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déconstruction

  • Pourquoi déconstruire ?...

    Les éditions H&O viennent de publier un essai de Pierre-André Taguieff intitulé Pourquoi déconstruire ? - Origines philosophiques et avatars théoriques de la French Theory.

    Philosophe, politologue et historien des idées, Pierre-André Taguieff est l’auteur d'essais importants qui ont contribué à mettre à mal la pensée unique comme  La Force du préjugé - Essai sur le racisme et ses doubles (La découverte, 1988), Résister au bougisme (Mille et une Nuits, 2001), Les Contre-réactionnaires : le progressisme entre illusion et imposture (Denoël, 2007), Julien Freund, au cœur du politique (La Table ronde, 2008), Du diable en politique - Réflexions sur l'antilepénisme ordinaire (CNRS, 2014), Les nietzschéens et leurs ennemis - Pour, avec et contre Nietzsche (Cerf, 2021), Qui est l'extrémiste ? (Intervalles, 2022) ou Le nouvel âge de la bêtise (L'Observatoire, 2023).

     

    Taguieff_Pourquoi déconstruire.jpg

    " Qu’est-ce que la « déconstruction » ? Quelles sont les origines philosophiques de ce mot magique, brandi par tous ceux dont le but, déclaré ou non, est de criminaliser l’Occident en le réduisant à une expression du racisme, de l’esclavagisme, de l’« hétéro-patriarcat » et de l’impérialisme colonial ? Cette civilisation redoutable dont les proies seraient les peuples dominés, racisés, opprimés, et les minorités essentialisées en tant que victimes « systémiques ». Ainsi la civilisation occidentale se trouve-t-elle convoquée devant un nouveau grand Tribunal de l’Histoire pour répondre de ses crimes, imaginaires ou réels, et, surtout, elle est la seule civilisation à être mise au banc des accusés. Au croisement de la recherche universitaire et du militantisme politique, le décolonialisme, l’intersectionnalité, la « théorie critique de la race », la « théorie queer », la « théorie du genre », mais aussi le « wokisme », né d’une corruption idéologique de l’antiracisme et du féminisme importée des campus étatsuniens, se sont peu à peu diffusés dans les médias et dans la société tout entière grâce à une propagande violente et culpabilisante puisant dans un imaginaire victimaire. Dans ce livre incisif et documenté, qui part d’une réflexion sur la pensée de Nietzsche et sur ses mésusages par les disciples français de Heidegger, Pierre-André Taguieff analyse ces théories aussi foisonnantes qu’inconsistantes et dénonce l’émergence de ce nouvel esprit totalitaire qu’il faut se garder de réduire à ses effets les plus médiatisés, comme ces « déboulonnages » spectaculaires illustrant la violence purificatrice de la « cancel culture ». De fait, ce néo-puritanisme obscurantiste, inquisitorial et punitif représente, dans les démocraties occidentales, un défi majeur pour les défenseurs de la liberté d’expression, de pensée et de création. "

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  • Civiliser ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Pierre Moriamé, cueilli sur le site de la revue Éléments et consacré aux émeutes et à leurs causes profondes.

     

    Nahel_Violences.jpg

    Civiliser

    Le narratif médiatique et la sociologie fabriquent des victimes – et un coupable : la France, l’État français, le racisme systémique. On connaît la rengaine. C’est au contraire la crise de l’État, la crise des institutions, la vacance de l’autorité qui créent les conditions d’une insurrection. C’est au contraire l’État qui est à reconstruire, et la France avec lui, sous réserve que cette dernière ne soit pas submergée par l’immigration.

     

    Jean-Louis, la soixantaine et quelque peu dégarni, calfeutré dans la pénombre de son studio, fixait fébrilement son téléphone portable. Soudain, l’heure tant attendue s’afficha. C’était son moment. Il se saisit de son cabas à roulette, inspira un grand coup et ouvrit la porte de son appartement. Se remémorant les exercices appris lors de son service militaire, il descendit tel un félin les escaliers et arriva dans le hall. Jonché de détritus, tagué, occupé par un canapé éventré et exhalant une âcre odeur d’urine, celui-ci était comme il l’espérait : vide. À cette heure, il ne risquait rien, « ils » dormaient. 

    Marchant sur le trottoir, tout en restant le plus possible collé aux immeubles afin de passer inaperçu, Jean-Louis ne pouvait que déplorer les dégâts causés par les émeutes depuis déjà plusieurs jours dans sa ville de banlieue. Carcasses de bus et voitures brûlées, mobilier urbain saccagé, bris de verre et déchets omniprésents étaient désormais son quotidien. Reclus depuis longtemps chez lui, il ne s’était résolu qu’à sortir pour remplir son frigo vide.

    Arrivé devant son supermarché habituel, il le trouva grand ouvert, vitres défoncées suite à un énième pillage. Après avoir regardé hâtivement autour de lui, il s’engouffra par la brèche. À l’intérieur, il entendit des cris et des rires. Des « jeunes » s’amusaient à renverser les étalages et à vandaliser les marchandises, tout en se filmant et en multipliant les mises en scène les plus bestiales. Rampant vers le rayon bière, demeuré intact, il se servit avant de rentrer chez lui. À défaut de se nourrir, il pourrait boire pour oublier.

    La victimisation

    À ses dépens Jean-Louis était devenu l’acteur d’un film qui ressemblait beaucoup à la dernière série dystopique qu’il regardait sur Netflix. 

    Un jeune Français est mort il y a quelques jours, tué accidentellement par un policier à l’occasion d’un contrôle. Personne ou presque ne le connaissait, lui et son histoire, ses déboires avec les autorités. Tous pourtant ont prétendu parler en son nom et en celui des « jeunes de banlieues », tous, des médias à la classe politique, ont voulu donner un sens à ce drame.

    La machine infernale une nouvelle fois a été lancée. Les journalistes ont évoqué le racisme structurel de la police française et ont multiplié les parallèles avec les États-Unis. Les politiques, du Président aux Insoumis, ont immédiatement condamné le policier, sans connaître les faits. Une vidéo d’une dizaine de secondes avait suffi. Ledit jeune a eu le droit à sa minute de silence à l’Assemblée nationale, comme un militaire tué lors d’une OPEX.

    Sa mort a entraîné des émeutes qui, par leur ampleur et leur violence, dépassent celles de 2005. Face aux premières destructions de biens et équipements publics : écoles, centres culturels, mairies, bus, tramways, mais aussi aux scènes de pillage, les médias et les politiciens ont tenté d’expliquer ou plutôt de justifier le chaos. La rengaine est connue : « Les gens de ces quartiers sont discriminés et se sont immédiatement identifiés à ce jeune, victime d’une nouvelle bavure policière. Ils ont, par leur violence, voulu répondre à celle qui leur est faite, excessivement, mais de façon compréhensible. »

    Quand les émeutiers se filment

    Cet argumentaire ne résiste pas à un examen attentif de la situation de ces quartiers, pauvres, mais bénéficiant d’une manne publique bien supérieure à la normale : rénovation urbaine, équipements neufs, moyens scolaires renforcés…

    Aussi, en observant les émeutiers, on s’aperçoit qu’ils procèdent d’une façon plutôt joviale à leurs forfaits. Les pillages et les saccages sont mis en scène, filmés et diffusés en direct sur les réseaux sociaux. Chacun semble aspirer à sa petite minute de gloire et prendre plaisir à assumer et propager des actes pénalement répréhensibles. 

    Il est difficile de déceler dans ces attitudes, mais aussi dans les cibles (tabacs, équipements publics, magasins high-tech ou de sport) un contenu politique ou la volonté d’honorer la mémoire du jeune disparu, dont on ne parle presque plus. 

    Tout ceci a pourtant un sens, ou plutôt, est la marque d’un problème plus profond, dépassant celui des jeunes de banlieue. 

    Ce n’est pas la force démesurée et injuste de la police et de l’État qui a entraîné la mort de jeune et le chaos que nous peinons aujourd’hui à endiguer, mais sa faiblesse, ainsi que celle de nos institutions.

    Les faits qui ont précédé le drame sont symptomatiques : course poursuite d’une trentaine de minutes, multiples refus d’obtempérer, délits de fuite et mise en danger de la vie d’autrui par le conducteur, finalement arrêté par… la circulation. Le policier n’arrivait manifestement pas à faire entendre raison à un jeune de 17 ans. Pour être pris au sérieux, il en a été réduit à sortir son arme. Le drame s’est produit.

    C’est l’État qui est à reconstruire

    L’asymétrie entre les deux protagonistes était évidente. D’un côté, un policier, astreint à des règles, soumis à une hiérarchie qui pousse plus que tout à éviter les contacts et qui sait qu’il ne sera pas soutenu en cas d’incident. De l’autre, un délinquant, jeune et sûr de lui, fort d’un sentiment d’impunité1. Lui aussi, sait qu’en cas d’infraction grave, il écopera d’un rappel à l’ordre ou dans le pire des cas d’un sursis. Le policier sait qu’il ne fait guère peur au délinquant et craint que celui-ci ne tente donc quelque chose contre lui. Engrenage fatal. La bonne vieille peur du gendarme, qui n’existe plus chez certains, aurait probablement sauvé le jeune, victime paradoxale du laxisme de la justice. 

    Cette police qu’on ne respecte plus n’est qu’un des nombreux avatars de l’affaissement de l’État. On pourrait tout aussi bien parler des professeurs, des pompiers ou des personnels soignants, victimes de ce qu’on appelle pudiquement des « incivilités », mais qui eux ne peuvent répondre avec une arme.

    Pour contrer ce délitement et restaurer la paix civile, il ne suffira pas de mobiliser des dizaines de milliers de policiers et de financer une nouvelle fois tout de qui a été brûlé. 

    L’État doit reconstruire les institutions qui permettaient à notre société d’avoir une cohésion.

    Dans un pays devenu multiethnique et multiculturel, en voie de communautarisation et au sein duquel coexistent des populations aux mœurs différentes, les subventions et le « social » ne seront pas des solutions miracles. La pression assimilatrice des Français de souche ou le renvoi massif des immigrés récents dans leurs pays d’origine sont les seules possibilités pour éviter un séparatisme définitif et l’affrontement avec un deuxième peuple sur notre sol. 

    La destruction programmée des institutions

    Le processus délétère auquel nous sommes aujourd’hui confrontés n’est toutefois qu’en partie lié aux immigrés et affecte toutes les classes sociales. Les affrontements qu’on observe, notamment dans les « ZAD » où les immigrés sont peu représentés, illustrent un phénomène plus global.

    Le rejet de l’autorité de l’État trouve ses origines dans la grande déconstruction consécutive aux événements de mai 1968 et à la prise du pouvoir par des catégories sociales qui n’ont eu de cesse de démolir les assises de l’ordre ancien. 

    Le développement depuis les années 80 d’une société fondée sur la seule logique du marché, l’effondrement des structures (chômage de masse, généralisation du divorce, faillite de l’enseignement) et la volonté de faire prévaloir les intérêts de l’individu-roi au détriment du collectif nous ont conduits dans l’impasse où nous sommes aujourd’hui. 

    Notre Président se plaît à employer des mots qui ne sont pas les siens et qu’il ne comprend pas. Récemment, il a évoqué le processus de « décivilisation » que connaissait notre pays. Pour lui, la décivilisation se résume aux actes violents d’une poignée de gens qu’il conviendrait de ramener dans le droit chemin.

    La décivilisation ne se caractériserait-elle pas plutôt par la destruction des institutions qui fixaient une limite à la toute-puissance des individus et garantissaient à l’État, seule autorité transcendant les intérêts particuliers, le monopole de la violence légitime ?

    Que transmet-on aujourd’hui ? 

    Ce n’est pas un hasard si les jeunes d’aujourd’hui mettent le feu et pillent sous le regard des anciens. Cette génération n’a rien connu d’autre que la société décivilisée dans laquelle elle vit. 

    Pour elle, biberonnée à la consommation de masse, dans un univers où la réussite individuelle, sous l’unique prisme de l’argent, est érigée en idéal, dans des structures familiales déliquescentes, avec des programmes télévisés vulgaires tenant lieu de cours d’éducation civique, tout justifie ces actes. 

    Il ne s’agit pas d’exonérer les jeunes de leur responsabilité et de réduire la gravité des pillages. On gagnerait toutefois à se poser la bonne question : que transmet-on aujourd’hui ? 

    Notre modèle de société, qui contient en germe la guerre du tous contre tous, fabrique des monstres sans empathie qui se filment en saccageant. 

    Une réponse ferme et implacable doit être apportée à ces violences, c’est une première étape. Elle ne servira à rien si on ne déconstruit pas les déconstructeurs et ne rebâtit pas un projet collectif capable de fédérer les forces centrifuges, croissantes, de notre pays. 

    Encore faudrait-il pour se faire que nos élites y trouvent leur intérêt et poussent en ce sens. 

    Dans les banlieues françaises comme partout en France, la décivilisation est en marche.

    Pierre Moriamé (Site de la revue Éléments, 4 juillet 2023)

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  • Déconstruction du wokisme...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous une intervention de Julien Rochedy qui revient sur la philosophie de la déconstruction et son rejeton le wokisme...

    Publiciste et essayiste, Julien Rochedy, qui est une figure montante de la mouvance conservatrice et identitaire, a déjà publié plusieurs essais dont Nietzsche l'actuelL'amour et la guerre - Répondre au féminisme et Philosophie de droite.

     

                                           

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  • Permis de construire ou de déconstruire ?...

    Dans ce nouveau numéro d’Orages de papier, réalisé par TV Libertés en partenariat avec la Nouvelle Librairie , François Bousquet rencontre Julien Rochedy à l'occasion de la publication de son essai intitulé Philosophie de droite.

    Publiciste et essayiste, Julien Rochedy, qui est une figure montante de la mouvance conservatrice et identitaire, a déjà publié plusieurs essais dont Nietzsche l'actuel, et L'amour et la guerre - Répondre au féminisme.

     

                                               

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  • Comment la France est devenue la colonie de ses colonies...

    Sous couvert de sa revue L'Afrique réelle, Bernard Lugan vient de publier un essai Comment la France est devenue la colonie de ses colonie.

    Historien et africaniste, Bernard Lugan a publié de nombreux ouvrages, dont Histoire de l'Afrique (Ellipses, 2009), Atlas historique de l'Afrique (Rocher, 2018), Esclavage, l'histoire à l'endroit (L'Afrique réelle, 2020) et dernièrement Pour répondre aux « décoloniaux », aux islamo-gauchistes et aux terroristes de la repentance (L'Afrique réelle, 2021).

    Il est également l'auteur de deux romans avec Arnaud de Lagrange, Le safari du Kaiser (La Table ronde, 1987) et Les volontaires du Roi (réédition : Balland, 2020), ainsi que d'un récit satirique, Le Banquet des Soudards (La Nouvelle Librairie, 2020) et d'un recueil de nouvelles, Nouvelles incorrectes d'une Afrique disparue (La Nouvelle Librairie, 2021).

     

    Lugan_Comment la France est devenue la colonie de ses colonies.jpg

    " Dans ses colonies, la France a construit 220 hôpitaux dans lesquels soins et médicaments étaient gratuits, 50 000 kilomètres de routes bitumées, 18 000 kilomètres de voies ferrées, 63 ports, 196 aérodromes, des centaines de barrages, de ponts, de centrales électriques, des milliers d’écoles, de dispensaires, de maternités, de conduites d’eau, de fermes modèles, de bâtiments divers, etc.
    Cette entreprise titanesque fut intégralement payée par les impôts et l’épargne des Français. Elle coûta à la France 22 % de toutes ses dépenses sur fonds publics.
    Entre 1946 et 1956, alors que la décolonisation était en marche, l’Etat français dépensa encore, pour la seule construction d’infrastructures coloniales, l’équivalent de 30,29 milliards d’euros supplémentaires.
    Quant à l’Algérie, de 1950 à 1960, elle engloutit à elle seule 20 % du budget de l’Etat Français. Des sommes colossales qui auraient pu être utilisées à moderniser la métropole.
    Et l’on ose nous parler de « pillage colonial » en « réparation » duquel, dans une volonté d’expiation de « crimes » imaginaires, les Français sont aujourd’hui sommés, non seulement d’accepter, mais plus encore, d’intégrer une déferlante migratoire qui, selon la formule parlante d’Edouard Herriot, a fait de la France la « colonie de ses colonies ».
    Remettre à l’endroit l’histoire de la colonisation était donc une nécessité afin de donner aux résistants de la pensée les arguments qui leur permettront de combattre l’entreprise de déconstruction historique à laquelle se livrent des groupes de pression aux méthodes totalitaires."
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  • “Mafias”, “déconstruction” : mots et concepts massacrés par les médias d’information...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Xavier Raufer cueilli sur le site de l'Observatoire du journalisme et consacré à la confusion entretenue par les médias "d'information" autour de certains mots et concepts.

     

    Confusion des mots.jpg

    “Mafias”, “déconstruction” : mots et concepts massacrés par les médias d’information

    Tordre en tous sens les mots et concepts c’est, à terme, l’assurance que nul ne s’entendra sur rien. Or, quoiqu’à l’origine in-former signifie donner une forme, des médias “d’information” massacrent allègrement, par sensationnalisme ou ignorance, des termes importants — certes, en criminologie ; mais aussi, en philosophie et pour les sciences humaines au sens large. À titre d’alerte, voici deux de ces termes utilisés à tort et à travers, générant de ce fait de pénibles confusions : “mafia” et “déconstruction”. Pour “mafia”, la critique sera factuelle, donc brève ; mais “déconstruction” nécessitera d’avancer un peu dans le conceptuel.

    Médias d’information et “mafia”

    Mafia, ce mot, au sens criminologique précis, désigne une redoutable “aristocratie” criminelle apparue dans moins de dix pays au monde ; or des médias mettent, par ivresse spectaculaire, le mot “mafia” à toutes les sauces : “la mafia des ordures”, lit-on ainsi récemment. Bien sûr, ce cafouillis sémantique provoque confusions et erreurs de diagnostic. Que dirait-on d’un médecin nommant “cancer” un “panaris” ou l’inverse ? Le mésusage du mot mafia est tout aussi dangereux ; en premier lieu, pour les populations subissant ce gravissime fardeau criminel.

    Qu’est-ce alors qu’une vraie mafia ? Une entité séculaire accessible par initiation, fondée sur le triptyque intimidation-omerta-soumission. En février 2012, la Revue d’Histoire des Religions définit justement Cosa nostra de Sicile : “Société secrète dépourvue de statuts et de listes d’appartenance, disciplinée par des règles transmises oralement. Au sein de Cosa nostra, seule la ‘parole d’honneur’ engage à vie”. Et quelle pérennité ! Le 2e repenti de l’histoire de Cosa nostra se présente ainsi au juge Giovanni Falcone : “Je suis Salvatore Contorno, Homme d’Honneur de la 7e génération, de la famille de Santa Maria di Gesù” (Palerme). Hors de rares mafias, qui a jamais vu des criminels de père en fils, en ligne directe sur deux siècles ?

    Enfin, les vraies mafias sont quasi-indéracinables : Cosa nostra traversa vingt ans de fascisme ; les grandes Triades chinoises, soixante-dix ans de communisme, dont dix d’une “Révolution culturelle” aux dizaines de millions de victimes ; toutes ont survécu. Le reste, y compris la fictive “mafia russe”, ne sont que bandes n’ayant jamais dépassé la première génération.

    Libération et la “déconstruction”

    En mode victimaire, Libé s’afflige en décembre passé que la “déconstruction” devienne “la nouvelle cible des conservateurs” : “Nouvelle obsession de la droite pour disqualifier les combats progressistes… Marotte idéologique… Nouvelle obsession pour polémistes de la réaction”… Mais comment osent-ils offusquer ainsi la “pensée deridienne” [de Jacques Derrida], qui nous permet, à nous la gauche, de “penser au-delà des structures binaires” ?

    Nul besoin d’être “de droite”, “conservateur” ou “réactionnaire” ; simplement, d’avoir une modeste culture philosophique, pour vouloir rectifier ces larmoyantes sottises. Remarquons d’abord que jadis, Libé disposait de chroniqueurs de philosophie compétents ; mais, à mesure où les titres de ses articles sombrent dans ce qu’on nommait jadis “plaisanteries de garçon de bains” [1], le contenu s’affaiblit de même.

    Voici donc ce qu’est le concept de déconstruction — inscrit dans un ouvrage illustre, trois ans avant que naisse M. Derrida. Depuis les “présocratiques”, Anaximandre, Héraclite, Parménide, etc., que parvient-il au philosophe du début du XXe siècle de l’expérience originelle de la pensée grecque ? “Un passé simplement conservé auquel on se cramponne sans que rien de fécond n’en jaillisse jamais”. Pour l’émergeant courant phénoménologique, tradition philosophique égale sclérose. L’originel “est recouvert par un passé devenu impropre” et ce conservatisme “fabrique la règle et l’idéal seulement à partir de ce qui est advenu” (le passé).

    Sortir de l’impasse par le questionnement

    - Que faire pour “reconduire les concepts à leur origine spécifique… Libérer les positions métaphysiques fondamentales de ce qui empêche d’accéder jusqu’à elles” ?

    - Comment accéder à la perspective “au sein de laquelle non seulement la chose apparaît mais avec elle, le principe à la lumière duquel elle apparaît” ?

    - Comment remettre en question toutes les définitions traditionnelles ; ce bien sûr pas par ‘conservatisme’, mais par souci d’atteindre la source, libérant ainsi de nouveaux possibles ?

    - Comment “tirer la philosophie de son aliénation et la ramener à elle-même” ?

    - Comment opérer ce retour en amont vers l’inaugural… Partir en quête de l’originel ?

    Quête des origines authentiques de la pensée

    La méthode permettant de sortir de l’impasse résulte du déracinement subi par le jeune Martin Heidegger arrivant (en 1923) à l’université de Marbourg. Issu d’une famille très catholique (son père est bedeau…), il subit un double choc : lire les écrits de Martin Luther, fréquenter des théologiens protestants. Ce que Luther a fait pour le christianisme (retour aux sources, à l’origine) ; lui, Martin Heidegger, le fera pour la philosophie. Son outil : la “destruction phénoménologique”. (Sein und Zeit, Être et temps, 1927, ci-après SuZ) § 22 “Il est besoin de secouer la tradition sclérosée et d’en détacher les revêtements ; cette tâche nous la comprenons comme destruktion [2]. Auparavant, Heidegger nous avertit (SuZ §6) “Destruktion ne signifie pas anéantissement, mais déblaiement et mise à l’écart des énoncés purement historisants sur l’histoire de la philosophie”.

    Cette “désobstruction” permet de dépasser le sens et la familiarité diffuse que nous avons d’une chose, de remettre en question les définitions traditionnelles. Bref : de s’extraire d’une impasse pour aller à l’origine ; ce qui ensuite, permet l’accès à l’essence, au décisif.

    Plus tard — bien plus tard pour J. Derrida, né en 1930 — des disciples ou imitateurs de Heidegger, Hans Jonas, Hannah Arendt, Hans-Georg Gadamer, reprennent le concept de “déconstruction”. Sous l’influence de néo-marxistes de l’École de Francfort (Max Horkheimer, Theodor Adorno), notamment de leur “Dialectique de la raison” (1947), le concept positif de “déconstruction” devient pour J. Derrida une sorte de “boule de démolition” philosophique-militante, vouée à répandre la stratégie du soupçon, à disqualifier, à condamner — d’abord Platon, “père du totalitarisme”. Toute l’immense histoire du concept de “déconstruction”, avant son épisode derridien, le polémiste-Libé l’a omise. Peut-être n’en savait-il rien, après tout.

    Xavier Raufer (Observatoire du journalisme, 14 janvier 2022)

    Notes :

    [1] Définition : ces plaisanteries sont ” à l’esprit léger, ce que les gaz du Pétomane sont à la parfumerie. Un truc qui peut faire rire un instant et qu’on tentera d’oublier honteusement dans la seconde qui suit”.
    [2] Terme d’usage traduit en français par “déconstruction”, mais qui serait mieux rendu par “désobstruction”.

     

     

     

    Tordre en tous sens les mots et concepts c’est, à terme, l’assurance que nul ne s’entendra sur rien. Or, quoiqu’à l’origine in-former signifie donner une forme, des médias “d’information” massacrent allègrement, par sensationnalisme ou ignorance, des termes importants — certes, en criminologie ; mais aussi, en philosophie et pour les sciences humaines au sens large. À titre d’alerte, voici deux de ces termes utilisés à tort et à travers, générant de ce fait de pénibles confusions : “mafia” et “déconstruction”. Pour “mafia”, la critique sera factuelle, donc brève ; mais “déconstruction” nécessitera d’avancer un peu dans le conceptuel.

    Médias d’information et “mafia”

    Mafia, ce mot, au sens criminologique précis, désigne une redoutable “aristocratie” criminelle apparue dans moins de dix pays au monde ; or des médias mettent, par ivresse spectaculaire, le mot “mafia” à toutes les sauces : “la mafia des ordures”, lit-on ainsi récemment. Bien sûr, ce cafouillis sémantique provoque confusions et erreurs de diagnostic. Que dirait-on d’un médecin nommant “cancer” un “panaris” ou l’inverse ? Le mésusage du mot mafia est tout aussi dangereux ; en premier lieu, pour les populations subissant ce gravissime fardeau criminel.

    Qu’est-ce alors qu’une vraie mafia ? Une entité séculaire accessible par initiation, fondée sur le triptyque intimidation-omerta-soumission. En février 2012, la Revue d’Histoire des Religions définit justement Cosa nostra de Sicile : “Société secrète dépourvue de statuts et de listes d’appartenance, disciplinée par des règles transmises oralement. Au sein de Cosa nostra, seule la ‘parole d’honneur’ engage à vie”. Et quelle pérennité ! Le 2e repenti de l’histoire de Cosa nostra se présente ainsi au juge Giovanni Falcone : “Je suis Salvatore Contorno, Homme d’Honneur de la 7e génération, de la famille de Santa Maria di Gesù” (Palerme). Hors de rares mafias, qui a jamais vu des criminels de père en fils, en ligne directe sur deux siècles ?

    Enfin, les vraies mafias sont quasi-indéracinables : Cosa nostra traversa vingt ans de fascisme ; les grandes Triades chinoises, soixante-dix ans de communisme, dont dix d’une “Révolution culturelle” aux dizaines de millions de victimes ; toutes ont survécu. Le reste, y compris la fictive “mafia russe”, ne sont que bandes n’ayant jamais dépassé la première génération.

    Libération et la “déconstruction”

    En mode victimaire, Libé s’afflige en décembre passé que la “déconstruction” devienne “la nouvelle cible des conservateurs” : “Nouvelle obsession de la droite pour disqualifier les combats progressistes… Marotte idéologique… Nouvelle obsession pour polémistes de la réaction”… Mais comment osent-ils offusquer ainsi la “pensée deridienne” [de Jacques Derrida], qui nous permet, à nous la gauche, de “penser au-delà des structures binaires” ?

    Nul besoin d’être “de droite”, “conservateur” ou “réactionnaire” ; simplement, d’avoir une modeste culture philosophique, pour vouloir rectifier ces larmoyantes sottises. Remarquons d’abord que jadis, Libé disposait de chroniqueurs de philosophie compétents ; mais, à mesure où les titres de ses articles sombrent dans ce qu’on nommait jadis “plaisanteries de garçon de bains[1], le contenu s’affaiblit de même.

    Voici donc ce qu’est le concept de déconstruction — inscrit dans un ouvrage illustre, trois ans avant que naisse M. Derrida. Depuis les “présocratiques”, Anaximandre, Héraclite, Parménide, etc., que parvient-il au philosophe du début du XXe siècle de l’expérience originelle de la pensée grecque ? “Un passé simplement conservé auquel on se cramponne sans que rien de fécond n’en jaillisse jamais”. Pour l’émergeant courant phénoménologique, tradition philosophique égale sclérose. L’originel “est recouvert par un passé devenu impropre” et ce conservatisme “fabrique la règle et l’idéal seulement à partir de ce qui est advenu” (le passé).

    Sortir de l’impasse par le questionnement

    - Que faire pour “reconduire les concepts à leur origine spécifique… Libérer les positions métaphysiques fondamentales de ce qui empêche d’accéder jusqu’à elles” ?

    - Comment accéder à la perspective “au sein de laquelle non seulement la chose apparaît mais avec elle, le principe à la lumière duquel elle apparaît” ?

    - Comment remettre en question toutes les définitions traditionnelles ; ce bien sûr pas par ‘conservatisme’, mais par souci d’atteindre la source, libérant ainsi de nouveaux possibles ?

    - Comment “tirer la philosophie de son aliénation et la ramener à elle-même” ?

    - Comment opérer ce retour en amont vers l’inaugural… Partir en quête de l’originel ?

    Quête des origines authentiques de la pensée

    La méthode permettant de sortir de l’impasse résulte du déracinement subi par le jeune Martin Heidegger arrivant (en 1923) à l’université de Marbourg. Issu d’une famille très catholique (son père est bedeau…), il subit un double choc : lire les écrits de Martin Luther, fréquenter des théologiens protestants. Ce que Luther a fait pour le christianisme (retour aux sources, à l’origine) ; lui, Martin Heidegger, le fera pour la philosophie. Son outil : la “destruction phénoménologique”. (Sein und Zeit, Être et temps, 1927, ci-après SuZ) § 22 “Il est besoin de secouer la tradition sclérosée et d’en détacher les revêtements ; cette tâche nous la comprenons comme destruktion [2]. Auparavant, Heidegger nous avertit (SuZ §6) “Destruktion ne signifie pas anéantissement, mais déblaiement et mise à l’écart des énoncés purement historisants sur l’histoire de la philosophie”.

    Cette “désobstruction” permet de dépasser le sens et la familiarité diffuse que nous avons d’une chose, de remettre en question les définitions traditionnelles. Bref : de s’extraire d’une impasse pour aller à l’origine ; ce qui ensuite, permet l’accès à l’essence, au décisif.

    Plus tard — bien plus tard pour J. Derrida, né en 1930 — des disciples ou imitateurs de Heidegger, Hans Jonas, Hannah Arendt, Hans-Georg Gadamer, reprennent le concept de “déconstruction”. Sous l’influence de néo-marxistes de l’École de Francfort (Max Horkheimer, Theodor Adorno), notamment de leur “Dialectique de la raison” (1947), le concept positif de “déconstruction” devient pour J. Derrida une sorte de “boule de démolition” philosophique-militante, vouée à répandre la stratégie du soupçon, à disqualifier, à condamner — d’abord Platon, “père du totalitarisme”. Toute l’immense histoire du concept de “déconstruction”, avant son épisode derridien, le polémiste-Libé l’a omise. Peut-être n’en savait-il rien, après tout.

    Xavier Raufer, criminologue

    Notes

    [1] Définition : ces plaisanteries sont ” à l’esprit léger, ce que les gaz du Pétomane sont à la parfumerie. Un truc qui peut faire rire un instant et qu’on tentera d’oublier honteusement dans la seconde qui suit”.
    [2] Terme d’usage traduit en français par “déconstruction”, mais qui serait mieux rendu par “désobstruction”.

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