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Métapo infos - Page 1498

  • Les citadins des champs...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Georges Feltin-Tracol, cueilli sur le site Europe Maxima et consacré à cette France rurale et péri-urbaine, oubliée et méprisée par la classe politico-médiatique...

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    Les citadins des champs

    En 1926, Louis Aragon publiait Le Paysan de Paris. Aujourd’hui, il l’intitulerait certainement Le Parisien de Province… En effet, à la lueur des dernières données de l’I.N.S.E.E. rendues publiques le 17 janvier 2012, on apprend que sept Français sur dix éprouvent un fort attachement à leur région natale, qu’ils y demeurent ou qu’ils y reviennent pour des raisons professionnelles ou au moment de leur retraite après des années d’expatriation en Île-de-France ou à l’étranger. Tout le contraire ici du mode de vie étatsunien ! En revanche, un constat inquiétant est resté inabordé, celui de la fragmentation géo-sociale du territoire.

    Pendant des siècles, l’espace géographique s’organisait autour d’une dualité « classique » entre la ville (ou l’ensemble urbain) et la campagne (ou le monde rural). Toutefois, dès le milieu des années 1930, la majorité des Français vivait en ville. La « révolution agricole » ou « silencieuse » des années 1950 – 1960 favorisa l’exode rural, d’où un étalement des aires urbaines aux dépens des terres agricoles, des prés et des bois. On assiste cependant depuis deux décennies à une inversion notable du phénomène. Les campagnes presque vides se remplissent de nouveau avec la venue de citadins. Par cet exode urbain apparaît désormais une nouvelle structuration du territoire national avec des zones urbaines en pleine croissance, des campagnes reculées en déshérence et un « entre-deux » qualifié par les géographes d’espace péri-urbain ou de rurbain (contraction de rural et d’urbain).

    Les métropoles, les agglomérations et les aires urbaines représentent d’indispensables atouts économiques mondiaux avec leurs quartiers d’affaires (La Défense dans l’Ouest parisien, La Plaine Saint-Denis à l’Est de la Capitale, Euralille dans le Nord, La Part-Dieu à Lyon). Mais cette fonction de compétition ne correspond plus ou très mal à des lieux d’habitation et de convivialité quotidienne. La priorité accordée aux bureaux pousse les ménages à déménager dans les périphéries. C’est ainsi que les catégories moyennes et populaires (employés, artisans, cadres inférieurs ou intermédiaires, petits fonctionnaires…) délaissent la ville-centre et/ou le centre-ville pour des pavillons résidentiels bâtis au moyen d’un endettement bancaire. Elles fuient aussi la cherté des loyers du centre-ville, la hausse de la fiscalité locale et une promiscuité souvent insupportable avec des groupes ethniques différents. Puisque tout le monde veut son habitat individuel, la ville s’étend par conséquent au détriment des campagnes proches…

    Ces départs sont toutefois compensés par l’installation de ménages « bo-bo » (bourgeois-bohême) dont les revenus élevés permettent l’acquisition ou la location d’appartements ou de lofts de haut standing. De ce fait, le XVIIe arrondissement parisienne, le quartier de Belleville ou la Croix-Rousse à Lyon s’embourgeoisent et adoptent un caractère huppé, tendance et branché. Vivant non loin de rues à population exotique, les « Bo-Bo » réalisent leur rêve multiculturaliste tout en s’efforçant bien sûr d’inscrire leur progéniture à l’école, puis au collège privés plus réputés que les établissements publics du quartier classés en zone prioritaire…

    L’implantation massive et continue de catégories populaires et moyennes en périphérie immédiate des villes ou dans des coins plus excentrés accentue un mitage préjudiciable de l’espace. Ce mitage efface progressivement la distinction ville – campagne. Il attise aussi la concurrence fonctionnelle des terrains : le lopin convoité demeurera-t-il un champ cultivé ou bien deviendra-t-il un terrain à bâtir, un futur emplacement routier, ferroviaire ou autoroutier, ou un lieu de production énergétique (implantation d’éoliennes, de panneaux solaires ou de biocarburants) ?

    Les villages, y compris les plus perdus, voient pousser autour d’eux de nouveaux ensembles pavillonnaires horizontaux uniformes. Les nouveaux arrivants ne s’embarrassent pas d’exiger des édiles tout le confort urbain sans subir les inconvénients de l’existence rurale, d’où des plaintes répétées contre les cloches de l’église ou le cri matutinal du coq. À terme, si se poursuit l’« exode urbain », il est probable que l’ensemble métropolitain dont l’intercommunalité en est une préfiguration en fasse de simples communes – dortoirs.

    Quant au rural profond encore dominant dans la Creuse, en Haute-Loire, en Ardèche, en Lozère, dans la Nièvre ou en Champagne-Ardenne, il dépérit doucement en raison d’un désintérêt et d’un mépris marqués des pouvoirs publics envers les populations locales. Après la fermeture de l’école, des services administratifs, du bureau de poste, du dispensaire médical, de la gare, de la desserte routière, du café, de l’épicerie, voilà maintenant que la Poste retire ses boîtes aux lettres jaunes et qu’Orange enlève les dernières cabines téléphoniques des places du marché. Quant au rectorat, il supprime volontiers une ou deux classes du primaire alors que la commune (ou le cadre intercommunal) a financé la réfection ou la construction de nouvelles salles de classe. Une véritable colonisation intérieure s’opère, car, dans le même temps, les projets déments d’enfouissement de déchets ménagers ou nucléaires dans ces territoires abandonnés se multiplient.

    Les campagnes essentiellement peuplées de « petits Blancs » ne brûlent aucune bagnole et demeurent profondément légalistes. L’État peut s’en détourner ostensiblement et ignorer leur paupérisation flagrante. Oui, les campagnes françaises sont plus pauvres que les banlieues dont le taux élevé de chômage et la misère « officielle » statistique maquillent une autre réalité, celle d’une « narco-économie » souterraine, informelle, en pleine expansion. Quant aux immigrés, ils ne s’enrichissent pas parce qu’ils transfèrent leurs économies là-bas au pays.

    L’éloignement du lieu de travail par rapport au domicile nécessite deux voitures minimum quand la nouvelle résidence n’est pas (ou mal) desservie par les transports collectifs. La flambée du prix du carburant signifie une hausse du budget transport supportée par des familles déjà en situation précaire. Et cela risque de s’aggraver avec la mise en place, tôt ou tard – soyons-en certains ! – d’une taxe carbone qui pénaliserait encore plus des familles incapables d’emprunter le Vélib’ ou le Vélove !

    L’actuelle crise systémique atteint durement cette « troisième France » qui, hors des villes et des banlieues de non-droit, pourrait devenir le cadre de véritables jacqueries post-modernes. Aux XIXe et XXe siècles, les villes regroupaient les « classes dangereuses ». Aujourd’hui et encore plus demain, l’étincelle de la révolte ne surgira pas des banlieues de l’immigration contrôlées par les caïds de la drogue ni des centres urbains « bo-bo-isés », mais de ces nouvelles campagnes urbanisées.

    Georges Feltin-Tracol (Europe Maxima, 18 mars 2012)

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  • Le protectionnisme et ses ennemis...

    Les éditions Les Liens qui Libèrent viennent de publier un ouvrage collectif intitulé Le protectionnisme et ses ennemis, qui rassemble des articles de Ha-Joon Chang, Serge Halimi, Frédéric Lordon, François Ruffin et Jacques Sapir...

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    "Chômage, précarité, baisse du niveau de vie… Autant de maux que la mondialisation a considérablement aggravés. Veau d’or du capitalisme, le libre-échange passe, aux yeux de ses défenseurs, pour une loi incontournable de l’économie, à l’égal de celle de la gravitation universelle de Newton ou de l’héliocentrisme de Galilée. Et si le protectionnisme n’était pas l’épouvantail agité par les économistes bien-pensants ? Ce deuxième petit livre de la collection « Prendre parti » rassemble ici quelques-uns des articles les plus représentatifs de cette réflexion… Celui du grand économiste américain Chang, fils spirituel de Stiglitz, l'un des premiers à avoir étudié le mythe du libre échange dans l'histoire, celui de Jacques Sapir, auteur de La déglobalisation, qui explique pourquoi aujourd hui le retour du protectionnisme est vital pour nos économies anémiées, celui de Frédéric Lordon, auteur notamment de D'un retournement l'autre (Seuil) qui dénonce la mauvaise foi des thuriféraires du libre échange et les dangers d'une idéologie dominante qui a créé les conditions de la crise, celui de François Ruffin qui raconte comment le mot de protectionnisme est devenu imprononçable alors que nos industries sont sacrifiées, et celui enfin de Serge Halimi qui réinscrit le protectionnisme à l'aube du développement des Etats-Unis."

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  • Toulouse, médias et politiques : le doigt dans l'oeil !...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue tonique de Dominique Jamet, cueilli sur Atlantico et consacré à la tragédie de Montauban et de Toulouse et à sa tentative de récupération par des intellectuels et des politiques peu scrupuleux...

     

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    Toulouse, médias et politiques : le doigt dans l'oeil

    Parler. Parler sans savoir. Parler sans attendre. Accuser sans preuves. Amalgamer sans logique. Condamner sans avoir instruit. Désigner à la vindicte et à l’exécration publiques le bouc émissaire de son choix. Tordre l’actualité, si tragique soit-elle, d’autant plus qu’elle est plus tragique et plus susceptible de déchaîner les passions, et l’instrumentaliser en fonction de ses préjugés, de ses obsessions, de ses haines ou tout simplement de ses intérêts. L’histoire surabonde de ce genre de comportements, trop souvent à la base d’ostracismes arbitraires, de lois d’exception, d’atteintes aux libertés.

    Le Reichstag flambait encore que Goering avait déjà identifié le pyromane et, derrière lui, la main du Parti communiste, aussitôt interdit. Bonaparte avait à peine échappé par miracle à l’attentat de la rue Saint-Nicaise, fomenté par les royalistes, qu’il en dénonçait déjà les auteurs, qui ne pouvaient être, n’est-ce pas, que les jacobins nostalgiques de la Terreur. On attendrait plus de sagesse, plus de retenue, plus de réflexion, dans une démocratie adulte, de la part d’hommes politiques, supposés responsables, puisque aspirant à exercer la plus haute charge de la République, a fortiori de polémistes qui se présentent sans complexe et se laissent complaisamment présenter comme philosophes.

    François Bayrou, que l’on aurait pu croire plus mesuré, mais qu’affolent son ambition monomane et la perspective d’être une fois encore privé de second tour, n’a pas craint, sans avoir procédé à la moindre enquête, et alors que l’enquête était en cours, de prononcer l’anathème contre « les gens qui se servent des passions noires pour les faire flamber ».

    Jean-Luc Mélenchon, dans la pure tradition, de Robespierre, son modèle, son idole, menaçait obscurément ceux qui « recourent à certaines citations». En clair, c’est le fameux discours sécuritaire prononcé à Grenoble par Nicolas Sarkozy, ce sont les propos de Claude Guéant sur l’inégalité des civilisations qui ont armé le bras des assassins. On parle d’immigration, et l’on déchaîne les pogroms, on évoque le dossier de l’abattage et de la commercialisation de la viande halal, et cela finit par une boucherie. On cite des vers de Robert Brasillach, journaliste antisémite et poète fusillé, et l’on est justiciable de l’ascenseur pour les fachos.

    Pas en reste, Le Canard Enchaîné le plus institutionnel de nos journaux satiriques qui, bouclé le mardi, ne peut prévoir ce qui se passera le mercredi, en remontant la trace du tueur de Toulouse, reconnaît à son odeur nauséabonde la marque du néonazisme.

    Dès lundi, sur son blog, l’incorrigible Bernard-Henri Lévy, illustrant une fois de plus sa propension à l’emballement, au sensationnalisme, à l’approximation, à la généralisation, ces démons familiers et si peu philosophiques qui lui ont fait commettre tant de bourdes, maudissait ceux qui ont « libéré la parole infâme », déplorait « l’assassinat du contrat social » français (pas moins), clamait « sa honte et sa colère » et appelait à une grande procession réparatrice, à un exorcisme politico-moral semblable à celui qui avait présidé à la mémorable manifestation consécutive aux profanations du cimetière de Carpentras, manifestation d’unanimité dont, soulignait-il avec une certaine perfidie que le Front national s’était exclu, oubliant que le Front National pouvait difficilement s’inviter à ladite manifestation, organisée dans un climat d’hystérie collective pour protester contre le crime odieux dont il était accusé. A tort.

    Le sang des victimes de Toulouse et de Montauban n’était pas encore séché, leurs obsèques n’avaient pas encore eu lieu, la personnalité, les motivations, l’identité politique, religieuse et psychiatrique du tueur nous étaient encore inconnues que déjà l’auteur de L’Idéologie française y voyait une confirmation éclatante de la vision fantasmatique, cauchemardesque et obsessionnelle qu’il trimbale et tente d’imposer depuis trente ans d’une France peureuse, frileuse, haineuse et même pétaineuse, repliée sur elle-même, nationaliste, rétrograde, matrice et berceau du fascisme qui serait selon lui la France.


    Faut-il rappeler à Bernard-Henri Lévy, sans même évoquer la Déclaration des droits de l’Homme, œuvre française, que ce pays, notre pays, le sien, que la France, multiethnique, multiconfessionnelle, multiculturelle, passée en un demi-siècle de quarante à soixante-cinq millions d’habitants, a accueilli et tenté d’intégrer depuis la fin de la deuxième guerre mondiale des millions et des millions d’étrangers dont la loi, le temps, l’éducation, la République ont fait des Français à part entière ? Faut-il lui demander d’ouvrir les yeux et de constater que ce pays dont l’apport de ces étrangers et le renouvellement des générations ont profondément transformé le visage et modifié l’identité sans y déclencher la moindre guerre sociale ne saurait être accusé de racisme que par des ignorants, des sectaires et des démagogues ?

    Faut-il lui dire que, le tueur eût-il été effectivement un nazi, se réclamerait-il d’Al Qaida, il ne serait pas plus représentatif de la France que l’assassin Breivik, le tueur de masse d’Oslo n’est représentatif de la Norvège ou que « M » le maudit, le héros pédophile du chef-d’œuvre de Fritz Lang n’est représentatif de l’Allemagne ? Faut-il donner à un philosophe humaniste une petite leçon d’universalisme et tâcher de lui faire comprendre que si l’assassin a tué des petits enfants parce qu’ils étaient juifs, ce n’est justement pas parce qu’ils sont juifs mais parce que ce sont des petits enfants innocents qu’ils ont droit à notre compassion, à la même horreur et à la même compassion que s’ils étaient palestiniens, bouddhistes, catholiques ou sans confession ? Faut-il lui demander de faire un tour en France et de vérifier que la France est unanime dans sa condamnation du massacre et du massacreur?


    Certes, on ne peut pas exiger d’un géopoliticien diplomate et stratège, spécialiste, internationalement reconnu à Saint-Germain des Prés, de la Bosnie, de la Libye et de la Syrie qu’il suive d’aussi près ce qui se passe sur notre hexagone, si petit qu’il n’a pas la place d’y déployer ses ailes de géant. Qu’il nous permette seulement de lui dire que cette fois encore il s’est mis son doigt de partisan dans son œil de philosophe.

    Dominique Jamet (Atlantico, 21 mars 2012)

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  • Le sanspapiérisme...

    Les éditions Xénia publient cette semaine un essai de Luc Gaffié intitulé Le sanspapiérisme. Luc Gaffié est, par ailleurs l'auteur d'un essai sur les idées du conservatisme américain.

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    "A partir de la pudibonderie suscitée par le politiquement correct, on a laissé s'établir en France une réalité parallèle fondée sur un simple abus de termes : les "sans papiers", nous dit Luc Gaffié, cela n'existe que dans les mots.
    Une analyse élégante et pénétrante d'un des grands tabous idéologiques de notre temps."
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  • La tuerie de Toulouse et la haine...

    Nous reproduisons ci-dessous les réflexions quont inspiré à Claude Bourrinet, sur le site de Voxnr, les tragiques événements de Montauban et de Toulouse.

     

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    La tuerie de Toulouse et la haine

    Après la tuerie perpétrée par un homme en scooter dans une école juive de Toulouse, lâche assassinat de trois enfants et d’un professeur d’hébreu, la parole va être encore moins possible qu’auparavant. Non que le flot, légitime, des indignations et de l’émotion, ne va pas envahir l’espace public – nous aurons bien sûr tout ce qui est d’usage en la matière – mais il sera difficile de désembuer la logique, et d’adopter une pensée raisonnable.

    Du reste, pourquoi ne pas, ici même, exprimer l’horreur qu’un tel acte suscite ? Le froid assassinat de trois (ou peut-être quatre) militaires français, à Toulouse et Montauban, ne pouvait que susciter la colère et l’écœurement. La première idée qui vint à l’esprit fut que ce geste relevait d’un terrorisme importé d’Afghanistan, malgré les dénégations des autorités. Cependant, l’origine maghrébine et antillaise des victimes laissait planer le doute, et paraissait plutôt désigner un acte raciste. Ce serait évidemment une circonstance aggravante, l’ignominie d’une exécution de sang froid suffisant au demeurant à disqualifier l’acte de l’assassin. Car si, par hypothèse, il avait été mû par des motifs partisans, il aurait été bien avisé de risquer sa peau et de combattre ses ennemis sur le théâtre même des opérations, au lieu de les supprimer comme un vulgaire criminel.

    Toutefois, l’origine juive des victimes de lundi ne laisse guère de doute sur le racisme de ces actes. La probabilité d’un crime erratique, commis par un égaré, est à écarter.
    Resterait bien sûr à définir la folie. Anders Behring Breivik, l’auteur du massacre de 70 participants, pro-palestinien, à Oslo, était-il aliéné ? On l’a plaidé lors de sa mise en accusation. Au fond, un geste qui dépasse la mesure humaine, qui oublie toute commisération, toute pitié, tout respect de la vie, d’autant plus que l’on a affaire à des êtres sans défense, fragiles et innocents, acte que les Romains appelait « scélératesse », acte monstrueux, n’est-il pas la manifestation d’une faille prodigieuse dans la perception de ce qu’est la condition humaine ? Pour que l’on dénie à autrui un minimum de respect dû à sa nature d’humain, il faut être soit aveuglé par la haine idéologique, soit beaucoup souffrir.

    Les commentateurs de la tuerie d’Oslo n’ont évoqué les raisons politiques qui en sont l’origine que partiellement, en général pour mettre en cause l’ « extrême droite » européenne, terme générique assez flou, occultant le philo-sionisme de son auteur, et son occidentalisme virulent, et ne retenant que sa haine du multiculturalisme et sa xénophobie antimusulmane. Lorsqu’on se trouve devant ce type de d’acte démesuré, les raccourcis fleurissent, et la juste évaluation des choses s’estompe.

    Notons en passant la multiplication de meurtres prémédités, de massacres froids, commis souvent par une personne isolée, dans le monde occidental, depuis quelques dizaines d’années. De la Finlande aux USA, d’Allemagne en Norvège, en France et ailleurs, des individus surarmés ont délibérément liquidé ceux qui se trouvaient en face d’eux. Leur appartenance politique, quand elle existait, était variée. Richard Durn, l’auteur du massacre du conseil municipal de Nanterre, était un militant écologiste, ancien membre du PS avant de rejoindre les Verts. Il était également militant de la Ligue des droits de l'homme (il était trésorier de la Ligue locale des droits de l'homme).

    Peut-être faudrait-il, avant d’invoquer des sources archéo-idéologiques, se demander pourquoi une société qui se veut humaine, protectrice, évoluée, progressiste, engendre de tels monstres.

    Il serait aussi judicieux, mais sans doute ne faut-il pas se laisser tenter par ce genre d’assimilation périlleuse, de souligner combien de tels massacres, de femmes, d’enfants, de civils, d’innocents, sont devenus le lot commun des populations du Proche et du Moyen-Orient, singulièrement depuis que l’impérialisme occidental se mêle d’y imposer la « civilisation ». Au fond, la mort de plusieurs centaines d’enfants, aussi bien palestiniens, durant l’opération « Plomb fondu », de janvier 2008, que libanais, pendant la guerre contre le Hezbollah, n’ont pas suscité le dixième de l’émotion ostentatoire, kippa vissée sur le crâne, de notre personnel politique, qui parade chaque année au Dîner du CRIF.

    Mais rappelons-le, qu’on ne nous fasse pas dire ce que nous ne disons nullement : il est inqualifiable de comparer les morts innocentes. Bien qu’à vrai dire, les médias semblent toujours, explicitement ou implicitement, nous présenter, dans cet ordre sordide, deux poids, deux mesures.

    Cela étant dit, je serais tout à fait en accord avec Jésus-Christ, lorsqu’il proclamait que le « royaume des cieux » était à ceux qui étaient comme les enfants. Malheur à qui s’en prend à eux ! Le tueur, à ce qu’il paraît, a poursuivi une enfant dans la cour pour l'abattre. Après ses premières victimes, d’après un responsable du CRIF, « il est ensuite entré dans la cour de l'établissement et a attrapé une enfant de 8 ans, la fille du directeur, pour lui tirer directement dans la tête ».

    Voilà des faits qui suffisent pour ne pas hésiter une seconde à crier son horreur.
    Mais après ce cri justifié ?

    Ne nous faisons pas d’illusion : la politique reprendra ses droits. C’est même déjà fait. Le « philosophe » hystérique BHL est parti en chasse, avec la célérité peu philosophique qu’on lui connaît. Les autres vont lui emboîter le pas. On va encore fouiner dans les caves de l’ « idéologie » française, en occultant soigneusement que le sionisme est un nationalisme ethnique et messianique. On va procéder à toutes les réductions, et faire taire les critiques en jetant anathèmes, excommunications, accusations diffamatoires. Les discours de sagesse, qui demandent à ce que la justice s’applique partout, quelle que soit l’origine des uns et des autres, ne seront pas entendus. Désormais, la parole ne sera plus que celle des va-t-en guerre. Le tueur ne pouvait pas mieux rêver.

    Claude Bourrinet (Voxnr, 20 mars 2012)

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  • Le Divin Marché...

    Paru en 2007 aux éditions Denoël, l'essai du philosophe Dany Robert-Dufour, Le Divin Marché, est réédité en poche dans la collection Folio. Pour Alain de Benoist, cet ouvrage est "un réquisitoire net et précis contre la dérégulation et la désinstutionnalisation généralisée".

     

     

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    " «Les vices privés font la fortune publique» : cette formule aujourd'hui banale scandalisa l'Europe des Lumières lorsqu'elle fut énoncée pour la première fois en 1704 par Bernard de Mandeville.
    Pourtant, ce médecin, précurseur trop méconnu du libéralisme, ne faisait qu'énoncer la morale perverse qui, au-delà de l'Occident, régit aujourd'hui la planète. Elle est au coeur d'une nouvelle religion qui semble désormais régner sans partage, celle du marché : si les faiblesses individuelles contribuent aux richesses collectives, ne doit-on pas privilégier les intérêts égoïstes de chacun ? En philosophe, Dany-Robert Dufour poursuit dans cet ouvrage ses interrogations sur les évolutions radicales de notre société.
    En présentant, en autant de chapitres, les " dix commandements " inquiétants qui résultent de la morale néolibérale aujourd'hui dominante, il analyse les ébranlements qu'elle provoque dans tous les domaines : le rapport de chacun à soi et à l'autre, à l'école, au politique, à l'économie et à l'entreprise, au savoir, à la langue, à la Loi, à l'art, à l'inconscient, etc. Et il démontre ainsi qu'une véritable révolution culturelle est en cours.
    Qui nous mènera jusqu'où ?"

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