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Métapo infos - Page 1531

  • Ces vagabonds qui disent le monde...

    Les éditions Arthaud viennent de publier un bel ouvrage illustré de Laurent Maréchaux, intitulé Ecrivains voyageurs - Ces vagabonds qui disent le monde. Militant solidariste dans les années 70, Laurent Maréchaux a publié en 2005, chez Le Dilettante, un excellent roman autobiographique, Les Sept Peurs. On lui doit aussi l'ouvrage intitulé Hors-la-loi, paru chez Arthaud en 2009. 

     

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    "Voyageurs, ils devinrent écrivains... Écrivains, ils se firent voyageurs Les uns - Loti, Conrad, Segalen ou Bouvier - partent au bout du monde pour courir après les rêves nés de leurs lectures d'enfance ; les autres - Kipling, London, Kessel ou Chatwin - prennent la route pour nourrir leurs pages blanches. Les arpenteurs d'océans - Slocum, Kavvadias ou Moitessier -, de déserts - Thesiger - et de cimes enneigées - Alexandra David-Néel - font leurs les propos de Stevenson : « Je ne voyage pas pour aller quelque part, mais pour voyager. Je voyage pour le plaisir du voyage. » Quant aux plumitifs en herbe - Cendrars, Simenon ou Gary -, ils proclament, à l'instar de Kerouac : « Écrire est mon boulot... Alors il faut que je bouge ! » Les bourlingueurs finissent, pour combler leurs poches vides, par coucher sur le papier le récit de leur périple ; les romanciers en devenir commencent par écrire, puis, quand l'imagination leur fait défaut, partent se confronter au monde pour s'en inspirer. Curieux infatigables, la plupart notent les épreuves qu'ils endurent, les rencontres qui les bouleversent et les belles histoires glanées ici ou là. Le voyage les transforme, ils décrivent leur métamorphose, cet autre qui naît en eux. De retour, ces vagabonds retracent, souvent en les magnifiant, les aventures qu'ils ont vécues. Tous - sans se préoccuper de savoir s'ils sont voyageurs avant d'être écrivains, ou l'inverse - entendent dire le monde, transmettre leur passion pour la littérature d'aventure, et inciter leurs lecteurs à boucler leur sac pour emprunter leurs pas."

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  • Il faut définanciariser l'économie !...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'André Orléan, cueilli dans le quotidien Le Monde consacré à la définanciarisation de l'économie comme remède à la crise actuelle. Economiste, André Orléan a publié De l'euphorie à la panique : penser la crise financière (Editions de la Rue d'Ulm, 2009).

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    Il faut définanciariser l'économie

    L'économie européenne connaît une crise d'une gravité extrême, sans précédent depuis la crise des années 1930. Elle touche simultanément la finance, la monnaie et l'emploi. Concevoir des réponses appropriées suppose qu'un juste diagnostic soit porté sur la nature des difficultés que nous traversons.

    Or le diagnostic lui-même ne fait pas l'unanimité. Si la responsabilité de la sphère financière est le plus souvent mise en avant, elle donne lieu à deux lectures contrastées. Une première interprétation, celle que défend le G20 depuis le sommet de Washington du 15 novembre 2008, met en cause spécifiquement les "dérives" du système financier. La liste des dysfonctionnements mis en avant est impressionnante : l'opacité des produits titrisés, les rémunérations excessives des traders, les paradis fiscaux, des normes comptables inappropriées, des régulateurs défaillants, des agences de notation sous influence, une politique monétaire laxiste, pour ne citer que les principaux.

    Cette première lecture propose autant de réformes qu'il y a de dysfonctionnements dans le but de débarrasser la sphère financière de ses excès. Autrement dit, la primauté accordée aux marchés financiers est conservée mais dans le cadre d'une concurrence purifiée de ses dérives. Le capitalisme financiarisé que nous connaissons depuis trente ans n'est pas remis en question. Il demeure aux yeux du G20 le cadre institutionnel adéquat. Il s'agit de le renforcer. La lecture de la crise que je propose est différente.

    Ce que je mets en doute, c'est l'idée selon laquelle des marchés financiers même transparents permettraient une allocation du capital satisfaisante. Il faut a contrario considérer que les prix financiers ne fournissent pas de bons signaux aux acteurs économiques. C'est cette inadéquation des prix financiers qui est à l'origine des déséquilibres que nous connaissons, y compris macroéconomiques. Si ce diagnostic est exact, alors le capitalisme financiarisé, qui a pour trait distinctif de faire jouer un rôle central aux prix financiers dans sa régulation, doit être abandonné.

    Pour comprendre ce point de vue, il faut garder à l'esprit que les prix sont le coeur de la régulation économique. C'est sur leur justesse que repose entièrement l'efficacité tant vantée des économies de marché. Dans un célèbre article de 1945, l'économiste Friedrich Hayek démontre avec brio que les acteurs économiques n'ont nullement besoin d'avoir une connaissance exhaustive de l'économie, parce que l'information décisive est contenue dans les prix.

    Chaque agent n'a qu'une connaissance locale, limitée à son environnement, et il revient aux prix d'agréger toutes ces informations locales pour produire une vision globale cohérente. Prenant l'exemple d'une matière première devenue plus rare, Friedrich Hayek montre que l'économie va s'adapter à ce choc sans que plus d'une poignée d'individus ne soient informés du choc initial. Il conclut : "L'aspect le plus significatif de ce système est l'économie de connaissance qu'il permet, ou, ce qui revient au même, le peu de connaissance dont les participants ont besoin pour pouvoir prendre la mesure qui s'impose." On ne saurait trop insister sur ce résultat. Le mécanisme des prix joue un rôle essentiel dans la coordination marchande. C'est là un des résultats essentiels de la théorie économique depuis Adam Smith.

    Notons cependant que cette analyse théorique s'est d'abord limitée aux seuls marchés de biens ordinaires. Ce n'est que très récemment qu'elle a été étendue aux marchés financiers. Cette extension, ce qu'on nomme la théorie de l'efficience financière, date seulement des années 1970. Elle a accompagné la dérégulation financière, qui y a puisé ses justifications les plus fortes. C'est au nom de l'aptitude supposée des marchés financiers à produire des prix justes que l'on a promu l'intense dérégulation financière qui est à l'origine du capitalisme financiarisé. Si on observe l'histoire longue du capitalisme, cette dérégulation est assurément exceptionnelle.

    Rappelons par exemple que, jusque dans les années 1970, la plupart des taux d'intérêt étaient des prix administrés par la puissance publique. Selon la théorie de l'efficience, de même que les prix des marchandises sont censés refléter leur rareté objective, les prix financiers sont supposés proposer une image juste du futur et de ses risques.

    Ainsi, les cours boursiers exprimeraient la profitabilité à venir des entreprises et les taux d'intérêt, la probabilité de défaut des emprunteurs. C'est cette analyse que je conteste : la concurrence financière ne fournit pas une juste valorisation des activités productives, que les marchés soient transparents ou opaques. Les taux d'intérêt sur les dettes publiques européennes nous en fournissent une illustration exemplaire.

    En l'espèce, on ne saurait faire valoir une quelconque opacité de ces titres qui sont parmi les plus transparents et les plus liquides. Pour autant, le bilan de ces marchés n'est guère glorieux. Ils n'ont cessé d'être dans l'erreur. Pour le passé, on peut l'affirmer sans ambiguïté.

    En effet, durant la période qui va de la formation de l'euro aux années 2007-2008, on constate que ces marchés ont totalement oublié le risque souverain : les taux d'intérêt de tous les pays de la zone euro ont convergé vers un même niveau, pour l'Allemagne comme pour la Grèce.

    A l'évidence, ces marchés ont montré une forte myopie. Cela n'a pas été sans conséquence. Une discrimination dans les taux aurait pu mettre en garde certaines économies contre les excès de l'endettement. Les marchés n'ont pas joué le rôle que la théorie de l'efficience leur attribue : celui d'un signal informant les acteurs. Aujourd'hui il en va de même. On assiste à une divergence profonde des taux entre les pays de la zone euro qui n'est pas justifiée non plus. Les niveaux atteints par les taux d'intérêt ne nous livrent en rien une juste évaluation du risque de défaut des pays considérés.

    Si on met de côté la Grèce, considérée comme insolvable par beaucoup, la majorité des économistes est d'accord pour considérer l'inadéquation de ces taux. Ils sont inappropriés pour au moins trois raisons : d'une part, ils impliquent une ponction sur la richesse sociale tout à fait démesurée ; d'autre part, ils incitent à des politiques de rigueur exagérées ; enfin, ils poussent des économies solvables à la faillite. C'est dire leur extrême dangerosité.

    Or, ce qui vient d'être dit des taux d'intérêt peut être aisément étendu à tous les prix financiers. Ils produisent périodiquement de mauvaises incitations, conduisant les économies à la dérive, comme on le voit aujourd'hui pour la dette publique. Ainsi, pour les actions, se souvient-on des valorisations démentes de la bulle Internet et de la crise qui s'en est suivie au début des années 2000.

    C'est là encore un exemple pour lequel l'excuse de l'opacité ne peut être retenue. Il en va de même pour les taux de change qui connaissent d'amples variations déconnectées des données objectives. Plus généralement, les marchés boursiers véhiculent, depuis une dizaine d'années, des exigences de rentabilité, le fameux ROE (return on equity), qui pèsent fortement sur l'investissement et la croissance. Il faut en conclure que les prix financiers ne sont pas de bons signaux. Aucune force de rappel ne vient en limiter les excès, à la différence de ce qui se passe sur les marchés de biens ordinaires.

    Les prix financiers peuvent monter très haut sans que la demande pour ces produits ne se tarisse, car les investisseurs peuvent continuer à anticiper une hausse des prix qui justifie de nouveaux achats. De même, les prix peuvent descendre très bas sans susciter une demande qui viendrait la freiner. C'est ce qu'a montré la crise en 2008, les prix des produits titrisés sont descendus à des niveaux bien plus bas que ce que pouvait justifier toute valorisation rationnelle, pourtant aucune demande ne s'est manifestée, parce que les investisseurs craignaient de nouvelles baisses. En conséquence, le système s'est trouvé au bord de la faillite générale.

    Si la chute des prix a été stoppée, ce n'est en rien par l'action des supposées propriétés autorégulatrices de la concurrence financière, c'est parce que les autorités publiques ont choisi d'acheter pour éviter une crise générale.

    Cette divergence quant au diagnostic sur la nature de la crise me conduit à proposer une tout autre politique que celle affichée par le G20, sans même parler ici de son extrême lenteur à la mettre en oeuvre. Nous nous sommes efforcés dans le cadre de cet article d'en cerner le principe directeur : parce que la finance produit des valorisations qui nous conduisent dans le mur, il importe d'en réduire drastiquement le rôle.

    La transparence financière ne résoudra pas nos problèmes. Il faut définanciariser nos économies. C'est là assurément un vaste chantier et une véritable révolution intellectuelle, tant nous avons été habitués au cours des vingt dernières années à nous en remettre aveuglément aux estimations des marchés. Cette emprise de la valeur financière doit être radicalement remise en cause.

    En son principe, la définanciarisation repose sur la constitution de pouvoirs d'évaluation hors des marchés (entrepreneurs, syndicats, pouvoirs publics, associations), aptes à proposer des finalités conformes à l'intérêt collectif. Tel est l'enjeu des politiques monétaire, industrielle et écologique. Aujourd'hui racheter de la dette publique, c'est pour la banque centrale défendre une autre évaluation que celle des marchés. Il est clair que ces mutations ne pourront se développer que si, simultanément, les circuits du financement de l'économie se trouvent fortement réorganisés de façon à dégonfler puissamment la sphère financière.

    André Orléan (Le Monde, 5 décembre 2011)

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  • Notre histoire de France...

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    Le numéro de décembre 2011 de la revue Le spectacle du monde est en kiosque. 

    Le dossier est consacré à l'histoire de France. On pourra y lire , notamment, des articles d'Alain de Benoist ("Pourquoi l'histoire ?"), de Jean-Marie Le Pen ("Jeanne d'Arc"), de François Bayrou ("Henri IV"), de Jacques Vergès ("Abd el-Kader"), de Ghislain de Diesbach ("Ferdinand de Lesseps"), de Marie-France Garaud ("L'élection du président de la République au suffrage universel") ou de Dominique Venner ("L'insolence des anarchistes de droite"), ainsi qu'un entretien avec Pierre Nora ("Va-t-on transformer la France en musée de la France ?").

    Hors dossier, on pourra aussi lire des articles d'Alexandre Grandazzi ("Europe, la Hanse, préfiguration de l'Union ?"), de Philippe Barthelet ("Le «noble jeu» d'André Malraux") ou de Jean-François Gauthier ("Franz Liszt, un bouquet d'Europe"). Et on retrouvera aussi  les chroniques de Patrice de Plunkett et d'Eric Zemmour ("Le parti des tricheurs").

     

     

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  • "Les classes moyennes en voie de prolétarisation..."

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien avec Louis Chauvel, paru en octobre dans Marianne et consacré à la prolétarisation accélérée des classes moyennes. Sociologue, Louis Chauvel a publié en 2006, aux éditions du Seuil, un essai intitulé Les classes moyennes à la dérive. 

     

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    Marianne : Vous avez montré dans « Les classes moyennes à la dérive » la rupture générationnelle à l'œuvre dans la société française. 1983, 1995, 2005...quid de celle d'après.. Mais cette dynamique laisse t elle invariant le concept de classe moyenne? Ne voit on pas apparaitre à présent un nouveau modèle de société? Une nouvelle classe populaire? Une fragmentation définitive de cette ensemble déjà hétéroclite?

    Louis Chauvel : Du point de vue des classes moyennes, le mandat présidentiel qui s'achève a été catastrophique. Mais en réalité, le Président Sarkozy n'y est pas pour grand chose puisque, ici (aux Etats-Unis où je réside cette année), Monsieur Obama n'a pas su mieux faire. Nous sommes aujourd'hui dans une crise d'une profondeur que seuls les Cassandre avaient vu venir. Mais il est vrai que même les plus pessimistes sont en dessous des hypothèses de travail.

    Que se passe-t-il en réalité ?

    L'Europe continentale rencontre une nouvelle crise tous les dix ans en moyenne (1973, 1983, 1992, 2001, 2008, ...). En période de crise, face au ralentissement et au chômage, on ponctionne dans l'épargne ou on s'endette, et on reconstitue le matelas dans les périodes un peu meilleures. Le problème est que le rythme des crises cycliques s'accélère singulièrement, et que le matelas amortisseur n'a pas eu le temps de se remplir de nouveau. Pour les classes moyennes, c'est la confrontation à la théorie du sucre au fond d'une tasse de café : on croit que la délitescence est celle des niveaux inférieurs, mais c'est l'ensemble de l'édifice social qui sera touché. Les problèmes sociaux en 1975 étaient ceux du quart monde ; en 1981 des jeunes chômeurs ; en 1990 de la nouvelle pauvreté puis celle de la fracture définitive entre les classes populaires et les classes moyennes ; maintenant, c'est au tour des classes moyennes de considérer le précipice. Le secteur public conserve la sécurité de l'emploi, mais la pénurie de postes, l'accroissement des contrôles et des cadences, la dégradation générale des conditions de travail a profondément changé le rapport au métier.

    Dans le privé, la détérioration des perspectives de croissance du pouvoir d'achat et le risque accru de chômage sont des facteurs qui poussent beaucoup vers un de profond désengagement. Pourquoi se battre pour une entreprise qui fait semblant de vous payer et qui vous enverra par dessus bord au premier signe de tangage, quel qu'ait été votre engagement jusque là ? Surtout, pour une masse de salariés, même de bon niveau de vie, constater que les prix de l'immobilier dans le centre des grandes villes et à fortiori à Paris ne fléchit pas, bien au contraire, produit la preuve que ce n'est plus par le salaire que l'on peut vivre. Le risque est bien de voir apparaître une forme de prolétarisation d'une classe moyenne, une prolétarisation du point de vue du logement et des perspectives de vie. 

    La crise, la dette....et éventuellement le coût de la dépendance qui apparait avec l'allongement de la vie, ne sont elles pas en elles mêmes des promesses à d'avantage d'efforts pour les salariés, du smicard aux cadres aisés? 

    Pour ce qui est des perspectives d'avenir, il est certain qu'au versant « dépenses » les besoins exploseront. La machine économique fonctionne (de plus en plus mal) avec de moins en moins de personnel (dans les pays anciennement développés), d'où la nécessité de subventionner un loisir de plus en plus long : préretraite, retraites, dépendance, etc. sans compter les longues périodes de chômage à l'entrée dans la vie, qui ne sont pas sans coût, comme le savent bien les parents concernés.
    Dans un pays où le socialisme s'est construit depuis quarante ans dans son éloignement vis-à-vis du travail, la population en emploi continuera de connaître l'écart béant entre le coût du travail (le coût tout inclus, avant charges, celui que regarde l'employeur) et le niveau de vie (après charge, ce que le banquier regarde avant de consentir un prêt).
    En même temps, même si aujourd'hui encore, un certain nombre de services ne coûtent en apparence rien (école, santé, etc.), l'exemple américain que j'étudie de près actuellement montre bien les marges de progression des coûts des mutuelles et de bien d'autres postes qui pourraient bien nous attendre. La santé aujourd'hui ne coûte rien car le généraliste accepte encore les 20 minutes à 23 euros. Ce sont des humanistes, car dans mon quartier à New York, on atteint plutôt les 300 dollars, et dans les autres aussi. Même chose pour les écoles : la dégradation du secteur public porte en germe une dérive dont je vois bien ici ce qu'elle porte à l'horizon de moins de 20 ans : il faut payer entre 20 et 30.000 dollars par an pour donner un avenir à ses enfants. Ainsi, les classes moyennes salariées pourraient bien connaître un sort assez intéressant : (mal) payées comme en France et devant faire face aux mêmes structures de coût qu'aux Etats-Unis.

     


     

    Vers une nouvelle classe populaire?
    Vers une nouvelle classe populaire?
     

    Quels sont les enjeux en terme de detention d'actifs, tant matériels que culturels? 
     

    L. C. : Nous n'avons pas vu la fin de l'histoire. Les créanciers sont rarement remboursés, sinon en monnaie de singe : que l'inflation passe ou que l'euro casse, il n'est pas nécessaire d'avoir une boule de cristal pour imaginer le devenir des emprunts russes de la génération présente. Pour ce qui est des assignats universitaires diffusés par la massification, nous savons aussi ce qu'ils deviennent, en Italie, en France, et même maintenant aux Etats-Unis et en Chine.

    Aux Etats-Unis, on détecte maintenant l'émergence d'une « Generation Limbo » (qui se prononce comme « bimbo »), une « génération des limbes », des « graduates », de « colleges », même de la « Ivy league » qui ne trouvent pas d'autres « jobs » que ceux de « bar managers » ou de « MacDo specialists »... Les vieux pays occidentaux connaissent bien ce phénomène, mais on le retrouve également au Japon avec les « Parasaito Shinguru » (célibataires parasites vivant au crochet des parents), voire en Chine avec les « ant tribes », la « tribu des fourmis », en stages à répétition pour des niveaux de revenus ne permettant pas de vivre dans la Chine urbaine d'aujourd'hui. Les mieux protégés parmi les titulaires de titres de propriété ou de titres scolaires les plus prisés font face aujourd'hui à des soucis qu'ils ne connaissaient pas voilà encore quatre ans. 
     

    Vous avez longuement évoqué la question du prix des actifs, et notamment celui des logements. Selon vos calculs, sur les 20 dernières années le pouvoir d'achat des salariés a été amputé de 15% si l'on tient compte de la dérive du prix de la pierre....
     

    Par rapport au renchérissement de l'immobilier, les moins de quarante ans ont perdu près de 25% de leur pouvoir d'achat: en 1981, on se logeait mieux en ne consacrant que 15% de son budget annuel qu'aujourd'hui en y laissant 30%. Depuis 2008, les prix de l'immobilier ont continué à grimper à Paris et au centre des grandes villes de région. Cela s'inversera tôt ou tard, comme le mouvement est déjà très largement amorcé en Espagne. Mais les jeunes Espagnols en ont-ils bénéficié ? Non, car la situation de l'emploi s'est dégradée plus encore. Le pire est réservé à ceux qui ont emprunté dans le haut de la bulle spéculative et doivent rembourser des années un bien qui peut avoir perdu près de la moitié de sa valeur. 
     

    Comment les partis, les syndicats, dont la pyramide des âges de leurs adhérents, donc un biais prenant plus largement en compte les intérêts des classes d'âges proches de la retraite, peuvent-ils trouver des solutions équilibrées?
     

    La masse des élites politiques et syndicales en France est en bout de course générationnelle. Comparée à l'assemblée danoise nouvellement élue, la France fait figure de pays d'un autre monde. L'essentiel du personnel politique français avait 20 ans en 1968 et est resté jeune toute sa vie. Beaucoup de députés, jeunes sexagénaires, pourront se présenter de nouveau en 2012, notamment parce qu'il n'existe pas de relève et que c'est un métier dur mais stimulant qui offre quelques compensations. En réalité, le renouvellement est certain et fracassant à l'horizon de 2017, mais il est totalement douteux dans la perspective de 2012. En attendant, les enjeux d'aujourd'hui continueront d'être toisés à l'aune de ce qui était bien ou mal dans les AG de 1968. 
     

    Idéalisée comme socle de la démocratie, la classe moyenne doit elle être reconstruite? Est ce un objectif politique nécessaire?
     

    Que faire ? disait Lénine. Si l'on souhaite vraiment éviter les remèdes de cheval néo-libéral dont le FMI a déjà fait l'expérimentation dans de nombreux pays avant le nôtre (mais en même temps on fait tout pour s'y précipiter au plus vite), il faut réinvestir dans l'avenir, dans la science, le travail, les industries que nous pourrons vraiment maîtriser dans 30 ans. Nous vivons encore aujourd'hui sur les rentes du TGV, du téléphone, de l'aérospatiale, des investissements réalisés à la fin des Trente glorieuses. Sans ce retour à la centralité du travail qualifié dans la construction de l'avenir et du progrès, nous laisseront à d'autre le soin d'inventer le 21e siècle.

    Louis Chauvel, propos recueillis par Emmanuel Lévy (Marianne, 15 octobre 2011) 

     
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  • Mensonges historiques...

    Les éditions Dualpha viennent de publier Mensonges historiques, un essai de Jean Bourdier consacré aux falsifications de l'histoire. Ecrivain, journaliste politique, traducteur réputé et fin connaisseur de la littérature policière, Jean Bourdier est décédé en 2010. Il a notamment écrit une histoire du roman policier ainsi qu'une histoire des Armées blanche (avec Marina Grey, la fille du général Denikine...).

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    L'Histoire est la mémoire des peuples.
    Et un peuple qui oublie son Histoire perd son identité et donc sa liberté. Un peuple amnésique est un peuple esclave. Mais cette amnésie, totale ou partielle, est bien rarement volontaire. Elle est généralement le fruit de l'inlassable travail d'hommes et de groupes pour qui le secret et le mensonge ont, de toute éternité, représenté des moyens de gouvernement, des instruments de pouvoir. Or, dans la panoplie des tromperies, le mensonge par omission n'est certes pas l'arme la moins redoutable.
    Et c'est celle qui, on va le voir, est la plus fréquemment maniée par les déformateurs de l'Histoire. S'appuyant sur des exemples précis empruntés aux périodes les plus diverses de l'Histoire mondiale - encore que l'époque contemporaine ait souvent retenu notre attention - le texte qui va suivre n'a, bien entendu, aucunement la prétention de constituer une "somme" Al n'entend qu'attirer, faits en main, l'attention du lecteur sur les monstrueuses déformations infligées à l'Histoire.
    De tout temps, mais plus encore en notre orgueilleuse époque, où comme on a pu le voir assez récemment avec les événements de Roumanie et le conflit du Golfe, les techniques les plus modernes d'information se sont plus volontiers mises au service de la duperie générale qu'à celui de la vérité.

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  • Mon prénom est personne...

    Nous reproduisons ci-dessous un article de Claude Bourrinet, cueilli sur Voxnr et consacré à la vogue des prénoms sans racine...

     

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    Mon prénom est personne

    Une famille nordiste voulant prénommer Daemon leur fils nouveau-né, s'est vue assignée à comparaître devant le tribunal de Cambrai, qui juge cette initiative non conforme à l'intérêt de l'enfant, en vertu de l'article 157 du code civil. Porter un tel prénom, qui rappelle plus le Malin que le facétieux génie socratique, risque fort, en effet, de livrer ce pauvre môme à la risée de ses petits camarades. Les parents avancent qu'il est porté par de nombreux Américains, et qu'il apparaît dans la distribution d'un feuilleton télévisuel.

    Mais il est vrai que le ridicule, dans ce domaine, n'a plus de limites. Non seulement des abrutis lobotomisés, américanisés, exhibent leur aliénation comme un trophée, mais même le clergé y va de sa partition, que l'on connaît bien, sur l'air gentillet que l'on emprunte maintenant pour tout excuser ou justifier. Ainsi, ces sectateurs de la boîte à décerveler, paradoxalement, ont-ils eu l'idée de faire baptiser leur diablotin. Que croyez-vous qu'il arriva ? Un exorcisme ? Non, le prêtre, bien représentatif d'une l'Eglise abandonnée à la modernité la plus stupide, n'y a vu aucun inconvénient, "tous les enfants étant fils de Dieu".

    Certains parents inventent des prénoms, qui sonnent comme des pseudonymes showbiz, ou carrément comme des marques ou des noms de médicaments, dotés qu'ils sont de sonorités rares, de ce snobisme qui aime les syllabes en xy, en a, les hiatus inouïs, les combinaisons improbables, les articulations qui accrochent comme des slogans. Ou bien, on traficote des prénoms déjà existants, les amputant, les tordant, les mettant à la question. Chacun aura un exemple proche à fournir, une invention grotesque pour nourrir le rire moqueur ou le rictus de mépris. C'est le produit infect de notre société narcissique, égocentrique et consumériste, en même temps qu'un aveu de déracinement. La règle est le caprice. On crée son nom comme on adopte un chien, comme on achète un produit, ou plutôt comme on mène désormais sa vie, à la manière de l'enfant qui mélange tout, salé, sucré, visqueux et caca, pipi et rêvasserie.

    Dans la Tradition la plus antique, le nom que l'on portait indiquait la lignée à laquelle on appartenait, par exemple la gens Julia, désignait un sens religieux, ou bien une signification existentielle. Hélène vient de Sélèné, qui est la déesse de la Lune. Sophie renvoie à la Sagesse. Théophile est celui qui aime Dieu. Toutes les religions proposent des prénoms qui, si on les prend au sérieux, sont susceptibles d'induire un comportement, voire un destin. Même ceux qui n'ont pas de signifié intrinsèque, peuvent évoquer des personnages. Pierre, Jean, Jacques, sont des noms qui appartenaient à des apôtres. Combien de Sud Américains ont-ils appelé leur fils Napoléon, ou Lénine ? L'octroi ou le don d'un nom n'était pas à prendre à la légère.

    Dans les romans de Chrétien de Troyes, par exemple, le chevalier ne le livre pas spontanément. Il y réside une charge secrète, un pouvoir qui rend fort, si l'on sait l'utiliser de manière adéquate, en le révélant à un ami, ou qui rend faible, quand on le donne inconsidérément à un ennemi. Dans le même temps, le nom participe à la construction de la personne : Perceval ne connaît le sien que par une demoiselle, et en même temps comprend-il la réalité des choses, et son propre être, sa propre autonomie. Lorsque Ulysse répond à Polyphème, qui signifie en grec ancien « qui parle beaucoup, bavard » ou « très renommé », que son nom est « Personne », il nous conduit, par anticipation, à une analyse très perspicace de notre société : elle est ce géant, ce cyclope, qui devient vite aveugle, qui s'enivre et se laisse berner, brutal, barbare, stupide, croyant toute parole mensongère tout en en abreuvant autrui, vivant dans l'illusion de la grotte, et ayant perdu le sens véritable du langage. Aussi, en traquant « Personne », ne rencontre-t-il que le vide. Littéralement, le nom de cette société est bien un agglomérat de sons creux, un assemblage insane d'anonymats : elle vit dans la fausseté des opinions vulgaires, dans l'oubli de l'origine, dans l'obscurité des passions viles, et dans une erreur douloureuse, qui, finalement, la conduit à la catastrophe.

    Claude Bourrinet (Voxnr, 3 décembre 2011)

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