La Nouvelle Revue d'Histoire est en kiosque (n° 74, septembre - octobre 2014).
Le dossier central est consacré à la Libération et à l’Épuration. On peut y lire, notamment, des articles de François de Lannoy ("La 1ère Armée et la libération de la France" ; "L'épiscopat n'est pas épargné"), de Philippe Parroy ("Le temps des maquisards"), de Jean Kappel ("Les crimes de l'épuration sauvage"), de Max Schiavon ("L'épuration de l'armée. Le drame de l'obéissance") et de Laurent Wetzel ("Les Normaliens durant l'Occupation").
Hors dossier, on pourra lire, en particulier, deux entretiens, l'un avec Emmanuel Le Roy Ladurie ("Une vie avec l'histoire") et l'autre avec Ferenc Toth ("1664. Saint Gothard, une victoire européenne") ainsi que des articles d'Emma Demeester ("Guillaume le Conquérant"), d'Anne Bernet ("Lucien Jerphagnon, toujours présent"), de Rémy Porte ("Septembre 1914, la crise des munitions"), de Arnaud Imatz ("Une Déclaration des droits de l'homme pas très universelle"), de Jean Tulard ("Pourquoi Napoléon a-t-il choisi l'île d'Elbe ? Pourquoi en est-il parti ?") et de Ferenc ("La charte de 1814, condition du retour du roi").
Métapo infos - Page 1204
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Libération et Épuration...
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Le djihad, une chance pour la France ?...
Nous reproduisons ci-dessous un entretien avec François-Bernard Huyghe, cueilli sur Atlantico et consacré à l'impact du djihadisme sur les populations musulmanes en France...
Atlantico : Selon la presse britannique, deux apprentis djihadistes, Yusuf Sarwar et Mohammed Ahmed, ont commandé les livres "L’Islam pour les nuls" et "Le Coran pour les nuls" sur Amazon avant de quitter Birmingham pour aller combattre en Syrie, en mai dernier. Cette attitude n'est-elle pas surprenante venant d'aspirants djihadistes ?
François-Bernard Huyghe : Le profil typique du djihadiste n’existe pas. Il y a aussi bien des djihadistes, issus d’un milieu très musulman, très fondamentaliste, qui fréquentent les madrasas (école théologique musulmane ndlr), et ceux, notamment en Occident, qui subissent des retournements brusques et des conversions très rapides.
Généralement, ceux là ont adopté un comportement "occidental", ils possèdent des voitures, s’habillent comme tout le monde et vont en boîte, ou au contraire, se caractérisent par un parcours complètement chaotique, liée à la délinquance ou à la criminalité.
Il n’est pas étonnant, qu’il y ait de nombreux cas de conversions brusques s’opérant avec un faible niveau doctrinal, dans la mesure où ce que recherchent ces djihadistes néophytes, c'est une occasion d’employer une énergie agressive qui bouillonne en eux ou une rationalisation, la formalisation d’un désir de revanche envers le système qui persécute leurs frères musulmans. Ils ont alors besoin d’action. La justification théologique, quant à elle, viendra toujours après et n’a pas besoin d’être élaborée. Enfin, beaucoup de ceux qui ont envie d’aller faire le dhijad, ne sont pas forcement des intellectuels, qui ont une grande habitude de la lecture, ce qui ne veut pas dire pour autant que les intellectuels ne fassent pas le djihad.
S'agit-il d'un signe de modernité et de massification du djihadisme ?
Il est certain que les technologies modernes, en particulier de communication, facilitent le processus de radicalisation pour ceux qui ont une prédisposition. Dans le cheminement des islamistes passés au djihad, beaucoup racontent comment ils ont assisté à la télévision aux persécutions de leurs "frères" palestiniens, tchétchènes ou sunnites d’Irak.
Au cours de ce processus, leur indignation et leur besoin de vengeance montent en flèche. Ils se rendent aussi sur Internet, où ils fréquentent des forums spécialisés. La radicalisation s’opère très vite. En effet, l’information mondialisée renforce l’identification entre musulmans, les plus radicaux apparaissant alors à leurs yeux comme des héros positifs, qui accomplissent des exploits, qu’il s’agisse de combattants d’Aqmi ou de shebabs somaliens. Ce processus d’identification, de basculement, cette montée de l’hostilité se fait beaucoup plus vite qu’auparavant et il n’y a pas besoin d’apprendre l’arabe littéraire à la bibliothèque ou de réciter le Coran pour en arriver là.
Ce profil est-il courant, que dire de sa progression ?
Oui. Il est difficile d’avoir des statistiques fiables en la matière, mais nous observons de nombreux profils de djihadistes, tout à fait intégrés dans la modernité. Le rap constitue notamment un détail parmi d’autres. Evidemment, tous les rappeurs ne sont pas extrémistes, mais beaucoup de djihadistes ont en commun d’aimer le rap, certains allant même jusqu’à le chanter. Ils aiment la musique très contemporaine, portent des vêtements très branchés et adorent les voitures modernes. Bref, ils ont des profils d’adolescent de chez nous. D’ailleurs, beaucoup de familles sont souvent étonnées de découvrir leurs proches ou leurs enfants passer au djihadisme violent, alors qu’ils voulaient dans le même temps être à la mode pour plaire aux filles, passaient la journée à regarder des clips à la télévision ou à écouter de la musique. Chez les convertis, on retrouve souvent ce genre profils, à l’image de Mohamed Merah, qui avait une petite amie, aimait les bagnoles de sport et allait en boite.
Quelles sont alors les raisons de cette radicalisation et de cet engagement terroriste ?
On sait depuis 20 ans qu’il est impossible de dresser un profil psycho-sociologique type des gens qui passent au terrorisme. Mais il y a quand même des facteurs préférentiels, comme la colère ou le ressentiment, surtout chez les convertis rapides notamment attachés à la cause palestinienne, qui font des raccourcis sur les musulmans oppressés par "l’ennemi sioniste".
Le besoin de gloire joue aussi. Le djihad n’est pas une lutte pour les timides mais pour des jeunes gens qui ont de la vitalité, qui expriment un besoin d’être chef, de dominer les autres, d’avoir du prestige.
Certains passent notamment de la délinquance à l’islamisme, où ils expriment des qualités positives de courage et de prise de risques dans le cadre d’une guerre idéologique. Malgré leur us et coutumes occidentales, ils promeuvent une idéologie anti-occidentale, en adoptant des codes contradictoires et archaïques.
Une identité religieuse affirmée et régulière n’est-elle pas un rempart contre la radicalisation islamiste ?
Ce n’est pas la solution non plus. Evidemment, on peut tenir un discours politiquement correct en disant que la vraie religion éloigne de la violence du dhijad, que s’il y avait de bons imams et une bonne formation religieuse, les jeunes musulmans seraient des citoyens modèles. Hélas, il y a aussi le risque des imams extrémistes, l’initiation musulmane n’étant pas aussi structurée comme celle de l’église catholique. Les exemples extraordinaires en Angleterre de prêcheurs extrémistes, sont à ce propos particulièrement frappants. Vous pouvez ainsi aussi bien vous radicaliser tout seul devant votre ordinateur qu’en allant avec des "frères" à la mosquée où vous rencontrerez un prêcheur qui a beaucoup de prestige, surtout s’il a été en Afghanistan. S’il vaut mieux que les jeunes musulmans aient une formation religieuse sérieuse, en aucun cas, cela n’est une garantie contre les dérives islamistes.
Ces nouveaux profils augmentent-ils le degré la de la menace et rendent-ils la lutte anti-terroriste dans les pays occidentaux plus difficile ?
Oui, bien sûr. Parce que s’ils se mettent à se faire pousser la barbe, à porter la djellabah et à fréquenter des mosquées islamistes, il est relativement facile pour la police de mettre de caméras au bout de la rue, d’essayer d’infiltrer et d’avoir des indicateurs, de repérer les éléments radicaux et de les filer. Concernant ces conversion très rapides, je ne crois pas en revanche au loup solitaire complet, ce gars qui devant son écran pète un plomb un jour et se s’en va mourir pour le djihad afin de conquérir sa place au paradis. Quand vous vous battez, vous avez le plus souvent des camarades et des soutiens. Il vous faut au moins des complices pour fournir les armes et pour vous encourager. On parle alors du "djihad des copains", où des petits groupes pas du tout structurés peuvent pendre des initiatives, commencent à s’auto-exciter, à se former en cellules autonomes et à passer très vite à l’action violente.
D’autant plus que les basculements sont brusques et les milieux d’incubation plus restreints. Par définition, ils sont donc plus difficiles à détecter. Souvent, la famille et l’environnement social ne repèrent même pas les changements. Vous avez ceux qui en font des tonnes, qui portent des t-shirt Ben Laden, qui hurlent des versets du Coran pour que tout le monde soit au courant, et ceux qui ne vont pas apparemment changer leur mode de vie ou tenir un discours religieux et moralisateur à leur entourage ou leurs amis. Ce sont des profils psychologiques un peu schizophrènes entre un monde de la modernité et de la consommation, et un monde de la mystique et de la conversion. En tout cas ils sont beaucoup moins repérables pour les autorités.
François-Bernard Huyghe (Atlantico, 26 août 2014)
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Un gouvernement libéral-libertaire...
Vous pouvez découvrir ci-dessous, pour la rentrée, une chronique percutante d'Éric Zemmour, datée du 28 août 2014 et consacrée au nouveau gouvernement, et à ses deux "vedettes", le libéral Emmanuel Macron et la libertaire Najat Vallaud-Belkacem...
Éric Zemmour : "Macron et Vallaud-Belkacem font... par rtl-fr -
Dominique Venner - Une pensée, une œuvre, un destin... (9)
Vous pouvez découvrir ci-dessous le deuxième volet d'un long entretien avec Dominique Venner, réalisé par Philippe Conrad, Philippe Milliau et Jean-Yves Le Gallou entre le 27 et le 28 février 2013.
Dans cette partie, Dominique Venner évoque avec Jean-Yves Le Gallou le danger mortel de l'immigration de peuplement, le caractère criminel des "élites" dirigeantes actuelles, le repoussoir de l'Union européenne, la nécessité d'une autre Europe, l'absence d'une religion identitaire européenne et l'éventuelle européanisation du christianisme, le réveil de la mémoire identitaire au travers de l'art, l'exemple du tableau de Dürer, Le Chevalier, la Mort et le Diable... Il évoque également le sacrifice comme instrument pour éveiller les consciences et authentifier les paroles...
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Défier le récit des puissants !...
« L'art peut servir de détonateur, être l'étincelle qui met le feu aux poudres.»
Les éditions Indigène viennent de publier un court livre de Ken Loach intitulé Défier le récit des puissants et consacré à sa pratique du cinéma. Cinéaste engagé, Ken Loach est l'auteur , notamment, de films marquant comme Hidden Agenda (1990), Raining stones (1993), Land and Freedom (1995), Sweet sixteen (2002), Le vent se lève (2006), Looking for Eric (2009).
" Nous voici au coeur de la résistance et de la création tout à la fois.
Défier le récit des puissants, c’est défier ces films « parfaits » formatés par Hollywood, faisant de nous des citoyens passifs, dociles, sans esprit critique. Car il y a bel et bien une esthétique de la soumission. En revanche, y a-t-il une esthétique de la résistance ? Ken Loach répond « oui ».
Mais soyons clairs. S’il est un des rares aujourd’hui à assurer que la lutte des classes est toujours aussi vivante, il ne cède jamais pour autant à la propagande. Il dit : « Je ne filme jamais un visage en gros plan ; car c’est une image ostile, elle réduit l’acteur, le personnage à un objet. » Or on peut faire ce qu’on veut d’un objet, l’exclure, l’expulser… Mais si la caméra est comme un œil humain, alors elle capte toutes les présences, les émotions, les lumières, les fragilités. Et nous devenons tous des « film makers ». " -
Ukraine : le dessous des cartes...
Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par le journaliste Jean-Michel Quatrepoint au Figaro et consacré aux dessous de la crise ukrainienne. Jean-Michel Quatrepoint a récemment publié un essai intitulé Le Choc des empires. Etats-Unis, Chine, Allemagne: qui dominera l'économie-monde? (Le Débat, Gallimard, 2014).
Le président américain Barack Obama et le président ukrainien Petro Porochenko
Ukraine, Poutine, Obama, Merkel : le dessous des cartes
FigaroVox: Dans votre livre, Le choc des Empires, vous décriviez l'affrontement entre les Etats-Unis, le Chine et l'Allemagne. La situation en Ukraine ne rappelle-t-elle pas davantage la guerre froide?
Jean-Michel QUATREPOINT: En réalité, on assiste à un choc entre deux blocs: d'un côté, l'Amérique qui veut enrôler l'Europe sous sa bannière, et de l'autre, la Chine et la Russie qui de facto se rapprochent ne serait-ce que parce que les Américains mènent à leur encontre une politique de «containment» depuis 2010. Les Américains veulent imposer leur modèle économique et idéologique: le libre-échange et les droits de l'Homme. Le parti au pouvoir en Chine et les Russes ne veulent pas de ce modèle. Dans ce contexte l'Europe, notamment l'Allemagne, est prise en sandwich. Angela Merkel doit choisir et penche plutôt pour le moment pour les Etats-Unis. Cela signifie qu'à terme, tout le développement qu'elle pouvait espérer grâce à la Russie, va devoir être passé par pertes et profits. De la même façon, tous les projets d'investissement sur les transports , notamment la nouvelle route de la soie ferroviaire entre la Chine et l'Europe via la Russie, risquent d'être remis en cause. Si l'escalade des sanctions se poursuit, les Russes pourraient interdire le survol de la Sibérie pour toutes les compagnies aériennes avec pour conséquence une augmentation des coûts exponentielle et in fine l'affaiblissement économique puis politique de l'Europe. La légère récession qu'a connue l'Allemagne au troisième trimestre est un premier signal alors même que les effets du boycott russe ne se sont pas encore fait sentir.
En quoi les enjeux politiques et économiques s'entremêlent-t-ils?
Aujourd'hui, l'investissement en Allemagne chute pour trois raison. D'abord à cause du coût de l'énergie. L'abandon du nucléaire coûte une fortune au pays et le rend dépendant du gaz russe. Deuxièmement, le coût de la main d'œuvre n'est plus aussi bas qu'il ne l'était, notamment avec la mise en place du smic et troisièmement l'Euro est surévalué par rapport au dollar. En conséquence, les industriels quittent l'Europe et préfèrent investir aux Etats-Unis qui redémarrent économiquement grâce à leur énergie à bas coût (gaz et pétrole de schiste) et sa main d'œuvre meilleur marché. L'Europe en stagnation est dans la situation du Japon dans les années 90-2000. Sa balance commerciale reste excédentaire grâce à l'Allemagne, mais elle vieillit et ne se développe plus. Cela signifie que nous allons perdre notre pouvoir sur la scène internationale.
Dans ce contexte, les sanctions contre la Russie constitue-t-elle une erreur stratégique?
Oui, ces sanctions sont contre-productives. Malheureusement, la plupart des pays européens à commencer par les pays de l'Est, préfèrent les Etats-Unis à la Russie. La Pologne, les pays Baltes et la République Tchèque sont viscéralement antirusses et joueront toujours le jeu des Américains car le souvenir de l'occupation par les troupes soviétiques y est encore prégnant. L'Allemagne, elle, est écartelée et tout l'objectif des Américains est de la détacher de la Russie. L'axe entre Paris-Berlin et Moscou pour s'opposer à la guerre en Irak en 2003 est resté dans la mémoire du département d'Etat américain. Les dirigeants américains ont donc décidé de punir la Russie et de ramener l'Allemagne dans leur giron. C'est tout le but du traité transatlantique qui est en fait une grande alliance germano-américaine.
La France, qui a une tradition de non-alignée, peut-elle jouer un rôle?
La SFIO n'a malheureusement jamais eu une tradition de non-alignée. La comparaison entre François Hollande et Guy Mollet est cruelle, mais pas dénuée de fondement. Il y a une vocation européano-atlantiste qui est dans les gènes du Parti socialiste. On peut d'ailleurs également déplorer l'abandon de la politique arabe de la France: non que les Israéliens aient toujours tort, mais on ne peut pas les laisser faire n'importe quoi.
Iriez-vous jusqu'à parler de tournant néo-conservateur de la politique étrangère française?
Oui, ce tournant a d'abord été pris par Alain Juppé lorsqu'il était au quai d'Orsay. Les diplomates français mènent désormais une politique de court terme. Lors des Printemps arabe, jouant aux apprentis sorciers, la France a réagi sur l'instant en se félicitant de la chute des dictateurs, mais sans en mesurer les conséquences, notamment l'arrivée au pouvoir des islamistes qui ont totalement déstabilisé la région. On a également oublié que les régimes autocrates, qui étaient en place, protégeaient les minorités chrétiennes. Pour un chrétien, il valait mieux vivre sous Saddam Hussein qu'aujourd'hui sous le régime chiite. De la première guerre d'Irak de 1991 jusqu'à la guerre en Libye de 2011, les pays occidentaux ont semé le chaos. Certes les dirigeants en place au Moyen-Orient n'étaient pas recommandables, mais au moins ces pays n'étaient pas des champs de ruines. On ne déclenche plus de guerre mondiale, mais on déclenche des guerres civiles avec des centaines de milliers de morts.
Jean-Michel Quatrepoint (Figarovox, 23 août 2014)