain dont les motivations intérieures mettent en danger toute la région et au-delà l’équilibre international. La ficelle est si grossière qu’elle en devient insultante, même pour les plus complaisants des alliés américains. Surtout, elle porte un grave préjudice à l’atmosphère de respect minimal qui doit impérativement revenir pour espérer faire retomber la tension. Pour la France, le courage consiste donc à se désolidariser de l’escalade qui est bien américaine, au lieu d’appeler la force Al-Qods à cesser ses “activités déstabilisatrices” et l’Iran à “s’abstenir de toute escalade militaire susceptible d’aggraver encore l’instabilité régionale”

    C’est le monde à l’envers ! Donald Trump vient de menacer Téhéran d’attaquer 52 cibles iraniennes pas uniquement militaires en cas de riposte à ses frappes meurtrières. Le conseiller militaire du Guide Suprême a lui fait preuve de retenue en prévenant que les représailles porteront exclusivement sur ces cibles militaires. C’est enfantin. C’est naïf. C’est mal connaitre son adversaire et l’acculer dangereusement. L’unilatéralisme belliqueux n’est pas acceptable car nous tous paierons le prix de l’aventurisme américain. Les croisades punitives ont fait la preuve de leur inefficacité depuis des lustres. Le président français a une occasion historique, comparable à celle du président Chirac en 2003, de montrer qu’il sait réfléchir et décider en toute indépendance, à long terme et pour les stricts intérêts nationaux de son pays. Il en va aussi de notre honneur. Il peut et doit initier immédiatement une coalition des nations de bon sens contre l’engrenage proposé par Washington et refuser tout alignement direct ou indirect, quelles que soient les pressions ou critiques. Si les Etats-Unis veulent s’engager dans une guerre, qu’ils en assument seuls la responsabilité ou trouvent des alliés serviles ou intéressés pour les suivre dans cette aventure inique. La France n’en sera pas. Peut-être est-il aussi grand temps d’aller à Téhéran rencontrer le Guide pour lui redire notre attachement à la paix et notre détermination à aider son pays. Et le faire.

    Caroline Galactéros (Marianne, 8 janvier 2019)

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  • La 4e guerre mondiale a bien commencé !...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Michel Geoffroy cueilli sur Polémia et consacré aux conséquences de  l'assassinat par les Américain du général Soleimani, homme-clef du régime iranien. Ancien haut-fonctionnaire, Michel Geoffroy a récemment publié La Superclasse mondiale contre les peuples (Via Romana, 2018).

     

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    Assassinat du général Qassem Soleimani : la 4e guerre mondiale a bien commencé !

    L’assassinat du général iranien Qassem Soleimani, revendiqué par les Etats-Unis, apporte une nouvelle preuve que la quatrième guerre mondiale a bien commencé. Nous sommes en effet entrés dans la quatrième guerre mondiale, qui a succédé à la troisième – la guerre froide. C’est une véritable guerre des mondes car elle voit s’opposer différentes représentations du monde et aussi parce qu’elle a la stabilité du monde pour enjeu.

    Le monde unipolaire contre le monde polycentrique

    Cette guerre oppose avant tout les Etats-Unis, de plus en plus souvent alliés à l’islamisme, qui ne comprennent pas que le monde unipolaire a cessé de fonctionner, aux civilisations émergentes de l’Eurasie – principalement la Chine, l’Inde et la Russie – qui contestent de plus en plus leur prétention à diriger le monde.

    Les Etats-Unis, bras armé de la super classe mondiale, veulent en effet maintenir leur rôle dirigeant mondial, acquis après la chute de l’URSS, car ils continuent de se voir comme une « nation unique », comme n’avait pas hésité à l’affirmer encore le président Obama devant une assemblée générale des Nations Unies stupéfaite !

    Même affaiblis, ils entendent conserver leur hégémonie par n’importe que moyen, y compris militaires. Avec leurs alliés occidentaux transformés en valets d’armes, ils font donc la guerre au monde polycentrique, c’est-à-dire aux cultures, aux civilisations et aux peuples qui ne veulent pas d’un monde unidimensionnel.

    Monde unipolaire versus monde polycentrique, voilà la matrice de la quatrième guerre mondiale.

    La dé-civilisation occidentale

    Ce que l’on nomme aujourd’hui l’Occident, correspond à un espace dominé et formaté par les Etats-Unis, et n’a plus qu’un rapport lointain avec la civilisation qui l’a vu naître, la civilisation européenne.

    L’Occident aujourd’hui correspond à l’espace qu’occupe l’idéologie de l’américanisme : le matérialisme, l’individualisme fanatique, le culte de l’argent, le multiculturalisme, le féminisme hystérique, le messianisme, l’idéologie libérale/libertaire, et une certaine appétence pour la violence, principalement.

    Cet Occident fait la guerre aux autres civilisations, y compris à la civilisation européenne, car les « valeurs » qu’il se croit en droit de promouvoir partout par la force, sont en réalité des antivaleurs, des valeurs mortelles de dé-civilisation. Pour cette raison aussi, la civilisation européenne entre en décadence, alors que la plupart des autres civilisations renaissent au 21ème siècle

    La quatrième guerre mondiale recouvre donc un affrontement civilisationnel : le choc entre les civilisations renaissantes de l’Eurasie et la culture de mort véhiculée par l’américanisme.

    Et ce choc contredit la croyance cosmopolite en l’émergence d’une unique civilisation mondiale.

    Le mythe américain de la paix démocratique

    Depuis la chute de l’URSS, les Etats-Unis sont passés d’une stratégie d’endiguement du communisme à une stratégie d’élargissement de leur modèle de société à tous les peuples, comme l’a annoncé sans détour Bill Clinton devant l’Assemblée générale des Nations Unies en 1993 : « Notre but premier doit être d’étendre et de renforcer la communauté mondiale des démocraties fondées sur le marché » [1].

    Cette stratégie expansive correspond à la croyance dans la « paix démocratique » selon laquelle les Etats démocratiques seraient pacifiques par nature et parce que le modèle américain serait profitable à tous.

    Mais, comme le souligne Christopher Layne [2], il s’agit d’une illusion : car rien ne vient confirmer que l’instauration de la démocratie au niveau d’un Etat annule les effets structuraux de la pluralité contradictoire des puissances et des intérêts au plan international.

    Mais, surtout, la croyance dans la paix démocratique conduit nécessairement à souhaiter le renversement des Etats « non démocratiques » – les Etats-voyous selon le langage imagé nord-américain contemporain – pour que   des démocraties leur succèdent. Mais cette présomptueuse volonté de changement de régime [3] – qui a beaucoup de points communs avec l’islamisme implique une ingérence conflictuelle dans les affaires intérieures des autres Etats.

    L’impérialisme de la démocratie n’a donc rien à envier au plan belliqueux à tous les autres impérialismes et ce n’est pas un hasard si dans leur courte histoire, les Etats-Unis ont été si souvent en guerre [4] !

    La guerre chaotique occidentale

    La quatrième guerre mondiale se déroule pour le moment principalement dans l’ordre géoéconomique : elle a pour enjeu la maîtrise des ressources énergétiques mondiales et celle des flux économiques et financiers et notamment la remise en cause de la domination du dollar, instrument de la domination globale des Etats-Unis puisqu’il leur permet de financer facilement leur arsenal militaire démesuré.

    Mais elle se déroule aussi sur le terrain des guerres infra-étatiques et des « guerres civiles » internationalisées car commanditées de l’extérieur.

    Depuis la fin du bloc soviétique, les Occidentaux, emmenés par les Etats-Unis, n’ont eu de cesse en effet d’encourager la destruction chaotique des puissances susceptibles de contrer leur projet de domination mondiale. Il s’agit de créer partout des poussières d’Etats impuissants et rivaux en application du vieux principe « diviser pour régner » !

    La destruction de la Yougoslavie (1989-1992), suivi de la guerre illégale de l’OTAN au Kossovo (1998-1999) a constitué le coup d’envoi de la quatrième guerre mondiale.

    Ces conflits ont contribué à affaiblir la périphérie de la Russie et aussi, par contre coup, à déstabiliser l’Union Européenne : désormais ingouvernable à 28 ou à 27 états et dirigée de fait par une Allemagne atlantiste, l’Union Européenne, ne compte quasiment pas sur la scène internationale comme acteur indépendant !

    Encercler la Russie

    De même, la fin de l’URSS n’a nullement mis fin à la politique américaine d’encerclement de la Russie. Comme on le dit parfois avec humour : « la preuve que la Russie est menaçante : elle à mis ses frontières exprès à côté des bases de l’OTAN ! »

    Car il s’agit de programmer l’émiettement de la puissance russe : notamment en encourageant la sécession Tchétchène (guerre de 1994 à 2000) et en soutenant les révolutions de couleur [5] qui organisent à chaque fois la mise en place de nouvelles équipes politiques anti-russes. Et bien sûr en s’efforçant de satelliser l’Ukraine grâce à la « révolution » d’Euromaïdan (hiver 2013 à février 2014), ayant, par un heureux hasard, abouti à la destitution illégale du président Yanoukovytch qui souhaitait le maintien des relations privilégiées avec la Russie [6]. Et aussi, par contre coup, à la séparation de la Crimée et à la guerre dans le Donbass.

    Le scénario Euromaïdan s’est d’ailleurs aussi reproduit en Amérique Latine : avec le renversement en 2017 du président de l’Equateur, le radical Rafael Correa en 2017 et son remplacement par un pro-occidental, Lenin Moreno ; la tentative de déstabilisation du président du Venezuela, Nicolàs Maduro en fin 2018 ; les menaces contre Ortéga Président du Nicaragua et contre Cuba [7], présentés comme « la troïka de la tyrannie » par les Etats-Unis ; le renversement du président de la Bolivie Evo Morales en 2019, suite à un coup d’état institutionnel ayant conduit à….annuler sa réélection.

    La guerre civile partout !

    Mais c’est au Moyen et au Proche-Orient que la stratégie chaotique occidentale est la plus aboutie.

    Avec la « guerre contre le terrorisme » en Afghanistan qui dure depuis… 18 ans, la seconde guerre d’Irak (2003) ; la déstabilisation de la Lybie, menée par la France (opération Harmattan), la Grande Bretagne et l’OTAN de mars à octobre 2011 – qui a provoqué par contrecoup la « crise migratoire » de 2015 en Europe et un chaos civil qui n’en finit pas [8]– et enfin la « guerre civile » en Syrie à partir de 2011, qui se termine en 2019 avec la défaite totale de l’Etat Islamique, suite à l’intervention décisive de la Russie à partir de 2015 ; sans oublier la guerre au Yemen.

    Les uns après les autres, les Etats susceptibles de constituer un pôle de puissance et de stabilité, dans une région qui représente un enjeu énergétique majeur, mais aussi une mosaïque de peuples, de religions et où aucune frontière n’est jamais sûre, ont ainsi été attaqués et durablement déstabilisés. Avec toujours le même résultat : non pas la « démocratie », mais le chaos, la guerre civile, des milliers de morts civils et la voie ouverte à l’islamisme radical. Et la mainmise américaine sur les ressources énergétiques comme en Syrie.

    Comme l’écrit le géopoliticien Alexandre Del Valle, il « suffit pour s’en convaincre de voir ce que sont devenus les Etats afghan, irakien, libyen, ou même l’ex-Yougoslavie, aujourd’hui morcelée en mille morceaux «multiconflictuels» comme la Macédoine, la Bosnie-Herzégovine ou le Kossovo, autant de pays déstabilisés durablement par les stratégies cyniques pro-islamistes et ou anti-russes et anti-bassistes des stratèges étatsuniens [9]».

    Et toujours selon le même scénario : des bobards médiatiques à répétition (soutien du terrorisme, épuration ethnique, armes de destruction massive, utilisation de gaz contre la populationetc…) servent à présenter à l’opinion occidentale l’agression contre des Etats souverains, en violation des principes des Nations Unies, comme une opération humanitaire !

    L’Iran prochaine victime ?

    Les Etats-Unis n’ont jamais caché que l’Iran était le prochain sur la liste du « changement de régime ». L’assassinat du général Qassem Soleimani, revendiqué par les Etats-Unis , venant après la récusation américaine du Traité sur le nucléaire iranien et le soutien américain ostensible aux manifestations en Iran, s’inscrivent à l’évidence dans une stratégie de changement de régime en devenir.

    Même s’il s’agit d’un très gros morceau à avaler.

    L’Iran, avec plus de 82 millions d’habitants en 2019, retrouve en effet progressivement son rôle de puissance régionale, héritière lointaine de l’empire Perse, qu’il jouait au temps du Shah. Il dispose aussi des 4èmes réserves prouvées de pétrole et des 1ères réserves de gaz mondiales….

    L’Iran chiite développe son influence politique et religieuse sur un arc qui part de sa frontière afghane pour rejoindre l’Irak, la Syrie et le Liban. Il concurrence l’islam sunnite sous domination Saoudienne et soutenu par les Etats-Unis, qui regroupe, lui, l’Egypte, la Jordanie, les Etats du Golfe et la péninsule arabique. La confrontation avec l’Iran constitue un enjeu majeur pour l’Arabie Saoudite, d’autant que sa minorité chiite se concentre dans sa région pétrolifère et aussi pour Israël.

    Dans un tel contexte, un conflit, direct ou indirect, entre les Etats-Unis et l’Iran ne pourrait qu’avoir de très graves répercussions mondiales.

    Les Etats-Unis, véritable Etat-voyou

    Le président Trump, qu’une certaine droite adule curieusement alors qu’il embarque allègrement les Européens dans la quatrième guerre mondiale, adopte à l’évidence un comportement qui tranche avec la relative prudence de ses prédécesseurs. Même si la ligne politique de cette nation messianique reste la même.

    En fait, les Etats-Unis se croient désormais tout permis, en véritable Etat-voyou : récuser les traités qu’ils ont signé, relancer la course aux armements nucléaires [10], imposer des « sanctions » unilatérales à toute la planète sans aucun mandat du conseil de sécurité des Nations Unies, espionner les communications mondiales y compris celles de leurs « alliés », s’ingérer dans les affaires intérieures des Etats, taxer arbitrairement les importations, tuer des responsables politiques et militaires étrangers sans aucune déclaration de guerre etc…

    Et l’on s’étonne encore que l’image de marque des Etats-Unis et de leurs « croisés » occidentaux, décline dans le monde, en particulier dans le monde musulman ?

    Comme le souligne Alexeï Pouchkov [11] , ancien président de la commission des affaires étrangères de la Douma, la présidence Trump incarne une Amérique fiévreuse et nerveuse car elle a pris conscience de sa fragilité croissante dans le monde polycentrique qui vient. Une Amérique qui se tourne aussi de plus en plus vers elle-même pour faire face à ses problèmes intérieurs croissants.

    Make America Great Again – rendre l’Amérique de nouveau grande -, le slogan de campagne du candidat Trump, revient à reconnaître que, justement, l’Amérique a perdu de sa superbe alors qu’elle ne se résout pas à abandonner sa suprématie.

    Une contradiction dangereuse pour la paix du monde !

    Michel Geoffroy (Polémia, 7 janvier 2020)

     

    Notes :

    [1] Le 27 septembre 1993

    [2] Christopher Layne « Le mythe de la paix démocratique » in Nouvelle Ecole N° 55, 2005

    [3] Regime change en anglais

    [4] On dénombre pas moins de 140 conflits et interventions américaines dans le monde depuis le 18ème siècle même s’ils sont évidemment d’ampleur très variables

    [5] Révolution des roses en Géorgie (2003), révolution orange en Ukraine (2004) et révolution des tulipes au Kirghizstan (2005); sans oublier la deuxième guerre d’Ossétie du Sud opposant en août 2008 la Géorgie à sa province « séparatiste » d’Ossétie du Sud et à la Russie ; un conflit étendu ensuite à une autre province géorgienne , l’Abkhazie.

    [6] Une Ukraine dans l’UE et dans l’OTAN provoquerait le contrôle américain de la mer Noire

    [7] Après «l’empire du mal», qui désignait l’URSS dans les années 1980 et «l’axe du mal», qui qualifiait les pays réputés soutenir le terrorisme dans les années 2000, un nouveau concept est venu de Washington pour identifier les ennemis des États-Unis: c’est la «troïka de la tyrannie».Dans un discours sur la politique de Washington concernant l’Amérique latine, John Bolton, conseiller à la sécurité du Président américain a désigné en novembre 2018 : le Venezuela bolivarien de Nicolas Maduro, le Nicaragua de Daniel Ortega et Cuba, où Miguel Diaz-Canel a succédé aux frères Castro.

    [8] Le pays est actuellement secoué par le conflit armé entre les forces du maréchal Khalifa Haftar, et son rival installé à Tripoli, le Gouvernement d’union nationale (GNA) reconnu par l’ONU

    [9] RT France du 10 avril 2019

    [10] Les Etats -Unis se sont retirés le 1er février 2019 du traité sur les armes nucléaires de portée intermédiaire (en anglais : intermediate-range nuclear force treaty INF) – signé en 1987 par Ronald Reagan et Mikhaïl Gorbatchev, et l’un des grands symboles de la fin de la guerre froide – Ils se montrent déjà réticents à prolonger pour cinq ans le traité New Start – ou Start III – sur les armements nucléaires stratégiques qui, signé en 2011, arrive à échéance en 2021.Les Etats-Unis se sont aussi retirés du traité ABM en 2001

    [11] Conférence de présentation de son ouvrage « Le Jeu Russe sur l’Echiquier Global » le 14 novembre 2019

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  • Un nouveau partage du monde est en train de se structurer...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Caroline Galactéros à Figaro Vox, dans lequel elle commente les récentes déclaration d'Emmanuel Macron à l'hebdomadaire The Economist sur la situation de l'Europe. Docteur en science politique, Caroline Galactéros est l'auteur de  Manières du monde, manières de guerre (Nuvis, 2013) et de Vers un nouveau Yalta (Sigest, 2019) et intervient régulièrement dans les médias. Elle a créé récemment, avec Hervé Juvin entre autres, Geopragma qui veut être un pôle français de géopolitique réaliste.

     

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    Caroline Galactéros: «Un nouveau partage du monde est en train de se structurer»

    FIGAROVOX.- Le magazine The Economist consacre son dernier numéro et sa couverture à une interview d’Emmanuel Macron dans laquelle il affirme que le monde est au bord du précipice. La situation internationale est-elle aussi apocalyptique que celle que décrit le chef de l’État?

    Caroline GALACTEROS.- Il me semblait que le Président, dans son interview, avait appliqué cet oracle à l’Europe et non du monde. Le monde n’est pas du tout au bord du précipice. Il se rééquilibre autour de puissances qui assument leur souveraineté, définissent leurs ambitions et se donnent les moyens de les mettre en œuvre. Ce sont nos utopies qui sont en déroute et c’est bien l’Europe qui tombe dans l’insignifiance stratégique (une forme de mort cérébrale) subitement privée de la béquille mentale que lui fournissaient le lien transatlantique et son alignement servile sur les injonctions américaines. Quant à la France, elle danse sur un volcan et pas seulement au plan extérieur. Si la présente lucidité présidentielle se consolide par des actes et des dynamiques durables, alors nous éviterons le pire et peut-être même renverserons-nous enfin la vapeur à notre avantage. Ce serait là, sur le plan stratégique, une vraie et salutaire «disruption». Après Biarritz, Moscou, la Conférence des Ambassadeurs et désormais cette interview, la grande question est désormais la suivante: Jusqu’à quel point sommes-nous déterminés à désobéir et à assumer les critiques ou la résistance active de certains de nos partenaires européens?

    Le rôle de pionnier, de défricheur d’une voie nouvelle est périlleux et demandera beaucoup de ténacité. Jusqu’au moment où certains de nos partenaires, entrevoyant la liberté, voleront au secours de la victoire et nous emboîteront le pas, notamment en Europe du sud mais pas seulement. Notre vieux continent est en pleine dépression post-traumatique non traitée. Le choc? Notre abandon sans états d’âme par la figure paternelle américaine. Sur le fond, rien de bien nouveau mais le verbe trumpien nous a brutalement ouvert les yeux sur le profond mépris et l’indifférence en lesquels Washington nous tient. La servilité ne paie jamais vraiment. Emmanuel Macron a bien raison de douter de l’applicabilité de l’article 5 du Traité de l’Alliance atlantique. Le problème n’est pas de savoir si les États-Unis voleraient au secours d’un État européen attaqué par la Russie ou Chine. La Russie a vraiment d’autres chats à fouetter et la Chine «attaque» déjà l’Europe tous azimuts économiquement. Non, le problème est bien celui d’un fatal entraînement de la France ou d’un autre membre de l’Otan si jamais la Turquie venait à être prise à partie militairement par la Syrie en réponse à sa violation caractérisée de la souveraineté syrienne. Scénario peu probable à vrai dire, car Moscou ne laissera sans doute pas un tel engrenage ruiner ses patients efforts pour en finir avec la déstabilisation de son allié moyen oriental. Même chose si l’Iran venait à réagir à une provocation savante téléguidée par Washington. Moscou, Téhéran et Ankara ont partie liée pour régler le sort de la Syrie au mieux de leurs intérêts respectifs et Washington comme Damas n’y peuvent plus rien. Ce qui est certain, néanmoins, c’est que la Turquie n’agit à sa guise en Syrie qu’avec l’aval américain. Washington laisse faire ce membre du flanc sud de l’Alliance qui lui sert en Syrie de nouvel agent de sa politique pro islamiste qui vise à empêcher Moscou de faire totalement la pluie et le beau temps dans le pays et la région. Ankara gêne aussi l’Iran. Bref, ce que fait Erdogan est tout bénéfice pour Washington. Et les Kurdes ne font pas le poids dans ce «Grand jeu»? En conséquence, c’est bien l’Amérique qui dirige toujours et complètement l’Otan. S’il est bien tard pour s’en indigner ou faire mine de le découvrir, il n’est pas trop tard pour se saisir de cette évidence et initier enfin une salutaire prise de distance de l’Europe par rapport à une Alliance qui ne traite nullement ses besoins de sécurité propres.

    Nous restons extrêmement naïfs. Nous n’avons jamais eu voix au chapitre au sein de l’Alliance pas plus d’ailleurs depuis que nous avons rejoint le commandement intégré pour nous faire pardonner notre ultime geste d’autonomie mentale de 2003 lorsque nous eûmes l’audace de ne pas rejoindre la triste curée irakienne. Il faut que nous ayons aujourd’hui le courage d’en sortir et de dire que l’OTAN ne correspond pas à la défense des intérêts sécuritaires de l’Europe et d’ailleurs que l’épouvantail de la prétendue menace russe est une construction artificielle destinée à paralyser le discernement des Européens, à les conserver sous tutelle, à justifier des budgets, des postures, des soutiens résiduels au lieu de construire enfin une véritable stratégie propre à l’Europe en tant qu’acteur et cible spécifique stratégique. Je rejoins là notre président. Mais je ne crois pas du tout que L’OTAN soit en état de mort cérébrale. Il devient juste clair que ce qui pouvait, aux yeux de bien des atlantistes, justifier notre alignement silencieux et quasi inconditionnel a vécu. Trump veut faire payer les Européens pour qu’ils achètent des armes…américaines et obéissent aux décisions d’intervention américaines qui ne les concernent pas. Il est temps de ne plus supporter ce chantage et de sortir de l’enfance stratégique. Nous en avons les moyens. Il ne manquait que la volonté.

    De son côté l’UE peine à définir une politique étrangère commune, croyez-vous la diplomatie européenne encore?

    Je n’y ai jamais cru! Je ne vous rappellerai pas le cruel sarcasme de Kissinger «l’Europe? Quel numéro de téléphone?» Ce qui est possible, c’est de faire sauter un tabou ancien qui veut que l’affirmation de la souveraineté des nations européennes soit antinomique de la puissance collective et un autre, qui veut que l’élargissement de l’UE ait été destiné à la rendre puissante et influente. C’est précisément tout l’inverse. Mais il est trop tard pour regretter cet élargissement brouillon et non conditionnel stratégiquement. Il faut partir du réel et le réel, c’est qu’il existe une très grande divergence entre les intérêts stratégiques américains et ceux des Européens qui doivent se désinhiber. La France peut prendre la tête de cette libération et favoriser une conscience collective lucide et pragmatique des enjeux communs sécuritaires et stratégiques.

    Il faut commencer par une véritable coopération industrielle à quelques-uns en matière de défense, sans attendre une unanimité introuvable. Il faut créer des synergies, faire certaines concessions et en exiger d’autres, et ne plus tolérer la moindre critique de Washington sur les contributions à une Alliance enlisée dans d’interminables et inefficaces opérations.

    Alors qu’Emmanuel Macron rentre d’un voyage officiel en Chine, vous écrivez, «La Chine a émergé tel un iceberg gigantesque». La Chine est en train de tisser son empire autour du globe, est-elle en train d’imposer son propre contre modèle à l’Occident?

    Pékin agit très exactement comme Washington et joue l’Europe en ordre dispersé. Oui le «contre monde» comme je l’appelle est en marche. La Chine profite du tirage entre Washington et les Européens au fur et à mesure que les pays européens prennent conscience qu’ils ne comptent plus pour l’Amérique, mis à part pour justifier un dispositif otanien contre Moscou et empêcher le rapprochement stratégique avec la Russie qui seule pourrait donner à l’Europe une nouvelle valeur ajoutée dans le duo-pôle et triumvirat Washington -Moscou-Pékin. C’est Sacha Guitry je crois qui disait que les chaînes du mariage sont si lourdes qu’il faut être trois pour les porter. L’adage est valable pour l’Europe à mais aussi pour Moscou qui sait combien «le baiser de la mort» chinois peut à terme lui être fatal. L’Europe n’a donc pas encore tout à fait perdu de son intérêt aux yeux de Moscou même si, en ce qui concerne la France, la charge affective et historique du lien a été très abîmée. Il me semble donc que l’initiative française d’une relance d’un «agenda de confiance et de sécurité» est un pas important dans cette direction qu’il faut jalonner à bon rythme de réalisations concrètes.

    La guerre commerciale semble être la forme conflictuelle privilégiée par l’administration de Donald Trump. Les sanctions américaines pleuvent sur les entreprises chinoises, en Iran, en Russie. La guerre commerciale devient-elle un des éléments structurant d’un monde Yalta 2.0?

    La fin de l’utopie d’une mondialisation heureuse a permis la résurgence d’un politique de puissance et d’influence décomplexée. Or le commerce est l’instrument privilégié de ces relations. Il n’y a qu’en France que l’on croit encore aux pures amitiés et aux affections qui guideraient les rapprochements entre États. Attention! Je ne veux pas dire que les relations personnelles, l’empathie ou l’animosité ne comptent pas, bien au contraire. Mais ce qui compte dans l’établissement du rapport de force et dans la consolidation des rapprochements, ce sont les complémentarités économiques mais aussi culturelles et même civilisationnelles et surtout la fiabilité de la parole donnée et la crédibilité interne des dirigeants.

    Votre livre donne un aperçu global de l’état des relations diplomatiques depuis les cinq dernières années. Le monde depuis 1989, puis 2001 est en constante restructuration. Le jeu des puissances est mouvant. Quelle place la France peut-elle occuper dans un monde géopolitique si instable et imprévisible? Comment peut-on participer à construire une «coexistence optimale»?

    La France doit se voir en grand car elle a de sérieux atouts de puissance et d’influence mais elle n’en use pas à bon escient. Elle se complaît dans la repentance et l’alignement. Notre place dépendra en premier lieu de notre capacité à structurer une vision et un chemin puis dans notre ténacité à défendre nos intérêts et à affirmer nos principes.

    Il nous faut effectuer un tournant pragmatique en politique étrangère et en finir avec l’idéologie néoconservatrice. Celle-ci a dramatiquement vérolé toute une partie de notre administration et de nos élites qui ne savent plus ce qu’est l’intérêt national. La France est toujours une puissance globale. Plus que nombre d’autres. Simplement elle doit retrouver une économie florissante, restructurer son industrie, remettre son peuple au travail autour d’un projet de prospérité lié à l’effort et non à l’incantation. Un État puissant est un État sûr, qui sait d’où il vient, n’a pas honte de son passé et embrasse l’avenir avec confiance.

    La Russie de Vladimir Poutine s’est imposée aux puissances occidentales comme un acteur majeur des relations géopolitiques. Son attitude sur la crise syrienne incarne ce positionnement dans l’échiquier mondial. La Russie peut-elle être un allié «fréquentable» des puissances européennes? La distance entre les Européens et les Russes en termes de politique internationale est-elle encore légitime?

    La Russie est tout à fait fréquentable. La diabolisation infantile à force d’être outrancière, dont elle fait l’objet chez nous, nous ridiculise et surtout la conforte dans une attitude de plus en plus circonspecte envers ces Européens qui ne savent plus penser ni décider par eux-mêmes.

    En 30 ans, la Russie a vécu le pire durant les années 90 puis a entamé sans violence une remarquable reconstruction nationale. Tout n’y est pas parfait, mais pouvons-nous réellement donner des leçons et nous imaginer être encore pris au sérieux après les sommets de cynisme démontrés dans nos propres ingérences étrangères, avec les résultats que l’on sait? C’est là une posture qui sert essentiellement à se défausser, à ne pas aller de l’avant notamment sur les dossiers où nous pourrions et aurions tout intérêt à tendre la main à la Russie: sanctions, Ukraine Syrie, Libye, Union économique eurasiatique (UEE), etc… Sur ce dernier point, il faut nous montrer un peu plus lucides et anticipateurs que sur les Nouvelles Routes de la Soie sur lesquelles nos diplomates ironisaient il y a encore quelques années. L’UE doit se projeter vers l’Union Économique Eurasiatique (UEE) et nouer avec elle de très solides partenariats. Je souhaite de tout cœur que la récente inflexion imprimée par notre président à la relation franco-russe après une sombre et triste période, passe rapidement dans les faits et que nous soyons le maillon fort d’une nouvelle ère collaborative, intelligente et humaine entre la Russie l’Europe.

    La solution diplomatique peut-elle encore jouer un rôle dans le dossier syrien?

    Une solution diplomatique ne peut exister que si l’on a atteint un équilibre militaire acceptable. La Syrie doit d’abord recouvrer son intégrité territoriale. Après les Syriens décideront de ce qu’ils souhaitent politiquement pour leur pays.

    Notre implication a été si humainement et politiquement désastreuse qu’il est possible de prétendre encore pouvoir décider du sort de ce pays à la place de son peuple. Évidemment, la guerre n’est pas finie. Il y a encore des dizaines de milliers de djihadistes fondus dans la population civile d’Idlib. Il y a la Turquie, la Russie et l’Iran qui consolident dans un vaste marchandage leurs influences respectives. Et il y a tous les autres acteurs régionaux et globaux qui cherchent à tirer leur épingle du jeu et à faire oublier leurs méfaits. Nous avons eu tout faux sur le dossier syrien. Je l’ai assez expliqué, démontré et je n’épiloguerai pas. J’en parle abondamment dans mon recueil. Il est trop tard pour pleurer mais sans doute pas pour faire amende honorable, intégrer le processus d’Astana et son actuel dérivé - le Comité constitutionnel en cours de formation à Genève. Cela aussi, nous le devons à l’approche diplomatique inclusive et non idéologique de Moscou, ne nous en déplaise. Essayons, pour une fois, d’être intelligents et d’avancer pour que le peuple syrien sorte au plus tôt de son interminable martyr.

    Caroline Galactéros (Figaro Vox, 9 novembre 2019)

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  • Crise avec les États-Unis : l’Iran « ne se laissera pas faire »...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un entretien avec Pierre Conesa à propos des relations irano-américaines à la suite de l’attaque récente d’Abqaiq en Arabie saoudite, diffusé le 27 septembre par Sputnik. Agrégé d'histoire et énarque, Pierre Conesa a fait partie dans les années 90 de la Délégation aux affaires stratégiques du Ministère de la défense. Désormais consultant, il est l'auteur de plusieurs essais, dont, notamment, Dr. Saoud et Mr. Djihad - La diplomatie religieuse de l'Arabie saoudite (Robert Laffont, 2016) et Hollywar - Hollywood, arme de propagande massive (Robert Laffont, 2018).

     

                                        

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  • Amazonie, Iran, GAFA : quand Macron fait du bruit pour masquer son impuissance...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Caroline Galactéros cueilli sur Marianne et consacré aux "exploits" diplomatiques d'Emmanuel Macron à l'occasion de la réunion du G7 à Biarritz. Docteur en science politique, Caroline Galactéros est l'auteur de  Manières du monde, manières de guerre (Nuvis, 2013) et intervient régulièrement dans les médias. Elle a créé récemment, avec Hervé Juvin entre autres, Geopragma qui veut être un pôle français de géopolitique réaliste.

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    Amazonie, Iran, GAFA… Macron fait du bruit pour masquer son impuissance

    « No comment ». Il est des « coups de théâtre » dont on se demande s’ils visent à masquer une tragédie indépassable, ou à relancer l’intrigue d’une comédie humaine désespérément convenue. « No comment » donc. C’est ainsi que le président américain a rétorqué au coup d’éclat fomenté secrètement par Emmanuel Macron, hôte du sommet du G7, consistant à faire venir – confiné pour un entretien bilatéral dans une petite salle municipale en marge de l’Hôtel du Palais -, le ministre des affaires étrangères iranien, le subtil Jawad Sharif.

    Coup de théâtre ou coup d'épée dans l'eau ?

    Qu’espérait notre Président de cette initiative ? La tient-il pour un succès ? Personnel, collectif ? Pouvait-il sérieusement croire que cela suffirait à replacer la France au cœur du dossier iranien et lui donner une posture dynamique et même offensive ? Le Président américain aurait « admis » in extremis l’invité surprise sulfureux. Mais enfin, depuis quand un président américain a-t-il son mot à dire sur les autres invités de l’hôte d’un sommet en territoire souverain ? Cette rodomontade présidentielle était brillante. Elle masque mal la réalité d’une docilité rémanente qui nous efface jour après jour de la scène du monde, malgré une geste créative. Nous désobéissons timidement et sans conséquences in fine.

    Pour trancher et faire bouger vraiment les lignes, il eut mieux valu, voici plus d’un an, au lieu de nous coucher devant l’oukase américain dans des circonvolutions sémantiques lamentables, dire à Donald Trump que la France était et resterait pleinement satisfaite de l’Accord en l’état, qu’aucune pression ne la convaincrait d’en étendre la portée aux vecteurs balistiques, de le renégocier ou lui substituer un nouvel accord pour complaire aux exigences sans fin de Washington qui cherche l’affrontement avec Téhéran comme on cherche l’eau dans le désert.

    Il eut aussi fallu se placer en soutien politique résolu de nos entreprises présentes en Iran (notamment de Total qui s’est retiré au profit de Pékin d’un gigantesque projet) au lieu de les laisser seules, donc rapidement inquiètes devant le spectre de sanctions extraterritoriales américaines si elles avaient l’aplomb de demeurer à pied d’œuvre dans le pays pour permettre à l’Iran de survivre et d’espérer un jour renaitre autrement que sous le joug avant la coupe réglée. On me rétorquera que la pression est trop forte, les amendes potentielles trop insoutenables pour nos banques… Mais pourquoi les payer ? Au nom de quoi tolérer un tel chantage ? Au nom de notre alliance avec Washington ? Traite-t-on ainsi ses alliés ? Non. Ses vassaux dont on ne craint rien, oui.

    Quand bien même Donald Trump se serait affranchi à Biarritz, dans un éclair d’autonomie de pensée, de la nécessité d’enrichir les marchands d’armes des « swing states » qui tiennent sa réélection entre leurs mains, et aurait saisi l’occasion de cette « apparition » pour tendre la main à l’Iranien et amorcer un dialogue minimal, Zharif l’outragé s’y serait refusé. Il a ses ordres, ceux du Guide suprême Khamenei, qui l’a autorisé à prendre l’avion pour voir ce que le Français a dans le ventre et oserait éventuellement proposer, certainement pas pour parler au « grand Satan ». Il n’y a plus rien à négocier. Téhéran a gagné la dernière manche de l’affrontement dans le détroit d’Ormuz, mais ce n’est qu’une bataille dans une guerre ouverte ou indirecte, qui sera longue et vicieuse et se jouera sur de multiples fronts. Une guerre pour la souveraineté, l’honneur, la survie économique et l’influence régionale dans le cas iranien ; une guerre pour la déstabilisation d’un régime afin de mettre la main sur son juteux marché pour Washington. Dans cette perspective américaine, Moscou doit être convaincu de son intérêt à lâcher Téhéran en Syrie, et Pékin doit finir par voir le sien dans l’achat de pétrole américain et non plus iranien ou russe pour nourrir sa croissance. C’est là le véritable arrière-fond de la guerre commerciale actuelle comme de l’attitude américaine ambivalente face à Moscou en Syrie.

    Ogre américain

    Revenons donc aux fondamentaux. En Amérique, le besoin d’ennemi est insatiable, structurel, vital. C’est le moteur de l’économie américaine. Au nom de la paix mondiale, du progrès et de la démocratie de marché naturellement. Dès qu’un ennemi disparait, un autre doit être désigné et se dresser, diabolisé, pour nourrir le monstre du complexe militaro-industriel qui vit de, par et pour la guerre ! Le Président Eisenhower lui-même s’était en son temps alarmé de cette puissance vampirique et destructrice de tout apaisement durable.

    Bilan du Sommet : « L’Iran ne doit jamais avoir l’arme nucléaire et cette situation ne doit pas menacer la stabilité de la région » conclut notre Président, qui se dit « convaincu qu’un accord pourra être trouvé si le président iranien rencontre le président américain ». On se pince. Qui menace la sécurité de la région ? Qui cherche à déstabiliser l’Iran, l’asphyxie de sanctions, a dénoncé unilatéralement un accord déjà très douloureux pour Téhéran mais qu’il respectait à la lettre ?

    Nous n’avons donc rien gagné à Biarritz, sauf peut-être d’y avoir inclus l’enjeu climatique autour du drame amazonien comme nécessaire sujet de discussion… mais d’aucun accord. Quoi qu’il en soit, le climat, aussi fondamentale et urgente que soit sa prise en compte dans les politiques des grands États, n’est qu’un leurre qui masque notre impuissance et notre désaccord sur tous les autres dossiers qui comptent, ceux de l’affrontement infantile entre puissances belliqueuses, ceux du multilatéralisme en miettes, ceux de l’introuvable gouvernance mondiale. Ah oui ! Il y a la taxation française des GAFA…. Qui elle aussi sera bientôt réduite et dénaturée à la sauce OCDE.

    Cerise sur le gâteau, c’est encore Trump et non Macron qui a eu l’habileté, en amont du sommet, d’appeler haut et fort à la réintégration de la Russie au sein du G7. Notre président aurait pu très facilement en prendre l’initiative, recevant son homologue russe à Brégançon, au lieu de sembler marcher sur des œufs face à Vladimir Poutine désabusé et narquois pour satisfaire les néoconservateurs et les atlantistes forcenés qui l’environnement et le brident. Ses élans pragmatiques, ses intuitions réalistes, ses initiatives à hauteur de France retombent systématiquement dans le vide, démentis, dévoyés ou réduits à des mots sans lendemain par ceux qui devraient juste mettre en œuvre sa pensée et sa vision au lieu de saper sa crédibilité face à ses interlocuteurs. En politique étrangère, la constance et la fiabilité sont des vertus cardinales si l’on prétend avoir une vision et une ambition nationales. Bref, le président français semble presque aussi prisonnier de son entourage que Trump du sien. Et c’est la logique de l’affrontement infantile qui gagne à ce double enchainement.

    Tout ça pour finir par tenir une conférence de presse de clôture avec le président américain ! Comme pour s’excuser de l’audace du « vrai-faux » invité surprise. Comme si les autres chefs d’État étaient ravalés au rang de figurants, comme si l’Occident rentrait dans le rang et avait retrouvé son père tonitruant et brutal dont on aime les coups, comme si la France était fière de juste passer les plats. Cela rappelle les « Accords de Rambouillet » en 1999, prélude manipulé à la curée lancée contre la Serbie récalcitrante. Un mauvais souvenir… Celui d’un renoncement à réfléchir et décider seuls. Nous étions en cuisine déjà. Il n’existe pas de relation stratégique privilégiée entre Paris et Washington. C’est l’écart, la sortie du rang déterminée, non la servilité qui peut la faire naitre. De la posture à la stature, il y a le courage et la cohérence. Ce sont ces invités surprise-là que l’on attend pour enfin faire la différence.

    Pour le reste, sans la Russie, sans la Chine et sans l’Inde, le G7 n’a plus qu’une représentativité résiduelle. Il est complètement décalé par rapport aux nouveaux rapports de force du monde. Il fait figure de vieux club poussiéreux de ronchons déphasés qui jouent au bridge tandis que la vraie partie se joue ailleurs et sans eux, dans un gigantesque jeu de go. Vladimir Poutine l’a d’ailleurs cruellement rappelé à Brégançon. Certes, l’Occident a de beaux restes. Asinus asinum fricat. Entre Boris Johnson, désormais sans équivoque aux ordres de Washington et salivant à l’idée des retombées commerciales qu’il en attend pour une Grande-Bretagne débarrassée de l’Europe technocrate, Jair Bolsonaro – hors club mais qui éructe sa grossièreté brouillonne envers Paris, Angela Merkel qui compte les jours la séparant d’une sortie de ce panier de crabes ingrats, et les autres qui font de la figuration dans cet aréopage de carpes et de lapins, Paris va devoir changer de niveau.

    Et surtout réfléchir au fond. Des actes, du courage enfin ! Un changement de pied radical sur les dossiers syrien et yéménite (il n’y aura pas un mot à Biarritz sur cette atroce guerre pour rien !), de l’audace sur l’Iran, les sanctions russes et les accords de Minsk. Voilà l’occasion d’être « disruptif » pour de bon. Sur tous ces dossiers, nous avons d’évidentes positions à prendre pour faire bouger les lignes dans le bon sens et nous rendre enfin de nouveau utiles. Vue l’aboulie des Européens sur tous ces sujets, faire la différence n’est pas difficile. L’heure est grave pour la France. Il faut se réveiller et sortir de la politique spectacle. Je ne peux croire que notre président préfère la fausse lumière des idéalités qui s’abiment dans un réel sanglant à la chaleur d’une politique moins cynique, plus humaine et enfin efficace.

    Caroline Galactéros (Marianne, 27 août 2019)

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  • Se rapprocher de la Russie, une urgence pour la survie de l'Europe ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Caroline Galactéros, cueilli dans Marianne et consacré à l'indispensable rapprochement entre l'Union européenne et la Russie. Docteur en science politique, Caroline Galactéros est l'auteur de  Manières du monde, manières de guerre (Nuvis, 2013) et intervient régulièrement dans les médias. Elle a créé récemment, avec Hervé Juvin entre autres, Geopragma qui veut être un pôle français de géopolitique réaliste.

     

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    Se rapprocher de la Russie n'a jamais été aussi urgent pour la survie de l'Europe

    A l’heure où j’écris ces lignes, depuis le sud d’une Europe étourdie de torpeur estivale telle l’insouciante cigale de la fable, un calme étrange semble régner sur les grandes affaires du monde. Un silence inquiétant aussi, comme celui qui précède l’orage en montagne ou le tsunami en mer. En matière de guerre comme de paix, le silence est toujours un leurre. Il se passe en fait tant de choses « à bas bruit » qui devraient mobiliser les chancelleries occidentales et leur faire élaborer des politiques nouvelles, ne serait-ce même que de simples « éléments de langage » disruptifs.

    Le nouveau partage du monde n’est pas une césure infranchissable. L’approfondissement du discrédit moral et politique des États-Unis, notamment depuis l’arrivée de Donald Trump, président grandement sous-estimé mais jugé imprévisible et changeant souvent de pied, pousse les acteurs de deuxième rang, pour survivre en dessous du nouveau duo de tête sino-américain, à ne plus mettre tous leurs œufs dans le même panier, tandis que Washington détruit méthodiquement tous les mécanismes et instruments multilatéraux de dialogue.

    Rééquilibrage mondial

    La crise du détroit d’Ormuz creuse les fractures attendues, comme celle qui oppose les Etats-Unis, Israël et l’Arabie saoudite à l’Iran secondé par Moscou et Ankara sous le regard gourmand de Pékin. Elle révèle aussi l’approfondissement de rapprochements plus insolites, tel celui de Moscou et de Ryad, chaque jour plus visible en Syrie au grand dam de Washington. En témoigne, outre leur rapprochement pour maintenir les cours du pétrole, l’amorce d’une coopération militaire entre les deux pays avec des achats de S400 par Ryad (comme d’ailleurs par Ankara dont l’opportunisme ne connait plus de limites). Ryad achètera aussi aux Chinois des technologies de missiles et des drones.

    Quant aux Émirats arabes unis, ils ont annoncé au salon IDEX 2019, des acquisitions d’armements divers à la Russie pour 5,4 milliards de dollars et notamment de systèmes anti-aériens Pantsir-ME. Les enchères montent. Autre signe de ce « rééquilibrage », le récent jeu de chaises musicales au sein des services syriens de sécurité, sous la pression de Moscou, au profit de personnalités sunnites adoubées par Ryad, contre l’influence iranienne jusque-là dominante. Même le Hezbollah prendrait quelques ordres à Moscou désormais. De là à penser que la Russie mènera pour longtemps la danse en Syrie, mais souhaite néanmoins favoriser un règlement politique ayant l’imprimatur discret de Washington, Ryad et Tel Aviv – et donc défavorable au clan Assad (le bras-droit du frère de Bachar el-Assad, Maher, putatif remplaçant, vient d’être arrêté) et à son tuteur iranien – il n’y a qu’un pas…

    Ce qui ne veut pas dire que Moscou laisse tomber Téhéran. Elle s’en sert pour optimiser son positionnement entre Washington et Pékin. La Russie vient d’annoncer de prochaines manœuvres militaires conjointes. L’Iran, étouffé de sanctions, ne peut évidemment tolérer d’être empêché de livrer même de toutes petites quantités de brut qui assurent la survie politique du régime et la paix sociale. La République islamique a donc répliqué à l’arraisonnement par les Britanniques – à la demande de Washington – du Grace One près de Gibraltar le 4 juillet dernier (pétrolier transportant du pétrole brut léger) et prend la main : saisie le 13 juillet, du pétrolier MT-RIAH puis, le 19 juillet, du britannique Stena Impero…. et enfin le 4 août, par celle d’un troisième bâtiment.

    Iran/Etats-Unis : qui a la main sur qui ?

    Téhéran menace désormais d’interdire le Détroit d’Ormuz (un tiers du transit mondial d’hydrocarbures) dont elle partage la propriété avec Oman et les Émirats arabes unis (la passe étant par endroits trop étroite pour constituer des eaux internationales) et tolère l’usage international à certaines conditions par les seuls signataires de la Convention maritime internationale de 1982. Il est vrai que Washington met de l’huile sur le feu jour après jour et vient d’imposer illégalement de nouvelles sanctions à l’encontre du ministre des Affaires étrangères iranien Mohammad Javad Zarif- peut être l’ultime et plus compétent négociateur pouvant arrêter l’escalade – notamment pour entraver ses déplacements. Qui veut la paix ? Qui veut la guerre ? De provocations en enfantillages, certains dirigeants semblent avoir perdu tout sens de leurs responsabilités envers la paix mondiale. Car si le Détroit d’Ormuz venait à être véritablement interdit par Téhéran au passage des tankers, l’explosion du prix du brut qui s’ensuivrait serait très vite insupportable pour l’économie mondiale et une gigantesque récession surviendrait. En dépit des apparences, c’est donc l’Iran qui tient le sort des États-Unis et de l’économie occidentale entre ses mains.

    La « pression maximale » crânement brandie comme un trophée par le président Trump à l’encontre de Téhéran s’exerce donc dans les deux sens. Cette folle politique de Washington qui prétend contraindre le pouvoir à élargir le spectre de l’accord sur le nucléaire de 2015 (attente parfaitement utopique ou trompeusement avancée pour provoquer un conflit) est un échec patent. Certes, Londres par la voix de son nouveau premier ministre Boris Johnson, dont le pedigree personnel dessine une possible et gravissime double allégeance, a choisi, as usual, « le Grand Large » comme en a témoigné l’arraisonnement du Grace One. L’Allemagne se montre quant à elle prudente, cherchant à ménager la chèvre et le chou et à profiter du manque de discernement de la France.

    Bientôt un Yalta 2.0 ?

    Paris en effet, s’oppose (pour combien de temps) à une coalition pour garantir la circulation dans le détroit d’Ormuz que demande évidemment Washington, et essaie de s’accrocher à l’Accord moribond… après avoir commis l’insigne faute d’appeler à son extension aux questions balistiques pour complaire à Washington et Tel Aviv. Nous avons donc encore une fois joué, inconsciemment faut-il l’espérer, une partition américaine qui contrevient à tous nos intérêts et précipite la guerre.

    Ce focus sur l’actualité internationale du moment ne fait que manifester l’ampleur des enjeux du Yalta 2.0 qui s’annonce. Mais « le Rideau de fer » de ce nouveau partage s’est déplacé vers l’Oural, à l’extrême est de l’Europe, et cette translation met clairement la Russie dans le camp de l‘Europe. En effet, si l’Oural sépare géographiquement l’Europe de l’Asie, à sa verticale se trouvent précisément les ex-républiques soviétiques d’Asie centrale, qui font toujours partie de la ceinture de sécurité de la Russie et sont désormais convoitées par la Chine. Or, si l’Eurasie est toujours au cœur des convoitises des grands acteurs (dont les États-Unis), il est une autre opposition que nous ne voyons pas alors qu’elle devrait pourtant focaliser notre capacité d’analyse stratégique et notre action diplomatique : c’est la rivalité montante entre la Chine et la Russie pour la domination économique et politique de l’Asie centrale et même du Caucase.

    Les tracés nord (Chine-Kazakhstan-sud Russie-nord Caucase jusqu’en Mer noire sur le territoire russe) et centre (Ouzbékistan-Turkménistan-Iran-Turquie) des Nouvelles Routes de la Soie visent en effet à mettre sous dépendance économique progressive les « Stans », et donc, au prétexte de la lutte contre les Ouigours musulmans, à permettre à Pékin de disposer progressivement d’un levier de déstabilisation économique et sécuritaire important sur Moscou. L’influence est aussi (et souvent avant tout) faite de capacité de nuisance.

    Et l'Union européenne dans tout cela ?

    En conséquence, « l’Europe de l’Atlantique à l’Oural » – englobant la partie européenne de la Russie – n’a jamais été aussi nécessaire et urgente pour la sauvegarde de l’Union européenne, si cette dernière espère compter entre États-Unis et Chine et éviter le dépècement et la dévoration. Pourtant le rapprochement de l’Union européenne avec la Russie reste ignominieux, inconcevable, indéfendable à nos dirigeants piégés par une vision idéologique et faussée de leurs intérêts comme des nouveaux rapports de force du monde. C’est l’impensé, l’impensable, l’angle mort de la projection stratégique de l’Europe. Pour les élites et institutions européennes, la Russie – que l’on assimile toujours à l’URSS -, est par principe vouée aux Gémonies, l’Amérique idéalisée, le péril chinois minimisé, l’Inde ignorée, le Moyen-Orient déformé et l’Afrique sous-estimée. Les ravages de « la pensée magique » touchent malheureusement aussi la politique extérieure.

    Pour entraver une dérive collective vers une nouvelle loi de la jungle internationale qui ne s’embarrassera même plus de gardes fous juridiques imparfaits, il est urgent de retrouver les bases d’une coexistence optimale entre les grands acteurs et ensembles régionaux. Urgent surtout de cesser de croire en la chimère d’un magistère moral occidental ou simplement européen qui a volé en éclats. Dans un saisissant paradoxe, le dogmatisme moralisateur ne passe plus la rampe et une révolution pragmatique et éthique de la pensée stratégique occidentale s’impose. La France peut encore en prendre la tête et entrer en cohérence avec elle-même pour se protéger, compter et convaincre.

    Caroline Galactéros (Marianne, 6 août 2019)

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