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Métapo infos - Page 1359

  • Le changement de peuple...

    Prolongeant son essai intitulé Le Grand remplacement, (David Reinharc, 2011), Renaud Camus vient de publier Le changement de peuple. Cet ouvrage est disponible sur le site personnel de l'auteur.

     

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    "J’apprends que le gouvernement estime que le peuple a “trahi la confiance du régime” et “devra travailler dur pour regagner la confiance des autorités”. Dans ce cas, ne serait-il pas plus simple pour le gouvernement de dissoudre le peuple et d’en élire un autre ? — Bertolt Brecht, “La Solution”

     

    La plaisanterie fameuse de Brecht est devenue pour nous une réalité. « Le changement c’est maintenant », promettait François Hollande : le changement de peuple, oui, c’est maintenant, et aussi le changement de civilisation qu’il implique nécessairement. Les socialistes ont suivi les conseils de Terra Nova et escompté du nouveau peuple et de ses voix, bien naïvement, la garantie d’être au pouvoir à jamais. Mais de cette substitution démographique les gouvernements de droite sont tout aussi responsables que la gauche, de même que le patronat et les intérêts mondialistes, qui ont besoin pour leurs affaires de l’homme remplaçable, désoriginé, déculturé, désaffilié, échangeable et délocalisable à merci.

     

    Le Grand Remplacement était un recueil de conférences. Renaud Camus reprend ici les mêmes thèmes, les unifie, les réorchestre et les enrichit, en un essai d’une seule venue."

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  • A la lanterne !...

    Nous reproduisons ci-dessous un excellent point de vue de l'économiste hétérodoxe Jacques Sapir, cueilli sur son site RussEurope et consacré aux illusions et à l'impuissance de François Hollande...

     

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    De Clichy à Trappes, pour finir par la Lanterne

     

    Notre Président s’est donc rendu à Clichy-sous-bois d’où étaient parties les émeutes de 2005. Il eut été plus opportun de se rendre à Trappes, mais le courage politique n’est pas réellement le fort de François Hollande. Notre Président tient un discours optimiste, que ce soit sur la croissance ou sur l’emploi. Mais, son Ministre des Finances, Pierre Moscovici laisse entendre que le déficit budgétaire va déraper et atteindre autour de 4% cette année, tandis que les chiffres de croissance sont constamment révisés à la baisse : de +0,8% à -0,1% pour cette année, et de +1,2% à +0,6% pour 2014. Les chiffres ne sont pas le fort de François Hollande. Notre Président annonce la création de près de 100 000 emplois d’avenir d’ici à la fin de l’année 2013. Mais, sur le terrain, le dispositif ne se met en place qu’avec les plus extrêmes difficultés. La réalité n’est pas le fort de François Hollande. Et, à vrai dire, on ne sait pas où est le fort de notre Président (si ce n’est à Brégançon, mais c’est une autre histoire).

    I. Vous avez dit amélioration?

    Mesure-t-il seulement ce qui est en train de se passer dans ce pays, alors que ses conseillers se gargarisent des fameux « bons résultats » ? On sait ce qu’il en est. Le processus de chute dans la crise se ralentit. Rien de plus normal, les économies ne peuvent ainsi disparaître. Mais, ce processus de ralentissement, voire de stagnation de la dégradation ne signifie nullement le retour à une véritable croissance. En Espagne, la stabilisation du chômage est due, pour l’essentiel, aux emplois saisonniers. La Grèce connaît une timide amélioration de sa fréquentation touristique, mais elle le doit beaucoup aux problèmes politiques que connaissent la Turquie et la Tunisie. En fait, ces « bons résultats » ne sont que des faux-semblants. La zone Euro est en crise pour longtemps, et rien ne laisse espérer une sortie de cette dernière à court terme. Le poids des dettes souveraines continue de s’alourdir et Mario Draghi, et avec lui la BCE, va connaître son heure de vérité quand il lui faudra activer les mécanismes de rachat des dettes. En fait, cette heure de vérité pourrait bien sonner plus tôt que prévue. La Cour Constitutionnel allemande doit statuer sur la légalité des OMT, et tout laisse à penser qu’elle va les déclarer inconstitutionnels.

    L’Allemagne pourrait bien, d’ailleurs, être le cauchemar de François Hollande. Il mettait l’an dernier tous ses espoirs dans un changement de majorité dans ce pays. Or, tout laisse à penser que Mme Merkel sera reconduite dans ses fonctions, et avec elle cette politique allemande d’exploitation éhontée de ses voisins qui accélère la crise inévitable de l’Euro. Mais un cauchemar plus proche menace le Président. L’Italie risque d’être secouée par les conséquences de la condamnation de Silvio Berlusconi. Que l’on ne s’y trompe pas. L’auteur de ces lignes n’a guère de sympathie ni d’estime pour l’homme, un affairiste issu de l’entourage du socialiste Bettino Craxi qui coula sous les scandales avant de s’enfuir chez Kadhafi, aux pratiques à l’évidence délictueuses et à la moralité plus que douteuse. Mais l’homme est une chose et la réalité politique en est une autre. La fragile alliance Gauche-Droite constituée pour faire barrage au succès du M5S risque de voler en éclats. De nouvelles élections se profileraient alors.

    Telle est la réalité. Alors François Hollande s’adapte, négocie, finasse. Il réduit le budget des forces armées en deçà du nécessaire au maintien d’une défense nationale indépendante, dont il a pourtant démontré l’absolue nécessité avec l’intervention au Mali. Il augmente subrepticement les « recettes de poches » de l’État avec une hausse des frais de mutation (et cela alors qu’il prétend relancer le marché de l’immobilier). Il coupe dans les dépenses, y compris les plus utiles, y compris avec la suppression des aides accordées à l’apprentissage, alors que cette voie est souvent une véritable solution pour des jeunes déscolarisés.

    II. Une lente et mortelle dégradation

    Mais, adaptation ou finasserie n’empêchent pas notre pays, notre « bien commun », de se dégrader. L’expression d’accident « technologique », qu’avaient créée des collègues russes, s’applique désormais à la France, comme on a pu le voir avec l’accident tragique de Brétigny. Et c’est un véritable miracle que cet accident ait eu lieu en été. Dans le cours de l’année ce serait par dizaines que l’on compterait les morts. Notre pays se dégrade aussi moralement. Toujours à Brétigny, les incidents, les vols des victimes, qui se sont produits – et que le gouvernement et les autorités avaient commencé à nier – en sont la preuve. Certes, et c’est important, ce tragique accident a aussi été l’occasion de manifestations de courage et de solidarité. Il n’y a pas eu que des voleurs et des caillasseurs à Brétigny, heureusement et il faut s’en souvenir. Mais il y en a eu aussi. Et cela est le symptôme d’une profonde dégradation morale du pays. Un autre signe, plus subtil, de cette dégradation réside dans le concert des « bonnes âmes » qui s’est empressé d’affirmer de manière péremptoire qu’il ne s’était rien passé à Brétigny. Le déni de réalité devient alors une ligne politique. Pourtant dire les choses, les dire de manière honnête, en reconnaissant ce qu’il y eut de bon mais aussi de détestable, n’est en rien un stigmatisation des habitants de cette ville des bords de l’Orge ni de ceux des quartiers. C’est simplement reconnaître que l’anomie fait de terribles progrès dans notre société.

    Dire qu’une personne est malade n’est pas la stigmatiser. Mais il faut identifier les causes de sa maladie, et pour cela la décrire, si l’on veut la soigner. Plus encore que les ruptures techniques (qu’il faut préférer au terme d’accident ou de catastrophe « technologique ») imputables au sous-investissement chronique dont souffrent nombre de nos infrastructures depuis maintenant une vingtaine d’années, la dégradation morale que révèle cette montée de l’anomie est un problème tragique. Elle ne peut se comprendre que si l’on conçoit que la socialisation se fait, en priorité, sur le lieu de travail et dans les cadres qui en sont issus. Le chômage de masse laisse une partie de la population hors de tout cadre de socialisation, enfermée entre une télévision qui ne lui donne comme modèle que des trajectoires individuelles en réalité inaccessibles et une réalité quotidienne qui la ramène aux réalités de sa misère. Dès lors, l’individualisme narcissique qui est en réalité l’idéologie du néo-libéralisme tourne à vide et se transforme en anomie. Le seul remède, même si la formulation apparaît autoritaire, est une « mise au travail » qui permettra de recréer du lien social.

    On en revient ici à notre Président, à ses rêves et à ses illusions. Il est clair qu’il ne comprend pas l’état de dégradation, tant matériel que moral de notre société, qui est aussi la sienne. Il croit qu’en s’abstenant de prendre des vacances, il va reprendre la main. Ce n’est même plus du niveau de l’illusion. Nous en sommes à celui d’une communication qui tourne à vide et qui contribue en fait à le décrédibiliser encore plus. Il ne saisit pas que sa seule chance serait de créer massivement des emplois, non pas 100 000 emplois aidés, mais de 500 000 à 600 000 emplois, et bien réels ceux-ci, par an pendant trois ans. Mais, cette chance est en train de passer elle aussi. Pour qu’elle se concrétise, il lui aurait fallu du courage politique et l’empathie, là où, sous le sourire, perce rapidement la suffisance technocratique. Il se révèle ce qu’il est, dur aux faibles, et faible devant les puissants. Pour la saisir, il faudrait sortir de l’Euro qui nous condamne à un lent et tragique étouffement. Cela se fera, mais sans doute pas avec lui et probablement contre lui. Qu’il prenne garde désormais, car il risque bien de finir là où il entend prendre ses congés : à la lanterne !

    Jacques Sapir (RussEurope, 2 août 2013)

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  • Ces mythes grecs auxquels on n'échappe pas....

    Nous vous signalons la parution d'un numéro hors-série de la revue Philosophie magazine, diponible en kiosque, consacré aux à ces mythes grecs qui continuent souterrainement à structurer l'imaginaire de nos sociétés... A lire !

     

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    Les mythes grecs.
    Pourquoi on n'y échappe pas ?

    Oedipe et la revanche du réel.

    Argos, la surveillance généralisée.

    Narcisse ou la séduction.

    Dédale, la technique irresponsable.

    Tantale, la frustration du désir.

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  • De la perte du sens des mots...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Alain de Benoist à Nicolas Gauthier et publié sur Boulevard Voltaire. Alain de Benoist y évoque la perte du sens des mots et l'instauration progressive d'une novlangue orwellienne...

     

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    Vous vous êtes déjà exprimé sur Boulevard Voltaire à propos de la langue française. Vous en avez souligné le déclin et, surtout, les mauvais usages. Dites-en plus…

    Kŏngzĭ, alias Confucius, disait : « Lorsque les mots perdent leur sens, les gens perdent leur liberté. » La perte du sens des mots fait partie de l’effondrement général des repères qui caractérise notre époque. D’où l’importance des définitions. Si l’on ne s’accorde pas sur ce que les mots désignent, il n’y a plus de débat possible, mais seulement un dialogue de sourds. Beaucoup de nos contemporains emploient déjà un mot pour un autre, ce qui traduit leur confusion mentale. Mais les mots sont aussi des armes, et le flou sémantique en est une autre. Il vise avant tout à discréditer ou à délégitimer. Employés de façon systématiquement péjorative, certains mots deviennent des injures (populisme, communautarisme, par exemple). La novlangue orwellienne alimente les polémiques à la façon d’une technique d’ahurissement. On ne peut répondre à cette dérive qu’avec une exigence de rigueur.

    Alors, prenons quelques exemples. « Extrême droite » ? En quoi est-elle extrême ? En quoi est-elle de droite ?

    Il y a chez les politologues deux écoles pour traiter de l’« extrême droite ». Les uns y voient une famille « extrêmement de droite », qui se borne à radicaliser des thématiques attribuées à tort ou à raison à la droite. Les autres préfèrent l’analyser à partir de la notion d’extrémisme, ce qui ne fait guère avancer les choses car cette notion est elle-même problématique (où commence-t-elle ?). Dans le discours public actuel, l’« extrême droite » est un concept attrape-tout, dont l’usage ressortit à une simple stratégie de délégitimation. Il est évident que, dès l’instant où l’« extrême droite » peut aussi bien désigner un sataniste néonazi qu’un catholique réactionnaire, un gaulliste souverainiste et un nostalgique de Vichy, un adversaire de l’avortement et un partisan de l’eugénisme, un national-bolchevique et un contre-révolutionnaire, un monarchiste et un défenseur convulsif de la laïcité, une telle expression est vide de sens. Elle n’a aucune valeur heuristique, phénoménologique ou herméneutique. À ceux qui l’emploient, il faut seulement demander quel contenu ils lui donnent, à supposer bien sûr qu’ils soient capables de le faire. La plupart en sont incapables.

    Antifascisme sans fascistes ? Ce dernier est mort depuis 1943 avec le putsch du maréchal Badoglio. On continue pourtant à nous faire peur avec…

    Il n’existe aucune définition scientifique du fascisme qui fasse l’unanimité chez les spécialistes. En toute rigueur, le mot ne s’applique qu’au ventennio mussolinien et, par extension, aux mouvements des années 1930 qui ont cherché à l’imiter. Le nazisme, fondé sur le racisme et l’antisémitisme, qui furent étrangers au fascisme jusqu’en 1938, constitue un cas tout à fait à part. La désignation du mouvement hitlérien comme « fascisme allemand » appartient à la langue du Komintern, c’est-à-dire de Staline. Bien entendu, on ne peut parler des « idées fascistes », ni les stigmatiser, sans en avoir lu les principaux théoriciens : Giuseppe Bottai, Giovanni Gentile, Carlo Costamagna, Berto Ricci, Alfredo Rocco, Ugo Spirito, Sergio Panunzio, etc. Le fascisme associe des thématiques qui ne lui appartiennent pas en propre (et qui me sont pour la plupart totalement étrangères), mais ce qui lui appartient en propre, c’est de les avoir réunies d’une manière spécifique. Le plus important est de bien voir qu’il est lié à une époque. Indissociable de l’expérience des tranchées, caractéristique de l’ère des masses, le fascisme n’est pensable que sous l’horizon de la modernité. Né de la guerre (la Première Guerre mondiale), il est mort de la guerre (la Seconde). Son souvenir peut susciter ici ou là des nostalgies pittoresques, comme l’épopée napoléonienne ou la résistance des Chouans, mais il n’est plus d’actualité à l’époque postmoderne.

    Le « fascisme » est devenu aujourd’hui un mot passe-partout, susceptible lui aussi de désigner n’importe quoi : fascisme vert, fascisme rose, sans oublier le fascisme islamique (l’« islamo-fascisme », pour parler comme les néoconservateurs américains qui ont créé cette chimère). On a même inventé des dérivés comme « fascisant » ou « fascistoïde ». Les Allemands parlent à juste titre de Gummiwort, de « mot-caoutchouc ». Quant à l’« antifascisme », qui prête à sourire, sa principale différence avec l’antifascisme des années 1930, c’est qu’il est absolument sans danger. Se dire antifasciste à l’époque du fascisme réel, c’était prendre un risque sérieux. Aujourd’hui, c’est un excellent moyen de faire carrière en s’affichant d’emblée comme un adepte de l’idéologie dominante. Il y a quelques années, voulant protester contre des expulsions d’immigrés clandestins, des hurluberlus étaient venus manifester près de la gare de l’Est en pyjamas rayés. Ils ressemblaient moins à des déportés qu’à des zèbres.

    Tout « anti » court par ailleurs le risque de tomber dans la spécularité. Pierre-André Taguieff a bien montré comment l’antiracisme manifeste une propension certaine à « raciser » les racistes, réels ou supposés. Il en va de même de l’antifascisme, de l’anticommunisme, de l’anti-islamisme, etc. Comme le disait en substance Aristote, il n’y a de contraires que du même genre. On devrait méditer pendant quelques heures sur cette observation.

    Anticommunisme sans communistes ? Même punition, même motif… Là, le « socialo-communisme » fait frémir les lecteurs du Figaro. Mais c’est un peu le même théâtre d’ombres…

    Le fascisme est en partie né d’une réaction au bolchevisme. L’époque des communismes est comme celle des fascismes : elle est derrière nous. Le Parti communiste français est devenu un parti social-démocrate, et le « dernier pays communiste du monde », la Chine, est aujourd’hui l’un des agents les plus actifs du capitalisme mondial. On peut même se demander si ce pays a jamais été vraiment communiste et si le maoïsme n’a pas été avant tout un radical avatar du vieux despotisme asiatique. Se dire aujourd’hui fasciste ou antifasciste, communiste ou anticommuniste, c’est avancer en regardant dans le rétroviseur. C’est surtout se tromper d’époque et, de ce fait, rester aveugle aux problématiques qui s’annoncent. Les militaires ont une invincible tendance à concevoir les prochaines guerres sur le modèle de celles qu’ils ont connues. Les civils ont du mal à penser un monde où ils n’ont jamais vécu. Il n’y a pire défaut pour quiconque veut entreprendre une action sociale ou politique que de n’avoir pas conscience du moment historique qui est le sien.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 1er août 2013)

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  • Chasse aux Blanches ?...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un entretien avec Gérald Pichon, réalisé par Belle et Rebelle et consacré aux violences qui visent spécifiquement les jeunes femmes européennes dans notre pays. Gérald Pichon est l'auteur d'une enquête intitulée Sale Blanc, chronique d'une haine qui n'existe pas (IDées, 2013).

     

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  • Hygiène et vertu...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue sympathique de Jean-Paul Brighelli, cueilli sur son blog Bonnet d'âne et consacré à l'hygiénisme vertuiste qui sévit dans l'Empire du bien... Agrégé de lettres modernes, Jean-Paul Brighelli est l'auteur de plusieurs essais sur l'école. Il a récemment publié La société pornographique (François Bourin, 2012).

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    Hygiène et vertu

    Ainsi donc, les coureurs cyclistes des années 1990 se dopaient — tu parles d’une nouvelle ! On a soigneusement conservé leurs mictions pour les analyser vingt ans plus tard, et Jalabert est pris par la patrouille des touche-pipi.
    Le mois dernier, les analyses d’Armstrong et autres gros bras révélaient que les grands champions ne fonctionnaient pas à l’eau claire — on a sanctionné l’Américain (bien fait pour lui, il est… américain), mais on n’a pas osé pousser la logique jusqu’au bout et destituer les cinquante coureurs arrivés à ses basques (parce que franchement, rayer Armstrong des registres et garder Ullrich…), qui ne fonctionnaient pas non plus à l’eau minérale. Demi-mesure : on aurait dû les décapiter sur les Champs-Elysées, où ils sprintaient en se moquant du pauv’ peuple et des journalistes qui, bien sûr, n’étaient absolument pas au courant de la fable du peloton.
    Pendant que l’on stigmatise le cyclisme, on évite de se poser la moindre question sur le type de carburant que les joueurs de foot s’injectent dans les veines. C’est qu’il y a beaucoup d’argent dans le foot (un cycliste professionnel « ordinaire » gagne à peine plus qu’un prof débutant — autant dire que dalle), et que la vertu sportive exigée est inversement proportionnelle aux sommes en jeu. En vingt ans, on a épinglé un ou deux joueurs de tennis. Aucun golfeur (si, si, on se dope aux béta-bloquants dans les sports de précision), aucun joueur de base-ball, aucun boxeur, aucun…
    Soyons clairs : on savait dès les années 1900 que le Tour demande des efforts inhumains (« Vous êtes des assassins ! », hurlaient les frères Pélissier, qui se chargeaient à l’époque en cocaïne, au témoignage d’Albert Londres, aux organisateurs en 1924 — voir https://fr.wikipedia.org/wiki/Henri_Pélissier). Que personne ne roule à cette allure sur 3500 kilomètres sans composer avec la nature. Qu’aucun sportif, jamais, n’est parvenu au sommet sans passer des arrangements avec les règlements — pas plus les athlètes grecs d’Olympie que les champions d’aujourd’hui.
    Et les guerriers (le sport n’est jamais que de la guerre édulcorée, n’est-ce pas…) n’ont jamais non plus craché sur un petit cordial avant de monter à l’assaut — Douaumont, c’était autre chose que le Galibier ou le Ventoux (eh, lecteur de passage, tu as déjà essayé d’escalader le Ventoux via Bédoin ou Malaucène à la seule force de tes petits mollets de coq en moins de deux heures ? Charly Gaul le faisait en 1958 en une heure et des broutilles, mais en combien de temps l’ont gravi Armstrong et Pantani en 2000…).
    Sans parler des tonnes de Viagra absorbées avant de grimper Madame — ah, mais ça, paraît-il, ce n’est pas de la triche, c’est l’art d’aider la Nature, n’est-ce pas… Pourtant, on devrait l’interdire, si l’on tient compte que l’on meurt aussi bien sur les côtes de la créature qu’en grimpant le Ventoux en 1967.
    Nous sommes entrés dans une ère vertueuse qui me fait gerber. Je ne fume pas, la fumée des autres me gêne parfois, j’ai horreur d’embrasser les cendriers froids, mais j’ai la politesse de ne pas le leur dire. Les envoyer grelotter sur les trottoirs en plein hiver est une vexation immonde. L’ostracisme général lancé en direction des nicotineurs n’est jamais qu’une façon de se dédouaner des bénéfices considérables encaissés par l’Etat — en taxes acquittées et pensions non versées à des fumeurs heureusement décédés, en moyenne, à l’heure du départ à la retraite (si, si, c’est le calcul qui a été fait pour légitimer la perpétuation de la vente : le tabac, qui pour l’essentiel tue après cinquante ans, quand on a déjà l’essentiel de sa carrière derrière soi, rapporte plus qu’il ne coûte en soins médicaux). Assez curieusement, ce sont les substituts de tabac que l’on veut faire interdire aujourd’hui, au nom d’un principe de précaution que l’on n’a jamais imposé ni à Marlboro ni à Gitanes — cherchez l’erreur. Une façon aussi pour les non-fumeurs d’exhiber leur vertu. Ah, comme ils doivent se sentir meilleurs… La santé est l’antichambre de la sainteté.
    Le chantage à la santé explose. Mangez bio (en fait, il y a un gigantesque marché du bio sur lequel se sont lancés les Allemands bien avant nous), roulez à pied (si je puis m’exprimer ainsi), achetez des produits issus du commerce équitable (si vous vous imaginez que les paysans du Chiapas voient la couleur de votre argent, c’est que vous êtes vraiment des bobos gogos), calculez le bilan carbone de chaque produit acheté, et votez EELV — là, c’est le sommet — en jouant avec le PS un tango bien à vous (un pied dedans, un pied dehors). Réduisez le déficit de la Sécu. La vertu écolo parle par impératifs puissamment catégoriques.
    Non que j’aie adopté le slogan de Churchill (« No sport ! ») ni que je consente de bon gré à bouffer de la merde. Mais la vertu décrétée, l’hygiène obligatoire, m’amènent à penser que nous sommes entrés dans un fascisme de la santé par conformité qui me donne une légère nausée. Ces oukases perpétuels sont le plus mauvais héritage de la vertu robespierriste — avec à la clé le même goût pour la terreur. M’étonne guère que Meirieu soit écolo, tiens !
    La vertu n’est pas, contrairement à ce que pensait Montesquieu, la clé du gouvernement républicain — qui n’a jamais été aussi grand qu’avec à sa tête des hommes qui s’embarrassaient peu de morale, voyez Clémenceau ou Roosevelt, ou même Mitterrand, qui ne fut jamais un exemple de vertu, ni privée, ni publique. La vertu est l’outrance de la République. Ce puritanisme est le symptôme des temps de crise. On hait sa famille, comme disait Gide, lorsqu’on entend l’appel du large — mais le large, aujourd’hui, est houleux. Alors, repliement sur la cellule primitive, la grotte, le terrier. L’écolo rêve d’être un lapin. Tous aux abris. Division binaire entre le sain et le malsain, le vertueux et le vicieux, le bien et le mal, le carnivore et le végétarien, le libertin et le curé. Rousseau c’est bien, et Céline est le mal. Capote obligatoire entre pucelles et puceaux, et macrobiotique imposée. Haro sur le steack, à moins qu’il ne soit de soja. L’antispécisme fait des ravages, le végétarisme aussi. On nous menace de cancers divers (pour un peu, les croisés de la santé à tout prix nous les souhaiteraient, pour nous faire les pieds — creuse ta tombe avec tes dents en te délectant d’une entrecôte aimablement persillée, hé, assassin…). On cherche à nous culpabiliser sur le sucre, sur le sel, le fumé, le grillé, — ou la quantité. Riz complet pour tout le monde ! Arrosé au Robinetus Simplex, parce que les alcools élevés en barriques de bois contiennent eux aussi des poisons innommables, et que le bilan carbone des eaux minérales en bouteilles plastiques est lamentable. Et si j’ai envie de regarder les bulles dans mon verre ? Mais non, Perrier ou Dom Pérignon, c’est fou.
    J’ai très envie d’écrire un petit livre qui réhabiliterait la viande, la bidoche, la barbaque, histoire de répondre au No steack d’Aymeric Caron. Un livre qui dirait le plaisir d’écraser entre ses dents les cellules ingénieusement attendries en mûrissoirs, saisies sur des braises adéquates, recouvertes d’une croûte caramélisée voluptueuse (merci à Maillard qui le premier a décrit cette réaction !), gorgées de sang et d’Histoire — car déguster un steack (voir Barthes sur le sujet) renvoie à une chronologie et à une culture bien plus que millénaires. La viande était l’aliment de base des gladiateurs romains, le mets de choix des Grecs qui ne sacrifiaient aux Dieux que l’odeur des festins, tout comme le gigot de pré-salé était le carburant majeur (avec les saumons qui remontaient alors le Couesnon) des ouvriers qui rebâtissaient le Mont Saint-Michel avec Corroyer en 1878.
    Mais le steack, c’est le plaisir, et le plaisir sera macrobiotique ou ne sera pas. D’ailleurs, il vaut mieux qu’il ne soit pas — le plaisir est suspect.
    Une jeunesse nourrie (intentionnellement ?) aux McDo et autres substances molles est la cible de choix de cette culpabilisation systématique. Le mou marque la récession vers l’infantile. Mâcher sera bientôt une activité anachronique : après les dents de sagesse, ce sont désormais les canines qui disparaissent — ou que l’on fait sauter pour que les incisives aient un peu de place dans les mâchoires étroitisées du troisième millénaire.
    Amis de Cro-Magnon et de Néandertal, ressaisissez-vous ! Réclamez le droit à la bidoche, à l’amour sans entraves, au cigare-cognac-Lagavulin ! Réclamez l’érotisme débridé des années 70, le non-conformisme, le droit de ne pas aimer Marc Lévy ni Anna Gavalda ! Battez-vous pour une école élitiste, la seule à fabriquer de l’égalité sur la base des talents, alors que l’égalitarisme est le garant des inégalités de naissance. Aspirez à un président anormal mais efficace ! Prenez le contrepied, allumez des contrefeux, formulez des contre-propositions — et mangez de la vraie viande.

    Jean-Paul Brighelli (Bonnet d'âne, 4 juillet 2013)

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