Dans cette émission de Fenêtre sur le monde, Jean-Baptiste Noé, directeur de la revue Conflits, revient sur la guerre du droit à travers l'espace.
En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.
Dans cette émission de Fenêtre sur le monde, Jean-Baptiste Noé, directeur de la revue Conflits, revient sur la guerre du droit à travers l'espace.
Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Eric Delcroix cueilli sur Polémia et consacré à la dérive individualiste du droit. Juriste et ancien avocat, Eric Delcroix a publié notamment Le Théâtre de Satan- Décadence du droit, partialité des juges (L'Æncre, 2002), Manifeste libertin - Essai révolutionnaire contre l'ordre moral antiraciste (L'Æncre, 2005) et Droit, conscience et sentiments (Akribeia, 2020).
L’individu et les droits fondamentaux
Lois fondamentales ou constitutionnelles
Les modifications du vocabulaire juridique peuvent dissimuler des changements dans la philosophie du droit.
Sournoisement ce que l’on appelait en France les libertés publiques impartiales, se muent en droits fondamentaux moralisateurs à l’échelle de l’Europe. Glissement sémantique hautement révélateur et redoutable. Précédemment, les droits fondamentaux ne portaient pas sur les droits subjectifs des personnes privées, mais sur les fondations juridiques de la société. Aussi le Littré (1881) donne-il comme l’une des acceptions de Fondamental « La loi fondamentale d’un État. »
Prenez, par exemple le Précis d’histoire du droit français, par Amédée Bonde (Librairie Dalloz, 1927), § 221, on y lit ce titre : « Les lois fondamentales du royaume de France limitaient l’autorité royale » (le mot loi étant ici entendu lato sensu, recouvrant d’abord le droit coutumier plutôt que le droit écrit). Bref, il s’agissait de la constitution de l’Ancien régime, détaillée dans l’ouvrage, savoir : Succession, majorité, régence ou inaliénabilité du domaine royal etc. L’emploi de cette notion de lois fondamentales du royaume était constant, comme l’enseignait le professeur Jean-François Lemarinier dans ses cours d’histoire du droit et des faits sociaux à Paris (cf. polycopiés de son cours de première année de licence 1963-1964, pp. 1035 et suivantes).
Historiquement, et avec le soin primordial de l’intérêt général, les lois fondamentales étaient donc uniquement celles qui donnaient aux États leur régime constitutionnel… Mais c’était avant l’assomption de l’individu-roi.
Dérive individualiste du droit dans l’après guerre
La dérive individualiste de la notion de droit fondamental remonte probablement à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales élaborée, sous l’égide du Conseil de l’Europe le 4 novembre 1950. Convention signée par la France mais, dans un premier temps sans reconnaissance du droit de recours individuel devant la Cour européenne des droits de l’homme qu’elle instituait, avant d’y céder sous Mitterrand (1988).
Le 18 décembre 2000, s’y est surajoutée la redondante Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, sans juridiction spécifique attitrée, mais qui s’impose néanmoins au titre de l’ordre public, notamment devant la Cour de justice de l’Union européenne. Rédigée comme la précédente, et plus encore, dans un pathos permettant une dérive qui s’analyse comme un effacement du droit derrière la morale (non sans céder à l’inclusivité, tels ces « tout citoyen ou citoyenne »), toujours avec les concepts pâte à modeler de « dignité humaine … liberté … solidarité » etc. Au passage, la Charte oblige les pays participants à rester liés à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur les réfugiés, devenue l’un des moyens de submersion migratoire de nos nations. Mais surtout la Charte s’ancre dans l’ordre moral anti-discriminatoire (article 21).
N’en espérons rien, même si contrairement à la convention de 1950, elle n’énonce nulle restriction à la liberté d’opinion ou d’expression (article 10, § 2 de la Convention), sa proclamation (article 11 de la Charte) y ajoutant même la précision suivante : « Les arts et la recherche scientifique sont libres » (article 13), c’est en application du nouvel ordre moral anti-discriminatoire. Aussi, toutes ces grandes proclamations n’empêcheront-elles pas les atteintes à ces libertés par des lois telles les lois Pleven (1972), Fabius-Gayssot (1990) ou Perben II (2004), pour s’en tenir à la France. En effet, il s’agit de morale et non plus de droit et dès lors la casuistique l’emporte sur la raison juridique. Au nom du Bien.
Le reflet de Narcisse
Quant aux lois constitutionnelles, aux fondations juridiques des sociétés, elles sont submergées et paralysées par les droits individuels que l’on y insère selon le modèle puritain des États-Unis, alors qu’elles ne devraient avoir pour objet que l’organisation et le fonctionnement des pouvoirs publics, bref les principes fondamentaux de la vie publique…
Désormais ce qui est fondamental c’est l’individu, cellule liquide micro moléculaire narcissique, dénoncée par Christopher Lasch.
L’individu est devenu, pour ainsi dire, non plus seulement un simple sujet de droit privé, mais également un sujet de droit public opposant ses droits et ses ambitions égoïstes, à hauteur d’État, à l’intérêt général qui n’a donc plus la possession des droits fondamentaux.
Nous sommes loin de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, qui au-delà de ses maladresses entendait en finir avec l’arbitraire royal venu des temps médiévaux, en appelant à la loi formelle d’un pouvoir législatif autonome. En effet, si (« sous les auspices de l’Être suprême » !) elle invoque « la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme », elle en réserve les modalités d’application au seul pouvoir législatif formel, à « la loi » stricto sensu, « expression de la volonté générale » (article 6) c’est-à-dire à la loi écrite. La Déclaration ouvre les temps de la nomocratie légaliste, abolie de nos jours par l’État de droit qui a instauré la suprématie du juge confesseur (non élu), gardien la transcendance des droits fondamentaux…
L’intérêt général, lui, n’est plus fondamental, pourtant narcisse n’est qu’un reflet, une illusion du monde virtuel : Fiat justicia pereat mundi (peu importe le sort du monde pourvu que justice soit faite). Mais les lendemains seront cruels au si fragile sujet de droit, quand il découvrira, peut-être trop tard, qu’il n’est qu’un objet sans substance de l’histoire.
Eric Delcroix (Polémia, 14 janvier 2023)
Les éditions de la Nouvelle Librairie, en collaboration avec l'Institut Iliade, viennent de publier un court essai d'Aristide Leucate intitulé Aux temps de la justice - En quête des sources pures du droit.
Docteur en droit, journaliste et essayiste, Aristide Leucate est déjà l'auteur de Détournement d'héritages - La dérive kleptocratique du monde contemporain (L'Æncre, 2013), d'un Carl Schmitt (Pardès, 2017), d'un Dictionnaire du Grand Épuisement français et européen (Dualpha, 2018), de Carl Schmitt et la gauche radicale - Une autre figure de l'ennemi (La Nouvelle Librairie, 2021) et d'un Dumézil (Pardès, 2021).
" Délié de toute attache avec une culture propre, le droit, dans l’optique libérale, ne se conçoit plus comme un ordonnancement recueilli du passé, mais comme un agencement volontariste et artificialisé en rupture délibérée avec lui. L’idéal, voire l’idée, de justice s’est dilué dans la masse informe et uniforme des individualismes, tandis que le droit a perdu de sa cohérence pour ne plus être qu’un catalogue pléthorique et indigeste de normes devenues prioritairement des biens de consommation monnayables, substituables et périssables. L’objet du présent essai est d’analyser la progressive dissociation du droit et du juste, et de rechercher — voire de renouer avec — les racines historiques et spirituelles du droit. "
Les éditions de La Nouvelle Librairie viennent de publier un essai de Bertrand Saint-Germain intitulé Juridiquement correct - Comment ils détournent le droit.
Bertrand Saint-Germain est docteur en droit et universitaire. Il exerce également des fonctions d’élu local et de conseil en stratégie juridique. Cette position lui permet de porter un regard critique et lucide sur l’utilisation politique du droit dans les débats publics.
" Toute guerre se remporte avec des hommes et des munitions, y compris celle des idées. Aujourd’hui l’histoire, la politique, l’économie, la culture, le droit sont des champs de bataille. À nous d’y triompher de la pensée unique. Beaucoup ont déjà pris la plume, tels Jean Sévillia, Philippe de Villiers ou Mathieu Bock-Côté. Mais à cette aventure intellectuelle, le droit reste étranger. Chose curieuse, au regard de son immixtion dans nos vies, réglées comme des horloges suisses par ses rouages. Mal interprété, il regorge d’idées fausses, parfois sciemment entretenues par nos législateurs à des fins politiques. Remettre le droit à l’endroit ? C’est l’objet insolite de cet ouvrage.
Les hommes naissent-ils réellement libres et égaux en droit ? Nos élus nous coûtent-ils trop cher ? La naissance d’un étranger en France le rend-elle nécessairement français ? Le droit européen est-il vraiment supérieur au droit national ? Trente questions pour y voir clair et combattre les idées reçues. "
Vous pouvez découvrir ci-dessous un entretien donné par Frédéric Forgues à Jean-Baptiste Noé dans lequel il revient sur les enjeux et les défis que posent l’extraterritorialité des sanctions américaines.
Frédéric Forgues avocat au barreau de Paris, enseignant et écrivain, a enseigné à l’université de Paris I et Paris XIII ainsi qu’à l’école de formation du Barreau.
Les éditions Desclées de Brouwer ont publié voilà quelques semaines un essai de Jean-Louis Harouel intitulé Libres réflexions sur la peine de mort. Agrégé de droit, professeur émérite de l'Université Panthéon-Assas, Jean-Louis Harouel a, notamment, publié Les droits de l'homme contre le peuple (Desclée de Brouwer, 2016).
" On présente aujourd'hui l'abolition de la peine de mort comme un progrès majeur de civilisation. En est-il vraiment ainsi ? S'inscrivant en faux contre la vulgate ambiante, Jean-Louis Harouel propose une autre lecture, iconoclaste et originale.Il montre que, contrairement aux apparences - et à ce que bien des gens croient sincèrement -, la phobie de la peine de mort qui caractérise aujourd'hui l'Europe occidentale ne procède pas du Tu ne tueras pas de la Bible, mais est un des effets d'une religion séculière ayant pris le relais du communisme comme projet universel de salut terrestre : ce que l'auteur appelle « la religion des droits de l'homme ». Or celle-ci est la continuatrice de vieilles hérésies oubliées qui manifestaient une grande désinvolture à l'égard de la vie des innocents, tout en professant un amour préférentiel envers les criminels, considérés comme d'innocentes victimes.Là se trouve la source de l'humanitarisme anti-pénal qui a fait triompher l'abolition de la peine de mort, laquelle, même très peu appliquée, constituait la clé de voûte d'un système pénal fondé sur l'idée de responsabilité. Au lieu de quoi, la suppression de la peine capitale a frayé la voie à une perversion de la justice - l'imposture de la perpétuité de vingt ans ! - au profit des criminels et au détriment de la sécurité des innocents. "