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russie - Page 21

  • Alain de Benoist : « Le grand continent eurasiatique est à nouveau coupé en deux » ...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien avec Alain de Benoist, cueilli sur Breizh-Info, dans lequel celui-ci donne son sentiment sur l'actualité récente, et notamment sur la question corse, la campagne présidentielle et la guerre russo-ukrainienne.

    Philosophe et essayiste, directeur des revues Nouvelle École et Krisis, Alain de Benoist a récemment publié Le moment populiste (Pierre-Guillaume de Roux, 2017), Contre le libéralisme (Rocher, 2019),  La chape de plomb (La Nouvelle Librairie, 2020),  La place de l'homme dans la nature (La Nouvelle Librairie, 2020), La puissance et la foi - Essais de théologie politique (La Nouvelle Librairie, 2021) et L'homme qui n'avait pas de père - Le dossier Jésus (Krisis, 2021).

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    Alain de Benoist : « L’électorat Zemmour est un électorat anti-immigration, celui de Marine Le Pen est un électorat anti-Système »

    Breizh-info.com : Tout d’abord, que vous inspirent le déplacement de Gérald Darmanin en Corse et l’évocation d’une autonomie possible pour la Corse ?

    Alain de Benoist : On pourrait parler de « divine surprise » s’il n’y avait pas quelques motifs d’être dubitatif. D’abord, c’est une drôle de façon de procéder que de se dire prêt « à aller jusqu’à l’autonomie » avant même que les négociations aient commencé. En général, on ne met pas sur la table le résultat de la discussion avant d’avoir commencé à discuter. Cela ressemble à un aveu de faiblesse, à moins qu’il ne faille y voir un geste démagogique ou une simple manœuvre électorale. Le problème se pose d’autant plus que la position adoptée par Darmanin représente une totale volte-face de la part d’un gouvernement qui, depuis cinq ans, s’est refusé à donner la moindre suite à toutes les demandes politiques formulées par les Corses. Rappelez-vous qu’en février 2018, lorsqu’il s’était rendu lui-même en Corse, Emmanuel Macron avait même opposé une fin de non-recevoir à ceux qui lui demandaient seulement de reconnaître le « caractère politique de la question corse ». Ce simple rappel justifie le scepticisme.

    Ensuite il faudrait savoir ce que Darmanin entend par « autonomie ». Le mot peut recouvrir des choses bien différentes. Attendons donc de savoir ce que les amis d’Emmanuel Macron mettent sous ce terme. Quelle autonomie ? Dans quels domaines ? Par quels moyens ? La question-clé est celle-ci : le gouvernement est-il prêt à reconnaître l’existence d’un « peuple corse », demande fondamentale pour tous les autonomistes ? On sait que la Constitution s’y oppose, puisqu’elle ne veut connaître qu’une nation « une et indivisible » dans la pure tradition jacobine. Et si par extraordinaire on reconnaissait l’existence d’un peuple corse, comment s’opposer à la reconnaissance par exemple du peuple breton ? Comment nier plus longtemps qu’il existe à la fois un peuple français et des peuples de France qui, s’ils le souhaitent, devraient également, à mon avis tout au moins, pouvoir eux aussi accéder à l’« autonomie ». Mais je vois mal le gouvernement s’engager sur cette pente glissante. Ce serait trop beau !

    Breizh-info.com : Des plans banlieues à l’autonomie de la Corse en passant par l’abandon de Notre-Dame des Landes (aéroport), les autorités ne montrent-elles pas que, finalement, seule la violence permet d’établir un rapport de force et d’obtenir des avancées avec ces mêmes autorités ?

    Alain de Benoist : Question naïve. Il n’y a que la bourgeoisie libérale pour s’imaginer que tous les problèmes politiques peuvent se résoudre de manière irénique sans que la violence ne surgisse à un moment ou à un autre. La politique est avant tout un rapport de forces. Lorsque les circonstances s’y prêtent, on assiste à une montée aux extrêmes qui ne peut pas se résoudre par les vertus de la « discussion », de la « négociation » ou du « compromis ». De surcroît peut aussi arriver un moment où les autorités détentrices du pouvoir légal en arrivent à perdre leur légitimité. La dissociation de la légalité et de la légitimité a pour effet que c’est la contestation violente qui peut alors devenir légitime.

    Les Gilets jaunes, comme les chauffeurs-routiers plus récemment, n’ont commencé à être entendus que lorsqu’ils sont descendus dans la rue pour manifester de façon un peu musclée. Il en va de même des autonomistes corses. La décolonisation a été acquise par la violence. Sans le recours au terrorisme par le FLN l’Algérie n’aurait peut-être pas été indépendante (ou ne l’aurait été que beaucoup plus tard). On peut le regretter, mais c’est ainsi. Georges Sorel opposait la violence sociale, légitime à ses yeux, à la simple légalité de la force publique. Il n’avait pas tort. Évitons la violence quand on peut l’éviter, mais cessons de croire qu’on peut durablement l’évacuer de la vie politique. Les guerres aussi sont des choses très désagréables – mais il y en aura toujours !

    Breizh-info.com : Quel regard portez-vous sur la campagne présidentielle, assez inédite finalement puisque les électeurs sont privés de débats entre des candidats qui mènent chacun campagne essentiellement dans leurs sphères respectives ? Là encore, est-ce le signe d’une démocratie malade ?

    Alain de Benoist : Il existe à mon sens des signes beaucoup plus forts de la crise généralisée des démocraties libérales que cette absence de débats entre les candidats à la présidentielle ! D’ailleurs, vous exagérez un peu : il y a quand même eu quelques débats, mais force est de constater qu’ils n’ont pas intéressé grand monde. Ils se résument en général à un échange d’invectives et de procès d’intention qui ne font pas avancer les choses.

    La grande caractéristique de la prochaine élection présidentielle est que, si l’on en croit les sondages, les jeux sont faits d’avance : Emmanuel Macron sera réélu. C’est ce que pense une majorité de Français, alors même qu’en majorité aussi ils semblent souhaiter qu’il n’en aille pas ainsi. Intéressant paradoxe. Il en résulte un désintérêt qui laisse prévoir, sauf événement de dernière minute, une très forte abstention qui pénalisera certains candidats plus que d’autres.

    En octobre dernier, dans un entretien précédent, je vous avais dit qu’«on aurait tort d’enterrer Marine Le Pen ». C’était à un moment où tout le monde pariait sur son effondrement au profit d’Eric Zemmour. Je soulignais également que ce qui séparait essentiellement Marine Le Pen et Eric Zemmour, ce n’était pas tant leur personnalité ou leurs idées que leurs électorats (classes populaires ou moyenne bourgeoisie radicalisée) et leurs stratégies (« bloc populaire » ou « union des droites »). C’est ce qui s’est confirmé. Zemmour a jusqu’à présent échoué dans son ambition. Son électorat est instable, et il reste à peu près au niveau de Pécresse, qui est en baisse, et de Mélenchon, qui est en hausse. Ceux qui ont parié sur son succès ont cru que Marine Le Pen allait échouer parce que son parti se porte mal (ce qui est exact) sans voir que ses électeurs s’intéressent très peu au parti en question : ils votent Marine, pas Rassemblement national ! Quant aux ralliements à Zemmour, à commencer par celui de Marion Maréchal, ils n’ont, comme je l’avais prévu, strictement rien changé aux intentions de vote. Reste la donnée fondamentale : l’électorat Zemmour est un électorat anti-immigration, celui de Marine Le Pen est un électorat anti-Système. Il faudra s’en souvenir quand sonnera l’heure de la recomposition.

    Breizh-info.com : La situation internationale, après deux années de crise dite du Covid 19, commence déjà à avoir de lourdes répercussions économiques. Pour le moment, l’Etat sort le chéquier pour tenter de colmater les brèches. Est-ce selon vous tenable à long terme ? Qui paiera ?

    Alain de Benoist : A votre avis ? Vous et moi, bien sûr – pas les Ukrainiens ! Les répercussions économiques sont déjà là et les choses ne peuvent que s’aggraver. Les lamentables sanctions, d’une ampleur sans aucun précédent, qui ont été décrétées contre la Russie pour satisfaire aux exigences américaines, vont aggraver les choses. Nous en paierons le prix tout autant que les Russes, sinon plus. L’inflation (matières premières, carburants, gaz, électricité) va aggraver la chute du pouvoir d’achat, qui est désormais la première préoccupation des Français. Un déséquilibre plus général est à redouter dans un contexte de crise financière mondiale rampante (et de refonte éventuelle du système monétaire). Pendant ce temps, l’endettement public continue de croître jusqu’à atteindre des hauteurs himalayesques. Est-ce tenable à long terme ? Non sans doute. Mais quand commence le long terme ?

    Breizh-info.com : Le rêve d’une Europe unie de Brest à Vladivostock est-il mort avec la guerre entre l’Ukraine et la Russie ?

    Alain de Benoist : Il est d’autant plus mort qu’il n’a jamais connu le moindre début de réalisation. Il en va de même de l’axe Paris-Berlin-Moscou dont nous sommes quelques uns à avoir également rêvé. La conséquence première de la guerre qui se déroule en ce moment est la recréation du rideau de fer, à cette différence près que c’est un rideau de fer dressé aux frontières de la Russie par les Occidentaux, dans l’espoir de museler un compétiteur jugé dangereux, et non un rideau de fer dressé par les Soviétiques pour empêcher les gens d’aller voir ailleurs. Le déluge de propagande russophobe auquel nous assistons en ce moment est de ce point de vue significatif. Le grand continent eurasiatique est à nouveau coupé en deux – ce qui n’a que le mérite de clarifier les choses.

    Ce qu’il faut bien voir, en attendant de pouvoir en faire une analyse plus complète, c’est que la guerre entre l’Ukraine et la Russie n’est pas seulement, ni même principalement, une guerre entre deux pays. Ce n’est pas non plus un affrontement entre le nationalisme ukrainien et le nationalisme russe, comme beaucoup cherchent à le faire croire. C’est d’abord une guerre entre la logique de l’Empire et celle de l’Etat-nation. C’est ensuite, plus globalement, une guerre entre l’Ouest et l’Est, entre le monde libéral et celui des « espaces civilisationnels », entre la Terre et la Mer. C’est-à-dire une guerre pour la puissance mondiale.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Yann Vallerie (Breizh-Info, 22 mars 2022)

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  • Les snipers de la semaine... (233)

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    Au sommaire cette semaine :

    - sur Causeur, Frédéric Rouvillois prend dans sa lunette Valérie Pécresse, la candidate de la "droite" progressiste...

    Valérie Pécresse ou la frange progressiste

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    - sur Breizh-Info, Julien Dir dézingue les guerriers par procuration du conflit russo-ukrainien...

    « Je n’ai envie ni de me battre ni de mourir pour Marioupol, pour Moscou, pour Kiev, pour Poutine, pour Zelensky ou pour l’OTAN »

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  • Machiavel, toujours…

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Hervé Juvin, cueilli sur son site personnel et consacré à l'élévation des enjeux de la guerre russo-ukrainienne...

    Économiste de formation et député européen, Hervé Juvin est notamment l'auteur de deux essais essentiels, Le renversement du monde (Gallimard, 2010) et La grande séparation - Pour une écologie des civilisations (Gallimard, 2013). Il a également publié un manifeste intitulé France, le moment politique (Rocher, 2018).

     

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    Machiavel, toujours…

    Au moment où des édiles français proposent de changer le nom d’un lycée nommé Soljenitsyne parce qu’il est russe — savent-ils seulement quel dissident a été Soljenitsyne ? — au moment où la propagande se déchaîne jusqu’à désigner coupables ceux qui cherchent seulement à comprendre les raisons de l’invasion russe de l’Ukraine — essayer de comprendre, c’est déjà être complice ! — encore et encore, revenons-en à Machiavel. Chercher « la verita effettiva de la cosa », voilà la seule ligne que tout élu, tout stratège plus encore, devrait adopter. Et si nous essayions de regarder ce qui est, au lieu de nous remplir de bonne conscience en proclamant ce qui devrait être ?

    Un enjeu qui va au-delà des populations russophones

    La guerre déclenchée par la Russie contre l’Ukraine n’a plus pour enjeu la sécurité des populations russophones du Donbass et d’ailleurs, ni le respect de leurs droits, tels qu’ils étaient prévus dans les accords de Minsk. Nous en sommes loin. Ce que le pouvoir russe s’obstine à nommer « opération » est devenu une guerre à signification mondiale, qui échappe largement à la Russie elle-même. Tel qu’il se dessine avec une précision croissante, l’enjeu est la fin de la domination anglo-américaine sur le monde. Cette domination s’exerce aujourd’hui à travers le monopole du dollar dans les transactions internationales, à travers le monopole des marchés de la City de Londres, de Wall Street et du Nasdaq aux États-Unis, plus encore d’une financiarisation insoutenable de l’économie mondiale, et par une instrumentalisation constante des prétendues « institutions internationales » par la tribu anglo-américaine, l’Union européenne n’y échappant pas.

    Cette domination se justifie par une prétention arrogante à détenir le « Bien » et à faire le Bien du monde sans lui, voire contre la volonté exprimée des peuples. Cette domination explique le : « deux poids, deux mesures » qui, par exemple, dispense de toutes sanctions et de tout embargo les puissances coupables des agressions sans mandat des Nations-Unies contre la Libye (le mandat se limitait à la protection de Benghazi), contre l’Irak ou les complices des terroristes islamistes, par exemple en Afghanistan (la CIA contractant avec Ben Laden à Peshawar) ou en Syrie (l’invention britannique des « Casques Blancs »), et paralyse toute enquête sur la responsabilité américaine dans les pandémies échappées des laboratoires sous son contrôle, dans vingt-cinq pays, en Ukraine comme en Chine, en Bulgarie comme en Géorgie ou au Kazakhstan — et à Wuhan.

    Sujet majeur ; des Nations représentant 3 milliards d’habitants exigent du Conseil de Sécurité de l’ONU une enquête indépendante, qu’une administration américaine en panique refuse, mais que le sénateur Rand Paul appelle, incarnant ce peu qui demeure de liberté en Amérique. Et elle explique un fait constaté, de Dakar à Delhi et de Téhéran à Pékin ; 8 milliards d’êtres humains qui sont autant de citoyens d’une Nation, d’héritiers de cultures et de civilisations toutes différentes, liés par leur identité collective et par cette liberté qui s’appelle souveraineté, ne seront pas conduits par cinq ou six cents millions de protestants arrogants et désormais, ignorants. Ajoutons notre lecture à l’emploi à deux reprises des missiles hypersoniques par la Russie ; la cause est entendue, et la sentence est sans appel. Les militaires ont entendu le message. Les mercenaires aussi, qui quittent l’Ukraine quand ils le peuvent.

    L’économie compte

    Le dirigeant historique de la Malaisie, Mohammad Mahathir, l’avait déclaré ; « l’Occident a tout pour être heureux, pourquoi veulent-ils vivre au-dessus de leurs moyens ? » Déclaration modérée, venant du dirigeant d’un pays un temps ruiné par l’attaque organisée par Georges Soros et ses complices contre le ringgit, la monnaie malaise. Saturé par la propagande à quoi se réduit la prétendue « économie » libérale, les Occidentaux ne mesurent pas à quel point l’aisance qu’ils croient devoir à leur travail, leurs entreprises et au génie de leurs dirigeants doit une part décisive au monopole du dollar. À de très rares exceptions près, le prix de toutes les matières premières qui comptent est libellé en dollar, et les marchés à terme de Chicago font les cours des céréales comme celui de Londres manipule les prix de l’or. À de très rares exceptions près, toute grande entreprise poursuivant une croissance mondiale cherche à lever des capitaux sur les marchés américains, à se faire coter sur ces marchés, et utilise les services de banques, d’auditeurs et de consultants américains — sans se rendre compte qu’elle tombe sous le coup des lois américaines.

    Faut-il l’écrire au passé ? Il faut l’écrire au passé. En faisant disparaître quelques semaines Jack Ma, le milliardaire fondateur d’Alibaba au moment de l’introduction en Bourse de sa filiale, Ant, le gouvernement chinois a fait savoir que l’argent ne gouvernait pas la politique de la RPC. En négociant avec la Russie un contrat d’approvisionnement d’énergie à bon compte, en rouble contre roupie, l’Inde envoie un signal que renforce la décision des Émirats arabes unis de vendre du pétrole en yuan, hors dollar — au moment même où le nouveau maître des destinées de l’Arabie Saoudite refuse de prendre Joe Biden au téléphone. Le fait est que le dollar est en train de perdre sa fonction de référence sur les marchés de l’énergie.

    La conclusion pourrait être : avec le monopole des transactions sur les matières premières, le dollar perd sa centralité dans le système monétaire mondial. Elle s’exprime autrement ; depuis le coup d’État monétaire de Nixon, le 15 août 1971, rendant le dollar non convertible en or, depuis une série d’escroqueries américaines, la moins commentée et la plus décisive étant sans doute la substitution de la comptabilité à valeur de marché (« market value ») à la comptabilité à valeur historique au début des années 2000, les États-Unis et, dans une moindre mesure, leurs alliés européens, bénéficient d’un niveau de vie surévalué de quelques 30 %. Qu’ils en profitent tant qu’il est temps !  

    La finance compte

    Qu’il s’agisse de l’allocation mondiale des capitaux ou des systèmes de paiement internationaux, Britanniques et Américains se sont approprié l’essentiel de services financiers qui conditionnent les échanges mondiaux et contribuent à faire du dollar la monnaie d’échange et de réserve mondiale. Cette situation a pu se créer et perdurer à la faveur de trois éléments.

    D’abord, la prétention à l’impartialité ; du WTO au FMI et aux marchés boursiers, le marché, rien que le marché, ses forces anonymes et ses mécanismes universels assurent seuls les échanges et les valorisations. Ensuite, l’absence de concurrence ; pourquoi créer à grands frais ce qui fonctionne déjà ? Enfin, l’acceptation passive d’une forme de supériorité anglo-américaine en matière de finance et de commerce ; eux, ils savent ! Voilà ce qui s’achève, pour autant de raisons décisives. Le mythe de la compétence américaine n’a pas survécu au naufrage de 2008 et d’une faillite bancaire américaine exportée au reste du monde.

    La confiscation des avoirs de la banque centrale russe, après le vol des réserves de la banque centrale d’Iran (et d’immeubles détenus à Manhattan) ou d’Afghanistan, met fin à l’illusion d’impartialité du marché ; la conditionnalité, qui devient le mot d’ordre d’un pouvoir américain désireux d’en finir avec la montée en puissance de la Chine, n’a rien à voir avec le marché, tout avec la politique — et légitime du coup les dispositions analogues prises par d’autres pays, sur d’autres continents. La suspension de grandes banques russes du système Swift réalise ce que de nombreux pays envisageaient comme possibilité extrême ; celle d’une instrumentalisation politique du système de paiement international basé au Luxembourg — et provoque la mise en place de solutions alternatives, comme la Chine en propose déjà.

    Enfin, et surtout, l’extension mondiale des relations financières sous l’égide des fonds d’investissement et des banques anglo-américaines impose des rendements financiers supérieurs à 15 %, incompatibles avec l’industrialisation des pays en croissance, incompatible avec le maintien d’entreprises artisanales, familiales, indépendantes, incompatibles tout autant avec la présence de banques de proximité, finançant l’activité locale par crédit à long terme à faible taux (6 à 7 %), et plus encore, avec l’autonomie stratégique des Nations et la résilience de l’environnement. Bref ; la mobilité internationale des capitaux et des services détermine des abus de droit qui entravent sans cesse davantage la liberté des Nations, prétend leur interdire d’adopter le système économique qui leur convient (par exemple, le financement public des entreprises stratégiques). Voilà pourquoi la globalisation conduit à la guerre, puisqu’elle appelle une uniformisation des règles incompatible avec la liberté des peuples. Voilà pourquoi tout ce qui permet l’application des lois américaines, des principes juridiques, comptables et commerciaux américains suscite non seulement un rejet, mais des alternatives qui auront bientôt marginalisé une puissance qui se prenait pour le monde, et qui devient une Nation provinciale, intolérante et décomposée, dont le monde se dispenserait volontiers.

    La politique compte

    Il est du plus haut intérêt de constater combien de « journalistes » concluent des événements récents à l’isolement de la Russie. Les faits sont pourtant là, établis par les votes à l’ONU lors de la résolution condamnant la Russie, établis aussi par les déclarations des dirigeants. La moitié des pays de l’Union africaine se sont abstenus, son Président, le Président du Sénégal, Macky Sall, s’abstenant lui-même, ce qui illustre le naufrage de la France en Afrique. Si la Chine s’est opposée, l’Inde s’est abstenue, comme la Turquie elle-même, membre de l’OTAN. En Asie, quelques-unes des puissances montantes, comme le Vietnam peu suspect d’allégeance à la Chine, s’est également abstenu.

    Et le Mexique, comme l’Argentine, comme le Brésil, ont fait savoir leur opposition aux sanctions. Le calcul est vite fait ; ce sont des pays représentant plus des deux tiers de la population mondiale qui ont voté contre la condamnation de la Russie, ou se sont abstenus. Et ce sont des dizaines de pays qui entendent bien continuer à commercer avec la Russie, et le font savoir. Et c’est l’Inde qui examine son retrait du « Quad », cette officine des intérêts anglo-américains dans le Pacifique. Et ce sont des dirigeants de partout, en Afrique comme en Asie et en Amérique latine, qui interrogent ; si le Tribunal Pénal International existe, comment se fait-il que les Donald Rumsfeld, Tony Blair, Colin Powell, Madeleine Allbright, Victoria Nuland, parmi d’autres, n’aient jamais été traduits devant le procureur ?

    Sans doute ne savent-ils pas que les États-Unis n’ont jamais reconnu le Tribunal Pénal International, ni les conventions internationales sur le droit de la guerre. Mais que sait encore une Union européenne qui, pour avoir célébré la chute du Mur de Berlin et faute d’assurer elle-même sa défense, n’a pas su faire tomber le Mur de l’Ouest, a chéri une occupation américaine qui la dispensait de tout effort stratégique, comme l’a justement dénoncé Donald Trump ? Victoire rapide ou enlisement des forces russes changeront peu de chose à un renversement du monde en cours, et que l’Asie attend avec gourmandise, laissant aux Russes leur incertaine aventure militaire — elle a le temps d’en finir avec le péril blanc. Abandonnant toute notion d’autonomie stratégique, courant piteusement se réfugier à l’abri théorique de l’OTAN, l’Union européenne pourrait bien se retrouver entraînée dans la chute de l’empire américain, trop soumise, trop muette, et trop assoupie dans un confort usurpé, pour pouvoir aider son allié à reprendre pied dans un monde qu’il ne comprend plus.

    La seule véritable urgence stratégique pour l’Europe est de regarder la réalité en face. Nous ne sommes plus les maîtres du monde.

    Hervé Juvin (Site officiel d'Hervé Juvin, 20 mars 2022)

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  • Le soutien infaillible à Vladimir Poutine, mauvais calcul des russophiles ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de David Engels cueilli sur le site de Valeurs actuelles et consacré au soutien des conservateurs européens à la Russie poutinienne.

    Historien, essayiste, enseignant chercheur à l'Instytut Zachodni à Poznan après avoir été professeur à l'Université libre de Bruxelles, David Engels est l'auteur de deux essais traduits en français, Le Déclin. La crise de l'Union européenne et la chute de la République romaine (Toucan, 2013) et Que faire ? Vivre avec le déclin de l'Europe (Blauwe Tijger, 2019). Il a  également dirigé un ouvrage collectif, Renovatio Europae - Plaidoyer pour un renouveau hespérialiste de l'Europe (Cerf, 2020).

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    Guerre en Ukraine : le soutien infaillible à Vladimir Poutine, mauvais calcul des russophiles

    Cela fait presque trois quarts de siècle que des parties importantes de l’Europe ont conclu une alliance étroite avec les États-Unis, qui ont non seulement réussi à mettre fin victorieusement à la guerre froide contre l’Union soviétique totalitaire et à surmonter la division de l’Europe, mais aussi à représenter jusqu’à aujourd’hui les intérêts occidentaux sur d’autres continents. Certes, les États-nations européens ont été relégués au rang de partenaires juniors des États-Unis et ont été massivement affectés par l’américanisation, mais cela était déjà prévisible avant la Première Guerre mondiale –, c’est un destin que la plupart des Européens paraissent accepter sans trop de résistance. Mais il semble qu’aujourd’hui, face à l’agression russe contre l’Ukraine, de nombreuses personnes, non seulement en France et en Allemagne, mais aussi dans d’autres parties de l’Europe occidentale, ne se rangent pas du côté de l’agressé et de l’alliance atlantique à laquelle la majorité des Ukrainiens souhaite également adhérer, mais prennent plutôt parti pour la Russie – un fait surprenant, dont la compréhension en dit long sur les lignes de fracture au sein de la société européenne.

    Il est bien connu que les États-Unis se sont rendus impopulaires à gauche de l’échiquier politique et dans une grande partie du monde extra-européen en raison de leur interventionnisme aussi maladroit que faussement moralisant ; et il est également connu que leur promotion de plus en plus agressive d’une idéologie que l’on ne peut plus qualifier que de marxisme culturel leur a valu maints ennemis du côté des conservateurs. De nombreux conservateurs craignent donc, non sans raison, qu’un rattachement de l’Ukraine à l’alliance de défense occidentale ne porte le coup de grâce aux valeurs traditionnelles dans cette partie du monde également, et voient dans une occupation par la Russie, supposée conservatrice, un contrepoids possible. La sympathie de certains conservateurs à l’égard de la Russie ne se limite toutefois pas au contexte ukrainien, mais concerne toute l’Europe, car beaucoup doutent que la domination libéral-gauchiste actuelle tolère encore un retournement interne vers des valeurs plus traditionnelles, et placent donc leurs espoirs dans la Russie en tant que sorte de deus ex machina : plus la Russie devient puissante en Europe, plus la situation a des chances de s’améliorer pour les conservateurs européens, selon leur calcul.

    La Russie est une civilisation à part entière

    Même si ces arguments, pris individuellement, ne sont pas totalement incompréhensibles, ils sont incomplets et problématiques dans leur ensemble. Si l’on fait abstraction de l’odieux cynisme qui consiste à minimiser une guerre d’agression meurtrière et à refuser à l’Ukraine ce droit à l’autodétermination nationale auquel les conservateurs attachent par ailleurs tant d’importance, on constate ici deux erreurs fondamentales: l’idée fausse que la Russie fait partie intégrante de l’Occident et l’assimilation erronée du conservatisme russe au conservatisme européen.

    Comme l’ont souligné à maintes reprises, au moins depuis le XIXe siècle, les penseurs russes eux-mêmes, la Russie est une civilisation à part entière, qui, certes, partage quelques racines avec la civilisation européenne, mais qui les réinterprète de manière autonome et suit en fin de compte une dynamique culturelle d’un tout autre type. Prendre constamment la Russie à partie contre l’Occident et solliciter une “compréhension” bienveillante que l’on n’accorde généralement même pas à ses voisins européens immédiats, surtout en ce qui concerne le droit de la Russie à son propre espace stratégique, ne signifie finalement rien de moins que la désolidarisation avec les intérêts de notre propre civilisation européenne, aussi problématique que soit son cours idéologique actuel – une attitude qui rappelle curieusement la haine de soi des libéral-gauchistes, bien que dans une perspective diamétralement différente. Alors que la gauche méprise l’Occident en raison de sa prétendue culpabilité historique (de la “suprématie blanche” par la “masculinité toxique” jusqu’au “racisme systémique”), et veut délibérément le démanteler, les conservateurs russophiles considèrent leur propre civilisation comme irrémédiablement pervertie et projettent tous leurs espoirs dans la jeune culture russe, qu’ils interprètent le plus souvent comme la seule porteuse d’avenir – en fin de compte, une curieuse forme d’exotisme qui, morphologiquement parlant, présente probablement des motivations similaires à la conversion à l’islam de certains conservateurs d’Europe occidentale.

    La Russie n’est pas un État, mais un monde en soi

    L’autre erreur, étroitement liée à celle-ci, repose sur une incompréhension des priorités idéologiques du régime russe, dont on suppose naïvement qu’il se soucie réellement de l’avenir du “vrai” Occident, qui serait conservateur, chrétien, souverainiste et ethnoculturellement homogène. La réalité est tout autre. Les valeurs conservatrices telles que la garantie de la liberté de l’individu n’ont jamais été une priorité en Russie ; la relation positive avec l’islam, dont l’influence ne cesse de croître, constitue un pilier central du pouvoir de Poutine, qui aime autant s’entourer de popes que d’imams et lance délibérément des mercenaires tchétchènes contre le “peuple frère” ukrainien ; le degré de respect de l’autonomie nationale se manifeste sous nos yeux dans les villes ukrainiennes bombardées ; et l’instrumentalisation des migrants musulmans pour déstabiliser la Pologne montre à suffisance la crédibilité du prétendu engagement pour l’identité culturelle de l’Occident.

    Bien sûr, il faut apprendre à interpréter toutes ces questions du point de vue russe et, pour mieux analyser la situation mondiale, il faut bien sûr aussi développer une meilleure compréhension des intérêts russes, et ce sans préjugés préalables. Mais en tant que patriote européen, l’on devrait aussi reconnaître que la politique russe est, dans de nombreux domaines, incompatible avec les objectifs et les conceptions de base des conservateurs européens. La Russie n’est pas un État, mais un monde en soi, et ne peut pas être classée dans les catégories occidentales typiques d’un “État-nation” sans perdre sa propre essence : à savoir une logique spatiale propre, dans laquelle il ne s’agit rien de moins que de la création (ou du rétablissement) d’un grand espace à dominance russe, mais en fait extrêmement multiculturel, entre la Vistule et l’Amour, qui ne pourra jamais être mis en relation de manière satisfaisante avec le monde fragmenté des multiples petits États européens.

    Cela ne signifie pas que la Russie ne pourra pas un jour être l’alliée orientale d’une puissante fédération d’États européens, mais elle ne se laissera jamais reléguer au rang de membre institutionnel égalitaire d’une telle alliance. Ce ne sont donc pas les intérêts des conservateurs allemands, espagnols ou français qui figurent en tête de la liste des priorités du Kremlin, mais la question de savoir comment la Russie peut redevenir un acteur politique dominant en Eurasie, ce que les voisins occidentaux de la Russie doivent bien ressentir comme une menace réelle, compte tenu de la logique impériale inhérente à la vision russe du monde. Il est certes dans l’intérêt de la Russie d’écarter la menace idéologique de la bien-pensance et du wokisme en soutenant occasionnellement les conservateurs européens pour affaiblir ses adversaires ; mais au plus tard à partir du moment où une Europe conservatrice forte et unie sera effectivement mise en place, les alliés actuels de la Russie constateront que Moscou, pour protéger son flanc ouest, mènera en Europe une politique de divide et impera qui n’aura rien à envier à celle des États-Unis, et que l’on sera allé de Charybde en Scylla…

    David Engels (Valeurs actuelles, 16 mars 2022)

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  • Comment arrive-t-on à la guerre ?...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un entretien donné par Pierre Conesa à Thinkerview, consacré à la situation internationale.

    Agrégé d'histoire et énarque, Pierre Conesa a fait partie dans les années 90 de la Délégation aux affaires stratégiques du Ministère de la défense. Il est l'auteur de plusieurs essais, dont, notamment, Dr. Saoud et Mr. Djihad - La diplomatie religieuse de l'Arabie saoudite (Robert Laffont, 2016), Hollywar - Hollywood, arme de propagande massive (Robert Laffont, 2018), et Le lobby saoudien en France - Comment vendre un pays invendable (Denoël, 2021).

     

                                             

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  • Feu sur la désinformation... (368)

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un numéro de l'émission I-Média sur TV libertés consacrée au décryptage des médias et animée par Jean-Yves Le Gallou, président de la fondation Polémia, et Jules Blaiseau.

    Au sommaire :

    • 1 - L'image de la semaine
      Yvan Colonna, le tueur du préfet Erignac en 1998, est tombé dans un coma profond suite à une agression acharnée par un de ses co-détenus de la prison d'Arles. Retour sur les dessous d'une affaire dont vous n'avez pas entendu tous les détails dans la presse française.
    • 2 - Ukraine : la vérité première victime de la guerre
      Les médias occidentaux relaient la propagande de guerre ukrainienne sans y apporter contradiction ou vérification. Jean-Yves Le Gallou vous réinforme sur le conflit sur 4 sujets majeurs de cette semaine : le témoignage d'Anne-Laure Bonnel, la visite du premier ministre israélien à Poutine, les laboratoires biochimiques américains en Ukraine et l'arrivée de réfugiés "ukrainiens" en France.
    • 3 - Macron : théâtre et magouilles
      Emmanuel est candidat à l'élection présidentielle. Il refuse de débattre avec ses pairs et dit préférer le dialogue direct avec les français. Jean-Yves Le Gallou revient sur le dialogue télévisé bidonné de Poissy et sur les casseroles que traîne le président sortant, pourtant toujours choyé par la caste médiatique.

     

                                                 

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