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  • Heidegger, médecin de la modernité ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Pierre le Vigan cueilli sur le site de la revue Éléments et consacré à Heidegger vu comme médecin de notre civilisation.

    Philosophe et urbaniste, Pierre Le Vigan est l'auteur de plusieurs essais comme Inventaire de la modernité avant liquidation (Avatar, 2007), Le Front du Cachalot (Dualpha, 2009), La banlieue contre la ville (La Barque d'Or, 2011), Nietzsche et l'Europe (Perspectives libres, 2022), Le coma français (Perspectives libres, 2023), Clausewitz, père de la théorie de la guerre moderne ou tout récemment Les démons de la déconstruction - Derrida, Lévinas, Sartre (La Barque d'Or, 2024).

     

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    Heidegger, médecin de la modernité

    Heidegger (1889-1976) est toujours au cœur des préoccupations de  notre temps. Heidegger et la question du management, un livre de Baptiste Rappin – un management qui va bien au-delà du monde de l’entreprise – en témoigne. Tout autant que l’influence de Heidegger sur la pensée du regretté Pierre Legendre, ou sur la pensée de Michel Maffesoli. Pour le dire autrement, Heidegger est inactuel, ce qui lui permet d’être toujours actuel.

    Le père jésuite William John Richardson avait distingué (1963) un premier Heidegger, jusqu’à 1927, avec la parution d’Être et Temps, et un second, après 1927. Ces périodisations ne sont pas inutiles, en indiquant un changement de perspective, d’autant que Être et Temps est inachevé, et que Heidegger a estimé plus judicieux de modifier son angle de vue, plutôt que de tenter de l’achever à partir d’une position qui n’était plus tout à fait la sienne. C’était un mouvement de pas de côté classique chez les grands intellectuels.  Mais un changement de perspective n’empêche pas la constance d’une visée. Cette dernière, c’est de penser ce qu’en termes « savants » on nomme la différence ontologique. En termes plus communs, c’est le gouffre, la « bouche d’ombre », la menace du néant, la conscience de la présence du néant et le singulier devoir de le regarder sans y sombrer. Comme le rappelait Antoine Dresse, les anti-modernes sont souvent des modernes qui sont tellement modernes qu’ils ne se font pas d’illusions sur les idéaux de la modernité.  Ce qui caractérise Heidegger, c’est de refuser le nihilisme sans nier un seul instant la réalité de sa menace.

    La différence ontologique : il s’agit de la différence entre l’être et l’étant, entre l’être et les étants. Pour être plus précis, il faudrait parler de différence ontico-ontologique. L’ontique, c’est le domaine des étants, c’est l’ « étantité ». L’ontologique, c’est le domaine de l’être. Mais bien entendu, l’un se peut se penser sans l’autre, l’un ne peut se passer de l’autre, et c’est pourquoi il s’agit d’abord, pour Heidegger et pour nous, de penser l’entre (Zwischen), ce qui se tient entre ces deux notions, et ce qui les fait tenir ensemble.  Cette question de la différence ontologique (pour employer un mot plus simple que ontico-ontologique), Heidegger l’aborde dans Les concepts fondamentaux de la phénoménologie, en 1927 (Gallimard, 1985). Le constat que fait Heidegger, c’est qu’il y a une histoire de l’être en tant qu’il y a une histoire des différentes manières dont l’être a été pensé. Mais l’être a été pensé systématiquement en tant qu’étant, et la question de l’être lui-même, en tant qu’il n’est pas strictement l’étant, ni les étants, ni seulement la somme des étants, cette question de l’être a été ramenée à la question de la déité, à la question des dieux, et surtout, avec les monothéismes, à la question de Dieu, c’est-à-dire d’une instance hors du monde (François Jaran, La métaphysique du Dasein, Vrin, 2010). C’est l’onto-théologie. C’est ce qui a donné lieu à la succession de la plupart des métaphysiques, c’est-à-dire des explications du monde selon un principe qui n’est pas le monde lui-même. 

    Séparation de l’être et des étants

    L’onto-théologie repose, dans son principe même, sur un constat de coupure entre l’être et les étants. Les étants sont les choses dans leur singularité en mettant de côté le fait qu’elles sont une manifestation de la nature, de la phusis (la phusis est l’ensemble des choses de la nature, mais aussi le ressort même de la nature. On ne peut mieux dire sur ce point que Spinoza : la nature est ‘’nature naturée’’ et elle est ‘’nature naturante’’). L’onto-théologie  entend remédier à cette coupure (entre être et étant), mais d’une façon causale et non « ensembliste ». En expliquant où est la cause de l’un (l’étant) plus qu’en cherchant ce qui tient l’un ensemble avec l’autre. La philosophie choisit ainsi la voie de la théologie pour répondre à la question de ce que sont les étants. On en arrive ainsi à définir – ou du moins à donner une place centrale à – un étant suprême, un supra-étant, un primo-étant. Un étant primordial, avant les étants du monde. Celui-ci est Dieu dans les monothéismes. Cette question réglée, la tâche de l’ontologie sera de penser ce que les étants ont de commun entre eux.

    Heidegger propose – là est sa nouveauté – de reprendre la tâche de l’ontologie sans considérer comme acquise la première étape de la réflexion de l’onto-théologie, qui nous amène sur la piste de Dieu, étant suprême. Pour ce faire, Heidegger met l’accent non sur les analyses du monde comme doté d’un « moteur immobile » ou « premier moteur immobile » (Aristote) mais sur les approches originelles du monde, souvent antésocratiques, ou modernes, mais poétiques (Hölderlin, Novalis…). Ce sont celles qui interrogent le monde sur le mode de l’étonnement. Pourquoi y a-t-il une donation ? Pourquoi y a-t-il une naissance du monde ? (Et qu’importe le géniteur). C’est la phénoménalité pure du monde qui intéresse Heidegger.  Il s’agit donc de chercher le sens de l’être hors de l’onto-théologie. Dans quelle « région » de l’être peut-on espérer sentir sa présence ? La réponse est : dans le domaine du sacré (Heilige). 

    Pour approcher le sacré, qui n’est pas Dieu, et qui n’est certes pas non plus le contraire du divin, il faut sortir de la question de la création du monde, et il faut s’interroger sur la présence au monde, question beaucoup plus fondamentale. Cette question de la présence au monde et de la présence du monde, y compris en nous, se situe au-delà de toute problématique du sujet, qu’il s’agisse du sujet-homme ou du sujet-dieu. Car il est bien certain que nous faisons parti du monde, et que nous ne pouvons donc jamais être observateur du monde sans participation à celui-ci.  C’est ce qu’aide à comprendre la notion de Dasein. Si Heidegger emploie la notion de Dasein, il convient de l’entendre comme Da-sein. Ce terme, que l’on a parfois traduit comme « existence humaine en tant qu’elle est présente au monde » est, plus généralement et plus essentiellement, le chaînon manquant entre l’être et les étants. Le Da-sein s’éprouve avec un « pas en arrière » (Schritt zurück) qui permet d’oublier la perspective sujet-objet pour voir le monde comme une coincidence des contraires, entre l’être et les étants, et même comme identité des contraires, qui ne sont que deux faces, l’une intérieure, l’autre extérieure, d’une même chose.

    Présence de l’être

    Le Da-sein, étymologiquement « être-là » (le mot est de Goethe) est l’ « être-le-là ». C’est le fait d’être là. Qu’est-ce qui est  ? C’est précisément l’être. C’est le « là » de l’être. C’est la présence de l’être qui est être en tant qu’il est présence. Le Da-sein n’est pas un sujet du monde. Il est l’ouverture sur le monde. Il est l’Ouvert. « De tous les yeux, la créature voit l’Ouvert » (Rilke, Huitième élégie de Duino). « Viens dans l’Ouvert, ami » (Holderlin, La promenade à la campagne). L’Ouvert, le Da-sein est l’interrogation étonnée sur l’être et sur le monde. Sur l’être du monde pour le dire en des termes résolument post-théologiques. Le Da-sein est ainsi ce qui surmonte le clivage, la faille, la scission (Spaltung) entre l’être et les étants. Affirmer le Da-sein, libérer l’accès à celui-ci, c’est ouvrir l’accès au de l’être. C’est désencombrer la voie vers le de l’être. C’est signifier qu’il n’y a pas d’un côté les choses triviales du monde, les étants, et d’un autre côté, un sacré hors du monde, qui ne peut ainsi être un sacré puisqu’il est inaccessible. (Le refus du sacré d’un point de vue chrétien est un thème de René Girard, qui n’a toutefois pas le monopole de l’interprétation du christianisme). En surmontant cette scission entre les étants et le sacré, entre les étants et l’être, on prend conscience de la source, de l’origine de tout ce qui est. On prend conscience, – et confiance –, dans la phusis devenant ce qu’elle est. On s’étonne et on admire le miracle de la natalité. Le Da-sein est justement ce qui fait pont au-dessus de cet entre-deux, entre la rive du ontique (les étants) et la rive de l’ontologique (l’être).

    Faire un pont permet de voir de plus haut. Le pont permet de rendre présent le paysage, l’espace, le monde. Le Da-sein est un sentiment de la présence des choses qui permet de comprendre leur heccéité (ou eccéité), c’est-à-dire en quoi elles sont présentes avec toutes leurs caractéristiques spécifiques. De même que la substance Amour se manifeste par l’attachement amoureux en acte, de même la substance du Pain se manifeste par le « pain quotidien » des prières chrétiennes. C’est l’actualisation d’une substance, comme le note Michel Maffesoli. De la puissance à l’acte, selon Aristote.

    Non plus chercher les causes des étants, mais chercher en quoi les étants sont une ouverture vers l’être, en quoi ils sont porteurs d’une portion du monde, d’un fragment du monde, d’un monde en réduction (les fractales), mais en même temps déjà-là, en quoi ils attestent de la réalité du monde. Voilà le projet, anthropologique autant que « philosophique » de Heidegger (qui préférait la « pensée » à la « philosophie »). Et la réalité du monde, c’est la présence du monde.  Une présence qui se manifeste diversement. Le Da-sein consiste à s’attacher à la manière d’être des choses comme témoin du mystère de l’être. La manière d’être des choses, leur heccéité, c’est aussi leur hexis (Aristote), ou leur habitus (chez Thomas d’Aquin, chez Bourdieu, chez bien d’autres). C’est la disposition d’êtres des étants, et notamment des étants humains. C’est la façon dont nous sommes au monde, d’une manière à la fois singulière et ouverte à la plénitude du monde, à son entièreté, à sa pleine étendue (Ganzheit). Cette singularité, c’est ce qui fait lien entre le spécifique et l’universel. C’est ce qui fait lien entre les sens, le ressenti, et le compris, le rationnel, l’intellect, le conscient.

    L’oubli du lien

    L’oubli de l’être – thème par lequel on résume bien souvent la pensée de Martin Heidegger – c’est bien plutôt l’oubli du Da-sein, l’oubli de ce qui fait lien, de ce qui fait pont entre l’être et les étants. Par cet oubli, le monde est réduit à quelque chose qui peut être arraisonné. Il est réduit à un dispositif (Gestell). Un dispositif dans lequel les étants (les choses du monde) sont instrumentalisées mais dans lequel nous-mêmes, à force d’avoir voulu être le sujet d’un monde qui serait notre objet, devenons l’objet d’un dispositif. En ce sens, on peut estimer que la modernité était le monde dans lequel les étants sont mis à la disposition de l’homme « comme maître et possesseur de la nature » (Descartes), et que la post-modernité consiste dans le fait que le rapport sujet-objet perd de son importance, l’homme devenant lui-même un objet de dispositifs, de numérisations, de processus variés, emporté par des flux dont la finalité se laisse de plus en plus difficile à deviner, et en tout cas à maîtriser. C’est ce que l’on a appelé le règne de la technique, ou encore l’insertion dans la mégamachine. Heidegger voit dans cela une ultime métaphysique. Et il lui parait nécessaire de la dépasser pour s’ouvrir à une nouvelle sagesse dans les rapports de l’homme et du monde, à une écosophie (Félix Guattari, Qu’est ce que l’écosophie ?, 2018 – textes de 1985-1992, Les trois écologies, 1989. Le thème de l’écosophie est aussi cher à Michel Maffesoli, avec sa tonalité propre).

    Cette nouvelle sagesse peut s’illustrer par une vision  du monde comme un Quatriparti (Geviert).  Les quatre éléments de ce site (topos)  sont la terre, le ciel, les mortels et les dieux. Les mortels : donc les hommes. Ce thème, qui survient dans « Regard dans ce qui est » (Einblick in das was ist), recueil de quatre conférences données à Brême en décembre 1949 (in Questions IV), consiste à voir le monde au-delà de l’option de l’arraisonnement sans limite et sans mise en forme esthétique. Le Quadriparti peut permettre d’imaginer une « reprise » dans notre rapport au monde, une réorganisation de ce rapport, et ainsi une guérison (Verwindung). C’est un thème des Holzwege, des chemins « qui ne mènent nulle part », dit la traduction française, et qui sont en fait, commme le savent bien les randonneurs, des chemins qui mènent quelque part, à condition de savoir s’orienter. Un thème et une façon de surmonter notre crise (Krinein), qui est une maladie du jugement : nous n’arrivons plus à juger, à déjuger, et à décider. 

    Ce sens de l’être-là (Da-sein), cette présence à la présence, ce « rendez-vous avec nous-mêmes » (Henri Michaux), cette stratégie de l’attention (au monde), c’est peut-être ce qui peut permettre de ressentir l’unicité du sacré, c’est-à-dire le fait qu’il est Un sous de multiples formes, tout comme la Trinité manifeste sous plusieurs formes que Dieu est Un, et en tout cas que la déité est une. Une actualisation plurielle d’une substance commune. Peut être ainsi sera-t-il possible alors de s’approcher d’une certaine sérénité (Gelassenheit), d’une certaine égalité d’âme, qui permette une (relative) paix de l’esprit (apathéia).  C’est encore l’attention à la présence de l’être qui désobstruera ce qui bouche le chemin qui relie l’être et les étants. Le Da-sein : encore et toujours. 

    Pierre Le Vigan (Site de la revue Éléments, 11 septembre 2024)

     

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  • En cheminant avec Heidegger...

    Dans ce nouveau numéro de l'émission de TV Libertés, « Les idées à l’endroit », Rémi Soulié, pour évoquer le philosophe allemand Martin Heidegger, penseur de l’enracinement et du mystère de l’Être, reçoit Michel Maffesoli, sociologue, professeur émérite à la Sorbonne, auteur de nombreux ouvrages dont L'ère des soulèvements (Cerf, 2021) et Le  Le Temps des peurs (Cerf, 2023), et Baptiste Rappin, philosophe, maître de conférence à l’Université de Lorraine, auteur de Abécédaire de la déconstruction (Ovadia, 2021) et Anachronismes - Éléments pour une philosophie de l’intempestivité (Ovadia, 2023).

     

                                                  

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  • A propos de Georges Sorel...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien de Baptiste Rappin avec Rodolphe Cart, cueilli sur Stalker et consacré à l'ouvrage que ce dernier a consacré à Georges Sorel.

    Partisan d'un nationalisme social et populaire  et collaborateur occasionnel d’Éléments, Rodolphe Cart est l'auteur de deux essais Georges Sorel - Le révolutionnaire conservateur (La Nouvelle Librairie, 2023) et Feu sur la droite nationale ! (La Nouvelle Librairie, 2023).

     

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    Entretien entre Rodolphe Cart et Baptiste Rappin à propos de Georges Sorel, Le révolutionnaire conservateur

     

    «La démocratie ayant pour objet la disparition des sentiments de classe et le mélange de tous les citoyens dans une société qui renfermerait des forces capables de pousser chaque individu intelligent à un rang supérieur à celui qu’il occupait par sa naissance, elle aurait partie gagnée si les travailleurs les plus énergiques avaient pour idéal de ressembler aux bourgeois, étaient heureux de recevoir leurs leçons et demandaient aux gens en réputation de leur fournir des idées.»
    Georges Sorel, Les Illusions du progrès (1908).

    «Le sublime est mort dans la bourgeoisie et celle-ci est donc condamnée à ne plus avoir de morale.»

    Georges Sorel, Réflexions sur la violence (1908).

     

    Baptiste Rappin : Cher Rodolphe, vous venez de publier aux Éditions de la Nouvelle Librairie un livre (215 pages) en forme de synthèse de la pensée de Georges Sorel. D’où vient l’impulsion qui vous poussa à commettre cet ouvrage ?

    Rodolphe Cart : Au-delà de Sorel, c’est véritablement l’époque de ce dernier qui m’intéresse (fin XIXe – début XXe). Pour moi, elle représente une période d’interrègne au sens où Grasmci l’entendait. Comme il l’expliquait dans ses Cahiers de prison : «La crise consiste justement dans le fait que l’ancien meurt et que le nouveau ne peut pas naître : pendant cet interrègne on observe les phénomènes morbides les plus variés». C’est cette entrée dans la politique moderne – avec ces balbutiements, ces retours et ces bonds conceptuels comme historiques – qui m’a toujours fasciné. Avènement de la société industrielle, métamorphose des institutions politiques, ébranlement de la science et transformations des peuples et des nations, tous ces événements s’influencent et se mélangent dans un chaos européen qui déterminera tout le XXe siècle. Concernant la France, une expérience sans commune mesure – sauf peut-être en Allemagne – avait retenu mon attention : le Cercle Proudhon (1911-1914). Cette tentative de coalition entre le monarchisme et le syndicalisme révolutionnaire – contre un régime républicain devenant de plus en plus une ploutocratie organisée et verrouillée par la bourgeoisie – m’avait poussé à m’intéresser à Proudhon. À la suite de la lecture du Franc-Comtois et des principaux acteurs de cette «association» (notamment Georges Valois et Édouard Berth), le nom de Sorel avait attiré mon attention par la récurrence de son emploi. Je me mis donc à lire ce penseur originaire de Normandie qui m’enchanta tout de suite. Peu après j’avais pris ma décision : il fallait que je fasse découvrir à ma génération (j’ai 30 ans) cet homme qui n’a pas la place qu’il mérite au panthéon des penseurs politiques français.

    Baptiste Rappin : Vous inscrivez Sorel dans son temps. Mais alors, justement, quelles relations entretenait-il avec les philosophes et écrivains de l’époque ? Les Péguy, Maurras, Bergson, etc. ? Pouvez-vous brosser à grands traits l’univers intellectuel de Sorel ?

    Rodolphe Cart : Les échanges épistolaires qu’a entretenus Sorel sont nombreux. Et effectivement, pas moins de mille cinq cents lettres envoyées par l’auteur des Réflexions sur la violence ont été retrouvées. Ces échanges sont capitaux pour bien comprendre sa trajectoire intellectuelle et son influence sur le débat public. La première chose qui nous marque quand on se penche sur ces conversations, c’est la diversité des interlocuteurs. Il est l’exact contraire de l’homme de caste et de parti. Comme disait Michael Freund, l’un de ses biographes, Sorel est demeuré toute sa vie conservateur mais aussi marxiste (1893-1897), révisionniste (1898-1901), syndicaliste révolutionnaire (1898-1911), nationaliste (1911-1913) et même bolchevique (1917-1922). Ces différentes «facettes» rendent l’étude de son cas d’autant plus intéressante, car il nous apparaît comme un penseur à la croisée des chemins de tous les courants et de toutes les disciplines de l’époque. Lire Sorel et sa correspondance, c’est avoir accès au large panorama intellectuel d’une époque fondamentale pour comprendre tout le XXe siècle. Sorel n'hésite pas à débattre avec Bergson des sujets «métaphysiques» tout en s'opposant aux vues de Pareto sur des questions d'économie politique. Aussi faut-il préciser d’emblée qu’il ne se cantonne pas à la France. Il a une correspondance riche avec de nombreux auteurs étrangers – notamment italiens comme Pareto, Michels ou Croce. Un exemple de cet ancrage dans son temps : Sorel fut un habitué, avec Péguy, des cours du philosophe auteur de Bergson au Collège de France. C’est pour cela que l’un des traits appréciables de ce penseur réside dans son absence de crainte d'être accusé de dilettantisme intellectuel. Il était en perpétuelle recherche de la pluralité politique et se riait bien des gens qui désiraient le «mette sur la touche» pour ses revirements. Sans a priori ni préjugés, il allait constamment là où il sentait une émulsion intellectuelle et politique – que ce soient aux niveaux des hommes, des idées et des événements historiques. Sur son cas, il note : «Les dialecticiens peuvent s’amuser à établir doctement que j’ai énoncé durant une période d’environ dix ans des opinions peu conciliables sur les moyens qu’il conviendrait d’employer pour résoudre les questions ouvrières… En constatant que je n’ai rien dissimulé des variations de ma pensée, ils ne pourront faire autrement que d’admettre (je l’espère du moins) que j’ai toujours apporté une entière bonne foi dans mes recherches… La multiplicité des opinions que j’ai successivement adoptées ne manquera pas d’attirer l’attention des métaphysiciens qui y trouveront la manifestation particulièrement frappante de la liberté dont jouit l’esprit quand il raisonne sur les choses produites par l’Histoire.» On comprend ainsi mieux pourquoi il passa du syndicalisme révolutionnaire au bolchévisme en passant par le nationalisme (monarchiste). Il se fiche de sa marginalisation en France (pas en Italie), et il revendique même le fait de n'appartenir à aucune institution académique ou politique. Cela ne fait pas de lui non plus un ermite, reclus dans sa bibliothèque de travail. On sait qu’il occupe, depuis l'affaire Dreyfus jusqu'à 1906, un poste d'administrateur à l'École des Hautes Études sociales, mais aussi qu’il assiste aux rencontres mensuelles du dimanche chez Lagardelle, avenue Reille, à Paris. Pendant plusieurs années (probablement entre 1903 et 1907), ces rencontres regroupent des intellectuels français et étrangers autour du Mouvement socialiste avec quelques leaders de la CGT, dont Griffuelhes, Merrheim et Delesalle. Autre lien capital pour comprendre son cheminement intellectuel : sa relation à Péguy. Sorel fut l’un des premiers abonnés aux Cahiers de la Quinzaine – même si des tensions apparaîtront par la suite avec le milieu péguyste. On le compte parmi les grands fidèles des jeudis de la boutique de l’auteur de Notre jeunesse, où il occupe une place de maître. C’est là qu’il rencontre un grand nombre de rédacteurs des Cahiers qui s’associeront plus tard à la revue L’Indépendance. C’est en effet dans la boutique des Cahiers que Sorel et Jean Variot se rencontrent, le premier jeudi d’octobre 1908. En outre, c’est à cette époque qu’il se sépare petit à petit du syndicalisme pour tenter un rapprochement avec le mouvement nationaliste. Cette convergence, Sorel l’esquissa, dès juillet 1909 dans le texte intitulé La déroute des mufles, lorsqu’il affirme que l’Action française était en position pour détruire le pouvoir parlementaire : «On peut espérer que grâce à eux, le règne de la bêtise et de la goujaterie sera promptement terminé.» Ayant pris acte de la mauvaise tournure de l’aventure syndicale (réformisme, emprise du parti intellectuel, essoufflement des grèves), Sorel reconnaît alors la pugnacité des jeunes Camelots et la force du renouveau catholique dans la jeunesse qui s’illustre dans les fameux mercredis de Thalamas. Le symbole de ce rapprochement est la naissance de la revue L’Indépendance, dont le premier numéro paraît le 1er mars 1911. S’adressant à «des hommes sages et de bonne culture», L’Indépendance entend défendre les traditions françaises. On compte parmi les collaborateurs les plus connus, dont Sorel en tête : Variot, Élémir Bourges, Barrès, Bourget, Maurice Donnay, Francis Jammes, Halévy, Claudel, le poète Paul Fort, Gustave Le Bon, Dom Besse, Pareto et Berth. Cette brève aventure finira par le départ de Sorel qui regrettera la dérive nationaliste et traditionaliste de la revue.

    Baptiste Rappin : Voici donc Sorel situé dans son temps. Mais il est également un héritier et, de ce point de vue, s’il est un nom à retenir, c’est celui de Proudhon. Quelle est donc l’influence de ce dernier sur la pensée de Sorel ?

    Rodolphe Cart : Proudhon est le penseur qui va donner les grands axes de la pensée sorélienne. «Sorel, énigme du XXe siècle, semble une greffe de Proudhon, énigme du XIXe», observait judicieusement Daniel Halévy. Sorel va même jusqu’à dire de Proudhon qu’il est «le plus grand philosophe du XIXe siècle». Et jusqu’à la fin de sa vie (il meurt en 1922), il conserva toujours ce désir d’écrire un livre sur le franc-comtois – il insista même auprès de Berth pour qu’il le fasse à sa place à cause de son état de santé. Il n’y a par conséquent aucun abus à parler de Proudhon, pour Sorel, comme d’un maître. Dans nombre de ses écrits se suivent les hommages à l’auteur de Qu’est-ce que la propriété ? : il qualifie L'Introduction à l’économie moderne de «livre inspiré de principes proudhoniens»; en 1906, L'organisation de la démocratie est un article totalement consacré à Proudhon; en 1908, les Réflexions sur la violence sont marquées par une «inspiration si proudhonienne» selon la formule de Pour Lénine en 1919. Même si la découverte de Marx (1892-1900) atténue momentanément cette influence, il demeure l’étoile polaire qui guida Sorel tout au long de sa carrière politique. Parmi les œuvres proudhoniennes qu’il chérit, on retrouve en tête De la Justice suivie de La guerre et la paix. Contre certains socialistes de l’époque qui se laissent aller à des théories nouvelles, Sorel choisit le parti de Proudhon le «Romain», l’homme qui doit constamment chercher à ne pas se laisser prendre dans ces dérives de la consommation, de la passion et de la débauche en tout genre – en clair, tout l’exact contraire de l’individu moyen des démocraties modernes. En 1906, la République de Proudhon est l'idéal auquel adhère Sorel : «Dans ces conditions, le principe d'autorité tend à disparaître; l'État, la chose publique, res publica, est assis sur la base à jamais inébranlable du droit et des libertés locales, corporatives et individuelles, du jeu desquelles résulte la liberté nationale. Le gouvernement, à vrai dire, n'existe plus; [...] c'est cette impersonnalité, résultat de la liberté et du droit, qui caractérise surtout le gouvernement républicain». Mais pour qu’un tel gouvernement soit possible, il faut aussi un certain type d’homme. C’est pour cela qu’il insiste si fortement sur la caractéristique morale. Pour témoigner de cette vision, il suffit de voir à quel point le «sentiment proudhonien de la pauvreté» est important. Sorel affirme que l’économie et le droit doivent servir à la conversion éthique de l’homme, et il ajoute que «tout le monde est d'accord pour regarder comme les plus belles pages de Proudhon celles où, racontant des épisodes de son existence de travailleur, il nous montre le fond de son cœur de vieux Français». Sorel connaît la vie de Proudhon et il sait qu’il est le fils d’un tonnelier et d’une cuisinière, garçon de cave puis garçon vacher jusqu’à l’âge de douze ans. Il sait aussi qu’il fréquenta l’école mutuelle puis bénéficia d’une bourse d’externat au Collège royal de Besançon; mais surtout qu’une fois sa famille ruinée, il fut contraint, en 1826, d’abandonner ses études. C’est cette adéquation entre la vie et les idées que respecte Sorel : «Nous voilà bien près de Proudhon qui, lui aussi, a célébré les vertus guerrières et qui a prescrit à l'humanité les lois du travail, de la pauvreté ou de la chasteté». Ces lois que Sorel fait siennes, elles sont celles à partir desquelles l'homme parvient à s'élever au-dessus de l'animalité et de la vie biologique – tout en lui conférant l’idéal du statut d’individu libre. Bien qu’il ne fût pas anarchiste, cette dimension chez Proudhon – ainsi que sa sensibilité libertaire – va largement l’influencer. Sorel rappelle que, pour Proudhon, la propriété individuelle est liée à la liberté politique. Il en fait l’assise de la souveraineté du citoyen contre la souveraineté collective. C’est aussi Proudhon qui fait naître chez lui cette méfiance contre toutes les formes de «gouvernement providentiel» ou totalitaire. Il devient une référence dans le refus sorélien du mythe de l'unité démocratique : «En posant ainsi sous une forme parfaitement claire le problème de la volonté générale, Proudhon réduit à l'absurde le dogme unitaire que la démocratie oppose constamment à la doctrine de la lutte des classes». Même chose pour le fédéralisme car Sorel pense, contre toute une partie des marxistes, que l’extension du fédéralisme, tant au domaine des institutions politiques que culturelles, permet de lutter contre la domination de l’État ou des intellectuels sur la classe ouvrière. Une autre notion proudhonienne qui le sépare des marxistes : celle qui suppose que seule une politique pragmatique – qui ne détient aucune solution scientifique préalable, ni une philosophie de l'histoire – est bonne. L’histoire est donc ouverte, et cela permet justement à Sorel de construire sa vision de la violence et du mythe mobilisateur pour contrer la décadence dans laquelle toute l’Europe est engagée. Tout cet ensemble d’idées reprises fait même dire à Sorel que la renaissance de la pensée proudhonienne serait un acte salutaire pour le socialisme : «Je crois que le moment est venu où les idées proudhoniennes après avoir exercé une grande action sur la pensée bourgeoise contemporaine vont devenir considérables pour l'avenir du socialisme. La question fondamentale qui est posée actuellement [...] est la question du socialisme d'État [...]. On a déjà signalé ici le danger que représente le réveil de l'esprit saint-simonien parmi les intellectuels venus au socialisme». Outre les principes idéologiques, l’immense gain que permet Proudhon réside dans l’acquisition, par Sorel, d’une sorte de méthode. Toute question politique doit être appréhendée sous trois angles obligatoirement liés : l’aspect moral, juridique et économique des éléments qui composent le champ social.

    Baptiste Rappin : Venons-en alors à présent à la pensée de Sorel. S’il est bien une expression que l’on retient de lui, c’est celle de «mythe de la grève générale». Pourriez-vous nous commenter cette expression ? Que faut-il entendre ici par mythe ? Et pourquoi la «grève générale» plus que, par exemple, la lutte des classes ?

    Rodolphe Cart : L’un des objectifs de la pensée sorélienne est de mettre les acteurs sociaux en mouvement, de les dresser contre le régime en place. Lorsque Sorel dénonce le parlementarisme et les compromissions de la gauche réformatrice, il ne le fait jamais de manière gratuite mais toujours dans le but que cette dénonciation trouve un certain écho dans le corps prolétarien. Or, Sorel se rend bien compte que tous les mouvements de révolte de l’histoire n’ont été possibles que lorsque les individus étaient plongés, et cela avant même la mise en action, dans un univers mental qui les poussait à prendre telle ou telle décision. Il ne peut y avoir de changement d’envergure sans une ferveur et un enthousiasme qui enivrent les cœurs, et donc qui créent en amont cette «scission» morale et des valeurs entre deux camps clairement identifiés. Toutes les révolutions comportaient une sorte de lien entre mystique et politique, entre élan et organisation, entre force et forme. Gramsci, dans le quotidien Avanti !, en décembre 1917, fit aussi une remarque similaire : «Le socialisme est une vision intégrale de la vie : il a une philosophie, une mystique, une morale». C’est en se penchant sur l’histoire des révolutions – notamment celle des chrétiens à l’époque antique – que Sorel met le doigt cette importance du concept de «mythe». Il entend démontrer que la violence est indissociable du processus de mythe et de régénérescence morale. Pour le cas du socialisme prolétarien – qu’il défend –, la perspective eschatologique d’une révolution finale est remplacée par celle, plus réaliste, de la grève générale. Cette dernière ne consiste pas dans la valorisation de la révolte ouvrière qui découlerait d’une fascination pour la destruction et le chaos, mais au contraire d’un espoir dans sa capacité à régénérer la société de son temps. Le syndicat doit remplir son rôle pour la préfiguration de la société socialiste : détachement «religieux» par rapport à l’ancien monde et construction «juridique» de l’ordre nouveau sont deux aspects de la même réalité. Concernant ce mythe de la grève générale, Sorel mesure, à son époque, que le développement des syndicats les oppose directement, et de manière de plus en plus violente, au cadre de la IIIe République. Tous les «ingrédients» d’une révolte sont présents : une violence qui s’accentue, deux camps qui s’opposent et une fracture qui ne cesse de s’agrandir. En clair, il ne manque plus qu’une idée directrice pour ce conflit désormais inévitable. Pour Sorel, c’est le concept de grève générale insurrectionnelle qui, seul, était capable de mettre en place le paradigme dans lequel le mouvement ouvrier français pouvait se projeter. Le but de ce mythe fut proprement de soutenir la lutte du prolétariat industriel associée aux valeurs positives d’héroïsme et de puissance. C’est par le combat quotidien des petites gens que pouvait se maintenir, sur le long, cet espoir de résistance pour sauver une civilisation menacée par la modernité libérale. En revanche, Sorel était trop respectueux de l’autonomie des syndicats et des travailleurs pour prétendre jouer le rôle d’«intellectuel organique». Il a pris toujours position en faveur de la branche la plus radicale du mouvement syndicaliste : refusant tout compromis avec la bourgeoisie, il souhaitait que le prolétariat entre en état de sécession avec les intellectuels et les représentants socialistes.

    Baptiste Rappin : Nous arrivons, cher Rodolphe, à la fin de notre entretien. Je vous pose par conséquent une dernière question : quelle est la postérité et/ou l’actualité de la pensée de Sorel ? Quelles traces, fussent-elles modestes, a laissées le penseur du mythe de la grève générale ?

    Rodolphe Cart : Tout d’abord, ceux qui s’intéressent à l’histoire des idées sociales et politiques françaises se doivent de connaître Sorel. Je ne suis pas le seul à penser cela puisque le penseur du politique, Julien Freund, voyait en lui «probablement le plus grand théoricien politique français depuis la fin du XIXe siècle». Et effectivement, comment ne pas remarquer, à travers ses différents écrits, que son regard critique sur la société de son temps trouve dans notre époque des résonnances ? Chaque jour le fonctionnement du système parlementaire, la légitimité de la classe dirigeante et le rôle des intellectuels organiques du système sont remis un peu plus en cause par le peuple. Et que dire de la résurgence, dans nos sociétés, de la violence sous toutes ses formes (sociale, ethnique, économique) ! Sorel est l’un des grands esprits qui peuvent nous permettre d’avoir un autre point de vue que l’unique condamnation apportée par la philosophie des Lumières, le système républicain actuel et l’idéologie libérale. C’est lui qui nous permet d’opposer la violence à la force de l’État : «La force a pour objet d’imposer l’organisation d’un certain ordre social dans lequel une minorité gouverne, tandis que la violence tend à la destruction de cet ordre. La bourgeoisie a employé la force depuis le début des temps modernes, tandis que le prolétariat réagit maintenant contre elle et contre l’État par la violence». Il renverse l’opinion commune qui tend à admettre que la violence n’est que le résultat de la barbarie sans retenue, de la sauvagerie cruelle. Comme le remarque pertinemment Alain de Benoist : «Les choses s’éclairent dès que l’on met en rapport cette dichotomie avec un autre couple-clé : les notions de légalité et d’illégitimité. L’autorité étatique est assise sur la loi. Elle est légale, mais n’est pas toujours légitime. La légitimité est du côté des opprimés. Loin que la violence soit à regarder comme une forme illégitime d’usage de la force, c’est elle au contraire qui incarne la légitimité, tandis que la force n’a que la légalité pour elle». Aussi il y a un autre élément de la pensée sorélienne qu’il serait intéressant de reprendre à notre compte : sa critique de l’idéologie du progrès. Sorel nous donne les clés d’une critique profonde de cette doctrine «bourgeoise», qui dénonce l’optimisme de ceux qui s’imaginent que le mondialisme et le grand métissage de l’humanité représentent l’aboutissement naturel et nécessaire des progrès de l’esprit humain. La pensée sorélienne contredit cet axiome établissant que les idées de justice sociale et de progrès se confondent l’une avec l’autre. Si l’idée de progrès est une sécularisation de la notion biblique d’une histoire linéaire globalement orientée vers le meilleur, l’idée de justice sociale «résulte de l’exploitation du travail et de la misère créée dans les classes populaires par une révolution industrielle que cette même bourgeoisie libérale n’a cessé d’encourager» (Alain de Benoist). Et enfin, son enseignement (peut être le plus intéressant) est que Sorel est un maître qui nous pousse à l’action et à la rigueur – qu’elle soit morale, physique ou politique. Aucune collaboration, entente ou négociation avec le système dominant ne doit être acceptable. Il faut constamment chercher à «consolider» la fracture entre le peuple et les élites. Dans tous les cas, il s’agit de rechercher les conditions d’une scission permettant aux classes moyennes et populaires de se prémunir contre tout compromis, toute récupération, en se plaçant en état de sécession par rapport au reste de la société. Voilà les enseignements que nous pouvons garder d’un «professeur d’énergie» – la formule est de Barrès – comme Georges Sorel.

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  • Capitalisme ?...

    Le numéro 56 de la revue Krisis, dirigée par Alain de Benoist, avec pour rédacteur en chef Thomas Hennetier, vient de paraître. Cette nouvelle livraison est consacrée au capitalisme...

    Vous pouvez commander ce nouveau numéro sur le site de la revue Éléments.

    Bonne lecture !

     

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    Au sommaire :

    Entretien avec Dany-Robert Dufour / « Le capitalisme ne se serait pas développé sans la libération des passions. »

    Enquête : Le capitalisme est-il indestructible ? / Réponses de Jean-Claude Michéa, Alain de Benoist, Michel Onfray, Jérôme Maucourant et Fabrizio Tribuzio-Bugatti, Dany-Robert Dufour, Denis Collin, Francis Cousin, Loïc Chaigneau, Baptiste Rappin.

    Alain de Benoist / L’argent ou l’équivalent universel.

    Christophe Petit / L’avènement de la société de prédation, conséquence du remplacement de l’homme par la machine.

    Elie Collin / Vioulac et le nihilisme capitaliste.

    Document : Walter Benjamin / Le capitalisme comme religion.

    Fabrizio Tribuzio-Bugatti / Le sacré comme anticapitalisme.

    Michel Lhomme / Du plus, du mieux et du moins cher, ou le péril du pauvre à l’ère du capitalocène.

    Alain de Benoist / Le troisième âge du capital.

    Jérôme Maucourant / Capitalisme, État et société : une alchimie funeste?

    Document : Max Scheler / L’avenir du capitalisme.

    Renaud Vignes / Penser le monde en état stationnaire.

    Le texte : Karl Marx / Le caractère fétiche de la marchandise et son secret

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  • Anachronismes...

    Les éditions Ovadia viennent de publier un nouvel essai de Baptiste Rappin intitulé Anachronismes - Éléments pour une philosophie de l'intempestivité.

    Philosophe, Baptiste Rappin a concentré sa réflexion sur les implications de la révolution managériale dans nos sociétés contemporaine et est l'auteur de plusieurs essais sur le sujet, dont De l'exception permanente (Ovadia, 2018) et Abécédaire de la déconstruction (Ovadia, 2021). Il a également publié un recueil de pensées et d'aphorismes intitulé Pétales pour une fleur de lys d’or (Ovadia, 2022).

    Le numéro 71 de la revue Nouvelle Ecole a publié un article d'introduction à la pensée de cet auteur important sous la plume de Francis Moury.

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    " Est anachronique ce qui est contraire à la chronologie, c’est-à-dire à la raison du temps ou encore, dans le cadre de la société industrielle, à l’irrésistible marche en avant du Progrès. Les présents Anachronismes exposent ainsi une série de huit contresens historiques, non pas dans la mesure où ils entretiendraient maladroitement une certaine confusion des époques, mais parce qu’ils explorent volontairement des directions contraires à l’esprit du temps. Au bon sens communément admis, ils opposent des interprétations, des explicitations et des déchiffrages qui, invariablement, recherchent une forme de désajustement du contemporain. Ce faisant, ils favorisent l’avènement d’une pensée de l’intempestivité. "

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  • Déconstruction ?...

    Le numéro 55 de la revue Krisis, dirigée par Alain de Benoist, avec pour rédacteur en chef David L'Epée, vient de paraître. Cette nouvelle livraison est consacrée à la déconstruction...

    Vous pouvez commander ce nouveau numéro sur le site de la revue Éléments.

    Bonne lecture !

     

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    Au sommaire :

    Yannick Jaffré / Misère de la déconstruction. Deleuze, Foucault, Derrida : valets gauchistes du capital

    Francis Venciton / Vivre avec un humanisme déconstruit

    Pierre Le Vigan / Derrida, Lévinas, Sartre : trois figures de la déconstruction

    David L’Épée / Résister au wokisme

    Pierre-André Taguieff / Le déconstructionnisme : une illusion politico-philosophique inébranlable et ses avatars

    Baptiste Rappin / Société industrielle, management et déconstruction

    Entretien avec Lucien Cerise / « Tout le monde fait de l’ingénierie sociale sans le savoir, comme M. Jourdain avec sa prose »

    Le document : Jean-François Mattéi / Déconstruction et dévastation

    Michel Lhomme / Des précieux à visage radical à la nouvelle religion industrielle des voleurs d’étoiles

    David L’Épée / À la recherche de l’homme déconstruit

    Entretien avec Renaud Camus / « Il ne s’agit plus tant de déconstruction que de fonte, de fusion, de broyage universel »

    Entretien avec Jean-Paul Brighelli / « Le constructionnisme est l’addition létale de bonnes intentions et d’utopie généralisée »

    Juan Asensio / « La Route » de Cormac McCarthy contre la déconstruction

    Le texte : George Orwell / La déconstruction du langage

    Les auteurs du numéro

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