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totalitarisme - Page 2

  • Le wokisme, un fanatisme diversitaire et anti-blanc assumé...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un entretien donné par Mathieu Bock-Côté à Régis le Sommier sur Omerta, dans lequel il évoque l'actualité à l'occasion de la sortie de son essai Le Totalitarisme sans le goulag  (Presses de la Cité, 2023).

     

                                              

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  • Le Totalitarisme sans le goulag...

    Les éditions des Presses de la Cité viennent de publier le nouvel essai de Mathieu Bock-Côté intitulé Le Totalitarisme sans le goulag. Québécois, Mathieu Bock-Côté est sociologue et chroniqueur et est déjà l'auteur de plusieurs essais comme Le multiculturalisme comme religion politique (Cerf, 2016), Le nouveau régime (Boréal, 2017) ou L'empire du politiquement correct (Cerf, 2019).

     

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    « Les Occidentaux ont voulu se faire croire après la chute du communisme que l'histoire du totalitarisme était derrière eux, qu'elle ne les concernait plus. Au pire redoutaient-ils l'apparition d'un totalitarisme doux, à visage humain, mais ils ne le croyaient pas vraiment, ne le prenaient pas au sérieux. Et pourtant, le totalitarisme revient. Dans l'incrédulité générale, puisqu'il revient sans goulag, car il n'en a plus besoin. Et il revient sous une forme paradoxale.
    Nos sociétés veulent croire que ce qu'elles appellent "l'extrême-droite" les menace existentiellement, comme si elle sortait des enfers pour les y ramener avec elle.
    Cette catégorie politique fantomatique, in définissable, manipulée et instrumentalisée, sert essentiellement à étiqueter tous ceux qui s'opposent au régime diversitaire. Mais pas seulement : toute personnalité de gauche n'adhérant pas à la doxa ambiante est désormais frappée de cette marque de l'infamie.
    La lutte contre la prétendue "extrême-droite" justifie aujourd'hui une suspension progressive des libertés, le retour de mécanismes d'ostracisme et un contrôle social croissant, prétendant éradiquer le mal du cœur de l'homme. En d'autres mots, ce n'est pas "l'extrême-droite" qui nous menace, mais la lutte contre "l'extrême-droite" qui nous conduit au totalitarisme. Je sais cette thèse contre-intuitive. Je me donne la mission ici de la démontrer. »
    Mathieu Bock-Côté

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  • Dénonciation, collusion et diffamation publique en Allemagne : vers une nouvelle “RDA” ?

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de David Engels cueilli sur le site de Valeurs actuelles dans lequel il attire notre attention sur la politique liberticide qui se renforce en Allemagne sous l'égide de la coalition dirigée par le SPD.

     

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    Dénonciation, collusion et diffamation publique en Allemagne : vers une nouvelle “RDA” ?

    Deux exemples récents d’une importance similaire : l’imposition à l’échelle nationale d’un système de dénonciation honteux, et le scandale actuel concernant une ministre de l’Intérieur qui utilise ses propres services secrets ainsi que les médias publics pour discréditer l’un de ses plus proches collaborateurs — deux événements qui, s’ils s’étaient produits en Pologne ou en Hongrie, auraient suscité un tollé général sur la fin de “l’État de droit” — et des mesures politiques sérieuses de la part de la Commission européenne.

    L’appui public à la dénonciation politique

    Tout d’abord, le système de dénonciation. La nouvelle Hinweisgeberschutzgesetz — la “loi sur la protection des informateurs”, votée le 2 juillet 2023 — oblige toutes les entreprises de plus de 49 salariés à créer une Meldestelle (“cellule de dénonciation”), conduisant ainsi à la création ex nihilo d’un total de 90 000 (!) cellules de ce type dans le secteur privé et de plusieurs milliers d’autres pour la sphère publique. Les entreprises refusant de participer à cette initiative devront payer une amende pouvant aller jusqu’à 20 000 euros. L’objectif de ces cellules de dénonciation est de recevoir, d’évaluer et de transférer toutes les formes de dénonciation émanant d’employés ou même de personnes étrangères et de lancer des enquêtes appropriées. Les informations pertinentes doivent ensuite être transférées à l’État, où un décret publié le 11 août 2023 a mis en place un nouveau service central de dénonciation avec 22 employés et un budget de 5 millions d’euros par an — pour le début… À partir de 2024, ils pourront également utiliser un logiciel spécialement créé pour permettre la communication immédiate entre le nouveau service et les informateurs anonymes souhaitant entrer en contact direct avec l’État.

     Cette mesure est le résultat d’une nouvelle loi européenne sur la protection des “lanceurs d’alerte”, transformée par le gouvernement allemand en un programme proactif de facilitation des dénonciations politiques. En effet, au lieu de cibler uniquement les communications relatives à des crimes concrets et matériels, les cellules de dénonciation allemandes doivent également recevoir, évaluer et transmettre les formes d’allégations les plus variées, incluant expressément les soupçons de manque de “loyauté envers la constitution” (Verfassungstreue) et autorisant la violation délibérée du secret fiscal ou social. Il va sans dire que la loi oblige les nouvelles cellules à prendre au sérieux les dénonciations même anonymes. Qui plus est, la loi précise que les dénonciateurs, même s’il est prouvé qu’ils ont tort, bénéficieront d’une protection juridique spéciale contre le licenciement, ce qui constitue une incitation supplémentaire à exercer leur prérogative douteuse.

    Malheureusement, cette récente systématisation de la dénonciation publique, inédite depuis la fin de la République démocratique allemande, n’est que le dernier élément, bien que le plus important, d’une longue série d’événements similaires : depuis des années, des dizaines d’“applications d’information” les plus diverses ont été créées dans tout le pays afin de permettre la dénonciation de “crimes de haine” présumés ou d’actes de “délégitimation de l’État” (constituant désormais une accusation pénale grave en Allemagne). Rien que cette année-ci, la ville de Berlin a dépensé 830 000 euros pour subventionner une seule application permettant de signaler aux institutions publiques les formes les plus diverses de crime de pensée. Sans surprise, ces initiatives émanent presque exclusivement de la gauche politique et sont souvent étroitement liées aux nombreuses ONG censées “défendre la démocratie” dans sa “lutte contre la droite” (“Kampf gegen Rechts”), généralement financées directement ou indirectement par des fonds publics avec un budget en constante augmentation — le tout sous la supervision énergique de la ministre de l’Intérieur, Nancy Faeser (SPD).

    L’instrumentalisation des médias publics et des services secrets par la ministre de l’Intérieur

    Deuxièmement, examinons le dernier scandale en date autour de la ministre de l’Intérieur, Nancy Faeser (SPD). Faeser est connue pour considérer la “lutte contre la droite” comme l’objectif principal de son ministère, et parmi d’innombrables autres mesures contre toutes les formes de conservatisme, elle a été responsable l’année dernière de l’autorisation de démettre des fonctionnaires de leurs postes sur base du seul soupçon de convictions ou de comportements “anticonstitutionnels” : dans un renversement choquant du fondement même de l’État de droit, c’est désormais à l’accusé de prouver son innocence, s’il ne veut pas voir son existence matérielle détruite.

    Aujourd’hui, le limogeage par Mme Faeser du précédent responsable de la cybersécurité du ministère, Arne Schönbohm, lui revient en pleine figure, alors que de nouvelles preuves presque incroyables d’une collusion généralisée entre les intrigues politiques, le ministère, la télévision publique et les services secrets ont été révélées. En 2022, Arne Schönbohm avait été accusé, lors d’une émission satirique produite par la ZDF (la deuxième chaîne de télévision publique allemande), d’entretenir des relations douteuses avec certaines entreprises russes spécialisées dans la cybersécurité, et avait été immédiatement limogé par Mme Faeser. Toutefois, aucune de ces accusations n’avait pu être confirmée par la suite, mais peu importe : M. Schönbohm n’a jamais retrouvé son emploi précédent, mais a été rétrogradé à un autre poste beaucoup moins influent.

    Aujourd’hui, de nouveaux documents montrent que, même plusieurs mois après l’affaire, Faeser avait chargé le Verfassungsschutz (le service secret intérieur allemand) de rechercher partout des éléments susceptibles d’incriminer Schönbohm ; et bien que les experts en charge n’aient pu trouver aucune preuve, elle leur a ordonné de poursuivre leur enquête et de lui faire rapport. De plus, il y a même de forts soupçons que les premières accusations, non prouvées, portées par l’émission télévisée de la ZDF aient été formulées par la ministre elle-même et transmises à la chaîne publique par le biais de contacts informels entre les collaborateurs de Faeser et le journaliste chargé de l’émission satirique en question, Jan Böhmermann (connu depuis des années pour ses attaques enragées contre tous les opposants de la gauche politique et jouissant de la plus haute estime de la part du gouvernement en place).

    Le 5 septembre 2023, Mme Faeser a annulé sa présence à une audition devant une commission parlementaire pour des “raisons de santé” (tout en étant présente pour une séance photo) ; le 7 septembre, elle a refusé d’être présente à une deuxième audition, proposant d’envoyer l’un de ses collaborateurs. Son parti, les sociaux-démocrates allemands du chancelier Scholz, rejette toutes les accusations et tente actuellement de déplacer toutes les futures auditions parlementaires au mois d’octobre — juste après les élections dans le Bundesland allemand de Hessen, où Nancy Faeser est la candidate principale de son parti…

    Comment encore prendre au sérieux une ministre de l’Intérieur mettant en place un système de dénonciation inouï depuis la chute du communisme tout en semblant elle-même enfoncée jusqu’au cou dans une instrumentalisation peu ragoûtante de ses compétences ? Et que penser d’un gouvernement qui, au lieu de la limoger sur le champ, fait la sourde oreille tout en s’érigeant, en Europe, en arbitre de la rectitude démocratique ?

    David Engels (Valeurs actuelles, 8 septembre 2023)

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  • Démographie, immigration, totalitarisme... : un tour d’horizon avec Alain de Benoist

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Alain de Benoist à Paul-Marie Coûteaux, pour la revue Le nouveau Conservateur, cueilli sur le site de la revue Éléments.

    Philosophe et essayiste, directeur des revues Nouvelle École et Krisis, Alain de Benoist a récemment publié Le moment populiste (Pierre-Guillaume de Roux, 2017), Contre le libéralisme (Rocher, 2019),  La chape de plomb (La Nouvelle Librairie, 2020),  La place de l'homme dans la nature (La Nouvelle Librairie, 2020), La puissance et la foi - Essais de théologie politique (La Nouvelle Librairie, 2021), L'homme qui n'avait pas de père - Le dossier Jésus (Krisis, 2021) et, dernièrement, L'exil intérieur (La Nouvelle Librairie, 2022).

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    « Tout projet qui vise à imposer une pensée unique est totalitaire »

    LE NOUVEAU CONSERVATEUR : Alain de Benoist, n’êtes-vous pas alarmé par ce chiffre que donne le démographe Illyès Zouari : le nombre des décès, au sein de l’UE, a dépassé celui des naissances de 1,231 million en 2021 ? Reprendriez l’expression qu’il emploie d’« autogénocide » de l’Europe ?

    ALAIN DE BENOIST. Non, je ne reprendrais pas ce terme, parce que je le trouve à la fois excessif et inutilement polémique. Le mot « suicide » aurait sans été plus raisonnable, même si je crois qu’il ne correspond pas non plus exactement à la réalité. D’une façon plus générale, je ne pense pas qu’il faille raisonner sous l’horizon de l’apocalyptisme, que ce soit en matière écologique ou démographique. La démographie est une discipline dans laquelle il est notoirement impossible de faire des prédictions à long terme : dire qu’au rythme actuel nous allons bientôt disparaître n’a guère de sens puisque nous ignorons si ce rythme va se maintenir (et jusqu’à quand).

    Je suis par ailleurs, comme Renaud Camus, de ceux qui estiment qu’un espace fini comme notre planète ne peut pas accueillir une masse infinie de population. Olivier Rey a bien montré dans ses ouvrages, d’inspiration profondément conservatrice, que toute augmentation de quantité entraîne, une fois passé un certain seuil, un sauf qualitatif qui transforme la nature des phénomènes. C’est la raison pour laquelle la surpopulation a pour effet d’aggraver tous les problèmes que nous connaissons. Il nous a fallu 200 000 ans pour arriver à 1 milliard de bipèdes sur la planète, puis 200 ans seulement pour arriver à 7 milliards. Nous venons maintenant de passer le cap des huit milliards, et nous pourrions être à 11 milliards à la fin de ce siècle, ce qui veut dire que la population mondiale augmente en moyenne d’un milliard de personnes tous les 12 ans Je n’ai personnellement pas envie de vivre dans des villes de 50 ou 60 millions d’habitants…

    Quand une population moins nombreuse succède à une population plus nombreuse, il est inévitable que le nombre des décès l’emporte à un moment ou à un autre sur le nombre des naissances. Cette détérioration de la pyramide des âges est par définition transitoire. La France de 1780, avec ses 27 millions d’habitants (dont la majorité ne parlaient pas le français) se portait beaucoup mieux que la France actuelle avec ses 65 millions d’habitants. J’ajoute que, contrairement à une idée reçue, la baisse de la fécondité ne s’explique pas fondamentalement par la contraception ni même par l’avortement, mais par deux phénomènes essentiels dont on parle trop peu, à savoir la fin du monde paysan (dans lequel une forte descendance était indispensable au maintien des lignées sur leurs terres) et l’entrée massive des femmes sur le marché du travail (qui a considérablement retardé l’âge de la femme à la naissance du premier enfant). S’y ajoutent d’autres facteurs : les effets d’une mentalité hédoniste portée à juger que les enfants coûtent trop cher, les problèmes de logement en milieu urbain (plus de la moitié de la population mondiale vit désormais dans les grandes métropoles, et d’ici 2050 ce sera le cas des deux tiers).

    Il reste, cela dit, deux sujets réels de préoccupation : d’abord le fait que la part des naissances extra-européennes en Europe augmente régulièrement au détriment des naissances « de souche », ce qui induit une transformation du stock génétique de la population, ensuite le différentiel de croissance démographique entre les différences parties du monde : la population de l’Afrique subsaharienne devrait bondir à elle seule de 100 millions d’habitants à 1900 à 3 ou 4 milliards à la fin du siècle, ce qui ne manquera évidemment pas d’avoir des conséquences auxquelles nous sommes très mal armés pour faire face.

    LE NOUVEAU CONSERVATEUR : Voici un siècle paraissait le livre d’Oswald Spengler « Le déclin de l’Occident ». Dans « Mémoire vive », série d’entretiens avec François Bousquet où vous retracez votre itinéraire intellectuel, on comprend que Spengler a exercé sur vous une grande influence. Qu’en diriez-vous aujourd’hui ? Et pour commencer, avalisez-vous le terme d’« Occident » ? Ne pensez-vous pas que parler du déclin de l’Europe serait plus approprié ?

    ALAIN DE BENOIST. Dans son livre, qui lui a valu une renommée mondiale, Spengler proposait une conception de l’histoire allant exactement à rebours d’une idéologie du progrès pour laquelle l’avenir ne peut être que meilleur que le présent et le passé (ce dont il se déduit que le passé n’a rien à nous dire). Pour Spengler, les cultures sont des organismes collectifs qui, comme tous les organismes, naissent, se développent, atteignent leur apogée, vieillissent et disparaissent. Après quoi Spengler établissait un parallèle morphologique entre les dix ou douze grandes cultures de l’humanité, pour démontrer qu’elles ont toutes illustré ce schéma. Ce travail a évidemment été très mal accueilli dans les milieux progressistes, mais aussi dans les milieux libéraux qui, ignorant la mise en garde de Paul Valéry, s’imaginent que certaines civilisations peuvent être éternelles.

    Le terme d’« Occident » était en effet équivoque. Vous le savez, le mot a une longue histoire. Aujourd’hui, il tend à désigner un bloc qui, pour l’essentiel, associerait les États-Unis d’Amérique et les Européens. Cette façon de voir me paraît un non-sens géopolitique. L’Amérique, comme l’Angleterre avant elle, est une puissance de la Mer, tandis que l’Europe, avec ses prolongements eurasiatiques, représente la puissance de la Terre. Carl Schmitt résumait l’histoire à une lutte séculaire entre les puissances maritimes et les puissances telluriques et continentales. Que les intérêts américains et les intérêts européens (et, au-delà, leurs idéologies fondatrices respectives) soient fondamentalement les mêmes est une absurdité dont le spectacle des dernières décennies devrait nous convaincre. On en a encore eu un bon exemple avec la façon dont, dans l’affaire ukrainienne, l’Union européenne a adopté sur pression des États-Unis des sanctions contre la Russie dont les Européens seront les premières victimes.

    LE NOUVEAU CONSERVATEUR : En Allemagne, la vie intellectuelle, voici un siècle, a été marquée par ce qu’on a appelé la « Révolution Conservatrice ». Pensez-vous qu’elle pourrait inspirer aujourd’hui une nouvelle conception du réflexe conservateur qui est avant tout une protestation du monde ancien, de nature humaniste, comme vous l’avez dit sur Radio Courtoisie, face au totalitarisme ?

    ALAIN DE BENOIST. Pourquoi pas, mais à condition d’en faire un examen attentif. Ce qu’on a appelé « Révolution Conservatrice » (l’expression est d’Armin Mohler et date du tout début des années 1950) désigne une vaste mouvance comprenant plusieurs centaines d’auteurs, de groupements politiques et de revues théoriques, qui ont joué en Allemagne un rôle très important entre 1918 et 1932. Cette tendance comprenait des tendances différentes, les quatre principales étant les jeunes-conservateurs, les nationaux-révolutionnaires, les Völkische et les Bündische. Tous ne présentent évidemment pas le même intérêt. En outre, dans le syntagme « Révolution Conservatrice », il ne faut pas oublier que le mot « Révolution » et tout aussi important que l’adjectif « Conservatrice ». Les révolutionnaires conservateurs sont des penseurs ou des acteurs politiques (Spengler, Carl Schmitt, Arthur Moeller van den Bruck, Othmar Spann, Albrecht Erich Günther, Ernst Jünger, Arthur Mahraun, etc.) qui considèrent, à l’encontre du conservatisme du XIXe siècle, que dans les conditions présentes, seule une révolution peut permettre de conserver ce qui mérite de l’être. Leur idée fondamentale est que le conservatisme ne doit pas chercher à préserver le passé, mais à maintenir ce qui est éternel. On pourrait dire aussi : entretenir la flamme et non conserver les cendres.

    LE NOUVEAU CONSERVATEUR : Dans « Communisme et nazisme », ouvrage que vous avez publié en 1998 et qui était sous-titré « 25 réflexions sur le totalitarisme au XXe siècle, de 1917 à 1989 », vous dressiez une liste impressionnante de similitudes entre les deux totalitarismes qui ont pour ainsi dire cohabité au XXe siècle, en comparant notamment ce qu’était la classe pour le communisme à ce que fut la race pour le nazisme : deux catégories à éliminer physiquement (Staline : « Les koulaks ne sont pas des êtres humains, la haine de classe doit être cultivée par les répulsions organiques à l’égard des êtres inférieurs. ») Dans les deux cas, ces totalitarismes du siècle dernier n’ont-ils pas cédé à l’illusion progressiste selon laquelle il était possible, en éliminant les êtres inférieurs, de créer un homme nouveau ? N’est-ce pas aujourd’hui encore le même délire visant à créer par la technique une nouvelle race d’hommes ?

    ALAIN DE BENOIST. La thématique rupturaliste de l’« homme nouveau » remonte à saint Paul, mais celui-ci ne lui donnait évidemment pas le même sens que les grands totalitarismes modernes, ni non plus celui des tenants du « transhumanisme » contemporain. Ce qui est vrai, en revanche, c’est que dans tous les cas cette thématique tend à justifier des mesures d’élimination de ceux que l’on regarde, soit comme inférieurs, soit tout simplement comme « des hommes en trop » (Claude Lefort), à l’exception de ceux qui acceptent de se convertir à la nouvelle doxa dominante. Aujourd’hui, l’homme nouveau dont on nous annonce l’avènement est avant tout un homme « augmenté » par le moyen des technologies nouvelles – mais dont on a toute raison de penser (je renvoie à nouveau aux écrits d’Olivier Rey) qu’il s’agira en réalité d’un homme diminué. La cancel culture, le « wokisme », la théorie du genre contribuent à cette poussée qui semble annoncer une véritable mutation anthropologique, face à laquelle l’action politique sera, je le crains, parfaitement impuissante.

    LE NOUVEAU CONSERVATEUR : Vous introduisiez le même ouvrage (« Communisme et nazisme ») par une citation d’Alain Finkielkraut : « Naguère aveugle au totalitarisme, la pensée est maintenant aveuglée par lui. » Ne sommes-nous pas entrés, sans toujours nous en apercevoir, dans une nouvelle ère totalitaire ?

    ALAIN DE BENOIST. Sans doute, mais encore faut-il ne pas céder à une certaine tendance actuelle, que l’on rencontre surtout à droite, qui consiste à voir de façon polémique du « totalitarisme » partout. Il faut de la rigueur pour manier les mots qui ont trop servi. Je m’en tiendrai pour ma part à une observation simple. On a trop fait l’erreur de définir le totalitarisme par les moyens auxquels ont eu recours les grands totalitarismes historiques (censure, parti unique, arrestations arbitraires, déportations, Goulag, camps de concentration, etc.), sans s’interroger outre-mesure sur les fins. Or les moyens totalitaires n’usaient de ces moyens qu’en vue d’une fin bien précise : l’alignement (la Gleichschaltung), la suppression des façons de penser dissidentes, l’éradication de toute pensée qui s’écartait de l’idéologie dominante. Le totalitarisme, en d’autres termes, était dans la fin beaucoup plus encore que dans les moyens Une fois qu’on a compris cela, on ne peut que constater que les sociétés libérales contemporaines visent exactement le même but, mais avec des moyens différents – des moyens moins brutaux, voire de nature à plaire et à séduire, qui vont de pair avec la mise en place d’une surveillance de contrôle et de surveillance d’une ampleur (et d’une efficacité) jamais vue. Cela s’appelle la pensée unique, et tout projet qui vise à imposer une pensée unique est totalitaire. D’où ma méfiance vis-à-vis de l’Unique, auquel j’ai coutume d’opposer ce que Max Weber appelait le « polythéisme des valeurs ».

    Alain de Benoist, propos recueillis par Paul-Marie Coûteaux (Site de la revue Éléments, 17 janvier 2023)

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  • Les convergences liberticides...

    Les éditions L'Harmattan ont publié récemment un essai de Jure Georges Vujic intitulé Les convergences liberticides - Essai sur les totalitarismes bienveillants.

    Avocat franco-croate, directeur de l’Institut de géopolitique et de recherches stratégiques de Zagreb, Jure Georges Vujic est l'auteur de plusieurs essais, dont Un ailleurs européen (Avatar, 2011) et  Nous n'attendrons plus les barbares - Culture et résistance au XXIème siècle (Kontre Kulture, 2015).

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    " C'est au nom d'une promesse d'un futur post-covidien plus sécurisé, sous les traits du nouveau progrès numérique, « du bien-être », de « la santé et la sécurité pour tous », que se maillent les trames complexes de nouveaux totalitarismes bienveillants, de nouvelles stratégies de manipulation et de soumission, de contrôle absolu, à la fois moralisatrices et liberticides. La crise globale agit en tant que facteur disruptif et dessine les contours de notre nouvel ordre mondial et social, avec la convergence de plusieurs matrices totalitaires. Cette convergence est à la fois épistémique, bio-numérique (technologies de traçage et de contrôle social), bio-politique (dressage des corps et des populations) et sécuritaire (politiques de peur, politiques de surveillance globale). Avec cette convergence de matrices totalitaires bienveillantes qui asphyxie l'espace de nos libertés privées et publiques fondamentales, nous assistons au fusionnement des technologies numériques et des systèmes biologiques, une innovation qui constitue une véritable révolution anthropologique qui bouleversera en profondeur notre rapport au monde."

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  • Le vestiaire des totalitarismes...

    Les éditions du CNRS viennent de publier un  ouvrage dirigé par Bernard Bruneteau et François Hourmant et intitulé Le vestiaire des totalitarismes.

    Historien des idées, professeur émérite de science politique à l’université de Rennes, Bernard Bruneteau est un spécialiste reconnu des totalitarismes et a notamment publié  Le Totalitarisme : origines d’un concept, genèse d’un débat 1930-1942 (Cerf, 2010), Les « collabos » de l'Europe nouvelle (Cerf, 2016) et Le bonheur totalitaire - La Russie stalinienne et l'Allemagne hitlérienne en miroir (CNRS, 2022).  Professeur des universités en science politique, spécialiste d'histoire contemporaine, François Hourmant a notamment publié Les Années Mao en France (Odile Jacob, 2018).

     

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    " Camicera nera des fascistes italiens ou chemises brunes des nazis, veste Mao ou béret étoilé du Che, foulard rouge des Komsomols en URSS ou bleu des Pionniers en RDA, krâma cambodgien : tous ces vêtements sont emblématiques des totalitarismes du XXe siècle. Symboles politiques, ils ont convoqué des imaginaires et véhiculé des idéologies.
    L'attention souvent scrupuleuse portée par les différents régimes – fascistes ou communistes – à la codification et à l'uniformisation des apparences invite à explorer toutes les facettes de ce langage du pouvoir.
    Témoin et instrument d'une volonté prométhéenne d'emprise et de contrôle, signe d'appartenance et de solidarité mais aussi de hiérarchie et de soumission, d'assujettissement et d'exclusion, le vestiaire a permis d'encadrer toutes les sphères de la vie sociale, d'exalter les valeurs et idéaux politiques, de donner à voir une communauté unie derrière son chef.
    Comment les populations ont-elles vécu l'obligation de porter telle ou telle pièce d'étoffe ? Quels furent les effets réels du port de ces vêtements ? Autant de questions permettant de comprendre davantage les processus d'embrigadement et d'oppression des populations, ainsi que leurs limites."

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