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Métapo infos - Page 430

  • L'itinéraire de Georges Valois...

    Les éditions Pardès viennent de publier dans leur collection Qui suis-je ? un Georges Valois sous la plume d'Yves Morel. Diplômé de l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS) et docteur en histoire, Yves Morel est l'auteur de divers ouvrages consacrés à l'étude du système éducatif français, d'une Histoire du parti radical (Via Romana, 2015) ainsi que, dans la même collection d'un Abel Bonnard.(2017), d'un Codreanu (2019) et d'un Bucard (2020).

     

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    " Aucun homme n’aura, comme Georges Valois, illustré les efforts de la droite nationale française pour se doter d’une doctrine et d’un projet politiques propres à lui permettre de s’imposer au xxe siècle, en un monde démocratique, dominé par l’économie, la question sociale et caractérisé par l’importance des masses.

    Ses origines plébéiennes le portaient à l’anarchisme et à l’anarcho-syndicalisme. Mais son esprit critique lui révéla assez vite les limites de cette mouvance : manque de réalisme, insuffisance intellectuelle. Réflexion et expérience lui firent découvrir le nationalisme autour de 1905. Il crut alors trouver un maître en Charles Maurras. Son obstination à vouloir résoudre la question sociale par une ouverture sérieuse à la classe ouvrière et le corporatisme (Cercle Proudhon) l’amenèrent à rompre avec l’Action française, bourgeoise et conservatrice. Il se convertit au fascisme mussolinien et, en 1925, fonda le Faisceau, conçu comme son équivalent français, mais qui, sous l’effet de dissensions internes, disparut en 1928.

    Valois imagina, par la suite, diverses variantes du socialisme (syndicalisme républicain, coopératisme), sollicitant en vain son adhésion à la SFIO, puis critiquant la politique de Léon Blum, après avoir pourtant soutenu le Front populaire.

    Et, de fasciste qu’il avait été, il se mua en défenseur des libertés publiques et en contempteur des visées bellicistes de l’Italie mussolinienne et de l’Allemagne hitlérienne. Engagé dans la Résistance, il fut arrêté en mai 1944 et mourut déporté au camp de Bergen-Belsen en février 1945. "

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  • Olivier Rey, un penseur de taille...

    Dans « Les portraits d’Éléments », vous pouvez découvrir ce mois-ci un entretien avec le philosophe et mathématicien Olivier Rey. Chercheur au CNRS et enseignant en faculté, Olivier Rey est l'auteur de plusieurs essais comme Une folle solitude - Le fantasme de l'homme auto-construit (Seuil, 2006), Une question de taille (Stock, 2014), Quand le monde s'est fait nombre (Stock, 2016), Leurre et malheur du transhumanisme (Desclée de Brouwer, 2018) ou dernièrement L'idolâtrie de la vie (Gallimard, 2020).

     

                                              

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  • La ligne sombre...

    Les éditions Camion noir viennent de publier un essai d'Arnaud de la Croix intitulé Hergé occulte - La ligne sombre. Philosophe de formation, Arnaud de La Croix est enseignant à l'Académie des Beaux-Arts de Bruxelles et est l'auteur de plusieurs études historiques comme L'érotisme au Moyen-Age - Le corps, le désir, l'amour (Tallandier , 2003), Hitler et la franc-maçonnerie (Tallandier, 2014) ou Degrelle - 1906-1994 (Racine, 2017).

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    " « Hergé était fasciné par l'occulte et il a vécu une vie aventureuse et même secrète », écrit Numa Sadoul dans sa préface. Arnaud de la Croix, longtemps éditeur chez Casterman, a rencontré nombre de proches collaborateurs du dessinateur et recueilli, au fil des années, leurs confidences au sujet du créateur de Tintin. Il a également eu accès à des documents inédits. Au fil de son enquête, on découvre un Hergé bien différent de la façade lisse et rassurante qu'il offrait au public. Cet homme tourmenté, épris d'inconnu, a laissé une œuvre qui recèle bien des secrets. Peut-être même constitue-t-elle un véritable parcours initiatique. Dans ce parcours, il nous sera parfois donné de côtoyer l'abîme,après Hergé lui-même. Et comme son héros. "

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  • L'Antiquité et l'avenir de l'Europe...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Raphaël Doan, cueilli sur Figaro Vox et consacré à l'importance de l'enseignement de l'héritage gréco-latin pour l'avenir de notre civilisation...

    Agrégé de lettres classiques, Raphaël Doan est l'auteur de Quand Rome inventait le populisme (Cerf, 2019).

     

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    Latin et grec supprimés à Princeton : « Et si l'Antiquité était au contraire meilleure guide pour l'avenir ? »

    Depuis quelques mois, les milieux universitaires américains sont agités par une polémique improbable: l'étude du monde gréco-romain serait-elle un repaire du fameux «racisme systémique»? Accusés à la fois d'avoir servi de justification aux pratiques coloniales du XIXe et du XXe siècles, d'usurper la place de langues antiques moins connues et d'être un obstacle à la diversité sociale dans l'enseignement supérieur, le grec et le latin voient leur prééminence remise en cause par des militants adeptes de la «critical race theory». Si certains ne voulaient y voir qu'un salutaire débat sur le sens de leur discipline, il faut se rendre à l'évidence: cette offensive sert désormais à justifier la suppression du latin et du grec dans l'enseignement supérieur américain. Au nom de la lutte contre le racisme systémique, la célèbre université de Princeton vient d'annoncer que le latin et le grec ne seraient plus obligatoires pour les étudiants en classics, c'est-à-dire… pour étudier la littérature grecque et romaine. On pourra donc obtenir un diplôme de lettres antiques à Princeton sans être capable de lire un mot de grec ou de latin, ce qui est aussi logique que d'être diplômé de mathématiques sans savoir faire une addition.

    Passons sur la tactique interne des départements universitaires qui espèrent probablement, en baissant ainsi les exigences, recruter plus d'étudiants pour accroître leurs financements. On comprendrait que, faute de candidats suffisamment nombreux, ils renoncent à exiger la maîtrise des langues anciennes à l'entrée dans le cursus ; après tout, on peut tout à fait commencer à les pratiquer dans l'enseignement supérieur. Mais pour la même raison, il est parfaitement illogique de renoncer à l'obligation de les étudier pendant le cursus. Une telle révolution, qui pourrait un jour ou l'autre arriver en France, est bien le fruit d'une idéologie qui vise à dénier au grec et au latin leur prééminence dans l'étude du monde antique, et, plus largement, leur utilité dans le monde moderne.

    Car c'est bien de cela qu'il s'agit: au-delà des délires propres aux tenants du «racisme systémique», la place des langues anciennes dans la société contemporaine est précaire. Depuis longtemps – en réalité, depuis la fin du XIXe siècle au moins – des pédagogues en dénoncent l'inutilité, des sociologues y voient de l'élitisme, et des gestionnaires en condamnent le coût. En France, sous l'Ancien Régime et jusqu'en 1863, un apprentissage intensif du latin était la base obligatoire de toute instruction secondaire, avant même l'étude du français. Il resta prépondérant pendant toute la première moitié du XXe siècle, avant de connaître un lent déclin pour laisser place à d'autres matières jugées plus indispensables au monde moderne.

    Le latin et le grec se trouvent désormais dans un cercle vicieux. Leurs enseignements ayant été réduits à peau de chagrin et saccagés par de mauvaises méthodes d'apprentissage, l'immense majorité des lycéens ayant choisi cette option est aujourd'hui incapable, après cinq ans d'étude, de traduire une phrase basique, encore moins, évidemment, de lire un texte. Au bac, ils se contentent d'apprendre par cœur la traduction française, puisqu'ils connaissent d'avance le sujet de l'examen, et obtiennent 18/20. Cette situation est absurde et ne peut plus durer: qui accepterait qu'après cinq années à apprendre l'espagnol, aucun élève de la classe ne soit capable d'en lire une seule phrase? Certes, on leur inculque pendant ce temps quelques notions de civilisation antique ; mais à tout prendre, ils pourraient les recevoir en cours d'histoire. Une telle situation alimente les critiques de ceux qui ne voient dans ces langues mortes qu'une perte de temps quand nos élèves pourraient apprendre, au choix, le marketing ou le code informatique.

    Face à cet échec, deux attitudes s'opposent, toutes deux compréhensibles. La première – c'est celle du grand historien Paul Veyne – serait de renoncer entièrement à l'enseignement des langues anciennes dans les études secondaires, pour les réserver à l'enseignement supérieur, où elles seraient correctement étudiées. En somme, mieux vaut apprendre le latin tard et bien que tôt et mal. Cela reviendrait à réserver les langues anciennes à une petite poignée d'experts ; le latin et le grec y auraient à peu près le même statut que le sanskrit ou les hiéroglyphes, des langues pour spécialistes. Les Grecs et les Romains ne seraient plus pour nous que des étrangers à moitié oubliés.

    La seconde option, qui a ma préférence, est au contraire de raviver l'enseignement des deux langues dans le secondaire, de manière à offrir aux élèves la «familiarité avec l'Antiquité» selon laquelle, disait Guizot, «on n'est qu'un parvenu en fait d'intelligence.» Ce n'est pas un choix pédagogique ou technique: c'est, pour employer un gros mot, un choix de civilisation. Dans toute l'histoire européenne, et particulièrement dans l'histoire de France, la fréquentation de l'antique a constitué le moteur des avancées politiques et culturelles. Les rois du Moyen-Âge voulaient prolonger l'Empire romain ; notre droit y a puisé sa source ; nos artistes y ont sans cesse trouvé l'inspiration. Jusqu'à la fin des Trente Glorieuses environ, nos chefs d'État ont été baignés par les textes antiques ; Georges Pompidou échangeait des blagues en latin avec Jean Foyer au sortir du conseil des ministres. Si leurs discours nous paraissent incomparablement meilleurs que ceux du personnel politique actuel, c'est qu'ils étaient nourris de rhétorique ancienne. Ce qui relie de Gaulle et Louis XIV, Bergson et Descartes, Ingres et Poussin, mais aussi, plus modestement, le bachelier de 1930 à l'étudiant de 1770, c'est que toutes ces personnes ont lu les mêmes textes dans la même langue et ont puisé à la même source: le monde classique. En l'absence de ce lien commun, notre culture - nous le voyons bien depuis quelques décennies - risque l'archipélisation, chacun ayant ses propres références et ses propres modèles. Face à une société déboussolée, quel meilleur guide pour l'avenir que celui que nous avons toujours eu: l'Antiquité?

    En pratique, pour restaurer l'enseignement du latin et du grec, deux évolutions seraient nécessaires. D'abord, il faudrait permettre à tous les élèves de bénéficier d'une initiation à l'une des deux langues, avant de leur proposer de suivre un enseignement approfondi – et que cet enseignement soit proposé dans tout collège et tout lycée de France. Ensuite, il faudrait que les langues anciennes soient enseignées comme des langues vivantes, l'expression orale en moins. Ce n'est en général pas le cas aujourd'hui, où l'analyse technique de la phrase précède et obscurcit la simple recherche du sens: les élèves passent plus de temps à chercher les conjonctions de coordination ou les compléments circonstanciels qu'à tenter de comprendre simplement ce que veut dire la phrase, pour finalement apprendre par cœur une traduction sans lien avec le texte. Rappelons tout de même que le latin et le grec ont été des langues vivantes, parlées par des millions de personnes dont beaucoup étaient illettrées: il n'y a pas de raison que les élèves ne parviennent pas à les comprendre aujourd'hui encore, à condition de les enseigner… comme de vraies langues, c'est-à-dire en prenant les mots dans l'ordre, et en déduisant au fur et à mesure le sens de la phrase, sans avoir besoin de la réorganiser ni de recourir à du jargon linguistique.

    C'est ainsi que l'enseignent déjà certains professeurs (1), et heureusement, de plus en plus de cercles de «latin parlé» se développent. On a même vu paraître une édition de la méthode Assimil dédiée au latin. Appuyons-nous sur ces heureuses initiatives pour apprendre les langues anciennes de manière à les comprendre. Car c'est bien le but de cet apprentissage: il faut qu'après quelques années seulement, un élève attentif puisse lire du latin dans le texte, aussi bien qu'il lirait de l'anglais. Ce n'est qu'ainsi qu'il pourra réellement apprécier le rythme et les sonorités de la poésie de Virgile, la logique des argumentations de Cicéron ou la puissance des images de Tacite. Il se forgera un goût plus sûr de la langue, de l'expression et du raisonnement. Alors seulement les langues anciennes seront réellement utiles: quand elles permettront d'accéder sans intermédiaire aux modèles qui ont forgé notre civilisation, et de s'en inspirer pour créer du nouveau. Là où l'idéologie à la mode aux États-Unis s'évertue à couper le lien qui nous unit à l'Antiquité, travaillons à en retrouver la fécondité.

    Le président de la République a appelé de ses vœux, dans un récent entretien, le début d'une «nouvelle Renaissance». Mais on ne «réinvente» pas une civilisation sans modèle. C'est en voulant restaurer l'Antiquité que la Renaissance du XVe siècle a fait naître notre modernité. Restituer l'enseignement des langues anciennes, c'est tisser de nouveau une familiarité avec ce qui, depuis des siècles, nous fait donner le meilleur de nous-mêmes. Pourquoi pas une fois de plus ?

    Raphaël Doan (Figaro Vox, 31 mai 2021)

     

    Note :

    (1) C'est notamment le cas du professeur Alain Le Gallo, dont j'ai suivi les cours et à qui je dois cette vision de la langue.

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  • Paris-Moscou : Aller simple contre le féminisme...

    Les éditions de La Nouvelle Librairie viennent de publier un essai tonique de Yannick Jaffré intitulé Paris-Moscou - Aller simple contre le féminisme. Professeur agrégé de philosophie, Yannick Jaffré est déjà l'auteur d'un essai intitulé Vladimir Bonaparte Poutine - Essai sur la naissance des républiques (Perspectives libres, 2014).

     

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    " Connaissez-vous la « Journée internationale de la femme », qui se tient chaque 8 mars ? En Russie, c’est une date marquée d’une croix blanche sur l’agenda. Elle donne lieu à une célébration sensuelle de la différence sexuelle, alors qu’elle n’est plus en France qu’une terne commémoration de l’égalité. Les femmes seraient-elles désormais à l’Est, et les féministes à l’Ouest ? À cette question de géographie érotique, Yannick Jaffré répond par un essai enlevé qui mêle anecdotes, analyses historiques, sociologiques, philosophiques et charges polémiques au sabre clair. Pour quelles raisons, la Russie reste-t-elle sourde aux injonctions néo-féministes tandis qu’à l’Ouest les femmes cèdent au mouvement puritain « #BalanceTonPorc » ? Comment des systèmes de lois comparables s’entrelacent-ils ici et là-bas à des mœurs diamétralement opposées ? Russophone et russophile, l’auteur traverse allègrement la frontière culturelle franco-russe et brosse avec ironie un portrait mordant, à Paris et Moscou, des deux ordres amoureux. Un livre jouissif. "

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  • À propos de l’écologie nationale… continuons le débat !

    Sur son site de campagne, Hervé Juvin, tête de liste aux élections régionales dans les Pays-de-la-Loire, poursuit le débat entamé avec ses détracteurs dans le texte «A propos de l'écologie nationale».

    Économiste de formation et député européen, Hervé Juvin est notamment l'auteur de deux essais essentiels, Le renversement du monde (Gallimard, 2010) et La grande séparation - Pour une écologie des civilisations (Gallimard, 2013). Candidat aux élections européennes sur la liste du Rassemblement national, il a publié récemment un manifeste intitulé France, le moment politique (Rocher, 2018).

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    À propos de l’écologie nationale… continuons le débat !

    J’ai dénoncé la supercherie d’une écologie hors sol, globaliste, déracinée. J’ai affirmé que la diversité des cultures et des conceptions de la vie était notre assurance de survie ; nous survivrons parce que les hommes ne sont pas les mêmes, ne désirent pas les mêmes choses, et ne veulent pas tous devenir des Californiens comme les autres. J’ai aussi énoncé cette vérité d’expérience ; cette diversité des désirs humains dépend d’un certain degré de séparation des sociétés politiques.

    Un écosystème défini ne survit qu’à condition d’être séparé d’avec les autres écosystèmes. Et j’en ai tiré cette réflexion ; la diversité des cultures et des sociétés humaines elle aussi demande un certain degré de séparation pour que chacune s’épanouisse et s’exprime dans sa plénitude. Chaque société, chaque Nation, est libre de définir ce que et ceux à qui elle ouvre ses portes, ce, et ceux à qui elle les ferme. Tout dépend du moment et de la situation.

    Le péril d’une écologie identitaire

    C’était peu. C’en était déjà trop pour des critiques acharnés à écraser l’infâme où qu’ils le trouvent — ou croient le trouver. Tour à tour, Le Nouvel Observateur, Le Point et Le Monde, à la suite de l’AFP, ont publié des articles prétendant dénoncer le péril d’une écologie identitaire, d’une écologie des frontières et des limites, d’une écologie enracinée, de ce que j’ai nommé écologie des civilisations. Des articles dont je reconnais volontiers la qualité et l’intérêt ; celui au moins de continuer le débat, ce débat qui fait hélas si tragiquement défaut à nos démocraties.

    Continuons donc le débat. Je vois bien ce qui gêne ; de plus en plus de Français le comprennent, l’écologie est incompatible avec les mouvements de population incontrôlés, avec le libre échange et avec la liberté de mouvement sans limites. Donc avec les credo qu’une gauche qui trahit la France après avoir trahi le peuple a adoptés. La réalité plus incommode encore est que frontières, limites et séparations sont les conditions de cette sécurité culturelle et morale que tout État doit assurer aux citoyens. Et qu’elles sont concrètement les moyens du respect dû aux autres sociétés, cultures et civilisations — ce qui empêche que le plus fort, ou le plus riche, ou le plus invasif, l’emporte sur tout et emporte tout. Voyez la puissance inouïe acquise par des monopoles privés grâce à l’ouverture des frontières, et l’abaissement symétrique du citoyen, de l’État, et de l’unité nationale.

    Je ne solliciterai pas Claude Lévi Strauss sur ce point, encore que « il n’y a pas de civilisation s’il n’y a pas des civilisations » mérite le détour. Je m’arrêterai sur Elwin Verrier, le pasteur devenu ethnologue de la tribu des Muria, au Chhattisgarh, en Inde, auteur du célèbre « Maisons de Jeunes chez les Muria », et qui fut nommé, après l’indépendance, haut commissaire aux affaires tribales, seul Britannique confirmé à ce niveau. Pendant tout son mandat, et jusque dans les années 60, Elwin Verrier assura aux populations préaryennes, ces adivasis hors castes méprisés des Hindous, un relatif isolement assurant le respect de leurs territoires de cultures et de chasse, de leurs lieux sacrés et de leur ode de vie. La cupidité de la famille d’Indira Gandhi et l’appétit des multinationales réduira progressivement cet isolement, contribuant à allumer la rébellion du  « Naxal ». Elwin Verrier posait en termes clairs un débat que nous ne nous permettons plus d’avoir ; au nom de quoi se mêler des affaires de ceux qui ne vous demandent rien, et qui souvent vous demandent juste de passer votre chemin ?

    Ils sont nombreux à partager cette opinion ; lisez seulement Paul-Émile Victor et sa dénonciation des ravages exercés par les pasteurs protestants danois sur les Eskimos subjugués ! J’irai ensuite vers Claude Bernard, médecin, chercheur et penseur, qui écrivait à la fin du XIXe siècle ; « la stabilité du milieu intérieur est la condition de la vie bonne ». Et il développait en illustrant les aptitudes vitales du corps humain, grâce à cette frontière qu’est la peau, à se séparer du milieu extérieur, à rejeter à l’extérieur tout élément nuisible, microbe ou virus, pour préserver la stabilité du corps.

    J’irai jusqu’aux critiques du développement, comme Bernard Anthelme s’interrogeant sur «  ces peuples qu’on assassine », comme Noam Chomsky, comme l’arpenteur d’Afrique que fut Alfred Thesiger, critique désolé des ravages du développement forcé, du pillage des ressources et de la destruction des libertés africaines. Je pourrais continuer avec Pierre Clastres, révélateur de ces sociétés organisées contre le politique et contre l’économie, ou bien avec l’auteur d’Homo Hierarchicus, ce critique de l’individualisme qui rejoint Karl Polanyi et « La Grande Transformation ». Et je m’arrêterai sur ce que les Malgaches appellent « le ziv », ces liens implicites qui assurent qu’entre deux communautés, par exemple les pêcheurs vézos et les pasteurs Antandjoy, les échanges commerciaux, les mariages, les associations de toute sorte, sont promises au succès, tandis qu’avec d’autres communautés, les mêmes relations ont toutes les chances de courir à l’échec — et la séparation entre elles est la règle.

    Nous repoussons avec horreur ce que les Malgaches tirent d’une longue expérience, et la réalité historique voulant que des peuples communiquent, échangent, s’allient avec bonheur, quand d’autres ne connaissent que mésententes, pillages et guerres, nous est à peu près invisible — et pourtant !

    L’universalisme occidental trouve ses limites

    Certains devraient se poser la question. Il est temps, car l’arrogance occidentale, le « deux poids, deux mesures » et la prétention vulgaire à détenir des vérités universelles est en train de couper l’Union européenne du reste du monde. Les États-Unis, au moins, parlent la langue unique de la force, partout entendue, comprise — et combattue. Le débat qui oppose localistes et mondialistes, patriotes et citoyens du monde, ne fait que commencer. Il a toutes les chances de dérouter les rentiers de l’écologie gauchie. Qui respecte réellement les autres ?

    Ceux qui considèrent que les musulmans sont des laïques comme les autres, et que leur religion doit se dissoudre dans la citoyenneté, le pain et les jeux, comme l’a fait un catholicisme réduit au simulacre depuis Vatincan 2, ou ceux qui respectent l’Islam comme l’une des plus fortes religions que l’humanité a suscitée, mais qui s’interrogent sur la compatibilité de l’Islam tel qu’il est avec la France telle qu’elle est ? Quelle politique permet aux Nations de préserver leur indépendance et d’affirmer leur identité, comme nous entendons défendre les nôtres ?

    Que veut dire « démocratie » quand un peuple se voit refuser le droit de choisir qui a accès à son territoire, à la citoyenneté, et à la solidarité nationale ? Et quelle politique est la plus protectrice de la diversité, celle qui impose une liberté des échanges et des mouvements contraignant l’uniformisation des lois et des normes, ou celle qui subordonne le commerce aux choix et aux préférences de chaque peuple ? Quelle politique enfin assure davantage la paix et la sécurité aux populations, celle qui les expose sans recours à la loi du plus riche et du plus fort, ou bien celle qui leur permet d’affirmer leur unité interne et leur identité propre contre les agressions extérieures ?

    Observons avec le sourire que certains, comme le pape François, qui défendent le droit des indigènes de l’Amazonie, ou des Ouïgours du Sinkiang, à vivre selon leurs mœurs et leurs choix, semblent vouloir interdire aux Français de France de défendre le même droit — selon de vivre chez eux, entre eux, selon leurs lois et leurs mœurs. Vérité ailleurs, mensonge ici ? Faut-il défendre les Papous pour espérer que les Français puissent défendre leur France ? Et posons la question ; qui est plus respectueux des autres, de ceux qui veulent les réduire à leur droit, leur capital et leur marché, ou de ceux qui reconnaissent les séparations qui leur assurent de préserver, d’affirmer et d’enrichir leur différence ? Respecter les Peuls, ou les Ouïgours, ou les Français, est-ce vraiment en faire d’eux des hommes comme les autres, des hommes hors sol, des hommes de rien ?

    Tout ceci pour en venir à ce point décisif. Parée des plus belles couleurs, l’idéologie du sans frontiérisme, du multiculturalisme, de la mobilité infinie, détruit toute résistance à l’ordre marchand du monde, interdit à toute société de se constituer autrement que sur le couple production-consommation, et à toute culture de célébrer autre chose que l’enrichissement sans limites. Derrière elle, et sa prétention au droit et aux droits, au respect et à la dignité, il faut entendre l’ignorance de l’autre et l’incapacité à accepter que d’autres peuples aient choisi de vivre autrement, d’organiser autrement les relations homme femme, autrement la naissance, la vie et la mort. Comme l’affirmait fortement René Girard, à force de célébrer toutes les différences, nous n’en acceptons plus réellement aucune. Toute différence qui fait réellement la différence est dénoncée, criminalisée, censurée — nous acceptons les simulacres, ce qui parade sur les estrades, les chars ou les scènes, mais plus rien de ce qui donnait aux hommes des raisons de tuer ou de mourir, rien de ce qui faisait de l’espace d’une vie autre chose qu’une occasion d’en profiter tant qu’on peut — et qui s’appelait, au choix, dignité, ou sacré.

    La conclusion est, ou devrait être simple. Ne nous mêlons pas des affaires des autres. Finissons-en avec cette comédie du développement qui ne sert qu’à réduire les peuples sans défense aux intérêts de nos grandes compagnies. Abandonnons cette prétention à vouloir faire des autres les nôtres, elle nous affadit sans nous conforter. Travaillons à être nous-mêmes, à nous affirmer dans nos identités, comme à côté de nous, les autres peuples aspirent à se conforter dans leur être et à s’affirmer dans leur plénitude. Et relevons nos frontières, elles sont la condition du respect dû aux autres, comme celle de notre liberté intérieure.

    Le grand problème de l’écologie est que les écologistes se refusent absolument à tirer pour nos sociétés les leçons qu’ils tirent fort bien pour la biodiversité, pour la gestion des espèces et des espaces. Experts à observer la réalité des espèces vivantes, lucides sur les effondrements en cours dans notre environnement, conscient des ravages que l’introduction d’éléments extérieurs produit sur la stabilité d’un écosystème ou d’une population animale ou végétale donnée, ils sont aveugles sur les effondrements en cours dans nos sociétés, dans nos Nations, et avancent les yeux grands fermés dans un monde humain dont ils ne voient pas qu’il condamne tout ce qu’ils aiment, célèbrent et prétendent protéger au titre de l’environnement.

    Et le grand problème à venir n’est pas qu’une dérive totalitaire de l’écologie puisse se produire, c’est que le seul représentant authentique du sacré dans nos sociétés, la seule présence qui fasse signe vers une autre dimension, les seuls à dire que tout n’est pas à vendre, et que les choses qui comptent sont celles qui n’ont pas de prix, qui ne se vendent pas mais qui se transmettent ou se donnent (Maurice Godelier), soit en train de devenir l’Islam — nous n’avons pas fini nos aventures avec la vérité, avec l’esprit, et avec l’au-delà. Faut-il que seul, l’Islam nous le rappelle ? Et comment ne pas voir que la passion normalisatrice, réductrice qui interpelle l’Islam, révèle d’abord l’ignorance de l’altérité, bien proche de devenir la peur de l’Autre et la haine du différent ?

    Deux mots pour finir. « La Grande Séparation » que j’ai publiée chez Gallimard en 2014 contiendrait selon les uns et les autres, par exemple Philippe Courcuff, des idées dangereuses. Pourquoi pas ? J’aimerais qu’ils les réfutent ou qu’ils les corrigent ! Et je suis prêt à me rendre à leurs raisons. L’essentiel est qu’à ce jour, aucun des socialistes convertis à cette ouverture des frontières qui fait d’eux les idiots utiles des monopoles privés et des multinationales, voire de nouveaux esclavagistes, n’a répondu à ce qui est pour moi l’affirmation capitale de ce livre ; quand nous prétendons en avoir fini avec toutes les discriminations, toutes les séparations, c’est que l’argent est devenu la séparation universelle ; partout acceptée, partout reconnue, partout célébrée. Nos temps ignorent cette dignité de la pauvreté que tant de nos auteurs, de Léon Bloy à Paul Léautaud, ont célébrée. J’attends qu’on me réponde à ce sujet.

    Et enfin, je voudrais envoyer un salut amical aux Andamans. Ce peuple des îles du golfe du Bengale, heureusement préservé de toute intrusion extérieure par un gouvernement indien éclairé, a tué à coup de flèches, voici quatre ans, un illuminé américain qui prétendait aborder à leur île pour les évangéliser. Ces voisins éloignés de notre monde, encore proches des temps d’avant notre histoire, savent bien ce que nous avons oublié ; ce qui vient de l’extérieur ne nous fait pas de bien, ceux qui viennent de l’extérieur ne nous veulent pas du bien. Nous avons à apprendre d’eux.

    Hervé Juvin (Juvin 2021, 31 mai 2021)

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