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Métapo infos - Page 1575

  • L'intégrisme moral et émotionnel des sociétés post-modernes...

    Nous reproduisons ci-dessous un article de Didier Bourjon, cueilli sur le site d'Enquête&débat et consacré au totalitarisme sournois des sociétés post-modernes...

     

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    Intègre totalitarisme post-moderne

    En société “post-moderne” qui se veut désormais hors du champ de l’Histoire, puisqu’elle se prend pour le Monde, l’intégrisme moral et émotionnel qui tient lieu de ciment “sociétal” apparent, en fait uniquement spectaculaire, est le principal moyen d’escamotage de la dimension native de tout “vivre ensemble”, selon le slogan rabâché, qui est la dimension politique.

    Cet intégrisme, puisqu’il vise toujours un unanimisme incontestable — seulement menacé, fantastiquement et pour faire croire encore à une lutte, par les horreurs d’un passé dont on ignore de plus en plus à peu près tout hors de la doxa, cette dernière étant soutenue par l’enseignement de l’oubli et le dressage des élèves dès leur plus jeune âge —, cet intégrisme est un prétexte à toutes les manipulations, mélangeant habilement causes justifiées et autres, pratiquant sans cesse le mélange des genres et des plans, profitant de la déculturation générale et l’accentuant dans le même temps.

    C’est une moraline désarmante et une entreprise scélérate en provenance d’une histoire et d’une seule parmi celles des populations qui se partagent désormais notre territoire, et surtout qui s’adressent, judiciairement s’il le faut, à la seule population accueillante, sommée de faire toute sa place à “l’autre”, autant dire lui laisser toute la place, à n’importe quel autre, au seul gré de ce dernier quant à venir peupler un territoire donné en raison des “avantages acquis” qu’on y trouve et de la désolation ou du retard matériel de son pays d’origine, des impasses politiques et civilisationnelles qui y sévissent, de l’échec collectif de sa société d’origine, que soulignent le triomphe de la modernité technique et le mirage de la consommation effrénée qu’on trouve dans les pays dits “développés”.

    Sous couvert de “bien public”, et de “Bien” tout court, on en arrive à cultiver la soumission de masse, à renforcer le fatalisme de tous, à renvoyer chacun à l’impuissance politique de son isolement hyper-communicant saturé d’objets pauvres et sans cesse relancé, harcelé, par un présent factice qui se veut perpétuel, à faire prendre enfin les vessies pour des lanternes en masquant habilement les vrais enjeux, qui sont idéologiques : en vérité, le contrôle social par l’éducation à la soumission, l’imposition de faux choix, par l’aveuglement organisé, avec la destruction méthodique de toute capacité critique et un endoctrinement dès la classe maternelle, ne sont que les moyens de la domination sans partage de l’idéologie nécessaire aux choix d’une oligarchie mondialiste qui attend d’être mondiale.

    Demi-vérités érigées en dogmes irréfutables, tabous plus aveugles que jamais alors qu’on prétend les pourchasser tous, sophismes jouant avec des évidences préalablement lourdement imposées, sensiblerie affligeante mais désarmante, bonté obscène, émasculation systématique, démagogie permanente et promotion de la vulgarité qui s’emballe d’elle-même (il n’y a pas qu’à l’école que “le niveau monte”…), manipulations de foules atomisées car virtuelles, toute la palette des moyens les plus vils ou les plus dangereux est mise à contribution, massivement, sans vergogne. Les ombres de la Caverne ne sont pas que fantomatiques, elles sont hélas fermement orientées, elles ont un sens, et il est totalitaire sous prétexte de totalisation, de “globalisation” selon le néologisme convenu.

    Les totalitarismes passés veillaient à ce que la propagande non pas mente mais vide de sa substance le langage en vidant certains mots de leur sens, comme l’a montré Hannah Arendt, ou encore l’étonnant Armand Robin dans son étude des radios soviétiques. La propagande de la modernité nouvelle issue de la défaite des totalitarismes “classiques”, visait à subvertir la totalité du langage en renversant le sens de tous les mots, en les “relativisant”, en les “jouant” (le jeu de mots comme vérité du journalisme), jusqu’à produire ce qui advient aujourd’hui où elle vise – et parvient extraordinairement – à faire cohabiter tous les sens, et de préférence les plus contraires, au sein des mêmes mots.

    Efficacité technique et bonté réalisée, maternage et déresponsabilisation, infantilisme et bonheur simple d’être “soi-même”, autant dire une pure disponibilité pour tout le factice prêt-à-consommer sur tous les plans que les modes recyclent en permanence, sentimentalisme écœurant et terminal avec son pendant : la transparence permanente, le refus de toute intériorité, de tout temps personnel, de toute profondeur de champ, du Temps en un mot, voilà quelques unes des étranges caractéristiques de ce qui entraîne les peuples des pays dits développés, particulièrement d’Europe, dans une spirale mortifère alors que d’autres peuples, d’autres continents, s’engagent enfin, eux, dans l’histoire, en conquérants qui ignorent néanmoins encore assez largement le piège subtil où nous les entrainons.

    Didier Bourjon (Enquête&débat, 11 juillet 2011)

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  • Révoltes arabes sous influences...

    Le nouveau numéro du magazine Eléments ( le n°140) est en kiosque et on peut constater que la nouvelle formule, mise au point par Pascal Eysseric, tient ses promesses ! On trouve dans ce numéro un dossier sur les révoltes du monde arabe, des entretiens avec le général Vincent Desportes, l'écrivain aventurier Sylvain Tesson et le politologue suisse Patrick Haenni, des pages consacrées au combat des idées, abordant aussi bien l'érotisme que l'avénement de la Chine dans le marché mondial, et, bien sûr, les pages Cartouches sur les livres, le cinéma, la science, etc... et l'éditorial de Robert de Herte (alias Alain de Benoist). Bref, un numéro riche et stimulant à emporter sur la plage pour ne pas bronzer idiot !

     

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    Au sommaire du dossier : "Révoltes arabes sous influences"

    Toute la question, maintenant, est de savoir comment les mouvements actuels pourront résister aux récupérations de toutes sortes, voire aux contre-révolutions. « On osa jusqu’à la fin, parce qu’on avait osé d’abord », disait Saint-Just à propos de la Révolution de 1789. Mais les révolutionnaires français savaient au moins ce qu’ils voulaient. L’anonyme « printemps arabe», qui n’a pour l’instant fait émerger aucune idée neuve, aucune figure capable de remplir le vide du pouvoir, aucune classe intellectuelle capable de théoriser ses aspirations, osera-t-il « jusqu’à la fin » ? On peut en douter. Les révoltes permettront à de nouvelles générations d’accéder au pouvoir, pas forcément de changer de régime.
    Le monde arabe moderne est né en 1916, quand les populations du Proche-Orient se sont soulevées contre les Turcs ottomans, maîtres de la région depuis le début du XVIème siècle. Depuis cette date, les « printemps arabes» se sont succédé, mais l’« indépendance » proclamée le 5 juin 1916 à La Mecque est toujours restée un rêve. On attend encore qu’il puisse se concrétiser.

    • Derrière les jacqueries des peuples, les révoltes de palais, par Pascal Eysseric
    • Egypte : le pays qui dansait sur un volcan
    • Entretien avec Patrick Haenni, métamorphose de l'islam
    • Chronologie des révoltes arabes
    • Turquie : la nouvelle révolution verte, par Tancrède Josseran

    Et aussi
    • Entretien exclusif avec le général Vincent Desportes : « Le piège américain »
    • L'aventure de Sylvain Tesson : la quête du paladin
    • Chine : les habits neufs du capitalisme mondial, par Flora Montcorbier
    • Nicolas Gogol, le démon du ridicule, par François Bousquet
    • Bruno de Cessole, promenade au pays des géants, par Michel Marmin
    • D. H. Lawrence, le prophète du sang primitif, par Fabrice Valclérieux
    • Le dictionnaire culte des films français pornographiques et érotiques, par Francis Moury

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  • Les plus avisés et les plus lucides...

    Nous reproduisons ci-dessous une chronique de Philippe Bilger, cueillie sur son site Justice au singulier et consacrée à l'enlisement de notre pays dans le conflit libyen ainsi qu'à ceux qui, contre l'opinion médiatique dominante, avaient prévu cette situation...

     

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    Rony Braumann avait raison

    Il ne fait pas de doute que la continuation de l'intervention française en Libye va être approuvée à l'Assemblée nationale et au Sénat, par l'UMP évidemment mais aussi par les socialistes qui se trouvent dans un étau politique pour l'avoir admise dès l'origine à partir du moment où elle était validée par l'ONU (Le Figaro, Le Monde, nouvelobs.com, Marianne 2).

    On entend et on lit de plus en plus, ici ou là, des considérations formulées notamment par des militaires à la retraite ou des universitaires passionnés par la matière. Ils mettent en cause les modalités des opérations menées en Libye, le caractère aujourd'hui ambigu de leur but et doutent de leur réussite si elles continuent à s'enliser avec un Kadhafi toujours là et négociant peut-être en douce grâce à l'entremise d'un fils (jdd.fr). Les opposants malgré l'aide exclusivement apportée par la France donnent l'impression de piétiner alors que, nous dit-on, ils avanceraient et menaceraient le Pouvoir de Kadhafi et donc lui-même.

    Ce qui m'importe, c'est de faire valoir à quel point certains, qu'on juge pessimistes, trop peu cocardiers dans l'instant ou le coeur sec et insensible aux possibles malheurs du monde, apparaissent souvent, devant les développements de la réalité guerrière, comme les plus avisés et les plus lucides.

    Je me souviens d'un dîner-débat organisé le 26 avril par un club de réflexion auquel j'envisageais de m'affilier. C'était ma première expérience. J'ai compris que ce genre de réunion n'était pas pour moi même si en l'occurrence cette soirée s'est déroulée sous l'égide bienveillante de Jean-Claude Guillebaud et qu'elle m'a permis d'entendre, notamment, Régis Debray et l'une des deux personnes invitées à débattre qui était Rony Braumann.

    J'ai encore dans l'oreille toutes les réserves exprimées par ce dernier au sujet de l'intervention française en Libye. Même s'il tenait compte de l'aval de l'ONU, il dénonçait le manque de préparation, l'absence de données sur la structure de ce pays et au moins sur sa division profonde entre Tripoli et Benghazi, les finalités floues de l'expédition - s'agissait-il d'éviter un massacre et il affirmait que rien ne permettait de le croire certain ou de se débarrasser de Kadhafi ? - et le risque d'enlisement et de délitement de celle-ci. Il était moins convaincant à mon sens dans les propositions mais affirmait cependant qu'il existait mille autres moyens, mais de nature politique et avec une contrainte internationale excluant la force, pour aboutir à la sauvegarde des droits de l'homme et à terme à l'effacement de Kadhafi.

    Même si la majorité des convives n'était pas éloignée de sa vision, je me rappelle que j'ai eu du mal à résister à un mouvement qui me conduisait immédiatement à dénoncer la frilosité, voire le trop peu de patriotisme de Rony Braumann ! Au fil de la soirée, sa réplique toujours mesurée et intelligente aux interrogations formulées a emporté la conviction de beaucoup, même parmi les rares rétifs de prime abord. Je ne me disais plus que Rony Braumann avait forcément tort mais qu'il y avait du courage à avoir raison, peut-être, comme lui.

    La suite des événements a montré que son analyse était absolument pertinente. A nouveau j'ai perçu le danger de ces intellectuels, philosophes ou autres qui au nom des droits de l'homme, invoqués sans cesse comme un étendard magique qui dispenserait de toute réflexion , étaient prêts à jeter les autres sur les sentiers d'une guerre qu'ils décrétaient juste. Et il fallait se contenter, si j'ose dire, de cet imprimatur !

    Bernard-Henri Lévy, vibrion guerrier et inspirateur de la politique française en Libye avant qu'Alain Juppé reprenne les choses en main, plaît par son enthousiasme naïf et sa conviction vite faite : en 24 heures, les troupes de Kadhafi, des mercenaires, se débanderaient ! On s'aperçoit vite que ces va-t-en guerre abstraits ont tort !

    Après viennent les Rony Braumann.

    Trop tard.

    Philippe Bilger (Justice au singulier, 12 juillet 2011)

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  • Trésors de France...

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    Le numéro de juillet-août 2011 de la revue Le spectacle du monde est en kiosque. Pour la période estivale, le dossier est consacré aux trésors que cache notre pays et qu'il convient de découvrir. Des personnalités du monde intellectuel ou artistique comme Marc Fumaroli, Jean Tulard, Jean des Cars, Alain de Benoist, Dominique Venner, Frédéric Taddéï ou Stéphane Denis nous font découvrir un oeuvre, un monument ou un site qu'ils affectionnent particulièrement. Mais deux articles de Martin Peltier ("Patrimoine, cette nouvelle grande misère") et de Christine Clerc ("Le patrimoine, c'est notre avenir") viennent nous rappeler opportunément que ce patrimoine est menacé...

    Hors dossier, on pourra aussi lire un entretien avec Hervé Juvin ("Partageons le combat des indigènes contre les colons"), un article de Arnaud Guyot-Jeannin sur Drieu la Rochelle ("Pierre Drieu la Rochelle, un Européen en quête d'absolu") et un article de Jean-Francois Gautier sur Guiseppe Verdi. Et on retrouvera aussi  les chroniques de Patrice de Plunkett et d'Eric Zemmour.

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  • Une petite leçon de stratégie... et de realpolitik !

    Nous reproduisont ci-dessous un entretien éclairant avec le général Vincent Desportes, publié dans le Journal du Dimanche des 9 et 10 juillet 2011. Ce spécialiste des questions stratégiques, fidèle à sa réputation d'esprit libre, constate l'absence de stratégie de la France dans la guerre en Libye. Le général Desportes a récemment publié Le piège américain (Economica, 2011), une brillante réflexion sur la culture stratégique américaine. 

     

     

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    "La stratégie d’attente de Kadhafi pourrait être gagnante"

    Près de quatre mois après les premières frappes françaises contre les chars de Kadhafi, à Benghazi le 19 mars, où va la guerre en Libye? Saint-cyrien, le général de division Vincent Desportes a dirigé l’École de guerre de 2008 à l’été dernier. En juillet 2010, à 56 ans, il a été sanctionné par le ministre de la Défense pour avoir publiquement critiqué la façon dont était conduite la guerre en Afghanistan. Connu pour sa liberté de parole, le général Desportes estime que la guerre en Libye a été lancée dans des conditions hasardeuses et qu’il est "temps de trouver un compromis avec les autorités libyennes". Entretien.

    Près de quatre mois après le début de l’offensive en Libye, quel regard portez-vous sur la façon dont est conduite cette guerre ?


    On a cru que cette guerre serait une entreprise facile. Nous sommes partis en Libye comme les Américains en Irak en 2003, ou Israël face au Hezbollah en 2006, en estimant que notre puissance létale suffirait aisément à produire des résultats politiques… Je suis surpris par la difficulté qu’ont les nations à retenir les leçons de l’Histoire. Le pari risqué de gagner très rapidement, sans avoir à engager de troupes au sol (dont de toute façon nous ne disposons plus en nombre suffisant) ,n’a pas fonctionné. Depuis le début de cette guerre, on espère chaque jour que de simples actions supplémentaires de bombardement suffiront à faire tomber Kadhafi. Or, l’Histoire nous montre que ça ne marche pas. Nous avons à nouveau oublié qu’il est impossible de produire des effets politiques durables par le recours à la seule arme aérienne.

    Que s’est-il passé ?
    Les guerres sont souvent déclenchées sans analyse stratégique suffisamment approfondie, ce qui explique qu’elles échappent presque toujours à ceux qui les ont décidées. Dans le cas de la Libye, il n’est pas impossible que l’on ait confondu guerre et maintien de l’ordre. La puissance militaire a été utilisée comme une compagnie de gendarmes mobiles, en oubliant que la guerre obéit à des logiques très différentes des opérations de police sur le territoire national. L’objectif initial de la coalition (une zone d’interdiction aérienne et la protection des populations de Benghazi) était parfaitement réalisable. Mais dès lors que l’on s’est lancé dans une démarche de nature politique, à savoir la chute de Kadhafi, on s’est engagé dans un processus très ambitieux par rapport aux moyens que l’on pouvait déployer. Mon impression est que la réflexion stratégique initiale a été imparfaite : sur la finalité possible de l’intervention, pour le moins ambiguë ; sur les capacités politiques et militaires de la rébellion, que nous avons surestimées ; sur la force et la résilience des pro-Kadhafi, que nous avons sous-estimées ; sur cette insurrection générale que nous espérions et qui ne s’est jamais déclenchée. Je ne parle même pas de "l’après-Kadhafi", qui va être extrêmement compliqué et dont, forcément, nous allons être responsables pendant des années.

    Quand vous dites "insuffisance d’analyse", qui visez-vous ?
    Si l’analyse stratégique avait été conduite à son terme, plus de cent dix jours et plus de 110 millions d’euros après le début de l’offensive, nous ne serions pas dans une situation si délicate et incertaine. Il est évident que le souci de protéger la population de Benghazi a été déterminant dans la prise de décision. Mais il est aussi évident que les considérations de politique intérieure ont compté. Il semble subsister en France, parfois à très haut niveau, une méconnaissance de ce que sont vraiment la guerre et la stratégie.

    Il n’y a pourtant pas eu de débat au sein de la classe politique française…
    Je regrette qu’il n’y ait pas eu en France un débat comparable à celui qui, aux États-Unis, a vu s’affronter le Pentagone, qui s’opposait à la participation américaine, et le Département d’État. Puis le président Obama a tranché. Ce débat critique a manqué en France. Quant à l’opinion, elle perçoit mal la réalité de ce conflit. Elle ignore le coût et les répercussions que ces dépenses ont, et auront, sur l’outil de défense. Mais les Français risquent de se lasser de ce qui pourrait apparaître un jour prochain comme un bien onéreux enlisement. Certains officiers de haut rang expriment déjà leurs craintes : souvenez-vous des récentes déclarations de l’amiral Forissier, chef d’état-major de la marine *. Les circonstances et les choix politiques conduisent le gouvernement français à prendre de plus en plus souvent la décision d’engager les forces françaises à l’extérieur alors que le budget de nos armées est, lui, en diminution. Il faut choisir : si on décide de réduire l’effort de défense, il faut se résoudre à voir diminuer nos capacités d’influence sur les affaires du monde.

    La France pourrait-elle être toujours engagée en Libye au-delà de la fin 2011 ?
    Cette hypothèse me paraît ridicule.

    Combien de temps cette guerre peut-elle encore durer ?
    J’espère, comme tout le monde, que Kadhafi tombera demain. Mais je ne suis pas sûr que le temps joue en faveur de la coalition. La stratégie d’attente de Kadhafi pourrait finir par être gagnante. En particulier en raison du poids de notre effort de guerre. Nous faisons déjà appel à l’Allemagne pour compléter nos stocks de munitions, qui s’amenuisent. Je ne pense donc pas que la coalition – essentiellement franco-britannique – puisse poursuivre longtemps cet effort s’il ne produit pas au plus vite un effet politique clair. C’est l’affaire de quelques mois, tout au plus. Pour l’emporter rapidement, sauf coup de chance (le coup au but sur Kadhafi), il faudrait une offensive terrestre forte de plusieurs dizaines de milliers d’hommes, ce qui est strictement impossible. On parle ici d’une guerre des villes, de combats rapprochés, une guerre de soldats forcément meurtrière, pas de raser Tripoli.

    La Libye, nouveau bourbier après l’Irak et l’Afghanistan?
    Nous aurions pu nous contenter d’arrêter les blindés à Benghazi puis entrer dans une phase de négociations : en Afghanistan, si nous nous en étions tenus à l’objectif fixé en 2001, nous n’en serions pas là. La plus grande coalition de tous les temps aura probablement du mal à empêcher les talibans de reprendre finalement le pouvoir. Nous sommes désormais en Libye dans une situation difficile et une démarche d’escalade; nous avons détruit presque tout ce qui devait l’être, puis nous avons engagé nos hélicoptères, puis livré des armes aux rebelles. Hélas, parachuter des armes, ce n’est pas former une armée capable de prendre Tripoli.

    Est-il temps de négocier avec Kadhafi?
    Je ne suis pas aux affaires mais je suis persuadé qu’il est temps de trouver un compromis avec les autorités lybiennes. Mais pas forcément d’arrêter immédiatement les bombardements. Cette possibilité devra faire partie des éléments de négociation.

    Arrêter la guerre, sans être parvenu à faire tomber Kadhafi?
    Voyez l’Afghanistan. Barack Obama a eu raison de reprendre les choses en main. La poursuite de l’escalade n’était ni raisonnable ni souhaitable. Le président américain a fait preuve de courage politique. Le principe même de la stratégie, c’est de réfléchir au deuxième coup au moment où vous tirez le premier.  J’ai le sentiment que le deuxième coup n’a pas été suffisamment préparé. Mais à l’heure qu’il est, nous ne pouvons plus attendre indéfiniment que le régime de Kadhafi tombe. Il est temps de trouver un compromis politique. 

    Général Vincent Desportes (Propos recueillis par Vincent Duyck pour le Journal du Dimanche, 9 juillet 2011)

     

    * Le 10 juin dernier, l’amiral Pierre-François Forissier, chef d’état-major de la marine nationale, a déclaré : "Nous consommons de façon intensive un potentiel qui aurait dû être consommé de façon régulière tout au long de l’année."

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  • Le malaise est dans l'homme...

    Après la publication de ses carnets, Le Front du Cachalot (Dualpha, 2009) et La Tyrannie de la transparence (L'AEncre, 2011), Pierre Le Vigan revient avec un essai publié aux éditions Avatar et intitulé Le malaise est dans l'homme - Psychopathologie et souffrances psychiques de l'homme moderne. L'essai est préfacé par Thibault Isabel, jeune philosophe, spécialisé dans l'anthropologie culturelle et l'histoire des mentalités, dont les lecteurs de la revue Krisis connaissent la signature.

     

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    Psychopathologie et souffrances psychiques de l’homme moderne

    Les souffrances psychiques ne sont pas des maladies. Mais elles peuvent y mener. La condition de l’homme étant tragique, ouverte, risquée, la fragilité de l’homme est inhérente à son être-au-monde. Toutefois, si le malaise est dans l’homme depuis toujours, le monde moderne et hypermoderne lui donne des formes nouvelles.

    Les sociétés traditionnelles fonctionnaient sur la base d’un modèle d’intégration sociale, au demeurant inégalitaire, où chacun néanmoins avait sa place, y compris le fou. Les sociétés modernes ont fonctionné sur le mode du refoulement et de la névrose. La société du travail ne voulait pas connaître les états d’âme, ni même les âmes d’ailleurs. La société hypermoderne combine les exigences du travail et celles de l’autonomie : il faut être productif, il faut être performant, mais aussi « positif ». Il faut donner sa force de travail, mais aussi assumer un certain savoir-être, et non simplement apporter son savoir-faire.

    La mobilisation de l’homme dans l’hypercapitalisme est donc totale mais elle n’est plus une mobilisation sous une forme guerrière qui était celle du « soldat du travail ». C’est une mobilisation pour plus de mobilité, plus de fluidité, plus de liquidité. L’hypercompétitivité et la lutte de tous contre tous tendent à devenir la règle. Le consumérisme et le narcissisme tout comme le désir mimétique en sont les conséquences. Tout ce qui relève des projets à long terme, individuels ou collectifs, en sort évidemment dévalorisé. Cela ne va pas sans de nouvelles formes de malaises intimes, psychiques, qui atteignent l’homme et le reconfigurent. Ce livre, qui s’essaie à en dresser le portrait, est ainsi un court traité de psychopathologie de l’homme moderne pour mieux comprendre notre monde.

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