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système - Page 22

  • Les dissidents du XXIe siècle ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Michel Geoffroy, cueilli sur Polémia et consacré au nouvelles formes de dissidence en ce début de XXIe siècle...

     

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    France / Occident : les dissidents du XXIe siècle

    Honneur aux dissidents

    Les dissidents soviétiques avaient bonne presse en Occident dans les années 1970, car ils permettaient d’attaquer l’URSS sur les droits de l’homme – dont l’idéologie commençait à prendre sa forme moderne – et en particulier sur le droit d’émigrer (déjà…). Ils révélaient aussi la réalité cachée du communisme, même si en fait on savait déjà tout depuis Victor Kravtchenko (J’ai choisi la liberté, 1946) et même bien avant.

    On se souvient notamment de V. Boukovski, d’A. Zinoviev, d’A. Ginsburg, des frères Kopelev, ou Medvedev, de L. Pliouchtch et, bien sûr, d’A.Soljenitsyne.

    Les dissidents ont cependant commencé à moins intéresser l’Occident quand, ayant quitté l’URSS, ils ont commencé à déclarer que le « monde libre » n’était pas non plus le paradis. Et plus encore quand ils ont préféré revenir en Russie après la chute du communisme, comme Soljenitsyne, par exemple. Mais tant qu’il s’agissait de mettre en accusation l’Union soviétique, l’Occident souhaitait la bienvenue aux dissidents. Mais aujourd’hui les rôles se sont inversés.

    Le phénomène de dissidence marque l’usure d’un système

    L’apparition de la dissidence montre qu’un système touche à sa fin.

    Le phénomène de dissidence correspond au fait qu’un jour, et d’une façon imprévisible, des personnes du système décident de ne plus jouer le jeu en acceptant, en outre, d’en supporter personnellement les conséquences. Ce qui signifie qu’ils ne croient plus au système dans lequel ils vivent et qu’ils n’ont en outre plus peur de vouloir le changer.

    Ainsi, recrutés avant tout parmi les intellectuels et les chercheurs choyés par le régime, les dissidents soviétiques montraient que le mythe communiste ne faisait même plus rêver « l’avant-garde du prolétariat ». Comme le décrit A. Soljenitsyne dans son livre Le Chêne et le Veau, l’existence de la dissidence portait des coups de boutoir répétés sur le régime soviétique d’autant plus redoutables qu’elle provenait de l’intérieur du système lui-même. Comme un jeune veau têtu peut finir par abattre à la longue un vieux chêne.

    Ce phénomène s’est déjà produit dans l’histoire, notamment à la fin de l’Ancien Régime, quand une partie de la noblesse s’est ralliée aux « Lumières ».

    Les dissidents du XXIe siècle 

    La dissidence réapparaît aujourd’hui en Occident.

    Julian Assange, Bradley Manning et Edward Snowden sont en effet des dissidents du XXIe siècle. Et comme leurs homologues soviétiques, ils annoncent que le système occidental se fissure de l’intérieur.

    Bien qu’anglo-saxons, donc issus de la population dominant le système occidental, ces trois dissidents ont décidé un jour, et d’une façon imprévisible, de révéler au monde la réalité cachée de la politique américaine, en faisant la lumière sur les activités secrètes d’écoute des communications mondiales par la NSA auxquelles il participait, pour Snowden, ou en organisant la divulgation de documents diplomatiques ou militaires américains classifiés, pour Assange et Manning, via Wikileaks.

    Ces dissidents ne pouvaient ignorer les risques auxquels ils s’exposaient. Ils les ont pourtant assumés en démontrant par là même qu’ils plaçaient l’exigence de vérité plus haut que leur propre sécurité ou que leur loyauté vis-à-vis du système occidental.

    Leur dissidence porte aussi sur les télécommunications et l’internet : donc sur le cœur du réacteur occidental contemporain et sur le levier principal de sidération des populations.

    Tous les trois sont jeunes, enfin : ce qui montre que la contestation monte des profondeurs du système.

    Comme en URSS

    Le sort des dissidents occidentaux n’a rien à envier à celui des soviétiques. Les dissidents soviétiques ne trouvaient pas asile dans les pays du Pacte de Varsovie. Il en va de même pour les dissidents du XXIe siècle : aucun pays « libre » du bloc occidental – qui croule pourtant sous les « réfugiés » venus de toute la terre – n’a couru le risque de les accueillir et de mécontenter ainsi le « grand frère » américain. Y compris les pays espionnés par la NSA et qui se sont donc montrés pas très rancuniers ! L’oligarchie présente, bien sûr, les dissidents comme des délinquants et des hooligans, comme au temps de l’URSS.

    Manning, qui a déjà passé 1200 jours sous les barreaux, a été condamné à 35 ans de prison, même s’il a évité l’incrimination de « collusion avec l’ennemi » qui lui faisait courir le risque d’emprisonnement à vie. Manifestement, pour la justice militaire américaine le reste du monde s’assimile donc à un territoire ennemi, cela soit dit en passant. Peut-être le retrouvera-t-on un jour pendu dans sa cellule, comme cela arrive parfois en Occident ? Assange, réfugié à l’ambassade d’Equateur à Londres, se trouve sous le coup d’une demande d’extradition et de différentes accusations notamment d’abus sexuel. On a fait aussi circuler la rumeur qu’il se compromettait avec l’extrême droite (Le Monde du 23 août 2013), ce qui correspond en Occident au crime suprême de « contre-révolution » dans le bloc soviétique. Snowden, accusé d’espionnage, de vol et d’utilisation illégale de biens gouvernementaux, n’a pu obtenir que l’asile temporaire en Russie.

    Le goulag médiatique

    Les médias, habituellement si aimables avec les délinquants de toute sorte, n’ont cessé, avec un bel ensemble, de dévaloriser la portée de leurs gestes (ils n’auraient révélé qu’un secret de Polichinelle) ou leur personnalité.

    Manning, que l’on présentait ainsi comme un « jeune homme » un peu dépassé, en a d’ailleurs profité habilement devant le tribunal militaire pour faire adoucir sa peine ! Le goulag médiatique est, certes, plus soft que le goulag soviétique, mais il vise à produire les mêmes effets : réduire au silence et condamner à la mort sociale.

    L’Occident, URSS du XXIe siècle

    Les dissidents se multiplient en réalité en Occident, pour la même raison qu’en Union soviétique. Car on croit de moins en moins aux mensonges idéologiques sur lesquels repose le Système et ses résultats inspirent de plus en plus la défiance.

    Dissidents littéraires qui rejettent la médiocrité et le conformisme, artistes dissidents qui refusent l’art officiel cosmopolite déraciné, dissidents politiques qui ne croient plus aux partis institutionnels, dissidents médiatiques qui ne supportent plus les bobards, dissidents économiques qui préfèrent l’exil au fiscalisme, dissidents moraux qui manifestent contre le mariage homosexuel, dissidents scolaires qui fuient le naufrage de l’école publique, dissidence populaire qui ne fait plus confiance à l’oligarchie, dissidence identitaire contre le grand remplacement programmé des Européens, dissidents contre les fauteurs de guerre occidentaux.

    Malgré la police, malgré le goulag médiatique, malgré la menace économique, la dissidence progresse partout en Occident. Parce que le Système craque de toute part.

    Nous sommes tous des Assange, des Manning et des Snowden !

    Michel Geoffroy (Polémia, 15 septembre 2013)

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  • A propos des troupes d'occupation mentale...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un entretien avec Laurent Ozon, cueilli sur le site d'Avant-guerre, dans lequel il développe un point de vue incisif sur les journalistes des grands médias...

     

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  • Vers le goulag électronique ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un excellent article de Jean-Paul Baquiast, cueilli sur Europe solidaire et consacré à la mise en place progressive en Occident d'un système de contrôle global...

     

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    Le concept de goulag électronique. Analyse critique.

    Nous avions signalé précédemment la pertinence de l'analyse d'un représentant de l'Eglise orthodoxe russe, assimilant à un goulag électronique le système global de saisie, d'espionnage et de contrôle que les services de renseignements américains, sous l'égide de la NSA et du gouvernement fédéral, imposent à toutes les formes d'expressions empruntant le support de l'Internet et des réseaux numériques. (1)

     Comment ce personnage définit-il le goulag électronique américain ?

    «  Un camp de prisonniers électronique global...D'abord on habitue les gens à utiliser de façon systématique des outils de communication commodes avec les autorités, les entreprises et entre eux. Très rapidement chacun s'habitue de façon addictive à de tels services. Ceci donne à ceux qui possèdent économiquement et politiquement ces outils un pouvoir à la fois considérable et terrifiant. Ils ne peuvent pas repousser la tentation de s'en servir pour contrôler les personnalités. Ce contrôle peut devenir beaucoup plus complet qu'aucun de ceux exercés par les systèmes totalitaires connus au vingtième siècle  » .

    Le terme de goulag, rendu célèbre par le romancier Alexandre Solienitzin, désigne classiquement le système pénitentiaire russe. Celui-ci, encore en activité sous une forme à peine "améliorée" , est constitué de camps de travail et de détention répartis aux frontières de la Russie. Ils enferment des centaines de milliers de condamnés, dans des conditions précaires sinon indignes. Il est très difficile de s'en évader. Les peines sont souvent très longue ou à perpétuité. La plupart des prisonniers sont des détenus de droit commun, mais un nombre non négligeable d'entre eux a été et demeure des opposants politiques ou personnes poursuivies pour des délits d'opinion. On peut se demander pourquoi les systèmes pénitentiaires des démocraties occidentales, dont les conditions de fonctionnement n'ont guère à envier au goulag russe, ne souffrent pas de la réputation infamante de ce dernier...sans doute est-ce du au fait que l'arbitraire y est en principe moindre.

    Quoiqu'il en soit, le propre d'un goulag est d'être mis en place et organisé par un pouvoir dominant qui s'impose délibérément à des minorités dominées. On ne parlerait pas de goulag, sauf par abus de langage, si les conditions d'enfermement résultaient de circonstances n'ayant rien à voir avec une volonté de répression dictatoriale, patients dans un hôpital psychiatrique ou personnes isolées sur un territoire dépourvu de liaisons avec le reste du monde, par exemple.

    Pourquoi parler de goulag numérique ?

    Sous sa forme imagé, le terme de goulag désigne un système d'enfermement physique ou moral condamnable au regard des libertés civiques et des droits de l'homme. Le monde des réseaux numériques mérite-t-il d'être ainsi qualifié, alors qu'il est de plus en plus considéré par ses milliards d'utilisateurs comme un moyen d'émancipation hors pair. Rappelons qu'il permet en effet non seulement les échanges par l'internet mais aussi les communications faisant appel au téléphone portable, dont la souplesse est sans égal dans les pays dépourvus d'infrastructures développées. Pour leurs utilisateurs ces deux technologies apparaissent non comme des goulags mais au contraire comme des élément incomparables d'émancipation. Elles leur permettent en effet d'échapper à l'enfermement au sein de modes d'expression traditionnels, dominé par des autorités rigides, religieuses, sociales, médiatiques.

    S'imaginer cependant que des solutions technologiques, représentant des coûts considérables, viendraient subitement s'épanouir dans nos sociétés pour le seul bénéfice des citoyens et du jeu démocratique, serait un peu naïf. Nul ne fait de cadeau à personne. Si un service est rendu, il doit être payé. Il en est de même d'ailleurs d'autres services de communication, radiodiffusion et télévision. L'expérience montre que leurs premiers bénéficiaires en sont leurs promoteurs.

    Ceux-ci peuvent être regroupés en deux grandes catégories, les entreprises commerciales et les administrations publiques. Elles s'en servent prioritairement pour établir ou renforcer leur influence sur les individus, considérés soit comme des consommateurs soit comme des administrés ou des électeurs. Il n'y a pas de mal à cela, dans la mesure où dans nos sociétés la vie économique et la vie politique reposent en grande partie sur des entreprises commerciales ou des administrations publiques. Les rares citoyens qui voudraient cependant utiliser les ressources des technologies numériques pour de doter de nouveaux espaces de communication et de création devraient se persuader que ceci ne pourra venir que de leurs propres efforts.Il y a plus cependant à prendre en considération.

    Les sociétés occidentales, en Amérique mais de plus en plus en Europe, ont découvert ces dernières années ce qui était une réalité depuis les origines de l'informatique, mais qu'elles ne voulaient pas ou ne pouvaient pas voir: les réseaux numériques sont de bout en bout les produits de technologies et d'entreprises développées aux Etats-Unis et restées très largement sous le contrôle du pouvoir scientifique, économique et culturel de ce qu'il faut bien appeler le lobby militaro-industriel américain. Les autres puissances mondiales, peu averties dans des domaines où la Silicon Valley (si l'on peut employer ce terme imagé) s'était donné un monopole historique, s'efforcent actuellement de rattraper leur retard. C'est le cas notamment de la Russie et surtout de la Chine. Mais elles sont encore loin du compte. Quant à l'Europe, elle dépend très largement des Etats-Unis, dont elle est en ce cas comme en d'autres une sorte de satellite.

    Or le grand écho qu'ont pris les révélations faites par Edward Snowden, dans l'affaire initialement qualifiée de PRISM/NSA/Snowden tient précisément â la découverte du pouvoir donné à l'Empire américain par l'espionnage tous azimuts découlant de l'utilisation que nous faisons de l'internet, du téléphone et autres technologies numériques. Il s'agit d'un pouvoir si complet et si imparable, du moins à ce jour, que le terme de goulag électronique paraît parfaitement adapté. De plus ce pouvoir, même s'il résulte de grandes évolutions technologiques et géo-stratégiques paraissant dépasser la responsabilité d'individus déterminés, fussent-elles celles des POTUS (Presidents of the Unites States) et de leur entourage, relève cependant dans le cas de la NSA et des autres agences de renseignement, de volontés humaines bien identifées. L'actuel POTUS, précisément, ne s'en cache pas. Au contraire, il s'en félicite.

    Si nous admettons ces prémisses, nous pouvons revenir sur les grands traits du goulag électronique en question.

    Un goulag attrayant mais d'autant plus enfermant

    L'actualité récente nous permet de préciser l'analyse (2). Le 8 aout 2013, le propriétaire du site américain Lavabit annonçait qu'il cessait son activité sous les pressions de l'administration fédérale. Il offrait en effet jusque là des services se voulant sécurisés à des centaines de milliers d'utilisateurs recherchant la possibilité d'échapper à l'inquisition rendue possible par la transparence de l'internet. Or la NSA lui avait imposé de lui livrer des informations confidentielles concernant certains de ses clients, ce qu'il avait refusé de faire. Peu après, il était suivi dans ce refus par le site Silent Circle qui offrait des services analogues. D'autres services en ligne de même nature ont probablement fait le même choix. Le Guardian qui dès le début de la crise NSA/Snowden s'était fait le porte parole de ce dernier donne régulièrement des précisions sur l'évolution des rapports de force entre la NSA et les professionnels du web.

    L'intransigeance de la NSA ne devrait pas surprendre en France où la législation interdit depuis longtemps l'usage de systèmes de communications cryptées susceptibles d'échapper aux investigations des services de police ou de contre-espionnage. Ceci ne scandalise que peu de gens dans la mesure où l'on présume généralement que ce seraient les activités criminelles qui feraient principalement appel à de telles facilités.

    Il faut cependant tirer quelques conclusions de cet événement concernant la pertinence du concept de goulag électronique appliqué au monde des réseaux numériques actuels. Que peut-on en dire?

    1. Il s'agit d'abord d'un univers de plus en plus global et inévitable, auquel celui qui veut s'exprimer et communiquer peut de moins en moins échapper – ceci d'ailleurs tout autant dans les sociétés peu développées que dans les sociétés avancées. Autrement dit l'Internet est inévitable et à travers lui sont inévitables les divers contrôles qu'il permet. Il reste évidemment possible à qui veut rester discret de faire appel à la parole, au geste et à l'écrit sous leurs formes traditionnelles, à condition d'éviter tout support susceptible d'être ensuite numérisé et diffusée. Autant dire que la moindre activité ayant une portée un tant soit peu sociale pourra être ou sera enregistrée, mémorisée et le cas échéant, commentée, manipulée voire déformée par des tiers, bien ou mal intentionnés.

    Les contrôles sont d'autant plus inévitables que les technologies utilisées s'automatisent de plus en plus, permettant de traiter des flots de meta-données et de données par milliards à la minute. Les humains seront de moins en moins nécessaires, tant dans la définition des cibles que dans l'application des sanctions.(3)

    2. Or cet univers n'est pas innocent. Il est aux mains, plus ou moins complétement, de pouvoirs se voulant totalitaires, c'est-à-dire cherchant à connaître, contrôler et le cas échéant faire disparaître des pouvoirs plus faibles s'efforçant d'échapper à leur emprise. Ceci n'a rien en soi de scandaleux. Il s'agit d'une loi générale s'exerçant depuis l'origine de la vie au sein de la compétition entre systèmes biologiques. Un organisme, une espèce, un ensemble de solutions vitales qui ne peuvent pas s'imposer comme totalitaires sont menacés de disparition, au moins dans leur niche vitale. Leur premier réflexe est donc d'éliminer ou tout au moins de contrôler leurs concurrents.

    Les réseaux numériques subissent, comme toutes les constructions sociétales, l'influence des systèmes de pouvoirs plus généraux qui dominent les sociétés dans leur ensemble. Parmi ceux-ci, on distingue classiquement les pouvoirs politiques, les pouvoirs économiques et les pouvoirs médiatiques. Ces systèmes de pouvoirs sont personnifiés par des couches sociales ou des individus relevant de ce que l'on nomme les élites ou les oligarchies. Même si leurs intérêts propres divergent éventuellement selon les lieux et les périodes, ces élites et oligarchies se retrouvent généralement unies au niveau global pour défendre leur domination. On estime très sommairement qu'elles représentent environ 1% de la population mondiale, s'opposant à 99% de personnes ou d'intérêts n'ayant pas pour diverses raisons la capacité de dominer. Les Etats et leurs administrations sont généralement, même dans les sociétés démocratiques, au service des minorités dominantes, sinon leur émanation directe.

    3. La description ci-dessus convient parfaitement pour désigner ce qu'il est devenu courant dans le langage politique engagé d'appeler le Système, avec un S majuscule. On dénonce le Système, on s'engage dans des actions anti-Système...Certaines personnes se demandent à quoi correspond exactement ce Système. Elles ne reçoivent pas toujours des réponses précises. Pour nous, les réponses sont sans ambiguïté. Elles correspondent à ce que nous venons d'évoquer, la domination de 1% d'oligarchies et d'activités associées s'imposant au reste des population. On remarquera que le Système, dans cette acception, n'est pas lié seulement au système capitaliste, ou au système de l'américanisme. Il s'agit d'une structure absolument générale, identifiable sous des formes très voisines dans tous les régimes politiques et dans toutes les parties du monde. Plus généralement, nous y avons fait allusion dans d'autres articles, il s'agit de formes de pouvoir émergeant spontanément de la compétition darwinienne entre systèmes biologiques.

    Ceci veut-il dire que rien ne pourra jamais modifier cette inégalité fondamentale? Les combats pour l'égalité et une plus grande démocratie sont-ils d'avance voués à l'échec? Disons que des formes souvent différentes de répartition des pouvoirs se rencontrent nécessairement. Certaines d'entre elles peuvent laisser une plus grande place aux responsabilités de la périphérie ou de la base. Ce sont sans doute celles-là qu'il conviendra d'encourager. Mais d'une façon générale, des structures parfaitement égalitaires ne semblent pas envisageables. Elles signifieraient la fin de toute évolution, une sorte de mort cérébrale. Si bien d'ailleurs qu'elles ne sont jamais apparues spontanément.

    Ajoutons que les grands systèmes de pouvoirs identifiables aujourd'hui au sein des réseaux numériques correspondent à ceux qui dominent la sphère géopolitique dans son ensemble, tout au moins dans les domaines technologiques et scientifiques. Les Etats-Unis et le cortège des pays qui sont sous leur influence pèsent du poids le plus lourd. La Russie est en train de reprendre une certaine influence. La Chine constitue une force montante. Mais il est encore difficile de mesurer son poids actuel.

    4. Les activités qui sont identifiables au sein des réseaux numériques, qu'elles proviennent des agents dominants ou des dominés, se partagent entre activités licites et activités illicites ou criminelles. On retrouve là encore un trait général s'appliquant à l'ensemble des sociétés suffisamment organisées pour se doter d'une règle de droit et des moyens administratifs et judiciaires de la faire appliquer. Qui dit règles de droit ou contraintes d'ordre général dit aussi tentatives réussies ou non pour y échapper. Certes, sauf dans les pays pénétrés en profondeur par des mafias, les activités licites sont les plus nombreuses. Mais il suffit de quelques acteurs se livrant à des activités illicites ou criminelles pour pervertir l'ensemble. D'où le consensus social s'exerçant à l'égard des institutions et personnes visant à identifier et empêcher de s'exercer les activités illicites. L'opinion considère que les contraintes de police et de contrôle sont le prix à payer pour le maintien de l'ordre public. Cette tolérance peut laisser le champ libre à divers abus de la part des autorités de contrôle.

    Ceci d'autant plus que l'Internet tolère, sinon encourage l'anonymat. Derrière cet anonymat prolifère ce que l'on nomme de plus en plus une poubelle, c'est-à-dire une abondance de propos malveillants. L'opinion considère que les contraintes de police et de contrôle sont le prix à payer pour le maintien d'un minimum d'ordre public sur le web. Cette tolérance peut laisser le champ libre à divers abus de la part des autorités de contrôle. Mais ces abus restent, tout au moins pour le moment, très peu visibles. La plus grande partie des utilisateurs ne s'estiment donc pas - tout au moins pour le moment - concernés.

    5. Il résulte de tout ce qui précède que les entreprises ou individus exerçant leurs activités au sein des réseaux numériques sont de facto obligés de se conformer aux lois et règlements mis en place par les pouvoirs dominants, non seulement pour prévenir et combattre les activités illicites, mais plus généralement pour assurer leur maîtrise sur l'univers numérique. Ceux qui veulent échapper aux contraintes ainsi définies par les pouvoirs dominants, qu'elles prennent une forme légale ou spontanées, risquent en effet d'être considérés comme encourageant le crime et la fraude, sous leurs différentes formes. Au tribunal de l'opinion publique, ils n'échapperont pas à ce reproche. Seuls pourraient s'en affranchir des activistes masqués ou anonymes, dont l'influence restera marginale. Les activistes seront en effet obligés à un jeu de chat et de la souris dont ils ne sortiront pas vainqueurs. Malgré l'anonymat prétendue offert par les réseaux numériques, les moyens de contrainte dont disposent les Etats et leurs administrations s'imposeront toujours. Il faudrait un effondrement social global, y compris au niveau des forces de sécurité et de défense, pour que ces moyens de contrainte perdent de leur influence.

    6. Le goulag numérique ainsi décrit serait-il si oppressant qu'il serait progressivement rejeté par les intérêts et individus dominés sur lesquels il s'exerce? Pas du tout, car il s'agit en fait de ce que l'on pourrait nommer un goulag attrayant. S'il enferme étroitement les acteurs, il leur offre aussi des compensations. La constatation a été souvent faite à l'égard de systèmes de contrôle des comportements s'exerçant à travers la publicité commerciale et la télévision. La plupart des citoyens sont près à « vendre sinon leur âme, du moins leur sens critique et leur droit à l'autonomie, à condition de bénéficier d'une promotion publicitaire ou de quelques minutes d'antenne.

    Il en est de même en ce qui concerne le rapport des individus avec les réseaux dits sociaux, vivant de la marchandisation des données personnelles. La plupart des gens sont près à confier à ces réseaux des informations confidentielles les concernant, fussent-elles gênantes, pour le plaisir d'être identifiés plus ou moins largement par le public. Ainsi espèrent-ils sortir de l'anonymat, qui est la pire des malédictions dans un monde où tout le monde est censé communiquer avec tout le monde. On objectera que beaucoup de ceux se dévoilant ainsi restent suffisamment prudents pour ne pas livrer de vrais secrets pouvant les mettre en danger. Mais ce n'est pas le cas quand il s'agit de personnalités faibles ou d'enfants., cibles précisément des activités potentiellement criminelles.

    7. La description du goulag numérique proposée ici ne peut évidemment être considérée comme décrivant de façon exhaustive la diversité des situations qui se rencontrent au sein des réseaux numériques. Il s'agit seulement d'un schéma très général comportant des exceptions. On trouve dans la réalité quotidienne de nombreux cas montrant que des acteurs particuliers échappent momentanément ou localement à la domination et au contrôle que tentent d'imposer les pouvoirs dominants.

    Ceci fut illustré récemment par la suite des évènements survenus lors de la crise NSA/Snowden. D'une part les grands acteurs du web ont fini par s'inquiéter de l'inquiétude et la désaffection d'un nombre grandissant de leurs clients, de plus en pls gênés par les intrusions croissantes non seulement des pouvoirs de police mais des services marketing des entreprises. Concernant le pouvoir fédéral américain, les acteurs du web interviennent actuellement auprès de Barack Obama pour faire alléger les contrôles qu'exercent sur leurs fichiers les différentes agences de renseignement, agissant pour leur compte propre ou à la demande des administrations chargées de l'application des différentes réglementations en vigueur: fiscalité, douanes, environnement, etc.

    D'autre part, comme nous l'avons vu, soit aux Etats-Unis mêmes, soit dans de nombreux autres pays, de nouvelles entreprises offrant la possibilité d'échapper non seulement à l'espionnage et au contrôle mais à une publicité devenue oppressante ne cessent de se créer. Leur succès reste limité vu la répression qu'elles suscitent, mais elles exercent cependant un contre-pouvoir non négligeable. L'enfermement imposé par le goulag numérique global reste cependant son caractère dominant.

    Une évolution systémique

    Nous pouvons évoquer une dernière question, souvent posée par les personnes qui découvrent les problèmes évoqués ici: existe-t-il au sein du goulag numérique des individus ou groupes d'individus clairement identifiables qui organiseraient en dernier ressort les dominations ainsi mises en place. Lorsqu'il s'agissait du goulag soviétique sous ses formes les plus arbitraires, on pouvait dans l'ensemble identifier les « organes », notamment au sein du parti, qui mettaient en œuvre ce goulag, décidaient qui devaient y être enfermé, et ce que serait leur sort. Les conspirationnistes, pour qui tous les éléments négatifs de nos sociétés résultent de complots organisés, répondront que la même situation prévaut concernant ce que nous avons évoqué ici sous le terme de goulag électronique. Il devrait selon eux être possible d'identifier les entreprises et au sein de celles-ci les responsables organisant la domination des grandes forces s'exprimant à travers les réseaux numériques.

    Il serait naïf de prétendre que ce n'est pas le cas, mais il serait tout aussi naïf de ne pas admettre que les phénomènes de l'ampleur évoquée ici ne dépendent pas seulement d'initiatives personnelles identifiables. Il s'agit de grands mouvements sociétaux affectant le monde moderne dans son ensemble. Certains individus ou intérêts y sont plus actifs que d'autres, mais ils ne peuvent à eux seuls être tenus responsables de la totalité des phénomènes.

    C'est à ce stade du raisonnement qu'il est intéressant d'évoquer à nouveau notre concept de système anthropotechnique, présenté dans notre essai "Le paradoxe du Sapiens". Ce concept s'applique parfaitement à l'analyse qui précède. Les grands acteurs de l'évolution en cours ne sont pas seulement des groupes humains. Mais il ne s'agit pas non plus de systèmes technologiques autonomes. Il s'agit de la conjonction de groupes humains dont l'analyse relève de l'anthropologie ou de la politique, associés en symbioses étroites avec des promoteurs de systèmes technologiques dépendant de contraintes relevant de l'analyse scientifique et industrielle. Le tout prend des formes et configurations très variables, selon les pays, les époques et les domaines. L'évolution darwinienne globale résultant de la compétition des différentes entités anthropotechniques ainsi formées s'impose au monde de la même façon que s'était imposé jusqu'à présent l'évolution biologique et sociétale.

    Ajoutons que prendre toute la mesure de phénomènes de cette ampleur est quasiment impossible aux observateurs que nous sommes, puisque nous sommes inclus dans les mécanismes que nous voudrions décrire objectivement, et donc incapables de se donner le recul théoriquement nécessaire.

    Jean-Paul Baquiast (Europe solidaire, 13 août 2013)


    Notes

    1) Cf notre article "Comment définir le Système et comment lutter contre lui ?" http://www.europesolidaire.eu/article.php?article_id=1148&r_id=

    2) Fermeture de Lavabit. Voir The Guardian
    http://www.theguardian.com/technology/2013/aug/08/lavabit-email-shut-down-edward-snowden

     3) Voir une déclaration du General Keith Alexander, patron de la NSA NSA head: Replace would-be Snowdens with computers to stop future leaks  http://rt.com/usa/nsa-snowden-former-job-future-257/

     

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  • Manuel, fais-nous peur !...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Michel Geoffroy, cueilli sur Polémia, et consacré au faux dur de la place Beauvau...

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    Manuel, fais-nous peur !

    Dans le spectacle gouvernemental une place de choix échoit toujours au ministre de l’Intérieur. C’est lui, en effet, qui joue sous la Ve République le rôle du méchant.

    De célèbres acteurs ont incarné à merveille le rôle de « premier flic de France » : Roger Frey, Raymond Marcellin, Michel Poniatowski, Gaston Deferre, Pierre Joxe, Charles Pasqua, Nicolas Sarkozy ou Claude Guéant, pour ne citer que les plus connus. Aujourd’hui le rôle incombe à Manuel Valls.

    Mais si les acteurs changent au gré des élections, leur répertoire reste, hélas, identique. Il commence donc à lasser sérieusement les spectateurs.

    Le fou du roi

    Un ministre de l’Intérieur se doit de paraître partout, à l’image de la police : au moindre accident, au moindre drame, au moindre crime il doit se faire voir des caméras pour prononcer de fortes paroles destinées à rassurer le bon peuple. N. Sarkozy fut le meilleur à ce petit jeu.

    Après chaque nouveau désastre, un ministre de l’Intérieur tient en effet à nous assurer que le crime ne restera pas impuni, que les lois de la République seront appliquées partout sans faiblesse, qu’il n’y aura plus de zones de non-droit, que le racisme sera partout pourchassé, que l’islamisme ne passera pas, etc.

    Car le ministre de l’Intérieur joue le rôle du fou du roi dans l’ancienne monarchie : il a pour fonction de dire tout haut ce que chacun pense tout bas. Par exemple de tonner périodiquement contre les magistrats qui libèrent les délinquants, contre les sauvageons des banlieues que l’on va devoir nettoyer au kärcher ou contre les salauds d’extrémistes de droite, que l’on va mettre hors d’état de nuire.

    Il remplit ainsi une fonction de verbalisation expiatoire très médiatique et surtout fort utile au Système.

    La tête de l’emploi

    Un ministre de l’Intérieur ne doit donc surtout pas rire ni faire rire non plus : il incarne l’Etat et la République dans sa toute-puissance. Dès sa nomination, un ministre de l’Intérieur adopte donc la tenue et le masque de l’emploi : costume sombre, regard farouche, mâchoires serrées, visage impénétrable. Il est aussi souhaitable qu’il ait la tête de l’emploi : petits gros rigolards ou grands lymphatiques s’abstenir !

    D’ailleurs il ne se déplace plus qu’entouré d’une cohorte de G-men, de policiers et de préfets en uniforme, dans un halo de gyrophares et de sirènes du plus bel effet. Cela fait très sérieux aussi et nous rassure quant à la solidité de la République une et indivisible.

    Un homme célèbre

    Enfin, si l’on en croit les sondages et à la condition qu’il joue bien son rôle de méchant, un ministre de l’Intérieur serait très populaire auprès du bon peuple, toujours en quête d’un homme providentiel. Les ministres de l’Intérieur figurent ainsi au hit parade des premiers-ministrables. Certains, même, parviennent à la magistrature suprême, ce qui ne risque pas d’arriver à un ministre de l’Education nationale ou à un ministre du Travail, les pauvres ! Manifestement il y a des rôles qui aident et d’autres pas. Il faut dire qu’un ministre de l’Intérieur s’y connaît en matière d’élections et de sondages…

    Le fou du roi est nu

    Les ministres de l’Intérieur ont aujourd’hui pour fonction de jouer les durs devant les caméras.

    Par exemple ils aiment bien, de temps en temps, prononcer la dissolution de tel ou tel groupuscule, pourtant déjà largement infiltré par la police ; ou bien se montrer impitoyables avec les automobilistes. Et la télévision nous inonde d’émissions bien pensantes où l’on voit les policiers et les gendarmes mettre hors d’état de nuire les malandrins – comme dans les films américains, mais en moins drôle, avec moins de sexe et d’hémoglobine.

    Mais, dans la vraie vie, tout le monde sait bien, hélas, que l’insécurité, la délinquance, le communautarisme, l’immigration irrégulière, les roms ou l’islamisme ne se dissolvent pas comme cela, d’un coup de baguette médiatique. Dans la vraie vie, seuls les braves gens ont encore peur de la police : les autres rigolent, la « niquent » ou traînent les policiers devant les tribunaux.

    Les prétendus « super flics », qui incarneraient l’autorité de l’Etat, en réalité rasent les murs et composent tous les jours avec tout le monde : avec les syndicats de policiers aussi puissants qu’à l’Education nationale et dont il faut acheter le silence, avec la guerre des polices, avec les clans préfectoraux, avec les potentats locaux, avec les juges qui font la chasse aux « bavures », avec les lobbies, avec les cultes, avec les grands frères des banlieues. Avec ces satanées statistiques de la délinquance aussi.

    Bref, les durs de la scène politico-médiatique, les Eliot Ness de la Place Beauvau qui n’ont pas de mots assez forts pour condamner la délinquance « inacceptable », sont de grands méchants mous. Ils prennent la pose pour essayer de cacher leur dramatique impuissance.

    Cela ne trompe plus personne.

     Michel Geoffroy (Polémia, 31 juillet 2013)



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  • Entretien avec Francis Cousin, auteur de « L'être contre l'avoir »...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un entretien passionnant avec Francis Cousin, réalisé par l'équipe de Scriptoblog au cours du mois de juin. Francis Cousin est l'auteur de deux essais de critique radicale de notre société, Critique de la société de l'indistinction (Editions Révolution sociale, 2007) et L'être contre l'avoir (Le Retour aux Sources, 2012).

     

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  • J'aime pas les agents...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Flavien Blanchon, cueilli sur Novopress et consacré à l'attitude des «forces de l'ordre» depuis le début des manifestations contre le mariage homosexuel. A méditer...

     

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    J'aime pas les agents

    « J’aime pas les agents », c’est la réaction du hussard bleu de Nimier quand on lui annonce l’arrivée, pour enquêter au régiment, de deux officiers des Renseignements généraux. Ç’a toujours été le fond de mes sentiments envers les forces de l’ordre, comme on les appelle, policiers en uniforme ou en civil, CRS, gendarmes mobiles. J’aime pas les agents.

    Je n’ai donc nullement été surpris, ces derniers mois, par les récits et les images des brutalités ou même des sévices infligés par ces « forces de l’ordre » aux manifestants contre le mariage dit pour tous. Je n’ai même pas été scandalisé : le régime est un scandale permanent.

     

    Ce qui me stupéfie, c’est que certaines victimes – et victimes directes, des gens qui ont été matraqués, gazés (image en Une), raflés, entassés dans des gardes à vue arbitraires –, s’obstinent à vanter leurs conversations avec « le sympathique gendarme » ou « le gentil commissaire » qui leur auraient assuré qu’ils étaient de cœur avec elles : nous savons bien que vous n’êtes pas des casseurs, vous êtes des jeunes bien polis vous, ça nous change, nos ordres sont absurdes, etc. etc. Certains sites catholiques conservateurs se spécialisent dans ce genre de « témoignages », agrémentés de photos attendrissantes de familles BCBG prenant la pose avec des CRS tout sourire, ou d’illuminés, sans doute diacres permanents, qui déambulent avec des pancartes : « CRS, je te pardonne, tu ne fais pas un boulot facile ». On peut même y lire des missives dégoulinantes de bons sentiments, en pur style conciliaire charismatisant, à « Frère policier » et « Sœur policière ».

    Je ne sais pas si les policiers qui affirment souffrir dans leur cœur des ordres qu’ils exécutent, peuvent être sincères, ou s’il s’agit juste de la méthode classique pour mettre les prisonniers en confiance et leur faire signer des procès verbaux falsifiés. Je ne ferai pas de casuistique pour déterminer jusqu’où il peut être légitime d’aller dans l’obéissance. La morale individuelle est ici secondaire. Il est même anecdotique que l’actuel ministre de l’Intérieur soit une sinistre brute – la plupart de ses prédécesseurs étaient-ils autre chose ? Le fait essentiel est que les « forces de l’ordre », comme tout l’appareil de l’État en France, sont ordonnées à la destruction du peuple français : destruction spirituelle, morale et même, depuis des décennies, par l’immigration de masse et le métissage imposé, biologique. Ces « forces de l’ordre » servent une entreprise qui n’est, objectivement, rien d’autre qu’un génocide.

    Je suis de ceux qui auraient rêvé, en fait de grand sursaut français contre la tyrannie, d’autre chose que la Manif pour tous : qui auraient préféré, si cela avait dépendu d’eux, que ce soulèvement se produisît plus tôt, sur d’autres enjeux, avec d’autres symboles et derrière d’autres chefs. Mais le mouvement a eu lieu, il est là et il peut être – c’est le message ultime que Dominique Venner nous a écrit de son sang – le point de départ de la Reconquista. L’aveugle dureté de la répression, les dénis de justice criants dont sont victimes les manifestants, le deux poids deux mesures qui est systématiquement appliqué à leur détriment et au bénéfice des bandes ethniques, tout cela même – qui paraît absurde et qui est éminemment logique puisque c’est la logique même du Grand Remplacement –, sera salvateur s’il déclenche une prise de conscience.

    Un reportage, malveillant mais pas inintéressant, sur les jeunes Versaillais qui manifestent, donne la parole à un curé conciliaire. Pour lui, « le rapport aux autorités » a changé :

    « Dans le public des manifs il y avait vis-à-vis de l’État, de la police, un respect, une considération, des gens qu’on considérait comme les garants de valeurs. Aujourd’hui, il n’y a plus ce principe de base. Et ça c’est un basculement vraiment surprenant chez des gens qui par nature sont consensuels, plutôt bourgeois. […] J’ai un gendarme que je connais, qui était venu me voir en me disant qu’il espérait que les gens n’allaient pas pour autant perdre le respect du gendarme, du concept. Il me disait : “J’ai conscience qu’on a pu obéir à des ordres absurdes […]. Mais surtout, dites aux gens de ne pas faire l’amalgame, de ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain, dites-leur de ne pas perdre ce respect du gendarme.” »

    Ce respect du gendarme, de la police, de la justice, de toutes les prétendues autorités, de toutes les institutions dévoyées et perverties, censées protectrices et devenues génocidaires, il est pourtant vital de le perdre. Il ne s’agit pas d’aller jeter des bouteilles sur les CRS – les flics en civil s’en chargent très bien tout seuls. Il ne s’agit pas de se complaire dans l’illégalité en pure perte, avec pour seul résultat de servir d’épouvantail commode aux médias du Système : le mot d’ordre de Maurras, « avancer par tous les moyens, même légaux », est plus que jamais d’actualité. Il s’agit d’une libération intérieure, préliminaire impérieux de la survie. L’irrespect, aujourd’hui, est une hygiène mentale.

    Flavien Blanchon (Novopress, 31 mai 2013)

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