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Métapo infos - Page 470

  • En cherchant Parvulesco...

    Les éditions de la Table Ronde viennent de publier un essai de Christophe Bourseiller intitulé En cherchant Parvulesco.

    Depuis une trentaine d'années, Christophe Bourseiller a publié de nombreux essais consacrés aux mouvements extrémistes ou radicaux, qu'ils soient de droite, de gauche ou d'ailleurs, comme Les ennemis du système (1989), Extrême-droite (1991), Les maoïstes : la folle histoire des gardes rouges français (1996), Vie et mort de Guy Debord (1999), A gauche toute ! (2009), L'extrémisme (CNRS, 2012) ou Nouvelle histoire de l'ultra-gauche (Cerf, 2021).

     

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    " Qui était Jean Parvulesco (1929-2010) ? De ce mystérieux écrivain d'origine roumaine, auteur de plus de cinquante livres, on ne sait presque rien. Les cinéphiles se souviennent que, dans A bout de souffle de Jean-Luc Godard, il est incarné l'espace d'une scène par Jean-Pierre Melville. Chapeau, lunettes noires, il descend d'un avion. Sur le tarmac, il est assailli par les journalistes. A la question de savoir quelle est sa plus grande ambition dans la vie, il répond : "Devenir immortel, et mourir". Christophe Bourseiller a bien connu Godard, pour lequel il a tourné plusieurs fois quand il était enfant. Des années plus tard, il a rencontré Parvulesco. L'énigme est restée entière. Il a relu son œuvre fantôme, mené l'enquête sur ce personnage de l'ombre qui fut tour à tour un passager clandestin de la Nouvelle Vague et l'ami intime d'Eric Rohmer, un dandy fascisant et un poète ésotérique. L'inclassable Parvulesco est mort depuis dix ans. Son immortalité commencerait-elle maintenant ? "

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  • Est et Ouest : un état de la question...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de David Engels, cueilli sur le Visegrád Post et consacré aux relations entre l'Europe orientale et l'Europe occidentale au sein de l'Union européenne.

    Historien, spécialiste de l'antiquité romaine, David Engels est l'auteur de deux essais traduits en français, Le Déclin. La crise de l'Union européenne et la chute de la République romaine (Toucan, 2013) et Que faire ? Vivre avec le déclin de l'Europe (Blauwe Tijger, 2019). Il a  également dirigé un ouvrage collectif, Renovatio Europae - Plaidoyer pour un renouveau hespérialiste de l'Europe (Cerf, 2020).

     

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    Est et Ouest – un état de la question

    En dépit de la pandémie du coronavirus qui monopolise toute l’attention médiatique, les discussions récentes autour du budget européen montrent de plus en plus clairement que la fracture la plus importante qui traverse l’Europe n’est pas celle qui la divise en Nord et Sud, mais plutôt en Est et Ouest. Cette fracture est d’autant plus importante qu’elle est inattendue, car durant les années après la chute du Mur et la réunification de l’Europe, il paraissait évident à beaucoup de spectateurs que l’Est européen allait se contenter de son rôle de « hinterland » de l’économie allemande et s’adapterait rapidement au libéralisme occidental.

    Or, depuis quelques années, il devient évident que cette « Europe kidnappée », pour citer Kundera, suit de plus en plus un chemin qui lui est propre et qui est probablement le fruit paradoxal et inattendu de ce même « kidnapping » qui a empêché ces régions de suivre l’évolution de ses voisins occidentaux et les a soumises à la chappe de plomb du communisme russe. Ceci a eu deux conséquences : d’un côté, la résistance nationale tacite des Polonais, Hongrois, Tchèques, Slovaques et autres au « grand frère » russe a maintenu en vie des facteurs identitaires comme le patriotisme, le christianisme ou les traditions nationales qui, en occident, ont de plus en plus fait place à un genre de melting-pot globaliste et américanisé. D’un autre côté, la vie sous un régime dictatorial a, pour utiliser un mot à la mode, « vacciné » les Européens de l’autre côté du Mur contre les tentations du totalitarisme et leur a appris à déceler, derrière les paroles pseudo-humanistes, derrière les décisions politiques « unanimes » ou derrière les invectives des médias, l’ombre de l’appareil autoritaire.

    Dès lors, il n’est guère étonnant que les citoyens de l’Europe orientale aient été fort étonnés de découvrir que leurs voisins occidentaux, après avoir chaudement salué les mouvements anti-communistes, les ont considérés, une fois le rideau de fer tombé, de manière de plus en plus sceptique et ont finalement commencé à invectiver les mêmes forces qui avaient amené la chute du communisme comme « nationalistes », « cléricaux », « illibéraux », « intolérants », etc. Croyant que la chute du Mur allait leur permettre de rejoindre cette « Europe des nations » ancrée dans les traditions et les valeurs gréco-romaines et judéo-chrétiennes telle que voulue par les pères fondateurs comme Schuman, le réveil a été brutal pour les nouveaux citoyens des Communautés européennes : ils ont dû constater que cette même Europe s’est de moins en moins limitée à simplement souligner la différence entre une partie occidentale « globaliste » et une moitié orientale plutôt « traditionaliste » et à œuvrer pour une meilleure compréhension mutuelle, mais a adopté une attitude de domination et tente même de toutes ses forces d’influencer la politique intérieure de ses nouveaux États membres orientaux.

    Ainsi, depuis la politisation de l’alliance Visegrád et l’élection du Fidesz en Hongrie (2010, ndlr) et du PiS en Pologne (2015, ndlr), une véritable fracture s’est ouverte entre Est et Ouest, et il est difficile de dire si, quand et comment elle pourra se refermer. Car d’un côté, les tentatives de plus en plus massives de faire tomber les gouvernements hongrois ou polonais par le biais de la Cour européenne de Justice, par une coupure des subsides européens ou par l’aide indirecte apportée par les médias et ONGs aux partis d’opposition, même si elles devaient être couronnées de succès, ne feront qu’aliéner une partie substantielle de citoyens et hypothéqueront lourdement leur soutien initial au projet européen, avec des conséquences incalculables, comme l’a montré le Brexit. D’un autre côté, la fracture s’étend maintenant de plus en plus à d’autres États européens à qui l’exemple de l’alliance Visegrád montre que l’on peut être patriote sans être nationaliste, fier de sa culture sans être chauviniste, proche de ses racines chrétiennes sans être intolérant, conservateur sans être extrémiste, et amoureux de la démocratie sans être politiquement correct – un précédant dangereux, car discréditant la narration habituelle selon laquelle tout ce qui est à droite de l’universalisme multiculturel doit mener inévitablement au fascisme.

    À ce stade-ci, et surtout après le départ de Donald Trump, il est difficile de savoir comment ce conflit continuera à évoluer, et la crise du Covid-19 a ajouté de nouvelles incertitudes, de telle manière que de nombreux spectateurs annoncent déjà la fin de l’époque « populiste ». Du moins pour les pays Visegrád, ce constat est doublement faux. D’abord, parce que les gouvernements polonais et hongrois ne sont pas « populistes » à strictement parler : avec une longue expérience du pouvoir et profondément enracinés dans des traditions culturelles encore très vivaces, ils se distinguent nettement de l’approche purement oppositionnelle et souvent plutôt libérale que conservatrice des « populistes » occidentaux. De plus, la crise du coronavirus pourrait s’avérer être un avantage relatif pour l’Est de l’Europe, économiquement plus résiliant, culturellement plus stable et financièrement moins lié à la zone euro (du moins la Pologne et la Hongrie) et donc peut-être apte à surmonter la crise mieux que bon nombre de ses voisins occidentaux.

    Même en ce qui concerne les prétendues « entorses » à l’état de droit, l’on peut supposer que, dans un futur pas tellement lointain, quand des pays comme la France ne pourront plus maintenir l’ordre et la sécurité qu’au moyen de mesures autoritaires et se seront transformés en États policiers, ce sera dans ces pays dits « illibéraux » que cette « normalité » à la fois politique et civique qui fait de plus en plus défaut en occident continuera de fleurir. Alors, la décision de maintenir une certaine homogénéité culturelle, de rester fidèle aux traditions et de ne pas se laisser intimider politiquement par Bruxelles (ou Berlin) pourrait s’avérer avoir été la bonne – à condition d’être fermement maintenue durant les années cruciales à venir…

    David Engels (Visegrád Post, 2 février 2021)

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  • Sur la piste du cerf...

    La Fondation François Sommer et les Editions Glénat viennent de publier le numéro 17 de la revue semestrielle Billebaude, consacrée aux usages et représentations de la nature. Ce nouveau numéro est consacré au cerf. En revenant sur les mythes et les symboles dont ses bois ont été affublés, il explore en quoi le cerf est une figure centrale de l’imaginaire du sauvage en Occident, et ce depuis l’Antiquité. Il montre comment ces représentations, renouvelées dans le contexte écologique contemporain, s’entremêlent à l’histoire de la présence réelle du cerf dans les forêts européennes et françaises en particulier.

     

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    " Sur la place de brame, à la tombée du jour, le spectacle commence. Jumelles en mains, dissimulé dans un affût, le groupe fait silence, dans l’espoir que retentisse le cri profond du cerf en rut. Comment comprendre ce qui se joue chaque automne dans cette attente du brame ? Dans notre imaginaire occidental du sauvage, le cerf semble tenir une place centrale. Largement représenté dans l’art pariétal, puis associé aux divinités anciennes – Cernunnos, le dieu cornu, dont le culte semble attesté à l’âge du Fer, Artémis/Diane, déesse de la chasse – il deviendra l’emblème du pouvoir royal et l’incarnation du Christ, apparaissant sous les traits d’un cerf blanc, croix dressée entre les bois.

    Cet imaginaire trouve en partie sa source dans l'histoire de la pratique cynégétique. Gibier essentiel au Paléolithique, le cerf, contrairement à d’autres espèces, n’a pas été domestiqué au Néolithique mais déplacé et introduit par les humains, pour la chasse, dans certains écosystèmes. La poursuite de cet animal, réservée aux seigneurs, puis au roi, fait l’objet de rituels analysés par l’anthropologue Charles Stépanoff dans les traités de vénerie publiés régulièrement entre le 13e et le 18e siècle. Il y a relevé la présence insolite d’un « os corbin », qui finit par disparaître des traités à la Renaissance. Dans le geste consistant à réserver cet os au corbeau pour le remercier de son aide pendant la chasse, il voit « les vestiges d’un rapport animique à la forêt dans un Moyen Âge chrétien, par ailleurs plutôt caractérisé par une forme de relation hiérarchisée avec le reste du vivant dans laquelle l’humain est au centre de la Création ». Revenir sur les mythes et les rituels liés à la chasse et au monde sauvage, dans lesquels le cerf joue un rôle de premier plan, permet de comprendre l’évolution des rapports aux animaux et à la nature en Occident, et notamment ce qu’ils étaient avant l’ère chrétienne et la modernité scientifique. Un autre système symbolique éclairant à ce titre est celui du « sang noir », analysé par l’anthropologue Bertrand Hell qui décrit la puissance ambiguë de ce flux vital circulant entre les chasseurs et certains animaux sauvages par l’intermédiaire de la consommation du gibier. Hell identifie une continuité des cultes associés au sang noir et rendus à ceux qu’il appelle les « Maîtres du Sauvage » – Cernunnos, Artémis / Diane et enfin saint Hubert, patron des  chasseurs et guérisseurs de la rage, dans une version christianisée. Par là, ce numéro cherche à donner une profondeur historique à nos représentations et notre sensibilité contemporaine au vivant dans un contexte où différentes visions de l’animal et de la nature s'opposent frontalement. 

    Ce parcours passe aussi par la littérature, avec un dossier d’extraits de textes sélectionnés par Anne Simon, spécialiste d’écopoétique, qui met en scène, mais aussi en jeu, l’imaginaire de la puissance sauvage et sexuelle associée à cet animal. On la retrouve chez Pascal Quignard (Les Désarçonnés), où le cerf « passe son temps à vivre dans la forêt du monde, à lancer son sperme dans l’hiver », au contraire du cerf semi-domestiqué, « moitié bête et moitié arbre », de Giono (Que ma joie demeure) dont on voit « luire les yeux doux, mais mâles » (!). Claudie Hunzinger, dans Les Grands Cerfs, s’attarde, elle, sur le moment, au milieu de l’hiver et jusqu’au printemps, où « le clan se cache ». Un moment de fragilité où les cerfs, dépourvus de bois et vulnérables, « marchent avec précaution entre les troncs des arbres ». Une part essentielle de cet animal nous échappe si l’on ne prête attention qu’aux attributs spectaculaires de sa puissance. Cela est frappant lorsque l’on s’intéresse à son comportement. « Il y a beaucoup de fantasmes à propos du cerf », explique David Pierrard, gestionnaire du domaine de Belval dans les Ardennes. « Le premier d’entre eux étant la taille des bois », lié à la tradition du trophée. Si depuis le Moyen Âge, les combats entre cerfs sont érigés en modèle de virilité chevaleresque, en réalité, souligne-t-il, c’est plutôt l’évitement qui est de mise, tant le coût énergétique et le risque de blessure sont élevés. À travers les récits sensibles et nourris de longues observations proposés par Georges Gonzalez, spécialiste du comportement et de l’écologie du cerf, nous essayons de restituer le monde tissé d’habitudes, de relations de compagnonnage et d’évitements entre mâles, biches et juvéniles, au fil des saisons. On sent bien, enfin, la tension entre la puissance du cerf et sa forme de vie inquiète de grand herbivore ruminant en écoutant Virgile Parpinelli, champion d’Europe de brame, qui, dès l’automne venu, en forêt, appelle les mâles en rut : « Une forme de relation s’installe parfois, le cerf va nous regarder et ça donne des frissons. Ils ont de ces bouilles et de ces mimiques ! On dirait qu’ils ont des têtes de bébé, on a trop envie de les caresser. » "

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  • Le Grand Remplacement à l'épreuve des chiffres...

    Le 1er février 2021, Pierre Bergerot recevait, sur TV libertés, Jean-Yves Le Gallou pour évoquer la question du Grand remplacement et de l'immigration massive, à l'occasion de la publication récente de L'invasion de l'Europe - Les chiffres du Grand Remplacement (Via Romana, 2020), un ouvrage collectif dont il a assuré la direction.  Énarque dissident, président de la Fondation Polémia, Jean-Yves Le Gallou a, notamment, publié La tyrannie médiatique (Via Romana, 2013),  Immigration : la catastrophe - Que faire ? (Via Romana, 2016), Européen d'abord - Essai sur la préférence de civilisation (Via Romana, 2018) et Manuel de lutte contre la diabolisation (La Nouvelle Librairie, 2020).

     

     

                                           

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  • Entre Hitler et Staline...

    Les éditions des Syrtes viennent de publier un essai de Nicolas Ross intitulé Entre Hitler et Staline - Russes blancs et Soviétiques en Europe durant la Seconde Guerre mondiale.  Spécialiste de l'histoire russe et de celle des Russes blancs, Nicolas Ross est notamment l'auteur de La Crimée blanche du général Wrangel (Syrtes, 2014), de Koutiepov, le combat d'un général blanc : de la Russie à l'exil (Syrtes, 2016) et de De Koutiepov à Miller - Le combat des Russes blancs 1930-1940 (Syrtes, 2017). 

     

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    " À la veille de la Seconde Guerre mondiale, l’émigration russe en Europe offrait une diversité politique importante avec cependant une seule constante : le rejet du bolchevisme. Le déclenchement du conflit allait constituer une très rude épreuve et la question essentielle concernera l’attitude à adopter dans la guerre. Qui soutenir? Qui combattre? Les options étaient variées : depuis l’engagement dans la Résistance, en passant par l’union de tous les Russes dans la défense de la patrie jusqu’à la lutte contre le bolchevisme auprès d’Hitler sous uniforme allemand.
    Nicolas Ross analyse ce panorama dans toute sa complexité et ce qui en ressort est la difficile conclusion que pour tous les camps, l’histoire s’est terminée dans la désillusion et la tragédie. "

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  • "Que le salut du peuple soit la loi suprême" : Julien Freund et le politique...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Pierre Bérard à Breizh-Info à l'occasion de la récente publication du recueil Le politique ou l'art de désigner l'ennemi (La Nouvelle Librairie, 2020). Pierre Bérard, membre fondateur du GRECE, collaborateur régulier des revues de la Nouvelle Droite a été un élève et un complice de Julien Freund, qu'il fait magnifiquement revivre dans ce recueil au travers d'une retranscription de conversations pétillantes d'intelligence.

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    Pierre Bérard : « Julien Freund était un homme de la France d’avant qui pourrait être la France de demain »

    Breizh-info.com : Qui était Julien Freund ? À quelle occasion l’avez vous rencontré ? Qu’est-ce qui vous a marqué dans cette rencontre ?

    Pierre Berard : Julien Freund (1921-1993) était un personnage tout à fait singulier. Né à Henridorff en Moselle, tout près de l’Alsace, dans un milieu de paysans et d’ouvriers, il a du interrompre ses études après le baccalauréat pour subvenir
    au besoins de sa famille. Il est instituteur quand survient la seconde guerre mondiale. Détenu comme otage par les Allemands, il s’évade et rejoint Clermont Ferrand en zone libre où se trouve repliée l’université de Strasbourg.
    Il y poursuit sa licence de philosophie puis entre en résistance dès janvier 1941 dans les groupes-francs de Combat dirigés par Henri Frenay. Arrêté deux fois, il s’évade deux fois et termine la guerre dans les maquis FTP de
    la Drome. Après le conflit il tâte brièvement de la politique, puis muni de son agrégation de philosophie se lance dans la rédaction de sa thèse qu’il soutient en 1965 sous la direction de Raymond Aron. Ses 765 pages sont
    éditées la même année sous le titre L’essence du politique chez Sirey. Elle a connu depuis plusieurs rééditions et demeure l’oeuvre la plus considérable de ce penseur hors pair, que Pierre-André Taguieff considère comme
    « l’un des rares penseurs du politique que la France a vu naître au XX siècle ».

    J’ai rencontré Freund pour la première fois en janvier 1975 à Paris lors d’un colloque du GRECE où il s’était fait chaleureusement applaudir à la suite d’une conférence au titre assez provocateur « Plaidoyer pour l’aristocratie ».
    « Aristocratie » devant être pris dans son sens étymologique du gouvernement des meilleurs, c’est à dire les plus aptes à diriger la cité pour le bien commun de ses nationaux. Dès les années suivantes mes relations avec lui
    sont passées du stade courtois à la franche complicité. Moi-même strasbourgeois, j’ai pu le fréquenter tant chez lui, à Villé, que dans les winstub alsaciennes ou dans les colloques où je me trouvais invité avec lui.

    Ce qui marquait chez lui en dehors de son érudition phénoménale était sa simplicité et sa propension à parler avec tout le monde. Il était aussi rieur et souvent effronté, chose que j’ai tenu à mettre en scène dans les longues
    conversations que j’ai eu la chance de pouvoir entretenir avec lui jusqu’à sa mort. Il faut dire aussi que son espièglerie parfois persifleuse s’accommoderait fort mal avec le progressisme ou le salafisme dont notre époque est
    farcie jusqu’à la moelle.

    Les imprécateurs de ces nouveaux dogmes sont trop imbus de leurs certitudes et ne savent en conséquence pratiquer ni l’humour ni le second degré. Oui, de toute évidence Julien Freund était un homme de la France d’avant qui pourrait être la France de demain. Un homme qui savait douter, y compris de ses propres opinions; il n’avait pas la prétention des sectaires.

    Breizh-info.com : En quoi le livre « Le politique ou l’art de désigner l’ennemi » est essentiel, d’autant plus à notre époque ?

    Pierre Berard : Le livre Le politique ou l’art de désigner l’ennemi est composé d’une brillante introduction d’Alain de Benoist qui souligne les grands thèmes qui ont agité la pensée de Freund et les propos de table échangés entre lui et moi durant une bonne quinzaine d’années, puis de quatre longs articles que Freund avait confié aux revues de la Nouvelle Droite. Successivement, Propos sur le politique, Plaidoyer pour l’aristocratie, Les lignes de force de la pensée politique de Carl Schmitt et de Prolégomènes à une étude scientifique du fascisme. Ainsi ce livre constitue-il une bonne approche d’une oeuvre marquée par un réalisme que n’encombre aucun des multiples tabous et censures qui caractérisent notre présent et rendent impossibles la libre discussion.

    Freund est aujourd’hui un auteur injustement oublié. Il ne faut pas s’en étonner car c’est le lot de nombreux penseurs non-conformistes qui n’ont pas l’heur de satisfaire une université en proie à une idéologie qui s’attache à déconstruire ce qui faisait tout l’héritage du savoir européen. Freund avait d’ailleurs pressenti ce nouveau climat fait de lâcheté pour les uns et d’activisme forcené pour une minorité d’autres. Il démissionna de toutes ses fonctions académiques en 1972, à 51 ans, pour se retirer dans son village où il continua dans la sérénité à poursuivre son travail.

    Le livre est d’autant plus essentiel qu’à l’époque présente nous sommes inondés par les médias de grand chemin qui font la promotion incessante de minorités victimes de méchants « hommes blancs, hétérosexuels de plus de cinquante ans ».

    À l’heure présente, celle des basses eaux, les victimes ont remplacé les héros, du moins dans notre Panthéon. À cette avalanche ininterrompue qui agit comme un formatage de l’opinion, il nous appartient de réagir sous peine de disparaître d’un continent qui a vu notre civilisation s’élaborer et s’épanouir et entreprendre la rude tâche de déconstruire les déconstructeurs.

    Comme Max Weber, dont Freund fut un des passeurs en France, celui-ci affirme que le politique est affaire de puissance. Agir politiquement c’est exercer une puissance de même que renoncer à l’exercer c’est se soumettre d’emblée à la volonté et à la puissance des autres. Or sur le théâtre des opérations il y a bien des candidats à la puissance, à commencer par le plus visible, celui des États Unis, toujours aussi impérialistes et dont le soft power écrase nos identités, la Chine ou la Turquie d’Erdogan. Or nous ne pouvons que constater, sans être va-t-en-guerre pour autant, l’étonnante pusillanimité de l’Union européenne sur ces fronts là. Les lecteurs trouveront dans ce livre non seulement matière à se rasséréner mais surtout des arguments pour engager la contre-offensive nécéssaire afin d’assurer notre survie. Dans cet ordre d’idées le raisonnement de Freund s’apparente à celui du grand juriste allemand Carl Schmitt.

    Posons nous la question; est-il bien raisonnable de penser que tous les hommes ont vocation à s’entendre et de postuler l’avénement d’une paix universelle ? Ou bien ne s’agit-il là que d’une illusion angélique ? Le monde en effet n’est pas une unité politique, il n’est pas un universum mais bien plutôt un pluriversum politique. Freund incontestablement influencé par Carl Schmitt dans ce registre pose alors la question : ne convient-il pas de regarder la réalité en face et assumer le fait que le monde est composé d’ennemis potentiels et que seule une prise de conscience politique réaliste, dépourvue d’arguments moralisateurs peut engager une action responsable. Ceci est la base de la dialectique ami-ennemi. Penser la guerre comme actualisation ultime de l’hostilité n’est pas faire preuve de militarisme ou de bellicisme outrancier mais d’une prudence qui doit animer le politique.

    Imaginons un peuple qui voudrait échapper à cette loi de l’ami et de l’ennemi et qui se convaincrait à grands coups de déclamations incantatoires qu’il n’a aucun ennemi et même qu’il déclare la paix au monde entier, il ne supprimerait pas pour autant la polarité ami-ennemi, puisque un autre peuple peut fort bien le désigner comme ennemi. C’est l’ennemi qui vous désigne dit Freund. Et Schmitt de surenchérir : « Qu’un peuple faible n’ait plus la force ou la volonté de se maintenir dans la sphère du politique, ce n’est pas la fin du politique dans le monde. C’est seulement la fin d’un peuple faible ».

    La guerre n’est ni l’objectif ni la fin du politique mais elle demeure ce moment d’acmé dont tout homme d’État doit avoir l’hypothèse en tête. Freund ne croyait pas du tout à la disparition possible de la catégorie politique, raison pour laquelle il n’était pas libéral. En effet la pensée libérale mise sur la cessation des conflits, la fin de l’histoire et la dépolitisation de l’État en décrétant que le but des communautés humaines est la recherche du bonheur individuel en attribuant à l’instance dirigeante une simple posture de gestion, ce qui pour lui représentait une fiction délétère.

    Breizh-info.com : « Rien n’est plus éloigné du politique que la morale » écrit Alain de Benoist évoquant l’oeuvre de Freund. Pourtant aujourd’hui, toute la vie politique se résume à des leçons de morale, qui intègre même les décisions pénales. Que faut-il alors retenir de Freund pour l’appliquer ensuite à la vie politique, judiciaire de ce pays ?

    Pierre Berard : Pour Freund chaque activité est dotée d’une rationalité propre qui n’appartient qu’à elle. Il souligne à ce propos que l’erreur commune d’un certain marxisme (léniniste) et du libéralisme est de faire de la rationalité économique le
    modèle de toute rationalité.

    Il écrit à ce propos : « La pensée magique consiste justement en la croyance que l’on pourrait réaliser l’objectif d’une activité avec les moyens d’une autre ». Il insiste tout particulièrement sur la confusion de la morale et du politique et conseille d’en finir avec cet imbroglio. Pourquoi ? Parce que, dit-il, la morale regarde le for intérieur privé tandis que le politique est une nécessité de la vie sociale. Aristote, l’un de ses maître, distinguait déjà vertu morale et vertu civique concluant que l’homme de bien est le bon citoyen. Un homme irréprochable du point de vue de la morale fait rarement un bon politique et d’autre part parce que la politique ne se fait pas avec de bonnes intentions morales, mais en s’attachant à ne pas faire de choix malheureux entrainant la perte de la cité.

    Agir moralement ou prétendre le faire peut conduire à mener des guerres « humanitaires » (l’expression est de Carl Schmitt) et déclencher des catastrophes en chaîne comme on l’a vu avec l’opération occidentale en Libye, où nous avons été entrainés par l’imposteur Bernard-Henri Lévy et le narcissisme du président Sarkozy. Qui dit humanité veut tromper proclamait Proudhon. Cette déclaration s’est rarement démentie ! La politique n’est pas pour autant amorale ou immorale. Elle possède même sa dimension morale pour autant qu’elle poursuit le bien commun. Le bien commun n’est pas la somme des intérêts individuels mais ce que Tocqueville appelait le « bien du pays ».

    Breizh-info.com : Désigner l’ennemi, c’est déjà forcément discriminer. Finalement, les lois qui aujourd’hui encadrent la liberté d’expression, et qui interdisent toute discrimination en France, ne sont-elles pas des lois qui vont à l’encontre du principe même de la vie de la cité, c’est à dire de la politique ?

    Pierre Berard :  Discriminer est une obligation dans l’ordre intellectuel sous peine de sombrer dans le confusionnisme. Il en va de même dans l’ordre politique où la première des discrimination doit distinguer le citoyen du non citoyen. La mode actuelle
    est à l’anti-discrimination sur le plan politique et pourtant l’État doit bien s’y résoudre quoi qu’il dise.

    Par exemple l’Éducation nationale ne peut recruter que des citoyens tout comme l’armée, à l’exception de la légion étrangère. Il est interdit en France d’être anti-islamiste mais bien vu d’être russophobe et ainsi de suite. En bonne logique les lois anti-discrimination sont inapplicables mais la logique est absente du système…Par exemple, comment est qualifiée une information ?

    Selon qu’elle plait ou non aux censeurs omniprésents ils la qualifieront de « complotiste » ou d’avérées. Dans le premier cas elle sera envoyée au pilon par les plateformes des oligarques la Silicon valley, dans le second elle aura droit à tous
    les égards comme information fiable. Dans son livre Athéna à la borne (éditions Pierre-Guillaume de Roux) maître Thibault Mercier a tout dit dans son seul sous titre Discriminer ou disparaître.

    Breizh-info.com : Quels sont, outre ce livre, les autres travaux de Freund que vous jugez important à lire et à comprendre ?

    Pierre Berard : Outre nombre d’études spécialisées je vois deux livres qui me paraissent importants. Le premier intitulé La décadence est paru chez Sirey en 1984. Il passe en revue toute les théories du déclin des civilisations et déclare dans son avant- propos que « tant qu’une civilisation demeure fidèle à l’impératif de ses normes, on ne saurait parler de décadence. Elle s’y embarque, dès qu’elle rompt avec elles ». C’est dire si il croyait que nous étions engagés sur cette voie. Il voyait dans l’aboulie de l’Europe et dans l’abolition progressive du politique au profit de l’économie et de la morale le signe de ce déclin. Il disait aussi que la culpabilité et que le sentiment de mauvaise conscience entretenus par de pseudos élites chez les Européens relevait d’un ethno-masochisme dont on ne voit nulle trace ailleurs.

    Certes la capacité des Européens à sans cesse se remettre en question fut longtemps une force dans la mesure ou elle aboutissait à de nouvelles synthèses mais au point où nous en sommes arrivés on ne voit rien surgir de tel, qu’un affaiblissement morbide et général. Tous les peuple ont commis l’esclavagisme, le colonialisme etc; n’est-il pas stupide que nous devions en porter seuls le poids historique et faire seuls repentance ad libitum ?

    Le deuxième livre que l’on peut conseiller aux lecteurs curieux est Politique et impolitique (toujours chez Sirey), un ample recueil d’articles dans lequel Freund définit ce qu’il entend par l’impolitique. Ce n’est ni l’apolitique ni l’antipolitique ni encore le non-politique. Une politique basée sur les droits de l’homme, par exemple, équivaudrait à une impolitique parce qu’elle serait à prétention morale. C’était aussi la conviction de Marcel Gauchet. Nous retrouvons là la confusion dénoncée par ailleurs qui consiste à réaliser l’objectif d’une activité avec les moyens d’une autre. Nous vivons en Europe une phase de confusion entre les essences qui correspond à une intense dépolitisation qui nous conduit à l’impuissance, aussi bien dans sur le plan intérieur qu’au plan diplomatique et géostratégique. Cela hérissait le poil de Julien Freund qui avait lu et retenu les leçons de Machiavel et de Thomas Hobbes, des apôtre de la politique réaliste.

    D’ailleurs on pourrait résumer Julien Freund à un seul postulat, l’adage romain et machiavélien Salus populi suprema lex qu’on peut traduire ainsi « Que le salut du peuple soit la loi suprême ». Malheureusement on est en droit de se demander si nous constituons toujours un peuple quoi qu’en disent certains intellectuels qui vivent dans des catégories autres que celles dans lesquelles ils pensent.

    Breizh-info.com : Peut-on dire que Freund était un disciple de Carl Schmitt ?

    Pierre Berard : Bien sûr qu’il a été, sinon son disciple, du moins très inspiré par lui. Mais alors que la polarité ami-ennemi joue un rôle clé dans la définition du politique par Schmitt, elle n’en est qu’un des éléments pour Freund. Celui-ci
    distingue des présupposés inhérents à toutes les sociétés humaines depuis toujours et opérant en couple.

    L’économique tout d’abord qui articule rareté et abondance, l’utile et le nuisible, le lien du maître à l’esclave. Le religieux ensuite qui fait la discrimination entre le sacré et le profane, du transcendant et de l’immanent. Viennent encore successivement l’esthétique qui fait la différence entre ce que l’on trouve beau et ce que l’on trouve laid, l’éthique dans laquelle se trouvent opposés la décence et l’indécence etc… Ces couples sont permanents indépendamment de ce qu’on y loge. Le couple ami-ennemi ne constituant que l’ultime clé de voute de tout cet appareillage puisqu’il met en scène la concorde intérieure et la sécurité extérieure dont dépend la bonne marche de tout le reste. En tant que catégorie conceptuelle, l’essence désigne chez Freund l’une de ces « activité originaires » ou orientations fondamentales de l’existence.

    Avancer l’idée selon laquelle il y a une essence du politique, c’est dire que le politique est un activité consubstantielle de notre être au monde. Mais cela signifie également que l’on ne saurait l’éliminer ainsi que l’ont tentés les marxistes pour qui le politique était synonyme d’aliénation et instrument de la domination de classe et aujourd’hui les libéraux qui le conçoivent comme une activité irrationnelle appelée à être remplacé par les lois du marché, bien entendu « libre et non faussé ». Le politique étant de tout temps il ne dérive pas d’un état antérieur, d’un état de nature non social. Fiction inventée par les théoriciens du contrat et reprise par les Lumières. L’essence selon Freund est « la part d’invariant existant dans une activité appelée dans la vie concrète à revêtir les figures les plus diverses » comme le rappelle Alain de Benoist dans son introduction.

    Pierre Bérard, propos recueillis par Yann Vallerie (Breizh-Info, 30 janvier 2021)

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