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Métapo infos - Page 1496

  • Notre époque, un cul-de-sac civilisationnel...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Jure Vujic, cueilli dans Polémia et consacré à l'impasse civilisationnelle dans laquelle nous nous trouvons. Jure Vujic a publié en 2011 un essai intitulé Un ailleurs européen - Hestia sur les rivages de Brooklyn, aux éditions Avatar.

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    Notre époque, un cul-de-sac civilisationnel

    Et si nous vivions dans un cul-de-sac civilisationnel ?

    La question quelque peu prémonitoire pourrait très bien être posée par Arthur Koestler, qui déjà dans Les Somnambules avait détecté les impasses d’une rationalité technoscientiste qui continue de jouer á l’apprenti sorcier au mépris de toutes règles morales et éthiques. Le cul-de-sac est prosaïquement apparenté à une voie sans issue, une impasse dans laquelle on ne peut ni avancer ni reculer. Oui, notre civilisation technicienne, matérialiste et americanocentrée prend l’allure d’un cul-du-sac généralisé, une impasse à la fois sociale, existentielle, culturelle, et spirituelle.

    Le degré d’autonomisation et les dommages collatéraux d’une technoscience livrée à elle-même, d’une société oú règne l’anomie généralisée, d’une économie financialiste et virtuelle déconnectée de la réalité sociale et du monde du travail, d’une politique lilliputienne et poltrone inféodée aux intérêts de l’oligarchie financière, d’une culture mielleuse et narcissique révèlent ce manque de point d’ancrage structurant et articulant, cette absence de pivot téléologique vertébrant, qui permet l’envol et la projection dans le monde d’une civilisation qui n’est qu’après tout qu’une vision du monde singulière.

    Ce cul-de-sac est précisément une impasse sur la possibilité d’une « présence au monde » spécifique, car il devient de plus en plus difficile de pratiquer l’« être-là » Heideggerien, confiné dans l’espace cathodique d’un cul-de-sac qui n’offre aucune ouverture. Si comme les soixante-huitards l’aiment à dire que « la société de jadis était bloquée », alors l’on pourrait surenchérir et dire que la société contemporaine, elle, est enkystée par excès de (non) sens. Mais plutôt que de parler de voie sans issue qui peut-être ouvre l’unique possibilité nihiliste de rentrer dans le mur, notre civilisation ressemble plus à un cul-de-sac sous forme de gyroscope, ce curieux appareil qui tourne sur lui-même, un axe qui regarde sa propre rotation, un axe qui n’a aucune vertu axiologique si ce n’est lui-même.

    Ce cul-de-sac gyroscopal reproduit ad vitam aeternam un conformisme de pensée et de mouvement qui paralyse toute potentialité de synthèse-dépassement, de sublimation voire de transcendance. Plus cette machine civilisationnelle gyroscopale croît matériellement et techniquement, plus son degré de spiritualité décroît. Le cul-de-sac mental est cette impossibilité de penser « l’inédit » car l’impensable est déjà pensé et contenu dans l’hyper-événementiel alors que l’innommable se dissout dans l’inflation de signes. En effet, cette mégamachine ne peut se reproduire et perdurer, comme toute structure totalitaire, sans la complicité passive et le conformisme de ses composantes.

    Le poète polonais Czeslaw Milozc parlait avec raison, dans son livre La Pensée captive, du règne de l’« homme gyroscopal », cet individu générique issu d’un cocktail de mimétisme généralisé, le prototype d’un personnage qui s’accommode de tous les régimes politiques, le type même d’opportuniste qui retourne sa veste à bon escient. Nombreuses sont les figures littéraires et philosophiques de ce type d’individu interchangeable très en vogue dans les démocraties parlementaires contemporaines : du Ketman de Czeslaw Milozs, l’homme caméléon, au « dernier homme » Nietzchéen, de l’équilibriste social du sociologue David Riesman et de l’homme du mensonge de Scott Peck jusqu'à la figure humoristique du Zelig de Woody Allen et à celle de l’opportuniste de Dutronc.

    Ce n’est pas par hasard si l'effet gyroscopique est également observable dans un powerball et dans le jeu de yoyo. Car comment ne pas comparer les successives politiques néolibérales et monétaristes visant à assainir la crise financière au jeu sournois d’un yoyo, qui, pour guérir les maux de la dérégulation et de la libéralisation du marché, préconisent les mêmes remèdes empoisonnés monétaristes du consensus de Washington, de rigueur budgétaire, de hausse des impôts et de l’illusion déflationniste, qui servent les grandes fortunes. Tout le monde fait semblant de ne pas savoir, alors que tout le monde sait très bien, qu’il s’agit du bis repetita cynique d’un mensonge bien rodé. Personne n’est dupe mais tout le monde consent à la duperie. Il n’est point nécessaire que le yoyo néolibéral ne résolve rien :’il finira par revenir toujours à la case départ.

    Et si la globalisation était l’axe même de ce gyroscope sociétal ?, qui par le levier de l’uniformisation et du consumérisme du marché n’en finit pas de démultiplier les culs-de-sac culturels, mentaux, linguistiques et ethniques, où l’histoire, les traditions, « l’excellence », la valeur et les différences sont réductibles à la forme capitale et à la consommation ostentatoire. En effet, que l’on parte du point A en Alaska ou à New Delhi jusqu’à l’extrême du point C en Australie en passant par le point B à Paris ou Moscou, on finit toujours par retrouver au bout de ce cul-de-sac occidentiste une seule et même boîte de conserve de Coca-cola, dans laquelle il ne nous reste plus qu’à shooter. Quoi de plus déprimant et claustrophobe que de demeurer dans une société où tout est jetable, recyclable et monnayable. Notre cul-de-sac est indéniablement cette impossibilité de se dépayser, de s’isoler dans le silence dans ce que Jean Raspail aimait à nommer ces « isolats », les quelques îlots de liberté et de résistance qui nous restent. Et peut-être de dire en toute liberté « mort aux vaches » et « merde aux cons », tout en sachant qu’il s’agit encore là d’une façon quelque peu misérable de réenchanter le monde…

    Jure Georges Vujic (Polémia, 23 mars 2012)

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  • Portrait d'un aventurier...

    "A 2 ou 3 petits détails près, le livre de Nicolas Lebourg et Joseph Beauregard est très bien documenté et fin tout autant qu’honnête. Le lien entre les idées de François Duprat et sa personnalité, et aussi son entourage, devait être fait. C’est le point fort du livre." Pierre Le Vigan

     

    Les éditions Denoël viennent de publier François Duprat - L'homme qui inventa le Front national, un biographie signée par Nicolas Lebourg et Joseph Beauregard. Au travers du personnage de François Duprat, les deux auteurs dressent un panorama passionnant de la droite radicale des années 60 et 70, qui vient compléter celui de Frédéric Charpier dans Génération Occident (Seuil, 2005)

    On notera, dans la conclusion, l'étonnant parallèle entre Pierre Goldman et François Duprat que font les auteurs et qui a dû faire grincer quelques dents !...

    Vous pouvez, par ailleurs, écouter la présentation de ce livre par Pierre Le Vigan.

     

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    "Mort dans un attentat à la voiture piégée le 18 mars 1978, François Duprat est devenu «le martyr de l'extrême droite», un personnage rêvé pour les affabulations complotistes. Mais il est aussi un mythe politique qui déborde le Front national, une figure emblématique des années 60 et 70 capable de déchaîner les passions et les fantasmes les plus irrationnels.
    Vingt ans durant, il s'est voué à réinventer l'extrême droite, d'Occident au Front national, d'Ordre nouveau aux milieux néonazis. Stratège du FN, dont il était le numéro 2, il imposa à Jean-Marie Le Pen le slogan «un million de chômeurs c'est un million d'immigrés en trop». Pionnier dans la diffusion du négationnisme, professeur débonnaire, théoricien fanatique, politicien pragmatique et homme de l'ombre lié à plusieurs services de renseignement : François Duprat était mystérieux et complexe.
    Il s'est propulsé au travers de son époque en y laissant une odeur de soufre. Remonter le fil de sa vie, c'est parcourir l'Afrique et le Moyen-Orient, s'immerger dans la décolonisation et la guerre froide, traverser Mai 68 et les bagarres du Quartier latin, décrypter les rivalités au sein de l'extrême droite et la machinerie politique de la Ve République.
    Dans leur ouvrage, Nicolas Lebourg et Joseph Beauregard le suivent ainsi pas à pas dans sa tortueuse trajectoire et tentent d'éclaircir les circonstances de son spectaculaire assassinat, jamais élucidé.
    Fruit de quatre années d'enquête, cette biographie s'appuie sur de nombreux entretiens (famille, hommes politiques, militants, adversaires, hommes de l'ombre) ainsi que sur des archives policières et judiciaires inédites.
    François Duprat y apparaît comme le révélateur des tourments inavouables de la vie politique française."

     

     podcast

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  • Le « Loup solitaire » comme figure symbolique...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Romaric Sangars, cueilli sur Causeur et consacré à l'analyse de la figure du tueur de masse solitaire comme symptôme morbide de l'état de nos sociétés...

    Romaric Sangars anime avec Olivier Maulin le Cercle Cosaque.

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    Mohamed Merah, un nouveau type de tueur

    Le scooter, véhicule idoine des centres-villes encombrés, est devenu, à l’occasion des crimes de Mohammed Merah, un élément tactique décisif, voire l’attribut symbolique du meurtrier. A mon avis, cette métamorphose de la place de l’engin dans nos représentations coïncide avec l’avènement d’un nouveau type de tueur. Qu’on ne fasse surtout pas d’amalgames, je n’insinue bien sûr aucunement que les usagers de scooters seraient tous des fanatiques islamistes et il n’y a pas lieu de les stigmatiser, le scooter étant un véhicule comme les autres, dont l’immatriculation prouve l’appartenance de plein droit à la communauté nationale. En outre, la majorité de ces deux-roues ne désire que circuler en paix sur des routes que leur carénage honore d’un supplément de diversité.

    Cela étant posé, on peut tout de même se permettre d’établir un lien – ne serait-ce qu’un lien – essentiellement formel, entre Mohammed Merah et Anders Breivik. À quelques mois d’intervalle, deux actes du même type ont produit en Europe le même impact médiatique, la même terreur, le même abasourdissement qu’entraîne la révélation d’une horreur inédite. On respire comme un reflux de 11 septembre… Et si la destruction du World Trade Center nous avait fait entrer dans le XXIème siècle et dans une décennie marquée par la succession d’attentats islamistes et de guerres « préventives » occidentales, on peut légitimement craindre que la décennie 2010 soit celle des « Loups solitaires », prolongation et mutation de la même guerre civile mondialisée, sous les auspices de cette nouvelle figure macabre.

    Le « Loup solitaire » tient du serial killer, ce grand archétype du siècle précédent. Mais le serial killer est un hédoniste anarchiste : il raffine sa jouissance sanglante qui ne renvoie qu’à elle-même. Le « Loup solitaire » se présente au contraire comme un guerrier se sacrifiant pour une cause qui le dépasse. Quoi qu’il en soit, tous deux choisissent des victimes dans un champ de hasard normé par une certaine grille de lecture symbolique. Tous deux préparent méticuleusement leurs crimes et tous deux entretiennent un jeu avec les médias qui est fondamental, voire structurel, pour leur action. Cependant, le Loup solitaire prétend perpétrer des actes de guerre – mais un guerrier qui tire sur des cibles désarmées, voire à bout portant sur des enfants en maternelle, ne mérite sûrement pas l’honneur associé à un tel vocable. Ce qui lui fait office de bravoure n’est rien de mieux qu’une profonde pulsion suicidaire. Et il ne s’agit sûrement pas d’un homme libre luttant pour un peuple ou des idées. On se trouve davantage en présence d’un pur symptôme morbide ; un symptôme qui catalyse et manifeste de manière soudaine, brutale, explosive, des courants sous-jacents.

    En somme, le Loup solitaire ne se bat pas pour une cause qui le dépasse, il se suicide en portant au grand jour une rage sous-jacente. Et celle-ci n’anime pas un parti officiel ou officieux constitué de manière classique, elle forme des nébuleuses sur la Toile, ce qui permet à ce type de tueur de recevoir une « formation » et un endoctrinement sans passer par des groupes identifiés et d’agir seul selon des modalités indétectables.

    Chaque époque, chaque société, engendre un monstre, dont la nature particulière nous renseigne souvent sur celles-là. Si l’Amérique fut féconde en serial killers, il est possible que le Loup solitaire soit plus spécifiquement un avorton de l’Europe. De l’Europe des marchés en pleine crise identitaire. Il y a en effet une certaine logique à ce qu’une société de névrosés castrés par le consumérisme et dont l’identité a été dissoute à l’acide de la haine de soi, produise en retour des psychopathes suicidaires shootés à la haine de l’autre, et dont l’acte de différenciation identitaire se résume à son expression la plus précaire et la plus radicale : se définir par l’altérité qu’on voue à la mort en se condamnant du même geste.

    Vous vous moquiez des héros défendant une patrie charnelle, vous aurez des malades massacrant des gosses au nom d’une identité confuse téléchargée sur le réseau Internet.

    Romaric Sangars (Causeur, 23 mars 2012)

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  • La fabrique du monstre...

    Les éditions Gallimard viennent de publier un essai de Jean Clair, intitulé Hubris - La fabrique du monstre dans l'art moderne. Conservateur des musées de France, Jean Clair a dirigé plusieurs musées et organisé de nombreuses expositions. Auteur d'essais sur l'art, c'est aussi un observateur lucide et féroce de la société contemporaine comme on peut le voir, notamment, dans son Journal atrabilaire (Folio, 2008)...

     

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    "L'art moderne s'est souvent voué à la laideur. Anatomies difformes, palettes outrées, compositions incongrues, volonté de surprendre et de heurter : qui oserait encore parler de beauté ? Faute de pouvoir en appeler à la raison historique et à la désuétude des canons anciens - des proportions de Vitruve à la perspective d'Alberti -, ne convient-il pas de rechercher ce qui a provoqué ce changement radical dans l'élaboration des formes qu'on appelle "art" ? S'appuyant sur les matériaux patiemment rassemblés depuis trente ans à travers de mémorables expositions, de "L'Âme au corps" à "Crime et châtiment " en passant par "Mélancolie : Génie et folie en Occident " et "Les années 1930 : La fabrique de "l'Homme nouveau"', Jean Clair pro-pose une lecture anthropologique de l'esthétique moderne qui croise l'histoire de l'art, l'histoire des sciences et l'histoire des idées. Ainsi la seule année 1895 a-t-elle vu, simultanément, la naissance du cinéma. la découverte des rayons X, les applications de la radiotéléphonie (mais aussi la croyance en des rayonnements invisibles chez les tenants de l'occultisme), les premiers pas de la psychanalyse, l'essor de la neurologie : la sensibilité en est bouleversée, mais d'abord la façon qu'a l'artiste de se représenter le monde visible et singulièrement le corps humain. Paradigmes et paramètres, les modèles ont changé. L'art devient l'expérimentation du monstrueux et crée de nouvelles entités parmi lesquelles Jean Clair distingue trois figures directrices : le mannequin des neurologues, descendant des alchimistes et de Goethe, le Géant des dictatures, "l'Ogre philanthropique" dont Le Colosse de Goya est le prototype, l'Acéphale enfin, le nouveau dieu des avant-gardes célébré par Georges Bataille."

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  • A la grâce de Drieu !...

    Nous reproduisons ci-dessous un beau texte de Philippe Bilger, cueilli sur son blog Justice au singulier et consacré à Pierre Drieu La Rochelle.

     

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    A la grâce de Drieu

    Un poème de Robert Brasillach, fusillé pour collaboration à cause d'articles fascistes et odieux, n'a pas le droit d'être cité dans une allocution politique.

    Drieu la Rochelle qui s'est suicidé va être édité dans la Pléiade.

    Il y a quelque temps, alors même que ses écrits antisémites seront exclus de l'édition papier bible, on a mis en cause les éditions Gallimard pour cette initiative en leur reprochant de donner du lustre littéraire à un "salaud", en schématisant. C'est l'éternel et lassant argument de ceux qui voudraient ajouter à la mort désirée ou imposée la seconde intolérable qu'est l'oubli, l'indifférence, la relégation. Cette démarche d'étouffement est heureusement de moins en moins comprise et acceptée.

    Le remarquable mensuel "Service Littéraire", traitant de l'actualité romanesque sous l'égide intelligente et libre de François Cérésa, a consacré un texte honnête, sous la signature de Bernard Morlino, à Drieu la Rochelle, la NRF et la Pléiade. On y apprend des choses passionnantes, surtout que les éditions Gallimard avaient une dette à son égard dont la Pléiade constitue le probable remboursement.

    Drieu la Rochelle, en effet, a dirigé la NRF du mois de décembre 1940 au printemps 1943, durant une période évidemment épouvantable. Sa présence et son action ont évité à Gaston Gallimard la tutelle d'un administrateur allemand. Il n'empêche que sous son empire la NRF s'était dénaturée en Nouvelle Revue Fasciste.

    Emmanuel Berl, dont la sincérité et l'acuité sur ces temps sombres et équivoques ont toujours été portées au plus haut, a affirmé que "Drieu a sauvé la NRF et que sans lui l'empire Gallimard risquait de s'effondrer pour toujours".

    Cela n'enlève rien au délire politique de Drieu qui écrit un jour dans "sa" revue "qu'il n'a pas vu d'autre recours que dans le génie de Hitler" avant, désabusé devant le désastre du grand rêve européen que le Führer avait pour mission d'incarner, de se retirer du jeu et de mettre fin à ses jours après deux tentatives manquées.

    Mais Drieu, ce n'est pas que cela. Pas plus que Brasillach n'est que la phrase jamais citée dans son intégralité mais abjecte où il écrit qu'il faudrait "se séparer des juifs en bloc" et "ne pas garder les petits". Encore récemment, Abel Mestre, dans Le Monde, en a fait un argument central contre le FN et l'évocation d'un poème de Brasillach dans un discours. Il y a des horreurs qui sont sans cesse exploitées par des gens qui généralement n'ont rien lu d'autre de ces auteurs que le pire sélectionné et omniprésent.

    Drieu la Rochelle, c'est aussi l'homme qui, dans la livraison de la NRF de février 1941, a accueilli Paul Eluard. Sans doute la raison, inspirée par la mauvaise conscience, pour laquelle ce militant et poète communiste fut impitoyable à la Libération à l'égard d'un Drieu déchu.

    Drieu, c'est également la personnalité qui fit en sorte de "veiller à ce qu'il n'arrive jamais rien à Malraux, Paulhan, Gaston Gallimard et Aragon". Et il y parvint.

    La NRF fut livrée, un peu moins de trois ans, à la grâce de Drieu. La reconnaissance de Gallimard n'aurait pas été possible sans le talent indéniable de l'écrivain : Gilles, Récit secret, le Feu follet, Rêveuse bourgeoisie...

    Si on nous laissait lire, vivre !

    Philippe Bilger (Justice au singulier, 21 mars 2012)

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  • Plaidoyer pour la puissance...

    Les Presses Universitaires de France viennent de publier dans leur collection Major un ouvrage de Pascal Gauchon, intitulé Géopolitique de la France - Plaidoyer pour la puissance. L'auteur, ancien élève de l'Ecole Normale supérieure, agrégé d'histoire, est professeur en classe préparatoire et est l'auteur de nombreux ouvrages ou manuels dédiés à la géopolitique ou à la géoéconomie. Nous reproduisons ci-dessous la recension faite de ce livre par Philippe Cohen, sur le site de Marianne.

     

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    " [...] Pour la première fois en France, un livre proposant « Une géopolitique de la France », paraît. Son auteur, Pascal Gauchon, est le fondateur du Festival de géopolique de Grenoble. Son ouvrage est moins scolaire – il est destiné notamment aux élèves préparationnaires des classes préparatoires – qu’il n’y paraît, et la pédagogie y cède souvent à quelques saillies iconoclastes. La problématique de la géopolitique ? Montrer en quoi le destin d’un pays découle en partie de sa situation géographique. C’est ainsi que Pascal Gauchon perçoit la France comme un pays béni des Dieux, qui bénéficie d’une double ouverture sur les mers et le continent. Son extrême centralisation proviendrait de sa diversité, et nous aurait doté d'un « sacré » tournant autour de l'Etat, tandis que les Etats-unis se seraient polarisés sur leur constitution, les Allemands sur leur langue et les Anglais sur leur royauté.

    L'auteur se moque gentiment des armées de déclinistes qui peuplent le paysage intellectuel français depuis quelques années. Ceux qui sont réfractaires à cette dialectique trouveront dans l'ouvrage quelques munitions bien affutées pour leur livrer bataille. Ainsi Pascal Gauchon nous apprend-t-il que le patrimoine de la France - addition des possessions des administrations, des entreprises et des particuliers - représente quelques 12 513 milliards d'euros, soit cinq fois le PIB. Ce patrimoine a doublé depuis 1978. Et la France occupe le même rang mondial - cinquième pour le PIB - qu'en ... 1900. Le déclin est en route, mais il ne se presse pas...

    Patiemment, comme on parle à un grand malade - l'anxiété est palpable dans le pays, et l'auteur émet même des hypothèses à ce sujet - Pascal Gauchon égrène tous les chiffres et les données - avec quelques cartes et tableaux - qui montrent que le déclin de la France n'est ni patent ni inéluctable. L'agriculture, qui occupe encore 53% du territoire, a donné à la France un socle de puissance que la conjoncture historique qui valorise le pouvoir vert et maritime (11 millions de km2 dont seulement 300 000 en Europe, soit la deuxième zone économique exclusive du monde). Son industrie, affirme l'auteur, est moins malade qu'on ne le croit. D'abord parce qu'elle a de beaux restes, dans le nucléaire, le BTP, la pharmacie, l'automobile, et bien sûr le luxe. En témoigne le rang enviable des multinationales françaises. En fait, notre faiblesse, selon l'auteur, réside davantage dans nos emplois industriels que dans notre industrie en tant que tel. Et l'anxiété des Français face à la mondialisation ne témoigne pas d'une France fermée mais d'un pays, au contraire très ouvert sur le monde, tant sur le plan de l'économie que celui de l'immigration, mais dont les habitants souhaitent malgré tout rester eux-mêmes. Quoi de plus légitime pour un vieux pays qui ne ne compte pas pas moins de 15 milliards de cadavres dans ses cimetières ?"
     
    Philippe Cohen (Marianne2.fr, 20 mars 2012)
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